Texte intégral
La pauvreté nest pas une fatalité. La qualité des propositions suggérées dans les rapports, lénergie déployée ces dernières semaines, me rendent optimistes et confortent ma conviction : la pauvreté nest pas une fatalité, et cette conférence sera la conférence des solutions.
Trouver des solutions suppose avant tout de ne pas se tromper de diagnostic. Je veux saluer le travail remarquable réalisé sous lautorité des « personnalités qualifiées ».
Avec chacune, jai eu un échange nourri. Au-delà de lexpertise, reconnue de tous, jai vu des femmes et des hommes généreux qui ont décidé de mettre leur intelligence au service des plus démunis.
Je remercie tous ceux qui, avec la même sincérité, la même envie, ont participé aux groupes de travail et contribué à dresser un état des lieux et à dessiner des perspectives. Cette somme de compétences et de volonté sera nécessaire, car la pauvreté sest installée dans notre pays avec une vigueur particulière ces dernières années.
On constate depuis 2002, et plus encore depuis 2006, une augmentation jamais connue de la pauvreté : 8,5 millions de Français sont concernés ; un million de personnes de plus quil y a dix ans.
Pour la première fois depuis 2004, le revenu médian des Français a baissé. _ La crise que traverse notre pays est particulièrement dure pour nos concitoyens les plus fragiles, y compris pour celles et ceux quon croyait protégées parce quelles avaient un emploi.
Non seulement la pauvreté frappe durement, mais aujourdhui elle a plusieurs visages.
Elle a le visage de ces immigrés qui sont cantonnés à la précarité et au travail illégal.
Elle a le visage de ces femmes qui vivent seules avec leur enfant. Presque un tiers dentre-elles sont pauvres.
Elle a pris le visage de ces enfants dont le destin semble scellé : désormais la pauvreté shérite de génération en génération.
La pauvreté a pris le visage de ces jeunes qui sont sortis trop tôt de lécole et qui galèrent.
Ces jeunes qui aujourdhui nont rien, ni emploi, ni formation, ni ressource. Cest vers eux que nous devons nous tourner en priorité. Redonner un horizon à la jeunesse de notre pays est la priorité du Président de la République.
Cest pour préserver lavenir de la jeunesse que François Hollande a fait le choix courageux du désendettement de lEtat.
Et cest pour préparer cet avenir que le Président de la République veut réorienter la construction européenne vers plus de croissance, plus demploi, et plus de justice.
Cest pour construire cet avenir que les moyens de léducation nationale ont été augmentés et que nous proposons un pacte pour refonder lécole.
Pour cette jeunesse, pour tous ceux qui souffrent au quotidien et qui se privent de lessentiel, nous devons agir.
Cest dabord une obligation morale. Quand un enfant sur 5 vit dans la pauvreté, ce sont les fondements de la République qui sont atteints. La République, cet idéal qui nous unit, ce projet humaniste qui nous rappelle que nous formons une seule et même communauté, cette République là, exige que chacun vive dans des conditions dignes. Cest aussi une nécessité économique. Un pays comme la France na pas les moyens de se priver dune part considérable de ses forces vives, de ces hommes, de ces femmes qui manquent dargent mais pas dénergie. Le redressement de notre pays entrepris par le Président de la République et le Premier Ministre ne se fera pas en laissant 14% de la population sur le bord du chemin. La France se redressera si elle est unie, si elle est solidaire et si elle sait mettre à profit les compétences de tous.
La France, de lEtat aux collectivités territoriales, des entreprises aux syndicats, la France dans toute sa pluralité, a cette double obligation, morale et économique, dagir pour la solidarité.
Nous agirons avec principes. Le premier de ces principes, cest de respecter les personnes démunies. De les respecter en abandonnant les discours de stigmatisation et de culpabilisation.
La Caisse nationale dallocations familiales évalue à 5% la fraude au RSA. Hors, parallèlement, 68% des personnes éligibles au RSA activité ne le demandent pas ; 2 foyers très modestes sur 3 ne perçoivent pas les 130 euros mensuels auxquels ils ont droit. Il nous faut lutter avec fermeté contre la fraude et en même temps rétablir une vérité essentielle : les personnes démunies ne choisissent pas la pauvreté ; elles nen profitent pas ; elles la subissent !
Je suis attachée à la notion de responsabilité. Cest parce que jy suis attachée, que je refuse quelle soit dévoyée, quelle soit instrumentalisée pour diviser les Français.
La responsabilité, cest celle de la République qui doit garantir les droits de tous. La République sait distinguer le désarroi de labus ; la République sait distinguer la relégation de la fraude ; et elle sait apporter, dans chaque cas, la réponse appropriée !
La responsabilité, cest la méthode choisie par ce Gouvernement : ne pas céder à la politique de lannonce.
Car cest cela aussi le respect : ne pas promettre ce que lon ne saurait tenir. Cette conférence nest pas un aboutissement ; elle est une étape importante pour définir un plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté. Notre action se poursuivra tout au long de notre mandat, avec la même détermination. Tout ne pourra pas être réglé dans limmédiat ; nous sommes lucides. Mais nous voulons avancer, dès maintenant ; et poursuivre notre effort, jusquau bout. Il ne sagit pas de susciter lespoir pour ensuite décevoir.
Nous donnerons à lensemble des acteurs de laction sociale et aux usagers, les moyens de vérifier, en toute indépendance, la mise en oeuvre du plan pluriannuel, den discuter les réussites et les échecs comme nous lavons fait dans la préparation de cette conférence.
Le deuxième principe de notre action, cest de ne pas traiter la pauvreté « à part ».
Les problèmes des personnes les plus démunies, ou de ces familles modestes qui vivent juste au-dessus du seuil de pauvreté, ce sont les problèmes de tous.
Le problème majeur, cest le chômage. On compte dailleurs trois fois plus de chômeurs pauvres que de travailleurs pauvres.
Cest pourquoi politique de lutte contre lexclusion et politique de lemploi se confondent.
Cette bataille de lemploi, le Président de la République et lensemble du Gouvernement, la mènent sur tous les fronts : celui de la réorientation de lEurope, celui de la politique industrielle, celui de la formation, celui du dialogue social. Nous sommes entièrement mobilisés à réduire le chômage qui est un drame individuel et collectif.
Mais être pauvre, cest aussi se priver de ce quil y a de plus essentiel : se nourrir. Plus de 800 000 personnes ont besoin de laide alimentaire pour manger.
Je profite de cette tribune pour réaffirmer la volonté sans faille de ce Gouvernement de se battre pour maintenir le programme européen daide aux plus démunis qui permet à 18 millions deuropéens davoir un repas chaque jour.
Être pauvre, cest abandonner le confort plus élémentaire. 8 millions 500 000 personnes dépensent plus de 10% de leur budget pour se chauffer ; beaucoup nen ont tout simplement pas les moyens.
Être pauvre, cest avoir de grandes difficultés à se soigner. Un Français sur 6 y renonce par manque dargent.
Souvent, être pauvre, cest ne plus pouvoir se loger ; ne plus avoir ce qui est la base de la vie sociale : un foyer. En France, 3,6 millions de personnes sont mal logées et 150 000 sont sans domicile fixe.
Dans tous les cas, être pauvre, cest éprouver le manque ; cest se sentir relégué ; cest subir concrètement, dans sa chair, le poids des inégalités qui se creusent.
Tous ces sujets, nous allons les traiter de manière coordonnée. Chaque ministre recevra, de la part du Premier Ministre et à lissue de la conférence, une feuille de route qui formalisera les engagements volontaristes du Gouvernement.
Le troisième principe de notre action, cest laccès au droit pour tous. Pourquoi des personnes ne demandent pas les prestations auxquelles elles ont droit ?
La complexité des dispositifs, lignorance-même de ces dispositifs, la lassitude, la stigmatisation des bénéficiaires, tout cela participe à ce que des personnes qui ont besoin daide, passent en réalité au travers.
Ce phénomène, cest le non-recours, cest 1 milliard et demi deuros qui nest pas redistribué comme il devrait. 1 milliard et demi deuros qui pourrait changer durablement les conditions de vie de nos concitoyens les plus démunis.
Je veux faire de la lutte contre le non-recours une priorité. Lutter contre le non-recours, cest dire haut et fort ce quest la République, cette communauté qui protège, cette communauté qui élève, cette communauté qui fait le pari de la fraternité.
Pour améliorer nos dispositifs, nous avons tous constaté à loccasion des groupes de travail préparatoires à cette conférence, à quel point la confrontation des points de vue entre experts, acteurs de terrain, et personnes bénéficiaires a été riche et féconde. Les personnes démunies elles-mêmes ont beaucoup de choses à dire sur les politiques qui les concernent.
Leur parole a bousculé les acteurs institutionnels. Au regard de ces apports, je souhaite que lidée de ce « huitième collège » puisse être généralisée dans la conception et le suivi de nos politiques publiques.
Nous ne sommes pas dans lassistanat, nous sommes dans la solidarité. Mesdames, Messieurs,
Tout ne sera pas réglé à lissue de la conférence ; nous le savons. Mais cette conférence est loccasion de mettre la pauvreté au coeur du discours de la République. Un discours de décence : nous avons une dette à légard des personnes démunies, et non linverse ! Un discours de cohésion : sans cohésion, il ny aura pas de redressement. Un discours de justice : la pauvreté est insupportable dans un pays comme la France.
Notre pays restera un grand pays si les principes de la République continuent de nous inspirer. Cest la responsabilité du Gouvernement, cest notre responsabilité.
Je vous remercie.
Source http://www.social-sante.gouv.fr, le 12 décembre 2012