Déclaration de M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, sur la situation politique en Syrie, à Marrakech (Maroc) le 12 décembre 2012.

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Circonstance : 4e Réunion des amis du peuple syrien, à Marrakech (Maroc) le 12 décembre 2012

Texte intégral

Mesdames, Messieurs les Ministres, Chers Collègues,
Je voudrais, en commençant mon propos, remercier, comme nous le faisons tous, à la fois le ministre des affaires étrangères du Maroc et le Roi du Maroc de la générosité et de la qualité de leur accueil.
Chers Collègues et Amis,
Je cherchais deux termes pour résumer la situation de la Syrie et le sens de notre rencontre et ces deux termes me paraissent être : souffrance et espérance. Souffrance parce que, comme nous le savons et comme cela a été fort bien rappelé, chaque jour des dizaines parfois même des centaines de morts, des blessés, des torturés, des déplacés, des menacés, c'est le triste cortège de la réalité syrienne mais aussi, il faut le dire, des pays voisins qui subissent les conséquences dramatiques de cette situation. Et on nous dit maintenant que d'autres menaces, encore plus graves - s'il peut y avoir une gradation dans l'horreur - pourraient intervenir à travers la menace de l'utilisation des armes chimiques.
Souffrance, mais aussi espérance. La dernière réunion des amis du peuple syrien a eu lieu à Paris. Beaucoup d'entre vous y étaient présents, en juillet dernier. Quand je compare la situation d'aujourd'hui avec ce qu'elle était il y a quelques mois, il y a beaucoup de sources d'espérance. D'abord parce qu'une partie importante du territoire syrien a été libéré, même s'il reste menacé ; parce que la légitimité du régime qui était déjà très faible est devenu quasiment nulle ; parce que, depuis lors, comme nous le souhaitions, les forces d'opposition ont su se réunir et il faut chaleureusement féliciter, remercier la coalition et ceux qui l'on permise. Et puis espérance aussi parce que, en très peu de temps - un mois, je pense que c'est un délai sans précédent -, voilà qu'une reconnaissance internationale de la coalition est intervenue.
Tout cela a commencé à la réunion de Doha. La France, avec d'autres, mais c'est notre tradition et notre histoire, a immédiatement souhaité reconnaître la coalition. Et, aujourd'hui, nous sommes une centaine de pays rassemblés. Et le communiqué que nous allons adopter reconnaît la coalition comme seule représentante de la Syrie. En si peu de temps, c'est une occasion d'espérance.
Je voudrais rapidement essayer de répondre à deux questions : Qu'est-ce nous devons faire et qu'est-ce que nous pouvons demander à la coalition, en ce qui nous concerne, nous, ici, représentant nos pays ?
La première chose que nous pouvons faire, que nous devons faire, c'est précisément reconnaître la coalition. Nous le faisons globalement, mais il faut que chacun de nous, dans son pays, si cela n'a pas déjà été fait, le fasse.
Ensuite, nous devons appuyer de toutes les manières possibles sur le plan humanitaire, sur le plan financier - cela vient d'être fait avec beaucoup de générosité - les efforts de la coalition au service du peuple syrien, et le faire le plus souvent et à chaque fois que possible à travers la coalition ; la France l'a fait. On peut, on doit toucher les populations qui en ont besoin à travers la coalition, même si bien sûr d'autres organisations internationales ont leur légitimité.
Reconnaître, appuyer et convaincre autour de nous.
Il a été souligné à juste raison que les Nations unies, si elles veulent mériter leur titre, doivent pouvoir, en fin de compte, avoir une position unique, ce qui n'est malheureusement pas le cas aujourd'hui au Conseil de sécurité. Comment peut-on faire changer les choses ? Par l'action sur le terrain et par la conviction, chacun avec les pays qu'il connaît et, en particulier, vis-à-vis des membres permanents du Conseil de sécurité.
Le président de la coalition a énuméré ce qu'il nous demandait. Eh bien, à nous de répondre.
Mais nous, à notre tour, je pense que nous pouvons demander un certain nombre de choses à la coalition. J'en ai retenu trois :
D'abord, bien sûr, comme c'est sa mission, continuer d'aider la population, faire l'exact inverse de M. Bachar Al-Assad, c'est-à-dire servir la population et non pas se servir de la population.
Ensuite, demander à la coalition, qui a déjà fait un effort considérable en ce sens, de renforcer sa cohésion civile et militaire et d'être en situation, si possible dans peu de temps, de présenter les éléments d'un gouvernement.
Et puis - cela a été souligné, je veux y revenir à mon tour -, garantir les communautés, qu'elles soient minoritaires ou majoritaires, parce que l'un des seuls arguments - et il est misérable - qui reste à Bachar Al-Assad, c'est de dire : «Malgré toutes les horreurs que commet mon régime, avec moi vous serez protégé». Non, personne ne sera protégé. Mais il faut qu'avec la coalition, tout le monde soit protégé. J'ai reçu, encore hier, à Paris, des émissaires d'une communauté chrétienne qui s'interrogent : «Nous ne sommes pas pour Bachar Al-Assad. Mais est-ce qu'avec la coalition nous allons être protégés ?». Il faut que toutes les communautés soient garanties pour que la Syrie soit une.
Chers Amis, quand je vois, comme vous tous, le courage du peuple syrien et des peuples voisins, quand je vois notre nombre, je pense que l'espérance va l'emporter ; je suis confiant (...).
source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 13 décembre 2012