Entretien de M. Bernard Cazeneuve, ministre des affaires européennes, dans "Le Figaro" du 13 décembre 2012, notamment sur la relation franco-allemande dans le cadre européen.

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Q - Le départ annoncé de Mario Monti fragilise-t-il la France, au moment où elle tente d'opposer un front des pays du Sud face à l'Allemagne ?
R - Je veux d'abord rendre hommage à Mario Monti et dire le rôle éminent qu'il a joué en Europe ces derniers mois. Je dois préciser ensuite que François Hollande n'a jamais eu cette stratégie d'alliance avec les pays du Sud pour «contrer» l'Allemagne. Il a toujours considéré que la relation franco-allemande était essentielle et c'est pourquoi il l'a équilibrée et approfondie. Nous avons souhaité, par ailleurs, que cette relation ne soit pas exclusive d'autres relations avec les pays du Sud, notamment. Nous n'avons pas cherché à prendre la tête d'une coalition du Sud contre les pays du Nord, mais à être un trait d'union pour favoriser l'émergence de bons compromis. Il n'y a pas de changement dans la relation franco-allemande, mais un approfondissement et une ouverture à d'autres pays.
Q - Depuis son élection, Français Hollande donne pourtant l'impression de vouloir contrecarrer l'influence de l'Allemagne...
R - Depuis six mois, sur tous les sujets, la France et l'Allemagne ont construit des compromis solides. Il est important que nous puissions nous dire les choses. Une fois que ces choses sont dites, cela débouche sur un compromis. Nous avons obtenu un rééquilibrage de la politique européenne vers la croissance. À propos de la Grèce, l'intégrité de la zone euro est désormais acquise ; quant à la supervision bancaire, nous avons obtenu que toutes les banques soient supervisées.
Q - Alors comment se fait-il qu'à la veille d'un important sommet européen aucune rencontre n'ait lieu entre les deux pays ?
R - Je sais bien que la droite française rêve d'une dégradation de la relation franco-allemande. Elle en rêvera longtemps. Mais le jour où elle se réveillera, elle verra une relation approfondie, équilibrée et confortée. Nous n'avons pas besoin de sténographier la relation franco-allemande pour qu'elle soit forte et régulière. Les gouvernements, les chefs d‘État se parlent en permanence.
Q - Où en est le projet d'union bancaire ?
R - En juin, nous avons décidé de mettre en place la supervision bancaire, qui permettrait la recapitalisation directe des banques. L'idée était de rompre le lien entre dettes bancaires et dette souveraine. Il s'agit désormais de consolider l'union bancaire en entérinant la supervision unique et en la prolongeant d'un mécanisme de résolution des crises bancaires et de garantie des dépôts des épargnants.
Q - L'Allemagne est réticente...
R - Notre doctrine est simple : il faut faire tout de suite ce qui doit être fait. Les urgences de la crise doivent nous amener à agir avec le bon tempo. Alors, bien sûr, les Allemands peuvent avoir du bon tempo une perception parfois différente, le temps devient de ce fait un élément du compromis.
Q - Des élections auront lieu en septembre en Allemagne qui peuvent modifier les rapports de force...
R - Vous souhaitez me faire dire des choses désagréables sur l'Allemagne, que je ne pense pas ! Il y a toujours des considérations électorales qui peuvent entrer en ligne de compte. Cela est vrai en Allemagne comme dans n'importe quel pays européen. Je le redis : faisons dés à présent tout ce qui peut être fait dans le cadre des traités existants. S'il y a besoin de modifier les traités pour aller plus loin, pourquoi ne pas en discuter dans le cadre des élections européennes de 2014 ?
Q - La feuille de route de Herman van Rompuy prévoit le financement, par une «facilité budgétaire» de «contrats de réformes» signés par les États membres. La France est-elle d'accord ?
R - Nous y sommes favorables, mais cela doit porter sur l'ensemble des questions de nature à créer une dynamique de croissance en Europe. La contractualisation doit favoriser la convergence des politiques économiques. Si nul n'envisage de faire l'impasse sur les réformes structurelles, il ne faut pas non plus faire l'impasse sur les initiatives et les investissements de croissance. Cela implique des moyens, donc une capacité budgétaire, mais aussi des émissions obligataires communes. Si nous voulons nous doter d'outils de résistance efficaces face à la crise, il ne faut pas privilégier les logiques en peau de chagrin.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 décembre 2012