Texte intégral
A mon tour, après Benoit HAMON, je souhaite vous dire ma conviction quant à lutilité la nécessité même- de laction que vous menez, et vous dire mon engagement et celui de tout mon ministère- à vos côtés.
Ce nest pas un hasard si cette réunion se tient au Ministère du Travail. Vous y êtes chez vous, depuis longtemps. Les plus anciens se souviennent des premières étapes de reconnaissance de linsertion par lactivité économique, du rapport Praderie, de laction de Martine AUBRY jeune ministre du travail il y a tout juste 20 ans.
Je suis très heureux de cette première occasion qui nous est donnée de dialoguer de façon directe et ouverte. Je souhaite vous entendre et quun dialogue sinstalle, et donc je serai bref dans mon propos.
* Le rôle original et irremplaçable de lInsertion par lActivité Economique
La situation que nous vivons sur le front de lemploi est particulièrement difficile. Dans ses phases aigües, comme aujourdhui, la crise fabrique encore davantage dexclusions, et le retour à lemploi pour ceux qui en ont été éloignés est encore plus ardu.
La tache qui est la notre jinsiste sur ce « nous »-, combattre lexclusion qui menace les plus fragiles, nen est que plus nécessaire. Nous ne devons pas baisser les bras. Je sais que ce nest pas votre état desprit. Notre société, nous tous collectivement, devons permettre le droit à une nouvelle chance pour tous ceux que la vie a maltraité à un moment donné.
Cest à ce droit que vous contribuez. Il est essentiel pour notre pacte social.
Bien sûr, vous le savez, la mise en situation de travail est essentielle, mais souvent ne suffit pas. Pour reprendre durablement la vie professionnelle, la formation est nécessaire. Cest un sujet qui me tient particulièrement à coeur, avec le ministre délégué Thierry Repentin. Nous devons de faire le maximum pour que les salariés en insertion accèdent à la formation et acquièrent les compétences professionnelles nécessaires à laccès au marché du travail. Nous travaillons à lever les freins en déclinant laccord-cadre pour laccès à la formation dans lIAE au niveau régional.
Laccompagnement social est aussi nécessaire, pour aider à résoudre progressivement les difficultés cumulatives que les personnes en insertion peuvent rencontrer. Vous avez ce savoir-faire extrêmement précieux.
Votre originalité, cest deffectuer ce travail daccompagnement dans le cadre de structures économiques ayant une activité de production et inscrites sur des marchés, avec les opportunités que cela comporte mais aussi votre exposition à la concurrence et aux aléas conjoncturels. Vous avez donc, en quelque sorte, deux métiers et toute la difficulté consiste à ce que lun se nourrisse de lautre.
Je veux vous dire que je suis parfaitement conscient de cette difficulté.
Le monde économique est source de grandes incertitudes, qui occupent tout chef dentreprise. La crise profonde que nous traversons accroit encore ces incertitudes et ces tensions.
Le soutien public a pu être aussi sources dincertitudes.
* Le soutien public à lIAE
A mon arrivée, jai pris conscience de la complexité du financement des structures que vous représentez, de la multiplicité des financeurs à mobiliser, de la complexité du montage des dossiers FSE, des tentatives passées de simplification qui ne sont pas parvenues à des résultats concrets.
Cest pourquoi jai souhaité que soit dressé un état des lieux pour y voir plus clair et faire émerger des propositions pour lavenir. La mission que jai confiée, avec Pierre Moscovici et Benoît Hamon, à linspection générale des finances et à linspection générale des affaires sociales nous permettra davancer, et nous aurons à partager ensemble ses conclusions et propositions, pour mettre en oeuvre en 2013 une reforme des modalités de financement de lIAE. Je sais que la mission a déjà eu des échanges avec nombre dentre vous.
Certains dentre vous portent des revendications daugmentation des financements consacrés à lIAE. Je peux le comprendre. Mais je veux vous dire vous redire car vous le savez- que leffort de lEtat en faveur des plus éloignés de lemploi est conséquent. Il augmente au travers un dispositif comme les Emplois dAvenir par exemple, et il ne diminue pas sur les autres dispositifs. Dans le projet de loi de finances pour 2013, dans un contexte que vous connaissez, je me suis battu pour que les crédits soient maintenus à hauteur de 197 millions deuros, pour le financement des aides au poste, de laide à laccompagnement et laide du fonds départemental dinsertion.
LAssemblée Nationale débattra demain jeudi du projet de budget de mon ministère. Certains dentre vous savent que nous y débattrons damendements parlementaires visant à accroitre lengagement budgétaire pour lIAE. Le débat aura lieu demain, je ne veux pas en préjuger, mais si des marges de redéploiement pouvaient être dégagées, je serais évidement favorable à ce que puisse être provisionnée une enveloppe supplémentaire pour accompagner la réforme des modalités de financement de lIAE en 2013.
Par ailleurs et sans attendre cette réforme, je mengage à signer dès à présent les arrêtés permettant laugmentation des plafonds des aides à laccompagnement pour les associations intermédiaires et les ateliers et chantiers dinsertion.
La mobilisation des contrats aidés par le secteur de lIAE a aussi connu un fort accroissement dans les dernières années, le montant des aides correspondantes sest élevé à 550 millions deuros en 2011. La situation du marché du travail a conduit le gouvernement à renforcer la mobilisation des contrats uniques dinsertion en 2012 , et cet effort sera poursuivi, au même rythme, en 2013.
Dautres aides de lEtat viennent abonder les crédits budgétaires : 160 millions deuros dexonérations de cotisations patronales et dexonérations fiscales pour les associations intermédiaires ; 54 millions deuros dallègements de droit commun pour les entreprises dinsertion et les entreprises de travail temporaire dinsertion ; 160 millions deuros dexonérations de cotisations patronales pour les contrats daccompagnement dans lemploi des ateliers et chantiers dinsertion.
Au total, leffort de lEtat pour lIAE représente donc plus de 1 milliard deuros par an, auxquels viennent sajouter les soutiens des conseils généraux, des conseils régionaux et du fonds social européen.
* Les Emplois dAvenir
Un mot sur les Emplois dAvenir. Depuis le 1er novembre, toutes les structures de lIAE toutes !- ont la possibilité de recruter en emploi davenir. Les entreprises dinsertion et les GEIQ qui exercent dans le secteur marchand pourront bénéficier dun taux de prise en charge plus favorable que les autres entreprises : 47 %, c'est-à-dire le taux maximum autorisé dans le cadre des contrats aidés du secteur marchand. Je sais que certains auraient espéré un dispositif différent, mais je suis persuadé que certaines de vos entreprises auront à coeur de prendre leur part à ce mouvement des Emplois dAvenir.
* LIAE est un terrain dinnovation
Mais le potentiel de développement de lIAE ne repose pas que sur les aides publiques. Les structures de lIAE connaissent pour beaucoup dentre elles un formidable dynamisme économique, que je souhaite encourager. Sur les territoires, vous répondez à des besoins souvent non-satisfaits, avec un professionnalisme et des savoir-faire que pourraient vous envier nombre dentreprises.
Les nombreuses expérimentations mise en oeuvre ces dernières années ont démontré, sil en était besoin, les capacités dinnovation du secteur. Je pourrais citer lexpérimentation menée avec les structures volontaires dans le Haut-Rhin, le Doubs, la Gironde et le Rhône, qui doit sachever dici la fin de lannée. Ou encore laccord-cadre conclu avec les groupes ADECCO INSERTION, VITAMINE T et IDEES, groupes engagés depuis de nombreuses années dans la mise en oeuvre de méthodes innovantes pour lutter contre lexclusion.
Le secteur de lIAE est un véritable laboratoire, avec beaucoup de projets innovants, comme lexpérimentation de durées dérogatoires de parcours pouvant aller jusquà 5 ans en contrat aidé pour des publics très éloignés de lemploi, dans le cadre du projet EPIDA avec des ateliers et chantiers dinsertion de la région Rhône-Alpes, le Secours Catholique et le Réseau des Jardins de Cocagne. Ou encore le projet CONVERGENCE mené par Emmaüs Défi à Paris.
* Rapprocher lIAE et le monde des entreprises
Je crois quil est nécessaire de poursuivre le rapprochement avec le monde économique, tant pour le développement de vos structures que pour laccès à lemploi des personnes que vous accompagnez. Pour ce faire, les « clauses sociales » peuvent être un bon outil pour créer des ponts entre les structures dIAE et les entreprises. Nous avons encore dimportantes marges de progrès dans cette direction.
Il nous faut également approfondir le travail sur les transitions pour les personnes sortant de lIAE. Aujourdhui, trop de parcours réussis dans la structure dinsertion ne se prolongent pas naturellement dans une autre entreprise. Nous savons à quel point est difficile alors limpression, pour les personnes comme pour ceux qui les ont accompagnées, de devoir tout reprendre à zéro. Pour faciliter ces transitions, vous travaillez sur plusieurs pistes : la poursuite de laccompagnement dans lemploi en entreprise peut être un axe essentiel, mais aussi le caractère progressif des sorties avec la possibilité dallers-retours si besoin. Là encore je serai intéressé à vous entendre.
* La conférence de lutte contre la pauvreté et pour linclusion sociale
Toutes ces réflexions, je sais que vous les menez dans le cadre de la préparation de la conférence de lutte contre la pauvreté et pour linclusion sociale de décembre prochain, au sein du groupe de travail animé par Jean-Baptiste de Foucauld et Catherine Barbaroux au sein duquel lIAE est largement représentée. Pour préparer cette conférence, nous souhaitons nous appuyer sur vous, sur les actions qui fonctionnent, réfléchir avec les principaux intéressés, des personnes en situation de pauvreté sont dailleurs présentes dans chacun des groupes de travail préparatoires.
* Questionner notre modèle social
Plus profondément, la question que vous posez est celle de notre modèle social. Ce modèle est généreux et jy suis évidement très attaché, mais je constate quil souffre aujourdhui dune forme de dualité à lintérieur de laquelle tout le monde ne trouve pas sa place :
dun côté, un versant assurantiel, assez consensuel, dans lequel le fait dêtre en emploi et davoir déjà des droits génère dautres droits : droit à une indemnisation du chômage, droit à la retraite.
De lautre côté, un versant plus universel qui couvre ceux qui nont aucun de ces droits, je pense à la couverture maladie universelle, je pense à la mise en place du RMI, de belles et grandes réformes de la gauche.
Mais restent encore aujourdhui des personnes en zone grise qui peinent à faire valoir leurs droits : cest le cas de tous les travailleurs pauvres, frappés par le développement de lemploi précaire, cest aussi le cas des jeunes, qui sont la catégorie de la population la plus touchée par la pauvreté.
Pour réconcilier ces logiques,
nous avons besoin de remettre le travail au coeur de notre modèle social, un travail de qualité, sappuyant sur les capacités dinnovation des personnes et sur leur autonomie.
Nous avons besoin de casser les logiques institutionnelles pour partir des personnes.
Nous avons besoin dinnovateurs et dentrepreneurs sociaux,
Nous avons besoin des partenaires sociaux. La négociation actuelle sur la sécurisation de lemploi permettra, je lespère, de faire reculer la précarité qui nest pas étrangère à notre sujet
Nous avons besoin de toutes les parties prenantes dont vous êtes au premier chef
Je vous redis, avec Benoît Hamon, que nous faisons confiance au travail que vous menez au quotidien sur les territoires. Vous savez notre exigence, mais aussi notre volonté de faire le maximum pour faciliter votre action et le développement de vos structures. Nous resterons à votre écoute et attentifs aux projets que vous pourrez porter.
Je vous remercie.
Source http://iledefrance.chantierecole.org, le 30 novembre 2012