Texte intégral
Q - Le président Hollande, contrairement à ses ministres et à son Premier ministre, n'a pas cherché à blâmer Gérard Depardieu pour son exil fiscal. Finalement, le président a-t-il raison et tous les autres ont tort ?
R - Je ne crois pas que le président ait raison et les autres torts. Le président a dit qu'il fallait cesser la polémique sur ce sujet. M. Gérard Depardieu est très blessé, il le dit, il le prouve par ses actes.
Q - A-t-il raison de s'être senti injurié lorsque l'on voit les remarques des différents membres du gouvernement qui sont vos collègues ?
R - Vous savez, c'est un sujet qui me déplaît énormément. Je représente deux millions et demi de Français et c'est vrai que l'image de l'exilé fiscal continue à coller à ces Français. Sur les 200.000 Français qui vivent en Belgique aujourd'hui, sincèrement, il y en a certes quelques milliers qui sont là parce qu'ils ont envie de protéger ce qu'ils ont gagné en France ou ailleurs mais les autres travaillent. Ils ont un profil socio-économique que l'on retrouve partout dans les autres pays et en France aussi. Ce cliché est assez agaçant et très mal perçu chez les Français de l'étranger. Je suis très triste parce qu'aujourd'hui, nous parlons de Gérard Depardieu et nous ne parlons pas de Michel Houellebecq qui revient au bout de dix ans.
Q - Il revient au bout de dix ans pour des raisons qui, dit-il, lui sont personnelles.
R - C'est peut-être aussi parce que la pluie irlandaise commençait de lui déplaire et surtout, il a dit aussi qu'il souhaitait revenir pour parler la langue française. Lorsque l'on sait que Gérard Depardieu a joué des rôles tels Danton et Cyrano, on se dit que, s'il doit s'exiler un peu, il reviendra peut-être aussi parce qu'il aura aussi envie de reparler la langue française.
Q - Ce n'est pas si sûr lorsque l'on voit ce qu'il propose, c'est-à-dire rendre son passeport. L'exil fiscal de l'acteur est certes choquant pour un grand nombre de personnes, mais derrière les phrases du gouvernement, on perçoit une petite musique - vous nous direz si c'est le cas pour vous - qui voudrait qu'il y ait des patriotes et d'autres pas, de bons Français et d'autres pas. Si on va plus loin, des bons patrons et d'autres pas. Votre sémantique peut-elle parfois diviser les Français ?
R - Il y a une grosse frustration aujourd'hui. C'est vrai que l'ensemble du gouvernement est lancé dans cette lutte contre le chômage pour redresser le pays. On se rend bien compte que le pays traverse une crise extraordinairement difficile et profonde. Il y a une grosse frustration de se dire qu'à un moment où l'on demande à chacun, à chaque Français et aux Français de l'étranger aussi de participer à l'effort du pays, que finalement certains, comme M. Depardieu, choisissent de quitter le bateau et de partir. Je crois que c'est l'expression de cette frustration, se dire que ce n'est pas le moment. Il faut vraiment que l'on se serre les coudes. Nous pensons, c'est en tout cas ce qu'a proposé François Hollande, que cette taxation à 75 % sera passagère, simplement parce que fin 2013 nous espérons pouvoir commencer à sortir du trou. C'est l'expression de tout cela, se dire que vraiment, ce n'est pas le moment.
Q - Et vous êtes bien d'accord que M. Depardieu ne fait rien d'illégal en fait, qu'il ne fait qu'appliquer un traité, une convention fiscale qui a été signée par l'État français avec la Belgique.
R - Oui, mais en même temps, les exilés fiscaux échappent à l'impôt.
Q - Oui mais nous avons signé cette convention fiscale en 2008 !
R - Oui et c'est peut-être pour cela qu'il faudrait commencer à avoir le courage politique de regarder à nouveau de très près certaines conventions fiscales entre différents pays et aussi de rechercher une harmonisation fiscale qui ferait qu'il n'y aurait pas des Français qui iraient en Belgique, des Belges qui vont au Royaume-Unis, des Anglais à Monaco...
Q - Il faut bien dire qu'il n'y a pas beaucoup d'Européens qui viennent à Paris.
R - Si quand même.
Q - M. Gilles Carrez qui est le président de la Commission des finances à l'Assemblée nationale vous a interpellée concernant le sujet des exilés fiscaux. Il demande des statistiques pour jauger le flux de départ. Il pense qu'il y a non pas une hémorragie mais véritablement un mouvement de départ. Pourquoi sa demande est-elle restée lettre morte ?
R - Parce que c'est parfaitement impossible.
Q - Pourquoi le demande-t-il alors ? C'est bizarre de la part d'un homme avisé comme lui !
R - Certains ont aussi demandé à déchoir de la nationalité française des gens qui partaient justement à l'étranger pour devenir des exilés fiscaux. C'est parfaitement impossible aussi. Tout le monde peut demander n'importe quoi, ce n'est pas pour cela que la réalité va changer. Dans l'espace Schengen, chaque citoyen européen a le droit de se déplacer où il veut et on peut imaginer que quelqu'un qui souhaite aller en Belgique justement parce qu'il souhaite ne plus payer ses impôts en France ne va pas forcément aller déclarer au consulat de France la raison pour laquelle il décide de résider en Belgique.
Q - Donc, vous dites ce soir qu'il n'y a pas de flux, qu'il n'y a pas de départs massifs ?
R - Non, parce que nous pourrions voir dans les écoles françaises s'il y avait une arrivée massive en Belgique, ce qui n'est pas du tout le cas, qu'en effet, des familles quitteraient la France pour s'installer en Belgique. Ce n'est pas le cas aujourd'hui.
Q - Vous allez très souvent à la rencontre de cette communauté à l'étranger, les expatriés, tous les Français installés dans le monde. Que vous disent-ils, dans les pays où ils sont installés, comment voient-ils la France, son influence, son poids ?
R - Ce que je note, c'est que les Français continuent à rester Français et parfois, ils se sentent encore plus Français lorsqu'ils sont loin du pays, tout simplement parce qu'ils aiment leur langue, ils aiment leur culture et ils ont envie de se battre pour leur pays. Aujourd'hui, dans mes déplacements, je rencontre de plus en plus de Français qui ont envie de s'impliquer, qui me demandent de quelle manière ils peuvent participer au redressement de la France. Le message du gouvernement est clair, il est fort.
Q - Et vous leur dites «venez payer vos impôts en France» ?
R - Pas nécessairement. Ces gens-là ont décidé d'habiter ailleurs, parfois très loin, mais ils ont envie de s'impliquer et ils me demandent comment ils peuvent participer à différentes concertations qui ont été lancées, comment ils peuvent donner leurs idées, comment ils peuvent témoigner de ce qui a réussi à l'étranger et qui pourrait peut-être servir de modèle ici. Il y a une vraie volonté de participation.
Q - Cela a été votre cas car vous avez habité loin, longtemps, plus de 25 ans je crois en Irlande et vous êtes née en Algérie. Vous étiez professeur d'université. Qu'est-ce qui a fait que vous êtes revenue ?
R - Oui, je suis partie au nord pour revenir au sud auquel j'appartiens. Je suis revenue parce que j'ai été élue au Sénat, j'ai donc quitté mon poste de professeur d'université où je dirigeais un département de langues à l'université de Dublin. Je suis toujours restée française, j'ai toujours voulu et revendiqué d'être française à l'étranger. Mon expatriation était finalement une recherche de l'apprentissage d'une autre langue au départ, d'une autre culture, mais qui se sont superposées à celle que je possédais et qui était mon identité.
Q - Je disais que vous étiez née en Algérie. À venir, il y a ce déplacement important, cette visite d'État du président Hollande en Algérie. Il y a un sujet en particulier que je voudrais aborder avec vous c'est la délivrance de visas aux Algériens désireux de venir en France. Plaidez-vous pour une délivrance plus facile de ces visas ?
R - Elle est déjà assez facile puisque nous délivrons 200 000 visas par an aux Algériens qui viennent en France.
Q - Ce n'est pas ce qui est dit de l'autre côté de la Méditerranée, semble-t-il.
R - Certes, c'est vrai que nous avons besoin de continuer à faciliter la mobilité dans les deux sens et je vais d'ailleurs travailler avec mon homologue, le secrétaire d'Etat chargé de la communauté algérienne à l'étranger, ce jeudi pour tenter de souligner aussi que, de leur côté, les Algériens ont aussi des progrès à faire pour les Français qui ont des difficultés parce qu'ils ont un visa pour une seule entrée.
Q - Donc, vous plaidez pour la réciprocité.
R - Ce que nous voudrions, c'est que des hommes d'affaire qui vont régulièrement en Algérie puissent avoir des visas de circulation, comme nous en délivrons aux Algériens.
Q - Ce que je retiens, c'est que vous voulez la réciprocité à la fois pour les visas algériens et pour les Français qui souhaitent se rendre en Algérie. Est-ce bien cela ?
R - Oui, absolument.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 décembre 2012
R - Je ne crois pas que le président ait raison et les autres torts. Le président a dit qu'il fallait cesser la polémique sur ce sujet. M. Gérard Depardieu est très blessé, il le dit, il le prouve par ses actes.
Q - A-t-il raison de s'être senti injurié lorsque l'on voit les remarques des différents membres du gouvernement qui sont vos collègues ?
R - Vous savez, c'est un sujet qui me déplaît énormément. Je représente deux millions et demi de Français et c'est vrai que l'image de l'exilé fiscal continue à coller à ces Français. Sur les 200.000 Français qui vivent en Belgique aujourd'hui, sincèrement, il y en a certes quelques milliers qui sont là parce qu'ils ont envie de protéger ce qu'ils ont gagné en France ou ailleurs mais les autres travaillent. Ils ont un profil socio-économique que l'on retrouve partout dans les autres pays et en France aussi. Ce cliché est assez agaçant et très mal perçu chez les Français de l'étranger. Je suis très triste parce qu'aujourd'hui, nous parlons de Gérard Depardieu et nous ne parlons pas de Michel Houellebecq qui revient au bout de dix ans.
Q - Il revient au bout de dix ans pour des raisons qui, dit-il, lui sont personnelles.
R - C'est peut-être aussi parce que la pluie irlandaise commençait de lui déplaire et surtout, il a dit aussi qu'il souhaitait revenir pour parler la langue française. Lorsque l'on sait que Gérard Depardieu a joué des rôles tels Danton et Cyrano, on se dit que, s'il doit s'exiler un peu, il reviendra peut-être aussi parce qu'il aura aussi envie de reparler la langue française.
Q - Ce n'est pas si sûr lorsque l'on voit ce qu'il propose, c'est-à-dire rendre son passeport. L'exil fiscal de l'acteur est certes choquant pour un grand nombre de personnes, mais derrière les phrases du gouvernement, on perçoit une petite musique - vous nous direz si c'est le cas pour vous - qui voudrait qu'il y ait des patriotes et d'autres pas, de bons Français et d'autres pas. Si on va plus loin, des bons patrons et d'autres pas. Votre sémantique peut-elle parfois diviser les Français ?
R - Il y a une grosse frustration aujourd'hui. C'est vrai que l'ensemble du gouvernement est lancé dans cette lutte contre le chômage pour redresser le pays. On se rend bien compte que le pays traverse une crise extraordinairement difficile et profonde. Il y a une grosse frustration de se dire qu'à un moment où l'on demande à chacun, à chaque Français et aux Français de l'étranger aussi de participer à l'effort du pays, que finalement certains, comme M. Depardieu, choisissent de quitter le bateau et de partir. Je crois que c'est l'expression de cette frustration, se dire que ce n'est pas le moment. Il faut vraiment que l'on se serre les coudes. Nous pensons, c'est en tout cas ce qu'a proposé François Hollande, que cette taxation à 75 % sera passagère, simplement parce que fin 2013 nous espérons pouvoir commencer à sortir du trou. C'est l'expression de tout cela, se dire que vraiment, ce n'est pas le moment.
Q - Et vous êtes bien d'accord que M. Depardieu ne fait rien d'illégal en fait, qu'il ne fait qu'appliquer un traité, une convention fiscale qui a été signée par l'État français avec la Belgique.
R - Oui, mais en même temps, les exilés fiscaux échappent à l'impôt.
Q - Oui mais nous avons signé cette convention fiscale en 2008 !
R - Oui et c'est peut-être pour cela qu'il faudrait commencer à avoir le courage politique de regarder à nouveau de très près certaines conventions fiscales entre différents pays et aussi de rechercher une harmonisation fiscale qui ferait qu'il n'y aurait pas des Français qui iraient en Belgique, des Belges qui vont au Royaume-Unis, des Anglais à Monaco...
Q - Il faut bien dire qu'il n'y a pas beaucoup d'Européens qui viennent à Paris.
R - Si quand même.
Q - M. Gilles Carrez qui est le président de la Commission des finances à l'Assemblée nationale vous a interpellée concernant le sujet des exilés fiscaux. Il demande des statistiques pour jauger le flux de départ. Il pense qu'il y a non pas une hémorragie mais véritablement un mouvement de départ. Pourquoi sa demande est-elle restée lettre morte ?
R - Parce que c'est parfaitement impossible.
Q - Pourquoi le demande-t-il alors ? C'est bizarre de la part d'un homme avisé comme lui !
R - Certains ont aussi demandé à déchoir de la nationalité française des gens qui partaient justement à l'étranger pour devenir des exilés fiscaux. C'est parfaitement impossible aussi. Tout le monde peut demander n'importe quoi, ce n'est pas pour cela que la réalité va changer. Dans l'espace Schengen, chaque citoyen européen a le droit de se déplacer où il veut et on peut imaginer que quelqu'un qui souhaite aller en Belgique justement parce qu'il souhaite ne plus payer ses impôts en France ne va pas forcément aller déclarer au consulat de France la raison pour laquelle il décide de résider en Belgique.
Q - Donc, vous dites ce soir qu'il n'y a pas de flux, qu'il n'y a pas de départs massifs ?
R - Non, parce que nous pourrions voir dans les écoles françaises s'il y avait une arrivée massive en Belgique, ce qui n'est pas du tout le cas, qu'en effet, des familles quitteraient la France pour s'installer en Belgique. Ce n'est pas le cas aujourd'hui.
Q - Vous allez très souvent à la rencontre de cette communauté à l'étranger, les expatriés, tous les Français installés dans le monde. Que vous disent-ils, dans les pays où ils sont installés, comment voient-ils la France, son influence, son poids ?
R - Ce que je note, c'est que les Français continuent à rester Français et parfois, ils se sentent encore plus Français lorsqu'ils sont loin du pays, tout simplement parce qu'ils aiment leur langue, ils aiment leur culture et ils ont envie de se battre pour leur pays. Aujourd'hui, dans mes déplacements, je rencontre de plus en plus de Français qui ont envie de s'impliquer, qui me demandent de quelle manière ils peuvent participer au redressement de la France. Le message du gouvernement est clair, il est fort.
Q - Et vous leur dites «venez payer vos impôts en France» ?
R - Pas nécessairement. Ces gens-là ont décidé d'habiter ailleurs, parfois très loin, mais ils ont envie de s'impliquer et ils me demandent comment ils peuvent participer à différentes concertations qui ont été lancées, comment ils peuvent donner leurs idées, comment ils peuvent témoigner de ce qui a réussi à l'étranger et qui pourrait peut-être servir de modèle ici. Il y a une vraie volonté de participation.
Q - Cela a été votre cas car vous avez habité loin, longtemps, plus de 25 ans je crois en Irlande et vous êtes née en Algérie. Vous étiez professeur d'université. Qu'est-ce qui a fait que vous êtes revenue ?
R - Oui, je suis partie au nord pour revenir au sud auquel j'appartiens. Je suis revenue parce que j'ai été élue au Sénat, j'ai donc quitté mon poste de professeur d'université où je dirigeais un département de langues à l'université de Dublin. Je suis toujours restée française, j'ai toujours voulu et revendiqué d'être française à l'étranger. Mon expatriation était finalement une recherche de l'apprentissage d'une autre langue au départ, d'une autre culture, mais qui se sont superposées à celle que je possédais et qui était mon identité.
Q - Je disais que vous étiez née en Algérie. À venir, il y a ce déplacement important, cette visite d'État du président Hollande en Algérie. Il y a un sujet en particulier que je voudrais aborder avec vous c'est la délivrance de visas aux Algériens désireux de venir en France. Plaidez-vous pour une délivrance plus facile de ces visas ?
R - Elle est déjà assez facile puisque nous délivrons 200 000 visas par an aux Algériens qui viennent en France.
Q - Ce n'est pas ce qui est dit de l'autre côté de la Méditerranée, semble-t-il.
R - Certes, c'est vrai que nous avons besoin de continuer à faciliter la mobilité dans les deux sens et je vais d'ailleurs travailler avec mon homologue, le secrétaire d'Etat chargé de la communauté algérienne à l'étranger, ce jeudi pour tenter de souligner aussi que, de leur côté, les Algériens ont aussi des progrès à faire pour les Français qui ont des difficultés parce qu'ils ont un visa pour une seule entrée.
Q - Donc, vous plaidez pour la réciprocité.
R - Ce que nous voudrions, c'est que des hommes d'affaire qui vont régulièrement en Algérie puissent avoir des visas de circulation, comme nous en délivrons aux Algériens.
Q - Ce que je retiens, c'est que vous voulez la réciprocité à la fois pour les visas algériens et pour les Français qui souhaitent se rendre en Algérie. Est-ce bien cela ?
R - Oui, absolument.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 décembre 2012