Déclaration de M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre, sur le développement des relations économiques entre la France et le Maroc au moyen de la colocalisation, la simplification des formalités pour l'obtention de visas et la réforme des bourses d'études, à Rabat le 13 décembre 2012.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Visite officielle au royaume du Maroc les 12 et 13 décembre 2012 - Réception de la communauté française à la résidence de l'ambassadeur de France, au Maroc le 13

Texte intégral

Mesdames, Messieurs, chers compatriotes, merci d’être là en cet instant à la résidence de l’ambassadeur de France en pleine journée. Ce n’est pas forcément facile pour tout le monde.
Je suis d’autant plus sensible à votre présence et puis je vous remercie de votre patience, d’avoir attendu un peu. Et je suis heureux d’être ici avec les ministres qui m’accompagnent pour vous saluer. La présidente de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, les parlementaires et Monsieur l’ambassadeur, merci d’avoir organisé cette réception.
C’est vrai que ce n’est pas ma première visite au Maroc mais c’est ma première visite ici en tant que chef du gouvernement. Et, bien sûr, j’ai tenu à rencontrer la communauté française. Vous n’êtes pas tous venus et je le comprends bien. Si vous étiez tous venus, il aurait fallu beaucoup plus de place parce que vous êtes la communauté française de ce continent la plus nombreuse (quarante-cinq mille inscrits). C’est vraiment très important et je voulais donc vous saluer. À travers vous, saluer tous les Français, tous les couples franco-marocains aussi, les familles qui se sont constituées et aussi les histoires humaines, les histoires professionnelles, les histoires particulières mais qui aussi sont représentatives d’un lien particulier entre la France et le Maroc.
Donc merci d’être là et merci aussi pour votre dynamisme, votre connaissance intime de ce pays magnifique avec lequel la France a un lien si particulier, un lien étroit et qui parfois surprend, qui fait que lorsqu’on arrive ici, eh bien, spontanément, on se sent bien. Et je comprends que vous soyez attachés aussi à vivre ici et construire vos vies, construire des aventures personnelles, professionnelles. Certains sont là de passage. Là, je rencontre un couple à l’instant que ma femme et moi nous connaissons, de Nantais qui sont venus pour un contrat de cinq ans et ils vont repartir. C’est peut-être le lot de certains d’entre vous. Et ils repartiront, bien sûr, avec le plaisir de retrouver la France qu’on ne quitte jamais, dont on garde toujours au coeur, évidemment, la passion, mais ils partiront sûrement avec un peu de nostalgie de tout ce qu’ils ont construit ici, des liens qu’ils ont tissés.
Alors, pour tout ça, moi, je vous dis un grand merci parce que vous êtes aussi un lien, un lien étroit entre le Maroc et la France. Et entre la France et le Maroc, il y a une importance à cultiver ce lien, c’est tout ce que nous avons dit pendant ce bref séjour mais qui a été intense. La rencontre avec le roi Mohammed VI hier, l’audience qu’il nous a accordée, accompagné par Laurent FABIUS. Et il faut reconnaître que nous sommes vite sortis du cadre formel de la rencontre et qu’on a bien vu que ce n’était pas un hasard si le roi du Maroc avait été le premier visiteur, en tant que chef d’État étranger, du président de la République, François HOLLANDE, après son élection le 24 mai et qu’il y a un désir profond de cultiver cette relation particulière sur le plan politique, sur le plan stratégique mais aussi sur le plan économique, sur le plan culturel. Et tout cela a été abordé tout au long de nos échanges avec le chef du gouvernement, avec l’ensemble des ministres, mais aussi avec les chefs d’entreprise franco-marocains que j’ai rencontrés hier à la conclusion de leur forum très utile.
Alors tous ces échanges se sont traduits par une signature incroyable de conventions avec l’AGENCE FRANÇAISE DE DÉVELOPPEMENT qui apporte son concours financier, mais aussi avec plusieurs ministères français et marocains sur plusieurs sujets. Je ne vais, bien sûr, pas les évoquer là. Mais sur le plan du développement économique, il y a un accord qui a été signé qui est assez particulier parce qu’il développe un concept nouveau qui est le concept de la colocalisation. Et vous savez bien que cette question est sensible en France qui est la question des délocalisations. Et là, je crois qu’il faut voir les choses en face.
L’expérience montre que lorsque des entreprises – et j’ai pris l’exemple d’EADS et d’AIRBUS ou même de SAFRAN – installent ici des usines et fabriquent des éléments d’un processus industriel, ça crée de la valeur ajoutée pour le groupe ici, au Maroc, mais ça crée des emplois pour le Maroc, ça fait vivre aussi des sociétés de services qui concourent à ces entreprises, mais ça crée aussi de la valeur ajoutée en France et ça renforce aussi les capacités du groupe en question à investir dans la recherche et développement. Et donc on est dans une démarche gagnant-gagnant, une démarche en quelque sorte où la coproduction industrielle bénéficie aux deux pays.
Et ça, c’est essentiel parce qu’il faut lever toute ambiguïté. Dans les relations économiques et commerciales que nous avons avec le Maroc, la France est bénéficiaire et donc on pourrait, nous, raisonner en écoutant aussi le raisonnement des Marocains. Les Marocains pourraient aussi se dire : mais alors, est-ce que c’est tout pour la France et pas assez pour le Maroc ? Eh bien nous avons dépassé cette approche. Et donc, ce concept de coproduction, de co-investissement, de colocalisation, nous allons le mettre en oeuvre concrètement.
Et ça, je crois que c’est porteur pour l’avenir. D’autant que ce qui se passe du côté nord de la Méditerranée, notamment en France, mais aussi dans le reste de l’Europe, a un impact sur ce qui se passe au sud de la Méditerranée et donc en particulier au Maroc. Et c’est la raison pour laquelle la politique de redressement qui est engagée par le président de la République depuis le 6 mai et le gouvernement, soutenu par sa majorité parlementaire, est très importante !
Elle a consisté d’abord à investir fortement sur le plan politique pour stabiliser la zone euro. Nous sommes en train d’en sortir. Ce n’est pas sans mal, ce n’est pas sans peine, mais c’est essentiel car la croissance doit repartir et elle repartira de la zone euro ! Et la croissance repartira, elle aura un impact, bien entendu, sur les pays de la zone euro dont la France, mais elle aura un impact immédiat aussi pour les pays qui, comme le Maroc, on fait le choix d’une alliance stratégique avec l’Europe et que nous n’avons pas le droit de décevoir parce que c’est leur propre développement qui est aussi en cause. Le nôtre et le leur vont de pair et, bien sûr, la croissance mondiale !
Alors, ce chantier-là, il est engagé mais il est engagé aussi pour la France. Et je vous le dis parce que, bien sûr, vous suivez, vous êtes Français, vous suivez attentivement, passionnément souvent sur ce qui se passe en France. D’ailleurs, tous les Marocains suivent la vie politique française. C’est marrant parce que moi, je disais : ils ne sont quand même pas au courant de tous les détails. Eh ben si ! Si, la télévision le matin, le midi, le soir, parfois mieux informés que les Français eux-mêmes, mais quand même avec une différence, un certain recul.
Et je le dis souvent lorsque je me déplace à l’étranger. Pas beaucoup, rassurez-vous, je consacre l’essentiel de mon temps à mon travail de Premier ministre. Mais là, à chaque fois, j’ai ce sentiment que quand on est un peu éloigné – le Maroc, c’est tout près –, mais quand on est à l’autre bout du monde (en Asie), on a toujours un regard plus objectif, au fond, sur la France et on voit les capacités, les atouts de la France et on a sans doute une passion encore plus grande, encore plus affective pour notre pays et ses valeurs et ce qu’il représente, mais surtout ses atouts, sa force, sa capacité !
Et ce que je voudrais vous faire partager comme message aujourd’hui, c’est que le chantier qui est engagé en France – et pas seulement sur la dimension européenne que je viens d’évoquer, mais aussi ce que nous faisons pour redresser nos comptes publics, faire reculer la dette et les déficits tout en finançant nos priorités (je pense à l’éducation, la formation professionnelle, la recherche mais aussi la politique de l’emploi) et puis tous les autres grands chantiers comme la transition énergétique, la décentralisation –, eh bien tous ces efforts que nous faisons, je crois, vont dans le sens de remettre la France sur les rails, de la rendre plus forte. Mais elle peut le faire, elle peut le réussir ! Et vous qui vivez ici, qui vivez, qui travaillez ici, au Maroc, qui y avez pour beaucoup d’entre vous construit votre vie, vous savez bien que la France est capable de réussir.
Et les premiers mots que j’ai entendus, ils sont venus du chef du gouvernement, ici, en arrivant, qui m’a dit : « Mais ne soyez pas pessimistes, les Français. Parfois, vous l’êtes un peu trop. Est-ce que vous vous rendez compte que vous êtes une grande nation, un grand pays et un pays puissant qui, certes, rencontre des difficultés ? » Et moi, je vous le dis, qui est en train de les traiter et de les régler. Mais qui ne les règlera que si la France est fidèle à elle-même et que si tout ce que nous entreprenons se fait avec le souci de la justice et aussi de la solidarité, mais aussi le souci de la fraternité, c’est-à-dire la fidélité à nos valeurs.
Alors, voilà ces quelques mots que je voulais vous dire en abordant, si vous voulez bien, quelques points précis qui vous concernent. Et là, il faut que je retrouve mes notes si vous me permettez quelques instants de patience. Et je crois que je vais y arriver. En tout cas, avant de retrouver ce passage de mon discours, je vous confirme que François HOLLANDE, président de la République, a répondu favorablement à l’invitation de Sa Majesté le roi Mohammed VI et effectuera au début de l’année prochaine une visite au Maroc. C’est très important ! Il y aura sans doute, là, l’occasion de confirmer un certain nombre d’accords et d’engagements que j’ai pris avec les ministres qui m’accompagnent, avec les membres du gouvernement marocain.
Et je dois dire qu’hier, la cérémonie d’inauguration du tramway de Casablanca par le roi Mohammed VI a été un moment très important. Là, je crois qu’on peut se féliciter et c’est une illustration concrète de ce que je vous disais. Une entreprise française, un grand groupe, ALSTOM, mais des entreprises sous-traitantes françaises de haute technologie, mais aussi demain, RATP DÉVELOPPEMENT qui va assurer la gestion du réseau, pas seulement la première ligne mais aussi préparer le développement d’un réseau complet qui va transformer la vie et, je dirais, la qualité de vie aussi des habitants de Casablanca et qui sera un élément supplémentaire de son attractivité. Mais ce sont aussi des entreprises marocaines qui sont partenaires ! Des entreprises qui ont montré leur savoir-faire. Donc le gagnant-gagnant dont je vous parlais, nous l’avons illustré hier. Et j’étais frappé de voir à quel point la population qui était là, les hommes et les femmes et beaucoup de jeunes, beaucoup de jeunes qui étaient là étaient heureux de cet événement. Et c’est un signe fort aussi de confiance.
Et pour nous, le Maroc est un pôle de stabilité dans cette région. Il a fait le choix des réformes courageuses. Il faudra du temps sûrement, il faudra beaucoup d’efforts et il y a des progrès à faire partout. Mais c’est important que ce pôle de stabilité soit conforté dans un monde incertain, dans une région qui bouge et qui aspire, après le printemps arabe, à la liberté, à la démocratie, au développement, mais à la justice. Et vous voyez bien que ça ne se construit pas facilement. C’est pour ça que là où des efforts sont engagés, il faut les soutenir pas à pas sans faire la leçon – nous n’avons pas à le faire –, mais en accompagnant de toutes nos forces, de toutes nos convictions, puis en facilitant aussi les échanges.
Et à ce sujet, je voudrais évoquer la question de la mobilité des personnes. Je sais que vous y êtes très sensibles. Comme vous savez, le gouvernement a rapidement abrogé la circulaire dite GUÉANT, donc prédécesseur de Manuel VALLS qui est là aussi, et qui avait pour effet de restreindre les possibilités pour les étudiants marocains d’avoir une première expérience en France et professionnelle notamment et qui était, en fait, une attitude frileuse – et nous avons mis fin à cela – et qui donnait une image, j’allais dire, petite de la France.
Puis j’ai aussi confirmé que la France appliquerait dans les prochains jours des mesures de facilitation pour l’obtention des visas, en particulier pour les acteurs de la relation bilatérale. Les membres des familles de Français bénéficieront, par exemple, d’un allègement de pièces justificatives. Et je sais que pour cela, vous êtes, bien sûr, bien représentés par votre député, Pouria AMIRSHAHI, qui est membre de la délégation. Le ministre des Affaires étrangères, comme le ministre de l’Intérieur, veille aussi à tous ces aspects concrets et je les remercie. Mais je sais que vous y êtes particulièrement sensibles.
Comme vous êtes sensibles aussi aux questions d’éducation, d’enseignement, d’accès à l’école. Et nous avons, là, engagé beaucoup de réformes, notamment la question des bourses. Et la ministre Hélène CONWAY, ministre chargée des Français de l’étranger, y travaille avec beaucoup de dévouement et de passion et je sais que nous allons arriver à un résultat très prochainement. Et je remercie vos représentants de nous aider à trouver les bonnes solutions. Parce qu’il y a des représentants des Français de l’étranger ! Et partout, on fait avec eux, on construit avec eux. Et je vous remercie de votre engagement, de votre disponibilité.
Encore une fois, merci à chacune et chacun d’entre vous pour ce que vous faites pour la France, mais ce que vous faites aussi pour le Maroc, pour renforcer notre partenariat. Et donc, ma responsabilité et celle de tout le gouvernement, c’est de répondre à vos attentes car l’expatriation est souvent une expérience exaltante, mais elle peut s’accompagner de difficultés spécifiques, celle de la scolarisation que je viens d’évoquer il y a quelques instants.
En tout cas, Mesdames, Messieurs, chers compatriotes, le réseau scolaire du Maroc est le plus important du monde avec trente-neuf établissements, trente et un mille élèves ! Et je sais que les demandes continuent de se développer donc nous essaierons d’y répondre. En tout cas, sachez que vous pouvez compter sur l’engagement, mon engagement personnel, l’engagement de tout le gouvernement pour réussir ce que nous avons entrepris et le faire avec vous. La France et le Maroc ont un beau chemin à parcourir ensemble. Les perspectives que nous avons ouvertes à l’occasion de cette visite doivent être pleinement mises à profit. Moi, j’ai confiance. J’ai confiance dans cette relation comme j’ai confiance dans les capacités de la France.
Et comme je viens de vous le dire il y a quelques instants, nous sommes une nation qui a besoin d’être davantage fière d’elle-même. Lorsqu’on est fier de soi, on a envie d’être meilleur, d’être plus combatif, d’être plus conquérant, mais à condition, bien sûr, de respecter les autres. Et la France, c’est ça aussi, c’est une grande nation qui a envie qu’on l’aime davantage. Et la France – vous le savez – pèse dans le monde beaucoup plus que son PIB parce que ce sont des valeurs, c’est une histoire. Et très souvent, c’est vers la France que l’on se retourne pour parler des droits de l’homme, pour combattre pour la liberté, pour la fraternité. Et lorsque les peuples arabes se sont réveillés, très souvent, ils faisaient référence à notre histoire, à notre histoire qui était celle aussi du peuple français qui, à des moments particuliers, avait su se réveiller et pour aller vers l’idéal qui était celui de la liberté. Eh bien cet idéal, cette liberté, cette fraternité et puis aussi ce principe même d’égalité qui est à la base de ce que nous sommes, eh bien cela doit nous conduire à être encore plus forts, à être meilleurs. Et je crois que vous, ici, au Maroc, vous le comprenez fort bien, vous y contribuez à le faire vivre. Alors, merci pour tout ça.
Vive la République et vive la France !
Source http://www.ambafrance-ma.org, le 17 décembre 2012