Texte intégral
La réunion de la Commission nationale de la négociation collective relative à la revalorisation est un rendez vous annuel toujours attendu. Son importance est à la hauteur de son objet : le SMIC est un des piliers de nos relations sociales et il est naturel que sa revalorisation suscite autant d’attention et de débat.
L’attention est double cette année : Outre la revalorisation annuelle obligatoire du SMIC au 1er janvier 2013 prochain, nous examinerons ensemble, conformément à l’engagement pris lors de Grande conférence sociale de juillet, les perspectives d’évolution des règles de revalorisation du SMIC.
Je vous propose, avant d’aborder ces deux points, d’entendre, comme il est d’usage lors de cette réunion, le rapport sur la situation économique générale, présenté par la représentante du ministre de l’Economie et des finances que je remercie.
[Présentation de la situation conjoncturelle par le représentant du Ministre de l’économie et des finances 3 min]
Je vous remercie.
Venons-en au premier point de notre ordre du jour, la revalorisation du SMIC au 1er janvier 2013.
Le Gouvernement a décidé dès sa prise de fonction de procéder à une revalorisation du SMIC pour prendre en compte l’aspiration légitime des salariés dont les rémunérations sont les plus faibles à une progression de leur pouvoir d’achat après six années de revalorisation a minima, sans aucun coup de pouce. Vous vous en souvenez, nous nous étions réunis en ce même lieu en juin pour examiner la revalorisation de 2% proposée par le Gouvernement. Celle-ci prenait en compte l’inflation constatée sur le début de l’année 2012 et un « coup de pouce » supplémentaire. Il s’agissait de répondre à une urgence : du pouvoir d’achat sans attendre, avec une exigence une progression raisonnable et inscrite dans la durée.
La revalorisation proposée aujourd’hui tient compte de cet engagement tenu.
Elle se fonde sur l’application des mécanismes légaux de revalorisation. L’inflation n’a pas progressé depuis le 1er juillet dernier, elle a même légèrement reculé, -0,1% pour être précis. Cette situation valide d’ailleurs le choix qui a été fait par le Gouvernement. Il fallait tenir compte de l’inflation tout de suite, car c’est au cours des premiers mois de l’année 2012 qu’elle a pesé sur les ménages.
Au total, l’inflation sur l’année est égale à 1,3%. 1,4% d’inflation ont été pris en compte dans la fixation du SMIC au 1er juillet, mais naturellement il n’est pas question de revenir, d’une façon ou d’une autre, sur ce qui a été accordé en juillet : cet écart ne sera pas repris.
Parallèlement, la progression du pouvoir d’achat du salaire horaire de base ouvrier, second critère de revalorisation du SMIC, a été mesurée sur l’année : +0,6%. C’est ce critère seul qui fonde le niveau de la revalorisation que nous vous proposons.
Au regard de ces éléments, nous vous soumettons donc une revalorisation de +0,3% du SMIC au 1er janvier par rapport au SMIC du 1er juillet 2012. Au total, sur l’année, l’augmentation du SMIC sera donc +2,3%.
Le taux horaire du SMIC sera donc porté à 9,43 euros bruts au premier janvier prochain (contre 9,40 euros depuis le 1er juillet) soit 1430,22 euros bruts mensuels sur la base de la durée légale de 35 heures.
La question du niveau du SMIC focalise naturellement beaucoup l’attention, elle n’épuise pourtant en rien la problématique salariale. Je veux redire ici le prix que j’attache à la dynamique des négociations salariales, notamment dans les branches.
Nous avons examiné ensemble début octobre la situation des branches au regard du SMIC dans le cadre du comité de suivi des négociations salariales. Elles étaient 91 à ce moment à avoir au moins un coefficient salarial en deçà du SMIC. Les branches n’ayant pas ouvert de négociation ont été rappelées à leurs obligations. 35 ont conclus un accord (dont la fameuse branche du commerce de gros de confiserie-chocolaterie et sa grille toujours en Franc).
Dans 40 autres, les négociations sont en cours avec en point de mire le mois de janvier 2013 pour intégrer le nouveau montant du SMIC. Pour les branches qui connaissent les plus fortes difficultés, l’accompagnement sera constant, durable mais ferme. Si, des élargissements doivent être envisagés, ils le seront. Un nouveau point de situation sera réalisé au printemps dans le cadre du comité de suivi.
J’en viens maintenant au second point de notre ordre du jour : la question de l’évolution des règles de revalorisation du SMIC.
Dans la droite ligne de la méthodologie arrêtée dans la feuille de route sociale, je sais que nombre d’entre vous ont participé aux groupes de travail interministériels mis en place sur le sujet. Je vous remercie vivement de votre investissement dans ces travaux et je remercie également les administrations du ministère du Travail et du ministère de l’Economie pour ce travail collectif important.
Ces travaux ont permis notamment d’auditionner un grand nombre d’experts économistes, dont la variété des points de vue démontre l’intérêt de partager l’expertise sur un sujet aussi complexe.
Je pense qu’il faudra prendre exemple sur cette méthode dans la réflexion qui s’offre à nous quant au renouvellement du groupe d’experts sur le SMIC. Le mandat de quatre ans prévu par les textes du groupe actuel dont je salue le travail arrivant à échéance, je proposerai au Premier ministre de nommer un groupe totalement renouvelé. Je pense qu’il sera utile que la composition de ce groupe prenne en compte la diversité des analyses et des points de vue sur le sujet et intègre, au-delà de la nécessaire expertise économique des approches disciplinaires plus larges.
Dans le respect de son indépendance, il conviendra également d’installer des mécanismes d’un dialogue fructueux avec les membres de la CNNC autour du rapport que doit remettre chaque année le groupe.
J’en viens aux mécanismes d’évolution du SMIC
Les grands principes qui encadrent la revalorisation du SMIC depuis sa création en 1970 n’ont en rien perdu de leur pertinence. Le législateur de l’époque a posé un cadre simple : il s’agit de « garantir au salarié, dont les rémunérations sont les plus faibles, leur pouvoir d’achat et participer au développement économique de la Nation » tout en veillant à ce que sa progression n’entraine pas « de distorsion durable avec l’évolution des conditions économiques générales et des revenus ».
Nous souhaitons nous inscrire pleinement dans cette ambition originelle en prenant en compte les réalités d’aujourd’hui qui, pour le coup, ne sont pas celles d’hier. Et j’ai entendu vos attentes, revendications et mises en garde, de part et d’autre de la table.
La garantie du pouvoir d’achat passe par l’indexation sur l’inflation.
Actuellement, l’indice utilisé pour le calcul de la revalorisation est celui, dans la terminologie de l’INSEE, des « ménages urbains dont le chef est ouvrier ou employé hors tabac ». Suivant la proposition de beaucoup d’entre vous, nous proposons d’avoir une approche plus fine des choses basant désormais l’évolution du SMIC sur l’inflation constatée pour les ménages des premiers et deuxièmes déciles de la distribution des revenus.
Pourquoi ? Parce que c’est dans le premier décile des ménages que se retrouvent les salariés dont le niveau de vie est le plus faible et parce que le deuxième décile des ménages est celui qui contient la plus grande part des salariés rémunérés au niveau du Smic, plus hétérogènes qu’avant.
Cet indice permet de mieux prendre en compte les dépenses contraintes qui pèsent lourdement sur ces ménages à faible revenu : je pense au logement ou à l’énergie. C’est une différence qui prend tout son sens pour ces salariés pour qui chaque euro compte.
La participation au développement économique de Nation passe, quant à elle, par la référence faite à l’évolution du pouvoir d’achat des salaires. C’était d’ailleurs la grande innovation du passage du SMI-G au SMI-C. Là encore, vous êtes plusieurs à avoir souligné que la référence utilisée depuis 1970, le salaire horaire de base ouvrier (le SHBO), ne correspond plus en 2012 à la réalité de la sociologie des salariés payés au SMIC ou à son voisinage.
Nous proposons donc de prendre en compte l’évolution du demi-gain de pouvoir d’achat, non plus du salaire des seuls ouvriers, mais de celui des ouvriers ET des employés. Nous passerons ainsi du SHBO au SHBO-E. La fidélité à nos conquêtes sociales suppose de savoir adapter toujours mieux le système à la société et à la réalité de son travail d’aujourd’hui. Là encore, notre volonté est de coller au plus près des salariés dont les rémunérations sont les plus faibles aujourd’hui.
La participation au développement de la Nation, cela renvoie également à l’exigence de redistribution des fruits de la croissance comme l’a rappelé le Président de la République lors de la campagne électorale.
Dans les temps de difficultés que nous traversons, faire de la croissance du PIB un critère automatique de revalorisation au même titre ou à la place des salaires ne saurait être la voie à privilégier. Au-delà, les experts ont tous souligné la difficulté technique liée à la volatilité intrinsèque aux indicateurs fondés sur le PIB.
Nous vous proposons donc de retenir, mieux qu’un mécanisme arithmétique, le principe, l’ambition politique : lorsque la croissance est au rendez-vous, lorsque celle-ci repart, parfois plus vite que les salaires, alors les salariés doivent en toucher les fruits. Ce principe devra désormais inspirer les « coups de pouce » qui permettent de prendre en compte la situation économique générale lorsque celle-ci est favorable. C’est une mesure de justice au bénéfice des salariés qui, par leur travail, contribuent aux richesses créées par notre pays.
Tels sont les perspectives que je présenterai au Président de la République lors du prochain Conseil des Ministres. Je vous propose désormais de procéder à un tour de table.
Source http://travail-emploi.gouv.fr, le 18 décembre 2012