Texte intégral
Quelquun me demandait tout à lheure pourquoi javais ce sourire, sous-entendu peut-être un peu... imbécile, - on naime pas les gens qui sourient...-, mais, quand même, imaginez, pour un ministre de léducation nationale, généralement... Ces dernières années, les ministres de léducation nationale, je les plains, jen ai rencontré récemment, ils venaient devant un public choisi, cest vous... Et ils disaient : "Écoutez... Cette année, je vais supprimer 14 000 postes, et puis tiens, tant quà faire, je vais supprimer la formation des enseignants !" Et nous, nous arrivons, et nous avons, dans le fond, à dire des choses très positives. Dabord, je lentends, cette année nous allons en recruter 43 000, en deux concours... Oui, cest vrai. Pour quoi faire ? La question mest posée souvent. Pour quoi faire ? Formidable, la question... Je vais vous le dire. Pour instruire et pour éduquer les élèves. Et puis pour former, bien entendu, les futurs professeurs.
Si on veut accueillir des enfants de moins de trois ans, à lécole, - cest très utile dans les territoires en difficulté, quand on regarde les parcours des élèves -, eh bien, il faut recréer plusieurs milliers de postes. En 2002, plus de 30 % des enfants de moins de trois ans étaient accueillis. On est à 10 % aujourdhui.
Si on veut être capable dassurer les remplacements, je voyais la Seine-Saint-Denis qui est encore, évidemment, en très grande difficulté... Mais partout ailleurs, sur le territoire, le professeur est absent, on ne peut pas le remplacer, eh bien, il faut créer des postes denseignants !
Si on veut former des étudiants qui se destinent à ce métier, eh bien, il faut créer des postes. Cest 27 000 postes qui vont être consacrés à la formation des enseignants. Et quand on avait détruit la formation des enseignants, cétait bien, ne vous faites pas dillusions, pour récupérer des postes.
On nous dit : "Votre gestion nest que quantitative..." Extraordinaire ! Cest précisément la gestion précédente qui létait, puisque le point de départ était à chaque fois : "Rendez-nous tant de postes !" Nous, nous mettons en uvre des transformations, évidemment, profondes, qualitatives, à commencer par la formation des enseignants.
Il y a donc un très grand plaisir à se retrouver et à pouvoir dire à nouveau que lÉcole est une priorité et que nous souhaitons faire du métier denseignant un métier qui est au cur du redressement de la Nation. Redressement, je lentends, économique, matériel, cest fondamental. Mais redressement intellectuel, spirituel, moral. Une nation, bien entendu, ce sont des intérêts partagés. Réduisons notre chômage, y compris le chômage des jeunes. Mais nous y contribuons, là. Mais cest aussi, et ça ne peut pas être autrement, cest aussi, quand même, un certain nombre de valeurs que nous avons en commun. Cest un certain nombre de projets, despérances communes. Et ça, vous le savez, dans notre pays... Cest pareil dans beaucoup dautres, cest lÉcole, qui le transmet, cest notre rôle...
40 000 postes, oui, mais la réalité, cest 60 000 postes créés, cest en plus des départs à la retraite. Et dans les cinq ans qui viennent, la France va avoir à recruter près de 150 000 enseignants pour assurer les besoins qui sont les siens, pour instruire et éduquer les enfants de demain. Et la chose essentielle pour moi, aujourdhui, face à tous ces discours, mais je lavais indiqué très tôt, du mépris, de la dévalorisation, du scepticisme, du cynisme... moi, ce que je viens dire ici, cest une chose extrêmement simple. Je viens dire aux étudiants de France : la France a besoin de vous ! La France a besoin de sa jeunesse ! Lavenir de notre pays ça a toujours été comme ça lavenir de notre pays, ce sont les générations qui se forment, cest la transmission que nous sommes capables dassurer. Nous avons besoin de 150 000 professeurs pour les cinq années qui viennent, pas pour les professeurs, pour eux-mêmes, mais pour former des millions et des millions denfants. Nous avons douze millions denfants scolarisés aujourdhui dans le système. Ils sont la France de demain !
Geneviève Fioraso a dit à juste titre, je nai cessé de le répéter, il ny a pas une crise des vocations. Quel mépris à légard de la jeunesse ! Les jeunes daujourdhui ne voudraient plus travailler... On connaît la rengaine ! Les jeunes daujourdhui nauraient plus le courage de se lever... On connaît la rengaine ! Les jeunes daujourdhui... Mais enfin ! Cest nous, adultes, qui avons été incapables de donner à la jeunesse ce que lon nous avait donné, en conditions détudes, en moyens pour les mener, en capacité dinsertion professionnelle. Et lÉcole en est directement un bon exemple. Le jeune professeur qui commençait il y a vingt ans, non seulement il avait été accompagné pour faire ses études dans nombre de cas, mais il commençait avec une entrée progressive. Il commençait dans des conditions de carrière beaucoup plus faciles que celles daujourdhui. Et nous ferions porter sur la jeunesse nos propres manquements ? La dette économique, la dette sociale, la précarisation de la société, les inégalités qui se creusent ? Pas du tout.
La responsabilité de ce gouvernement, très au-delà même de notre famille politique, la responsabilité des adultes, cest de permettre à la jeunesse, avec nous, de redresser le pays. Et je le dis très nettement, cette campagne de recrutement que nous commençons et qui va sétaler dans la durée, elle est, bien entendu, un appel profond à la jeunesse. Mais elle est aussi un appel à vaincre tous les cynismes, tous les pessimismes, tous les rabaissements, toutes les médiocrités dont on souffre jour après jour pour dire : non, nous, nous sommes capables, et cest lidée même de lenseignement de faire que tout jeune ait son droit et soit éducable sur nimporte quelle partie du territoire, quelles que soient ses origines, quel que soit son milieu, quels que soient les déterminismes sociaux et culturels dont il souffre au départ. Cest le rôle de lÉcole républicaine. Et la jeunesse daujourdhui, elle porte encore ces valeurs. Et elle veut être capable de les transmettre. Et elle veut quon lui donne les moyens de le faire. Cest ce que le président de la République, François Hollande, a voulu en fixant à lÉcole et à la jeunesse une priorité. Nous voulons rétablir la promesse républicaine. Ça a été dit, tout à lheure.
Ces emplois davenir, il faut mesurer ce que cela signifie, il faut mesurer ce que peut signifier quand même une jeunesse étudiante laissée dans la précarité, des discriminations sociales qui se portent même jusquau métier de professeur des écoles. Limpossibilité où nous sommes de recruter des jeunes de milieux modestes pour devenir professeur des écoles ! Je prends souvent lexemple, et je parle devant le directeur général de lenseignement scolaire : la génération qui a précédé celle qui est aujourdhui aux responsabilités, celle qui fait lhonneur républicain de notre pays, elle a pu commencer dans des familles modestes, du fin fond de la Somme ou dailleurs. Elle a pu franchir, étape après étape, les différents échelons qui permettent daccéder aujourdhui aux responsabilités suprêmes, au sein même de lÉtat. Ça nest plus possible pour la jeunesse daujourdhui, parce que nous ne savons plus tendre la main... Eh bien ! nous devons tendre à nouveau la main. Ce que dit le grand pédagogue Alain, je répète à linfini, "il faut donner dabord lorsquon entre dans une classe". À lélève il faut toujours donner dabord, il faut arriver sans préjugés, sans a priori, faire acte de générosité et chercher létincelle de lumière en lui, quel quil soit. Eh bien, ça vaut également pour nous à légard de la jeunesse. Cest un discours doptimisme, cest un discours de confiance, cest un discours de mobilisation.
Dans la grande concertation quil y a eu sur lÉcole, jai entendu les parents, jai entendu les professeurs, jai entendu les uns et les autres dire : "Mais essayons de faire lÉcole de la bienveillance." Cette semaine, on traitait la question des décrocheurs. Un quart dune génération ! Un quart dune génération que nous laissons sur le côté ! Comment un pays peut-il prétendre à la compétitivité, à la cohésion sociale, au civisme, quand il sacrifie un quart dune génération ? 150 000 jeunes... Mais ces jeunes, nous savons doù ils viennent. Nous les produisons nous-mêmes ! Cest déjà les difficultés en grande section-CP-CE1, cest les redoublements, cest les orientations précoces, cest les orientations subies... Et cela finit naturellement par le décrochage. Nous devons refaire cette École de la confiance et nous devons, en même temps, faire confiance à notre jeunesse, pour nous aider à redresser le pays. Pour faire la République, ça a été la grande leçon, il faut faire des républicains. Et cest pour ça que lÉcole est intervenue. Cétait une leçon qui valait au XIXe siècle, cest une leçon qui vaut encore aujourdhui. Nous avons besoin, pour que la France avance, pour quelle réussisse les grands défis qui sont devant elle, - défis sociaux, défis économiques -, dune jeunesse mobilisée autour de son École.
Nous avons entrepris de changer, et nous le ferons dans la durée, le métier denseignant. Vous savez pourquoi un métier est attractif ? Un métier est attractif dabord, et cest la première demande que nous font les jeunes professeurs, parce quon vous donne des conditions denseignement et, en particulier, la formation, qui sont de bonnes conditions. Cest pour ça que nous rétablissons les écoles supérieures du professorat et de léducation, qui ne seront ni les écoles normales revisitées, ni les IUFM ressuscités. Nous pouvons inventer du neuf, et je remercie profondément la communauté universitaire de se mobiliser autour de cet objectif. Cest un objectif fondamental. Ce métier a besoin de formation. Nous allons la mettre en place. Il a besoin de considération. Le sondage que nous avons évoqué ce matin, quand même, il va contre tous les discours de certaines élites qui, effectivement, nont, elles, dautres valeurs que largent, la réussite immédiate. Non ! 80 % des Français estiment que ce métier est un métier qui mérite la considération. Et ils le souhaitent même pour leurs enfants. Dites-le ! Faites-le savoir ! Parce que les Français respectent encore la connaissance ! Souvenez-vous du mouvement des chercheurs. Souvenez-vous de lunion du pays autour des chercheurs. Nous savons, en France, même dans les milieux les plus modestes, la valeur de lÉcole, la valeur de linstruction, la valeur du savoir. Et le président de la République, ça nétait pas un hasard, a fait son premier discours devant le monument à Jules Ferry, pour dire effectivement que les valeurs de lenseignement, les valeurs de linstruction, les valeurs de la transmission du savoir sont, pour nous, les valeurs fondamentales. Enfin, ce métier a besoin, bien entendu, de revalorisation. Je nai cessé de le dire. Qui pourrait dire le contraire ? Bien entendu, dans notre société, nous devons mesurer à quel point les métiers de dévouement doivent être considérés aussi matériellement. Et cest pour ça que je dis nettement : dans la situation des finances publiques de la France aujourdhui, le seul ministère qui bénéficie des moyens que vous connaissez et, en particulier, de ces postes, cest léducation nationale, parce que cest lintérêt des élèves et il le fallait. Mais, bien entendu, nous voulons que les professeurs, parce que nous savons que cest essentiel, trouvent les meilleures conditions pour exercer leur métier. Dès lors que cela sera possible, dès lors que les uns et les autres seront prêts à avancer sur lévolution même du métier denseignant, alors nous pourrons ouvrir de nouvelles perspectives pour ce métier. Cest tout à fait essentiel.
Je vois la réalité des difficultés. Quand on dit : "Ah ! on est le seul pays dEurope à faire 144 jours de classe pour les enfants de lécole élémentaire. Si on faisait quatre jours et demi, ça se faisait il y a encore trois, quatre ans..." Et là, on voit, tous les obstacles, tous les intérêts particuliers, tous les blocages qui se mettent en place. Mais nous le ferons. Nous voyons bien, lorsque nous disons : il faut remettre en place une formation des enseignants, - et vous allez avoir un travail magnifique entre les universités à faire -, tous les blocages et tous les intérêts particuliers qui se mettent à nouveau en place. « Oui, mais moi, mais lui... mais je fais mieux...etc. » Mais nous le ferons ! Il en est exactement pareil pour le métier denseignant. Si certains veulent vraiment avec moi relever le défi de la réforme, nous y sommes prêts, avec le président de la République. Il ne sagit pas simplement de regarder le passé et davoir toujours les mêmes slogans, de dire que lon est prêt à la réforme et de sarrêter quand elle arrive ! Nous sommes disponibles pour parler jusquau bout de la nuit - jusquau bout de la nuit ! - du métier denseignant. Pourquoi ? Parce que je fais cet appel à la jeunesse, mais je le dis, en même temps, le métier auquel vous pouvez vous destiner, si vous êtes enseignants, cest le plus magnifique des métiers ! Non seulement parce que lon va instruire les autres, leur permettre de grandir, de leur donner peut-être ce quils ne trouveront jamais dans leur milieu... Être habité, parce que cest notre tradition, par des valeurs, qui vont très au-delà de nos personnes, ces valeurs de laïcité, de liberté de conscience, de justice sociale, - parce que notre École porte une exigence de justice sociale -, mais aussi, vous le faites pour vous-mêmes, et ce nest pas égoïste. Je voyais... On me disait... Les jeunes gens de la CNT, ce sont les anarchistes, ils manifestaient... Ce quil y avait de très beau, dans lindividualisme anarchiste, qui est au cur de lÉcole républicaine, cest quil comprenait quil y a dans la nature humaine, dans le fond, un élément peut-être doptimisme qui fait que "faire du bien aux autres", - cest ce que disait Jean-Marie Guyau, le plus grand théoricien de lanarchisme à la fin du XIXe siècle, très lié à notre École -, "faire du bien aux autres, cest aussi se faire du bien à soi-même". Et lorsque lon enseigne, on fait grandir les autres, mais on grandit soi-même, et lon grandit toute sa vie.
Je lance aujourdhui un appel solennel à la jeunesse française. Nous avons besoin de nouvelles lumières républicaines ! Nous avons besoin de nouveaux hussards noirs ! Nous avons besoin de la jeunesse française pour redresser la France et, ensemble, bâtir un autre avenir ! Merci à tous.
Source http://www.education.gouv.fr, le 17 décembre 2012