Texte intégral
Monsieur le secrétaire général,
Mesdames et Messieurs les directeurs dAgences Régionales de Santé,
Cest avec un grand plaisir que jinterviens pour la première fois devant vous aujourdhui.
Une ministre des sports qui prend la parole lors de la réunion nationale des Directeurs Généraux dAgences Régionales de Santé, ce nest pas un exercice habituel. Jy accorde donc beaucoup dimportance.
Les ARS ont pour mission dassurer, sur leur territoire, un pilotage unifié de notre système de santé. Et jai toujours cru en la relation très forte qui liait le sport à la santé.
Le « sport santé » était lun des thèmes à létude lors de votre rencontre avec les DRJSCS le 6 juillet dernier. Je sais que vous y êtes attachés.
Sachez, sans vouloir refaire lhistoire, que je suis dailleurs à lorigine du texte qui a créé en 2000 le statut de médecin conseiller auprès de chacune des Directions régionales de la jeunesse et des sports de lépoque. Je lavais porté au départ principalement pour la protection du sportif dans le cadre de la lutte contre le dopage.
Ce combat contre le dopage, jai continué à le mener, et jentends le porter au niveau international puisque jai été élue récemment au comité exécutif de lagence mondiale anti dopage, lAMA.
Mon parcours en tant que médecin du sport, en tant que médecin de fédération sportive puis en tant quélue ma conduite à oeuvrer depuis longtemps, et ce bien avant le 6 mai 2012, pour que la pratique sportive soit reconnue par tous comme un outil de santé et un facteur de bien-être pour chacun.
Sachez dailleurs que cette ambition qui me tient à coeur, je la défendais la semaine passée devant les présidents de fédérations sportives. Ils étaient tous réunis à lINSEP, et devant eux, jai clairement exprimé les priorités que jentends porter pour le sport français :
* la réduction des inégalités daccès à la pratique sportive - jy reviendrai
* le sport de haut niveau et le soutien à lexcellence sportive,
* bien sûr et le troisième axe que jai évoqué devant tous les représentants du mouvement sportif, cest la promotion résolue de la pratique du sport comme facteur de santé publique et de bien être pour chacun,
Les effets bénéfiques des activités physiques et sportives ne sont plus à démontrer. De nombreuses publications nationales et internationales illustrent ce propos :
* Lexpertise collective de lINSERM en 2006,
* Le plan national de prévention par lactivité physique et sportive de 2008,
* Le rapport de la haute autorité de santé en 2011 sur le développement des thérapeutiques non médicamenteuses,
* La dernière publication du lancet ou le rapport de lINCA en janvier 2012 sur la diminution du risque (- 20 %) et des récidives (- 30 %) de cancers du sein ou de cancers du colon quand il y a une activité physique et sportive régulière.
Lorsquon sait quune femme meurt toutes les heures en France du cancer du sein, on mesure tout lenjeu de la place des activités physiques et sportives.
En France, la sédentarité est la deuxième cause de mortalité.
Une cause évitable puisquune activité régulière équivalente à 30 minutes, cinq fois par semaine, diminue les risques des pathologies à hauteur de 50 %.
Pourtant, seuls 63 % des adultes respecteraient cet objectif. Le « no sport » de Winston Churchill a encore de nombreux adeptes aujourdhui.
Je souhaite donc résolument développer la pratique sportive comme facteur dépanouissement à tous les âges, pour tous les publics et tout au long de la vie.
Une politique de santé ne se résume pas à une politique de soins, vous le savez bien. Cest également une politique de prévention des maladies, de lutte contre les facteurs environnementaux, une politique qui mise sur le bien être social et physique du plus grand nombre, une politique qui cherche à prévenir les récidives.
Le sport plutôt quune longue liste de médicaments, le sport qui permet de diminuer lhypertension ou linsuline de nos diabétiques, cest une idée qui doit faire son chemin. Le sport joue un rôle thérapeutique. Cela doit être dit et redit sans cesse par les médecins, ainsi que par les professionnels de la santé.
Dans cet objectif, le 10 octobre dernier, en conseil des ministres jai présenté conjointement avec Marisol Touraine une communication intitulée « Sport santé bien être ».
Cest une première et cest un signe fort.
Le signe dune approche nouvelle, globale, interministérielle et transversale qui place le sport comme outil de santé publique.
Il existe une autre vision possible de la santé publique, une vision qui ne soit pas centrée uniquement sur les interdits (mal-manger, addiction, alcool).
Le sport est un vecteur de prévention primaire. Il nous faudra développer et diversifier loffre des clubs et des associations sportives et de loisir sur tous les territoires pour quelle sadresse à tous les publics, y compris ceux qui sont le plus éloignés de la pratique sportive.
Je pense aux personnes en situation de handicap la France avec 1,2 % de personnes en situations de handicap qui ont accès au sport est le dernier pays dEurope, loin de la démonstration des Jeux paralympiques de Londres qui sur ce thème plus que tout autre ont « inspirer une génération ». Je pense aussi aux personnes sans emploi.
Mais je pense tout autant à la population féminine. 37 % des lycéennes de milieux défavorisés disent ne pratiquer aucun sport en dehors du lycée. Elles ne sont que 15 % dans les classes favorisées. Et le fossé se creuse constamment. Ces inégalités sont inacceptables.
Il y a deux fois moins de licenciés dans les quartiers populaires que dans le reste de la population.
Le sport ne peut pas, ne doit en aucun cas être un luxe, un domaine réservé à certains, cest une nécessité.
Parce quil est un facteur de bien-être simple et accessible, le sport doit être à la portée de tous.
Certaines fédérations sportives ont dores et déjà développé des moyens daccès à une pratique sportive ludique, ouverte à tous. Elles doivent êtres suivies par lensemble des autres fédérations et de leurs clubs
Dans les conventions dobjectifs que je signe avec les fédérations, jai clairement affiché et concrétisé des moyens financiers sur le développement des pratiques pour tous. Il en est de même dans les orientations transmises aux préfets.
Les personnes « à besoins particuliers » méritent également toute notre attention : je pense aux séniors en perte dautonomie ou aux personnes atteintes de pathologies chroniques. Tous ceux pour lesquels lactivité physique encadrée est particulièrement recommandée.
Pour venir en aide à ces publics, les initiatives régionales sont riches, nombreuses, et vous en êtes les principaux acteurs.
Les réseaux régionaux qui se sont mis en place sur certains territoires sont remarquables et les expériences réussies sappuient toujours sur ce lien fort entre lARS et la DRJSCS en relation étroite avec les collectivités locales. Ce lien permet de rapprocher les professionnels de santé et les professionnels de lactivité physique et favorise ainsi une prise en charge adaptée des publics.
Notre Secrétaire général, Didier Morin, que je nai pas eu besoin de sensibiliser sur ce sujet, vous a invités récemment à nous faire part de toutes les expérimentations et initiatives intéressantes réalisées sur vos territoires. Un grand nombre dentre elles me sont remontées. Nous disposons aujourdhui dune bonne base de travail.
En Bretagne, par exemple un projet, qui vous a déjà été présenté, consistait à généraliser la pratique dune activité physique et sportive pour les publics des EHPAD.
Il démontre, sil en était besoin, la richesse des synergies qui peuvent se créer entre lARS et la DRJSCS et le rôle déterminant du médecin conseiller dans cette relation.
Ce projet a également permis de créer 40 emplois en deux ans pour des éducateurs sportifs.
Nous devons mener à ce propos, ensemble, une action volontaire de formation, initiale ou continue auprès de tous les professionnels de la santé et des éducateurs sportifs.
Attention aux réticences des professionnels
Il existe encore bien dautres actions que je pourrai évoquer.
Je pense au programme régional prioritaire de la région Nord Pas de Calais dans son Projet Régional de Santé sur le thème « sport et santé » dont le but est de lutter contre le surpoids chez les adolescents. Ici, cest le mouvement sportif par son dynamisme qui joue un rôle déterminant.
La récente initiative de la ville de Strasbourg et de lordre départemental des médecins
Toutes ces initiatives prouvent que nous avons construit des relations entre lensemble des acteurs concernés : les ARS, les DRJSCS, les collectivités locales, les professionnels de santé et du sport et le mouvement sportif local.
Très clairement, je vous demande de continuer en ce sens. Avec Marisol Touraine, nous voulons partager ces démarches, mutualiser nos expériences, coordonner nos actions, progresser pour donner un contenu de plus en plus consistant à cette politique publique.
Ce cadre global sera précisé dans une circulaire signée conjointement par le Secrétaire général, le Directeur général de la santé et le Directeur des sports.
Elle présentera les modalités concrètes pour aider à accompagner et à pérenniser les projets existants ainsi que pour en développer de nouveaux.
Notre objectif est clair. En nous appuyant sur ce travail conjoint DRJSCS / ARS, nous souhaitons inscrire lactivité physique et sportive dans les dispositifs contractuels. Je pense aux projets régionaux de santé, aux contrats locaux de santé, je pense aux ateliers santé ville
Des moyens sont réservés à cet effet. Des moyens sur le budget 2013 du Centre National de Développement du Sport (enveloppe DROSS), des moyens du Fonds dIntervention Régional (FIR), cest un effort pour accompagner le développement de cette politique voulue par le gouvernement.
Cette triple signature du SG, du DGS et du DS est symbolique.
Mais notre rencontre aujourdhui lest tout autant, si ce nest plus.
Jai envie de vous dire « Vous êtes déjà plus ou moins engagés dans les actions de prévention par lactivité physique ou le sport, le Ministère des Sports aussi ; alors amplifions notre action ensemble ! »
Sur les territoires, avec les Directions Régionales, vous avez à faire des choix car vous connaissez mieux que personne les particularités et les priorités de vos régions.
Ici, les caractéristiques démographiques vont conduire à prioriser laccompagnement du vieillissement actif ; ailleurs, comme jai pu le voir en Champagne-Ardenne, les jeunes des missions locales ; ou encore, dans les quartiers populaires, des projets avec les médecins des directions académiques, projets ICAPS - intervention auprès des collégiens centrée sur lactivité physique et la sédentarité - ou par le biais dun développement accru des activités sportives dans le temps péri et extra scolaire.
Limpulsion politique est là, la dynamique réelle, je men réjouis.
La réunion des 2 réseaux ARS et DRJSCS organisée en juillet par le secrétariat général, ou la création dun comité de pilotage suite à notre communication « sport santé bien-être », dans lequel oeuvrent ensemble DGS, le DS et le SG ainsi que le CNOSF sont autant de signaux forts.
Dans notre communication commune en Conseil des ministres, dautres objets détude étaient mis en évidence : la formation des professionnels de santé et du secteur sportif que jai évoquée toute à lheure et sur lequel nous travaillons avec lenseignement supérieur et les fédérations sportives mais aussi avec les réseaux sport santé qui forment activement les acteurs de leur dispositif. et la réflexion autour du certificat médical de non contre indication à la pratique sportive. Sur ce dernier point, ma position est claire, il faut indiquer le sport plutôt que de le contre indiquer. Un groupe de travail regroupant plusieurs directions de nos deux ministères et des représentants de médecins a été constitué sur ce sujet.
Je souhaite que nous puissions continuer à échanger plus régulièrement ensemble, à co-construire sur ce sujet comme sur dautres sujets comme celui de la jeunesse.
Jaimerais que lavenir sécrive en « grossissant », que le ministère de lEducation Nationale et celui de lEnseignement Supérieur sassocient à cette politique inscrite dans la durée. Et ce nest pas un hasard si les inspecteurs pédagogiques régionaux en éducation physique et sportive participent déjà à vos commissions de prévention.
Cest dès le plus jeune âge que lon doit donner le goût et lhabitude de la pratique sportive.
Les constats sur la situation des jeunes sont accablants et les indicateurs au rouge. Vous les connaissez aussi bien que moi.
Un rapport de lINJEP, institut de mon ministère, sen faisait lécho il y a une dizaine de jours. Il mettait tout particulièrement en évidence la relation entre précarité, conduites addictives et obésité.
En France, 18 % des 5-12 ans, sont en surpoids contre 3 % en 1965. Lexcès de poids dans lenfance augmente le risque dobésité à lâge adulte.
Ce risque dobésité est inversement proportionnel au niveau dinstruction, nous indique le rapport de lINJEP. A la date de lenquête, les auteurs dénombrent en classe de troisième (14-15 ans) 12 % délèves en surpoids. Ce chiffre descend à 8 % quand le père est cadre supérieur et passe presque au double chez les enfants douvriers.
Le Président de la République a fait de la jeunesse sa priorité, cest aujourdhui celle du gouvernement.
On entend souvent quelle est notre avenir. Elle est avant tout notre présent.
Le Président a donc souhaité une politique ambitieuse en faveur de la jeunesse, qui ne soit pas la seule addition des actions de chaque ministère.
Le Premier Ministre ma en ce sens confié lorganisation dun Comité Interministériel de la Jeunesse.
Il se réunira, sous sa présidence, début 2013 et aura vocation à sinscrire dans la durée avec une fréquence annuelle rappelons quil ny a eu que 2 CIJ en 20 ans.
Le travail de préparation de ce CIJ a dores et déjà été engagé avec les ministères concernés, mais aussi avec les acteurs associatifs, les représentants des collectivités et les partenaires sociaux.
Comme pour le « sport santé », nous souhaitons passer dune approche sectorielle et fragmentée des dispositifs en faveur de la jeunesse qui na pas conduit à une amélioration de la situation des jeunes, mais à linverse à une régression, je viens de le mentionner , à une politique globale et cohérente de laction publique, associant lensemble des acteurs, dont les organisations de jeunes elles-mêmes même si ce nest pas la démarche la plus facile -. Permettre aux jeunes de mieux accéder aux droits sociaux 1/5 nont pas de mutuelle 1/3 renoncent aux soins et la CMUC est pour beaucoup trop complexe et inaccessible.
Vous le voyez ; les chantiers qui nous rapprochent sont multiples. La santé occupe une place centrale dans nombre dentre eux.
François Hollande aime rappeler que la crise ne rend pas le sport moins nécessaire mais quelle le rend encore plus indispensable.
Avec Marisol Touraine, nous nous inscrivons complètement dans ce propos. Nous voulons inscrire dans la durée cette ambition partagée, interministérielle, de faire du sport un outil majeur de santé publique dans notre pays. Le sport nest pas le remède à tous les maux de la société, mais il est un remède pas cher.
Le développement de la pratique sportive doit devenir lun des éléments de la maîtrise des comptes de la sécurité sociale. Dailleurs, cette dernière a commencé également à développer des programmes « sport active ».
Je suis et reste à votre écoute.
Vous êtes un des acteurs de la réussite de cette politique. Je compte sur vous.
Merci à vous et bonne fin de travaux.
Source http://presse.jeunesse-sports.gouv.fr, le 17 décembre 2012