Déclaration de M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, sur le budget 2013 pour l'emploi, notamment la lutte contre le chômage et l'emploi des jeunes, Paris le 8 novembre 2012.

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Texte intégral


Le budget pour l’emploi que j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui est un budget d’exigence.
C’est l’exigence de la lutte contre le chômage.
Il répond à l’urgence de la situation. La situation à laquelle nous faisons face aujourd’hui nous la connaissions. C’est celle que nous n’avons cessé de dénoncer et qui n’a cessé d’empirer au cours des dix dernières années. Nous nous situons dans un contexte particulièrement dégradé, celui du marché du travail - plus de 17 mois consécutifs de hausse du chômage – et celui de nos finances publiques.
Ce budget est donc un budget de combat.
Mais il prépare aussi l’avenir avec le financement des premières priorités.
Je dis bien premières priorités car tous les nouveaux dispositifs ne trouvent pas leur traduction budgétaire dès ce projet de loi de finances.
Par exemple, le financement du contrat de génération n’est pas inscrit dans ce projet de loi de finances puisque la négociation avec les partenaires sociaux vient de s’achever avec succès, et que le projet de texte sera déposé et débattu le 12 décembre en conseil des Ministres.
De même, nous avons ouverts des chantiers, notamment dans le cadre de la Grande conférence sociale, dont le calendrier des travaux s’étale au-delà de 2012.
Nous revendiquons le temps nécessaire pour construire nos réformes dans la durée. Notre politique n’est pas celle des coups d’éclat qui occupent l’agenda médiatique et s’évanouissent aussi vite qu’ils sont survenus. Ce que nous visons, c’est faire bouger la société. Cette entreprise, comme toute entreprise longue et profonde, a besoin du secours du temps.
C’est notre méthode, celle du dialogue social.
Et je souhaite vous redire ici l’importance du dialogue social : ce n’est pas une manière de remettre à plus tard ; c’est la bonne manière de dépasser les intérêts divergents et de trouver des solutions durables au défi de l’emploi.
Car notre ambition, c’est de changer les choses durablement. Changer pour les chômeurs, changer pour les jeunes, changer pour les séniors, changer pour nos concitoyens les plus fragiles.
Ce budget est responsable
Il fait preuve de sérieux budgétaire – parce que dans le combat qui est le nôtre, les efforts d’économies et de redressement sont demandés à tous, dans la justice.
C’est ainsi que le schéma d’emplois de mon ministère intègre 141 suppressions de postes et contribuera aux créations prévues dans les secteurs prioritaires (Education, Justice, Police). Des économies importantes sont aussi réalisées sur les moyens de fonctionnement courant.
Je sais que ces économies ne seront pas faciles ; et avant de vous détailler, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, les priorités de ce projet de budget, je voudrais saisir cette occasion pour remercier et pour rendre un hommage appuyé aux personnels de mon ministère qui quotidiennement œuvre pour les politiques de l’emploi, du travail, de la formation professionnelle et du dialogue social. Ils pourront compter sur mon soutien dans les tâches et les missions difficiles qui sont les leurs. Le temps est venu d’un climat nouveau et d’un respect retrouvé.
I- Ce budget finance d’abord l’urgence, avec le maintien d’un niveau élevé de contrats aidés
C’est le niveau de la loi de finances initiale pour 2012 que nous avons choisi de maintenir, 340 000 contrats non marchands (les CUI-CAE) et 50 000 contrats marchands (les CUI-CIE).
Parce que les contrats aidés restent le levier pour amortir les chocs de conjoncture pour les publics les plus fragiles : prescrire un contrat aidé c’est non seulement offrir une solution à un chômeur, c’est aussi lui redonner du pouvoir d’achat : et nous assumons cela.
Mais notre action va bien au-delà : le chômage est une trappe de laquelle il est difficile de s’extraire une fois que l’on y est tombé. Les contrats aidés ne sont pas une fin en soi, ils sont une échelle pour remonter, reprendre pied dans la société, retrouver confiance en soi, réapprendre parfois un rythme de vie ponctué par les horaires de son travail, et regagner l’estime de soi.
Là aussi nous changeons de méthode, et nous rejetons une logique purement quantitative. A la politique du chiffre, nous préférons une politique de qualité. C’est le sens que nous donnons à ce budget : mettre l’accent sur la qualité des contrats aidés en vue d’une meilleure insertion des bénéficiaires, mais aussi afin qu’ils y trouvent de quoi construire leur vie et leur bonheur légitime.
A ce titre, nous mettons fin au « stop and go » et nous allongeons la durée de ces contrats par rapport à la durée constatée aujourd’hui, ainsi que je l’ai demandé aux Préfets de Régions et aux Direccte, dans les circulaires que je leur ai adressées. Nous poursuivrons en ce sens en 2013.
II- Au-delà de l’urgence, notre première préoccupation c’est l’avenir des jeunes
Il ne s’agit plus seulement de prévoir l’avenir, notre tâche est désormais de le permettre.
Ce budget finance l’avenir : 100.000 emplois d’avenir seront financés dès 2013, et 50.000 supplémentaires en 2014.
Nous en avons longuement débattu dans cet hémicycle : la loi est désormais en vigueur : elle s’adresse aux jeunes sans qualification, à ceux qui rencontrent des difficultés d’accès à l’emploi, et à titre exceptionnel aux jeunes bacheliers résidant dans les zones prioritaires (ZUS, ZRR, DOM). Ces emplois seront principalement créés dans le secteur non marchand qui est le mieux à même d’accueillir les jeunes que nous voulons cibler, et par exception, ils pourront être créés dans les entreprises du secteur marchand.
Le gouvernement mobilise une dotation de 2 milliards 320 millions d’euros en autorisation d’engagement et de 466 millions d’euros en crédits de paiement pour financer ce dispositif.
30 M€ sont prévus pour l’accompagnement de ces jeunes, car ce sera là tout l’enjeu de la réussite de notre démarche : aller chercher les jeunes les plus éloignés du marché du travail et les accompagner vers le retour à l’emploi durable ; et cette tâche reviendra principalement aux missions locales.
Les emplois d’avenir ne sont pas un contrat aidé parmi d’autres. Ils vont véritablement toucher ceux pour qui les portes de l’emploi sont fermées à double tour. Ces jeunes m’ont raconté leurs expériences. Jamais aucun employeur ne leur a donné leur chance au-delà d’un stage, d’une pige ou d’une mission d’intérim. Jamais personne ne leur a fait confiance. Tous rapportent l’absence de réponse quand ils candidatent pour un poste. Et quand, par miracle, une réponse leur parvient, c’est toujours la même : « revenez quand vous aurez de l’expérience ». D’autres patrons leur disent qu’il faut présenter un diplôme pour être embauché. Or ils n’en ont pas et retourner à l’école n’est pas une solution pour eux.
Pourtant, nous connaissons tous de brillants exemples d’hommes et de femmes qui ont appris tout seul, qui ont forgé « sur le tas » ce qu’ils sont devenus. Laisser ces jeunes sans solution, c’est gâcher des talents, des forces de travail, des motivations, une part aussi de notre avenir.
Un pays qui ne porte pas sa jeunesse insulte son avenir.
Les emplois d’avenir sont donc une réponse taillée pour ces jeunes. Ils supposent, et je veux le saluer, une mobilisation des employeurs, car il ne s’agit pas de donner un emploi à des jeunes qui n’en ont pas, il s’agit aussi de leur donner aussi une qualification. Les emplois d’avenir incluent et exigent une formation pour que les jeunes qui en bénéficieront, en sortant du dispositif, puissent voler de leurs propres ailes.
III- Notre troisième grande préoccupation c’est la consolidation du service public de l’emploi, avec le renforcement des moyens de Pôle emploi.
Nous ne pouvons pas combattre le chômage si les soldats de l’emploi sont désarmés.
Pour améliorer l’offre de service et en particulier l’accompagnement renforcé des demandeurs d’emploi, le gouvernement a décidé en juillet le recrutement de 2.000 postes équivalent temps plein supplémentaires en contrat à durée indéterminée. C’est un effort sans précédent pour Pôle emploi dont je veux aujourd’hui encore saluer le travail accompli et encourager ses agents dans la mission difficile qui est la leur. Qu’ils sachent que le pays compte sur eux.
La subvention à Pôle Emploi sera ainsi augmentée de 8%.
Mais là encore nous serons responsables et les efforts seront partagés : des efforts seront aussi demandés à l’opérateur : puisque 2.000 équivalents temps plein supplémentaires seront redéployés d’ici 2014, toujours vers l’accompagnement renforcé des chômeurs qui en ont le plus besoin, comme le prévoit la convention tripartite.
Ainsi, ce sont près de 4.000 agents supplémentaires, sur le terrain, qui seront à horizon 2014 au contact direct avec les demandeurs d’emploi.
Le service public de l’emploi, c’est aussi les missions locales qui verront leur budget, avec les crédits d’accompagnement qui leur seront dédiés dans le cadre du déploiement des emplois d’avenir, progresser [de 17%].
Au-delà du renforcement des moyens, nous souhaitons aussi renforcer la cohérence de ce service public de l’emploi au niveau le plus proche de notre territoire.
Dans l’attente d’une réflexion plus globale sur la coordination renforcée des différentes structures, dans le cadre de la décentralisation, le gouvernement a souhaité également reconduire les moyens des maisons de l’emploi (63 M€).
IV- Ce budget est aussi un budget qui répare une politique de l’emploi abîmée et qui soutient les plus fragiles
* avec le financement des allocations de solidarité : la contribution au régime de solidarité d’indemnisation du chômage - le Fonds de solidarité - est prévue pour 834 M€ ;
* avec l’accroissement significatif des mesures en faveur des personnes handicapées, et plus précisément des aides aux postes dans les entreprises adaptées ; pour financer la création de 1.000 places supplémentaires en 2013 en faveur des travailleurs handicapés, la dotation budgétaire augmentera de + 9 % ; là aussi je suis fier de souligner l’effort du gouvernement pour ces publics ;
* soutien aussi des plus fragiles avec la reconduction des crédits pour l’insertion par l’activité économique (IAE) à 197 M€ et ce, en attendant une réforme plus globale du financement de ce secteur ; secteur dont les aides n'ont pas été revalorisées depuis 10 ans et que le gouvernement précédent a abandonné ;
* Soutien encore aux jeunes inscrits dans un parcours d’insertion : l’allocation CIVIS (le contrat d’insertion dans la vie sociale) est préservée à hauteur de 50 M€ : elle permettra de soutenir financièrement 135.000 jeunes ;
* Soutien enfin aux jeunes des écoles de la deuxième chance et à ceux accompagnés par le fonds d’insertion professionnel des jeunes dont la capacité d’intervention est également préservée.
Le budget que le gouvernement soumet à votre vote est un budget « cousu main », qui tente, malgré la contrainte, de faire du sur mesure pour que chaque population et, au-delà, chaque individu, puisse avoir une solution qui lui convienne. Pour faire rempart efficacement contre le chômage et parvenir à en inverser la courbe mortifère, nous devons déployer cette ingénierie complexe.
V- Ce budget est un budget qui anticipe et qui accompagne les mutations économiques
L’emploi à vie dans une même entreprise, vous le savez, est un modèle qui existe de moins en moins. De la même manière, nos parents et grands-parents ont pu faire toute leur carrière sur une même machine ; ce monde du travail a disparu. Aujourd’hui, adaptabilité, compétitivité, mondialisation sont devenus les maîtres mots. Quand l’économie change, le social doit aussi changer pour s’y adapter, pour inventer les protections sociales et les droits sociaux en phase avec notre présent, avec les conditions actuelles de millions de salariés. _ Ce nouvel enjeu, c’est la sécurisation de l’emploi ; du chômage partiel pour traverser une crise, au contrat de transition professionnel et à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences pour suivre et organiser les mutations de l’économie.
De simple « assureur social », l’Etat doit sans cesse devenir stratège et utiliser sa hauteur de vue pour piloter l’évolution des compétences.
Le budget porte ces ambitions.
* L’Etat poursuivra sa politique de soutien aux filières stratégiques et agira pour la sécurisation des parcours professionnels sur des bassins d’emploi en transition. Les crédits à ce titre bénéficient de nouveaux engagements pour un montant de 25 M€. Et ce sont au total 60 M€ de crédits budgétaires qui sont mobilisés.
* L’intention du gouvernement est aussi de continuer à encourager les dispositifs d’activité partielle qui permettent d’éviter les suppressions d’emploi en amortissant le choc des mauvaises conjonctures : nous avons inscrit 70 M€ de crédits budgétaires pour cela.
* Au titre de l’accompagnement social des restructurations, nous pérennisons le contrat de sécurisation professionnelle qui a depuis 2011 pris le relais de la convention de reclassement personnalisé (CRP) et du contrat de transition professionnel (CTP). Son coût prévisionnel est évalué à 70 M€.
VI- Ce budget est enfin un budget d’investissement : investissement dans la reconnaissance des qualifications, des compétences, et dans le développement de l’apprentissage et de la formation professionnelle.
C’est Thierry Repentin qui dans quelques instants vous présentera les moyens de ces politiques.
V- Avant cela et avant de conclure, quelques mots des moyens de la politique du travail
Car si ce budget est celui de l’exigence de la lutte contre le chômage, il est aussi celui des 25 millions de salariés au travail.
* santé et sécurité au travail : nous continuerons à porter les engagements financiers liés à la mise en œuvre du deuxième Plan Santé au Travail, à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (l’ANSES), et à l’agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT).
* qualité et effectivité du droit : nous financerons le démarrage du processus des élections prud’homales qui aboutira au plus tard en décembre 2015 au renouvellement des quelques 14 500 conseillers prud’hommes. Et nous continuerons bien sûr à financer la formation de ces conseillers prud’hommes.
* dialogue social et démocratie sociale : dans un contexte marqué par le souhait du Gouvernement de redonner toute sa place au dialogue social, nous respecterons également les engagements pris s’agissant de la formation économique, sociale et syndicale des salariés appelés à exercer des fonctions syndicales, avec 24 M€ de CP prévus à ce titre pour 2013.
VIII- Je voudrais aussi dire avant de conclure un mot des amendements sur lesquels je serai amené à me prononcer
Sachez que je partage l’essentiel de vos préoccupations, et que tout particulièrement les dépenses supplémentaires qui ont été proposées à la fois sur le secteur de l’insertion par l’activité économique, l’anticipation des mutations économiques, le fonds d’insertion professionnelle des jeunes ou encore les dispositifs locaux pour accompagner au mieux les emplois d’avenir ont toutes leur légitimité. Pour permettre le financement de certaines de ces dépenses, le gouvernement propose un amendement qui limite le champ de l’exonération de cotisations sociales dont bénéficient les organismes d??intérêt général ayant leur siège en zones de revitalisations rurales. Cet amendement recentre cette exonération sur les structures de moins de 500 salariés. Concrètement cela signifie que les quelque 130 établissements concernés – de plus de 500 salariés - bénéficieront du dispositif d’allègements généraux de charges patronales pour les salariés dont la rémunération est inférieur à 1,6 SMIC.
Je souhaite pour finir vous remercier, monsieur le Président, mesdames et messieurs les députés, avec un remerciement particulier pour l’important travail effectué, au rapporteur spécial de la Commission des finances, Christophe CASTANER, au Président de cette même commission Gilles CARREZ, aux rapporteurs pour avis de la commission des affaires sociales, sur la mission Travail et Emploi , Jean Patrick Gille, Francis VERCAMER et, sur le compte d’affectation spécial Fonds national de développement de modernisation de l’apprentissage, Gérard CHERPION. Je remercie enfin la Présidente de cette commission des affaires sociales Catherine LEMORTON, et je me réjouis encore de la qualité des débats que nous avons pu avoir lors des travaux préparatoires et de l’audition en commission sur ce projet de budget.
Mesdames et messieurs, je veux vous lancer un appel à une sorte « d’union sacrée » contre le chômage. Nous pouvons avoir des divergences sur la compétitivité, le coût du travail, ou même la durée légale du travail. Les Français en jugeront le moment venu. Mais face au chômage, pour l’insertion de publics spécifiques, dans le soutien à la jeunesse, dans la mise en œuvre de la solidarité entre les générations dans l’entreprise, pour sécuriser l’emploi, pour porter et développer les compétences des travailleurs de notre pays, nous pouvons nous unir sans nous renier. En tant que ministre du dialogue social, je demande aux partenaires sociaux de parvenir à des compromis honnêtes. Et ils y arrivent. Je sais que, de part et d’autre, les efforts sont importants. Il serait incompréhensible que la représentation nationale ne soit pas capable d’aboutir elle aussi à un compromis utile à notre pays tout entier, à nos chômeurs qui se désespèrent de trouver une solution, à nos entreprises en situation de fragilité, qui ont besoin de l’Etat.
Durant l’élaboration de ce budget, j’ai eu à cœur de respecter et de faire place à l’opposition. Parce que la gauche est majoritaire, je crois qu’elle doit être encore plus soucieuse du respect des droits de l’opposition.
Je crois que chacun a saisi l’exigence qui doit être la nôtre : porter pleinement l’intérêt général. Votre vote sera la traduction de cette exigence.
Source http://travail-emploi.gouv.fr, le 19 novembre 2012