Déclaration de M. Thierry Repentin, ministre de la formation professionnelle et de l'apprentissage, sur le financement et la collecte de taxes pour la formation professionnelle et l'apprentissage, Paris le 13 novembre 2012.

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Circonstance : Séminaire des Organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) pour la formation professionnelle à Paris le 13 novembre 2012

Texte intégral


Les OPCA ont connu ces 24 derniers mois des bouleversements considérables qui les ont amenés à se regrouper pour assurer un meilleur service conjugué à une plus grande performance de gestion. Les exigences étaient fortes, il reste des efforts à faire, mais vous êtes en passe d’y répondre. Je veux, avant de poursuivre, que vous sachiez que l’Etat, et mes services, resteront à l’écoute des éventuelles difficultés rencontrées dans ce cadre.
Pour l’AGEFOS PME, 1er collecteur de France et OPCA interprofessionnel, cette réforme a semblé plus facile à digérer d’un point de vue organisationnel que pour d’autres. Bien sur vous avez étendu encore votre champ, vous avez diversifié vos adhérents, mais j’ai le sentiment que les plus grands défis restent encore devant vous :
* Comment construire une culture commune dans le périmètre post-réforme ?
* Comment croiser politiques de branche, logiques sectorielles et dynamiques territoriales ?
* Comment enfin mettre votre organisme et ses différentes composantes en ordre de marche pour répondre aux nouvelles exigences de la loi – avec les conventions d’objectifs et de moyens par exemple – mais surtout aux nouvelles attentes des acteurs professionnels et publics ? Pourtant, je n’ai pas de doute sur votre capacité à relever ces défis :
* Ce n’est pas un hasard si AGEFOS PME a été non seulement le 1er OPCA agréé à la suite de la réforme mais également le 1er à conclure sa convention d’objectifs et de moyens.
* Avec 50 branches professionnelles - la moitié de services, un tiers de commerce et le reste pour l’Industrie - la gestion de la diversité, vous pratiquez depuis longtemps… Ce n’est pas toujours facile, c’est comme dans une majorité, tout le monde ne pense pas forcément toujours la même chose… mais c’est dans l’échange et l’action partagée que vous avancez. En cela ce séminaire annuel, je le sais, est structurant pour votre unité.
* Et puis, vous avez pour vous votre ancienneté, plus de 40 ans au service des entreprises et de leurs salariés, ça compte.
Aujourd’hui, au-delà de ces défis, je suis venu partager avec vous une ambition supplémentaire. Alternance politique, nouvel acte de décentralisation, renégociation de la convention cadre Etat-FPSPP, grande négociation sur la sécurisation de l’Emploi … J’ai le sentiment que nous sommes à un moment charnière pour la politique de formation professionnelle et les acteurs qui la portent - l’Etat, les Régions, les partenaires sociaux, les acteurs professionnels et bien sur leurs OPCA. Comme je l’ai dit la semaine dernière lors de la Rencontre Nationale des Présidents et Directeurs d’OPCA, où certains d’entre vous étaient présents, je veux profiter de ce moment pour bâtir avec vous une nouvelle relation de confiance et de responsabilité.
Une nouvelle relation pour une ambition partagée : sécuriser l’emploi et les parcours et développer les compétences des actifs au profit des actifs et des entreprises de notre pays.
Cette relation, malgré l’urgence de la crise, nous devrons la construire dans la sérénité et le respect. Tous les ingrédients sont réunis pour y parvenir :
* Tout d’abord l’engagement de l’Etat, qui a donné des signes forts et s’est engagé, par la voie du Premier ministre, lors de la Grande Conférence Sociale, à ne plus réaliser de prélèvements unilatéraux sur le FPSPP. Nous avons également repris un dialogue largement dégradé avec l’ensemble des acteurs professionnels et des organisations syndicales.
* Autre ingrédient nécessaire, la stabilité ! Nous ne nous lancerons pas dans un nouveau grand soir de la formation, que personne ne semble souhaiter, et nous ne céderons pas à la tentation des vagues d’annonces à répétition. Nous prendrons le temps et le recul nécessaires pour analyser des réformes encore fraiches, améliorer ce qui peut l’être et avancer sur les chantiers bloqués depuis longtemps.
* Et le dernier ingrédient bien sur, c’est la volonté et l’engagement à nos côtés des autres acteurs de la formation professionnelle. Ma conviction c’est que le changement de contenu politique ne peut que s’accompagner d’un changement de méthode. Ces dernières années, la division, l’affrontement, et finalement la méfiance ont trop souvent prévalu. Je vous propose l’inverse. Le Gouvernement l’a montré avec la Grande Conférence Sociale de juillet dernier, il souhaite, et ce n’est pas une posture de circonstances, renforcer la démocratie sociale et s’appuyer sur un dialogue social à la française qu’il nous revient collectivement d’inventer. Avec la signature par les huit organisations syndicales d’un ANI sur le contrat de génération, les partenaires sociaux ont su faire la preuve de leur responsabilité mais également de leur créativité. Et j’espère qu’ils iront plus loin et trouveront un accord dans le cadre de la négociation historique relative à la sécurisation de l’Emploi. Mais au-delà du dialogue social, c’est plus largement au mot de partenariat que je veux croire. Nos sujets d’intérêt commun, vous les connaissez. Ce sont nos priorités politiques et pour nombreuses d’entre elle je sais que vous les partagez :
1. Nous voulons faciliter l’insertion professionnelle et l’accès à la qualification des jeunes sortants du système de formation initiale sans diplôme avec le développement de l’alternance bien sur, mais aussi les emplois d’avenir et les pactes de réussite éducative et professionnelle qui viendront décliner dès 2013 le document cadre que j’ai soumis à la concertation à la suite de la Grande Conférence Sociale.
2. Il y a urgence également à développer l’accès à la formation des demandeurs d’emploi. On ne peut pas se satisfaire collectivement, quelques soient les raisons, que l’on se forme moins lorsque l’on est au chômage que lorsque l’on est en emploi ? Cette situation n’est pas inéluctable et j’ai souhaité qu’un texte sur ce sujet soit également soumis à la concertation pour être décliné en plans d’action régionaux.
3. Nous souhaitons par ailleurs aller plus loin dans l’individualisation des droits à la formation. Vous le savez, le CNFPTLV travaille actuellement sur la création d’un compte individuel de formation et j’ai noté avec satisfaction que M. Gallois nous invitait collectivement dans son rapport à poursuivre dans cette voie.
4. Enfin, il est impératif de favoriser le développement des dispositifs d’anticipation des mutations économiques, dans les entreprises, dans les branches et dans les territoires, pour éviter les chocs et les ajustement brutaux. Le Pacte pour la Croissance, la Compétitivité et l’Emploi, présenté mardi dernier par le Premier ministre, contient des décisions fortes sur ce sujet et je veillerai à ce qu’elles soient mises en oeuvre dès l’année prochaine.
Je vous l’ai dit ces chantiers correspondent aux priorités du Gouvernement mais ce sont ceux du pays tout entier. Dans ce cadre, ils nous engagent et je souhaite travailler étroitement avec les acteurs professionnels et leurs OPCA sur la base de la relation de confiance que j’évoquais.
Cette relation, elle doit s’appuyer sur un équilibre simple : rigueur et respect des engagements d’un côté, partenariat constructif de l’autre. Si la réforme de novembre 2009 a ouvert des pistes en élargissant les missions des OPCA, il nous faut aller plus loin pour que vous puissiez :
* mieux identifier les besoins de compétences dans les entreprises et les besoins actuels ou à venir en la matière. Cette mission prospective, AGEFOS en est l’un des acteurs clés avec sa trentaine d’observatoires participant à la définition des politiques sectorielles emploi formation. Je veux saluer ce travail considérable et vous incitez à le poursuivre en favorisant les croisements de ces travaux entre eux dans une logique interbranche, mais aussi avec les travaux nationaux et locaux pour pouvoir alimenter les décisions dans nos territoires.
* Il faut que vous puissiez également construire une offre de service encore plus orientée vers les entreprises ayant le plus besoin d’être accompagnées, c’est-à-dire les petites et celles qui sont en difficulté. Vous êtes d’abord l’OPCA des TPE / PME. Plus d’une TPE française sur quatre est adhérente à l’AGEFOS. Cela vous donne une responsabilité particulière, et doit vous inciter sans cesse à trouver les leviers pour renforcer votre offre de proximité.
* Enfin, il est indispensable que vous puissiez trouver pleinement votre place dans la bataille pour l’emploi qui est lancée
- Cela passe d’abord par votre action pour l’emploi et l’insertion de jeunes. De ce point de vue, je tiens à vous adresser les encouragements de l’Etat à aller encore plus loin que vous ne le faites aujourd’hui en matière de professionnalisation : c’est déjà près d’un contrat de professionnalisation sur 4 qui était financé par l’AGEFOS en 2011. J’ai accueilli avec une grande satisfaction votre volonté d’être à nos côtés pour agir pour la formation des jeunes peu ou pas qualifiés qui se verront proposer des emplois d’avenir. 3ème OPCA de l’Economie Sociale et Solidaire, l’AGEFOS sera nécessairement un acteur majeur dans ce dispositif. On le sait, il nous faudra trouver des solutions partenariales et innovantes pour adapter les dispositifs, construire des parcours intelligents, et, disons-le, lever les obstacles financiers à certaines actions nécessaires. Je pense notamment au tutorat sur lequel nous savons que nous aurons également des besoins importants dans le cadre des contrats de génération.
- Votre rôle dans la bataille pour l’emploi passe ensuite par votre engagement remarquable pour la formation des demandeurs d’emploi et qui peut être illustré notamment par la prise en charge de 20% de l’objectif national en matière de POE en 2012 ou encore par votre action pour les licenciés économiques. En matière de travail partenarial, je suis d’ailleurs convaincu que nous pourrons nous appuyer sur ce qui a été fait dans le cadre de la POE et du CTP puis du CSP.
- Je tiens enfin à vous réaffirmer la volonté du Gouvernement de garder, malgré la raréfaction des moyens budgétaires, une capacité d’action partenariale dans le domaine de l’anticipation des mutations économiques, à travers le dispositif que l’on désigne par un acronyme barbare qui parlera pourtant beaucoup à certains d’entre vous : le dispositif EDEC / GPEC. Dans un contexte marqué par les restructurations, le Gouvernement attache une attention particulière au développement de ces pratiques et à la mise en place de politiques de filières partenariales. Je compte sur votre implication auprès des entreprises et des salariés ainsi que sur votre engagement pour que nous puissions collectivement renforcer la qualité, l’efficacité et l’évaluation de ces démarches.
Voilà rapidement dessiner quelques grands axes sur lesquels je pense nous pourrions solidifier la relation de confiance et de responsabilité que j’appelle de mes voeux.
Mais au-delà du contenu de l’action, vous êtes, et c’est bien normal, attentifs aux évolutions de son cadre institutionnel. De ce point de vue, je veux que vous sachiez qu’en matière de formation professionnelle et d’emploi, l’acte III de la décentralisation aura pour principale ambition de clarifier les compétences de chacun et de renforcer les synergies entre les acteurs. Sans préjuger d’arbitrages qui ne sont pas encore rendus je vais tâcher de vous donner quelques indications sur les grandes orientations en cours de discussion ainsi que sur quelques axes que je pourrai être amené à porter dans le cadre de la réforme.
Nous irons certainement au bout de la logique des blocs de compétence en matière de formation professionnelle. L’Etat pourrait ainsi transférer aux Régions les compétences qu’il avait gardées jusqu’ici en matière de formation des personnes handicapées, des détenus, des travailleurs migrants, des Français de l’étranger, ainsi que les ressources correspondantes provenant du fonds social européen. Je garde cependant la conviction que la décentralisation ne peut être une réussite que si l’Etat garde la capacité de fixer le cap de la politique à mener, en définissant un cadre et les règles essentielles du futur service public régional de la formation. De son côté, la politique de l’Emploi restera « une politique nationale ».
Je veux également partager avec vous plusieurs axes de travail sur lesquels je pourrai être amené à avancer :
* Le premier d’entre eux consistera à consolider un véritable service public régional de la formation professionnelle. L’objectif est de renforcer la visibilité de la formation professionnelle, son caractère d’obligation nationale et d’offrir des garanties renforcées à la fois de non-discrimination, mais aussi d’adaptabilité aux besoins d’accompagnement renforcé des publics les plus en difficulté.
* Le deuxième axe concerne la création de pactes pour la réussite éducative et professionnelle dans chaque région, pour inciter à une meilleure organisation des dispositifs locaux de suivi et d’insertion professionnelle des jeunes.
* Le troisième viserait à optimiser un SPO animé par la Région et reposant sur des outils d’information plus lisibles, avec une dimension métier renforcée, et une coordination accrue des acteurs. Dans ce cadre, j’ai d’ores et déjà souhaité relancer le projet Dokelio. Un tel outil a vocation à faciliter le travail au quotidien de l’ensemble des conseillers en orientation mais pourrait également vous aider à mieux appréhender l’offre de formation ou à construire vos stratégies d’achat de POE collective.
* Enfin le dernier axe concerne la gouvernance régionale. Ma conviction est que le CPRDFP doit être conforté avec des objectifs clarifiés et un lien entre les schémas prévisionnels et les cartes annuelles de formation précisé. Par ailleurs, les conditions de mise en oeuvre des conventions d’application sectorielles pour des plans d’action cofinancés entre branches, OPCA, Etat et Région seront précisées, et systématiquement mises en visibilité du CCREFP, qui intégrerait le CRE. Je souhaite d’ailleurs que vous puissiez demain bénéficier dans ce cadre conventionnel de l’appui du FPSPP en vue de sécuriser les parcours des actifs confrontés à des mutations économiques. C’est pourquoi nous sommes en discussion avec nos partenaires du FPSPP pour voir comment la nouvelle convention triennale Etat FPSP pourrait offrir de nouvelles voies de travail partenarial avec les Régions, sur des projets définis.
Laissez-moi vous dire un mot pour conclure de la négociation de cette convention. Elle est en cours et je me réjouis de son avancée rapide dans un climat particulièrement constructif, avec une confiance retrouvée qui marque une vraie rupture avec ce qui s’était fait dans un passé récent. Les axes d’intervention proposés par les partenaires sociaux en faveur du développement de l’accès à l’emploi des jeunes, de l’évolution et du maintien dans l’emploi des salariés les plus fragiles et de la sécurisation des salariés et des demandeurs d’emploi confrontés à des mutations économiques, correspondent parfaitement à nos orientations prioritaires.
J’ai la conviction que cette négociation sera pleinement une réussite si elle permet :
* tout d’abord de faire en sorte que le FPSPP justifie demain autant qu’aujourd’hui son appellation, en bénéficiant d’abord aux publics les plus fragiles du fait de leur faible niveau de qualification ou de leur situation professionnelle (demandeurs d’emploi ou licenciés économiques).
* si elle permet ensuite d’engager le FPSPP dans les grands enjeux des prochaines années, que j’ai déjà largement évoqués aujourd’hui : l’avenir de notre jeunesse, le développement des relations intergénérationnelles et du tutorat, et l’accompagnement des mutations économiques.
* et si elle permet enfin d’aborder sereinement, dans le respect des compétences de chacun, l’ensemble des sujets, même les moins simples, pour établir au moins des diagnostics partagés. Je pense par exemple aux enjeux de suivi et d’évaluation, mais également aux types de dépenses éligibles ou encore aux règles de la péréquation. Vous l’aurez compris je suis, le Gouvernement est, déterminé à gagner la bataille de l’Emploi. Mais une bataille ne se gagne pas seul, elle se gagne avec des troupes dont vous faites évidemment partie. Et ce d’autant plus que la formation constitue notre atout majeur dans un contexte de mutations qui s’accélèrent, et de concurrence internationale renforcée dans laquelle la qualité de nos produits et services devient de plus en plus décisive.
Confiance, responsabilité et mobilisation, voilà les trois maitres mots que j’aimerai que vous gardiez à l’esprit durant toute cette journée de séminaire à laquelle je ne vais malheureusement pas pouvoir rester. Mais croyez bien que je m’en ferai rapporter les principaux enseignements.
Mesdames, messieurs, je vous remercie de votre attention.
Source http://travail-emploi.gouv.fr, le 19 novembre 2012