Déclaration de M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, sur les relations franco-italiennes dans le cadre de l'Union européenne, à Rome le 21 décembre 2012.

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Circonstance : Déplacement à Rome (Italie)-conférence de presse conjointe avec le ministre italien des affaires étrangères, M. Giuliomaria Terzi di Sant'Agata, le 21 décembre 2012

Texte intégral

Merci beaucoup Mon Cher Giulio. J'ai accepté avec beaucoup de plaisir l'invitation du ministre des affaires étrangères italien de venir m'exprimer devant la conférence des ambassadeurs. D'abord parce que, comme Giulio l'a souligné, c'est la première fois qu'un tel honneur est proposé - j'y suis sensible - et parce que le sujet choisi est passionnant pour nos deux pays : la diplomatie et l'économie. Il se trouve que c'est le même sujet qui avait été choisi, ce n'était pas un hasard, au mois d'août dernier, lors de la conférence des ambassadeurs français.
Surtout, cette invitation et ma présence interviennent à un moment où les relations entre l'Italie et la France n'ont jamais été aussi étroites. Quand on regarde ce qui s'est passé ces derniers mois, le nombre de visites, leur niveau, leur qualité, illustrés en particulier par la visite d'État du président Napolitano, récemment, particulièrement réussie, par le sommet de Lyon, par les échanges permanents entre le président Monti et le président Hollande ainsi que le Premier ministre Ayrault, par nos propres échanges, nous vivons quasiment ensemble !
C'est donc vraiment une période extrêmement faste pour les relations entre l'Italie et la France et j'ai eu l'occasion ce matin, et l'honneur, de m'exprimer devant tous les ambassadeurs italiens - on connaît la qualité de la diplomatie italienne - pour leur dire la façon dont je voyais, dont la France percevait, à la fois les changements du monde, les principales crises auxquelles nous allons faire face et la façon dont nous pouvions aborder les questions européennes et les questions économiques.
Je remercie donc vraiment énormément le ministre des affaires étrangères italien. Nous avons appris à travailler ensemble. Nous sommes non seulement collègues, mais amis, et c'est un bonheur quand on est français de travailler en ce moment avec l'Italie.

Q - En cette période préélectorale en Italie, le président François Hollande a apporté un soutien sans ambiguïté à Mario Monti. Premièrement, est-ce que ce n'est pas un peu paradoxal de voir un président socialiste soutenir quelqu'un qui, de ce côté des Alpes, est plutôt soutenu par le centre-droit, par l'Église ? Et, de façon plus générale, est-ce que ce soutien très appuyé des dirigeants européens à l'actuel gouvernement italien n'est pas une forme d'ingérence, ne peut pas être vécu comme une forme d'ingérence qui risque d'irriter les électeurs italiens ?
R - Je pense qu'il faut distinguer les différents plans. Nous avons des relations absolument excellentes avec le gouvernement italien, en ce moment, qui font suite à une période, j'y ai fait allusion dans mon propos devant les ambassadeurs, où notre relation pouvait être qualifiée de mouvementée.
Nous travaillons très bien ensemble, à la fois sur les relations franco-italiennes et sur beaucoup d'autres sujets. On a cité le Mali, mais il y a aussi le Proche-Orient, la Syrie, et bien sûr la construction européenne.
Cela dit, nous n'avons pas, bien sûr, à nous ingérer dans les affaires italiennes. La démocratie italienne est une grande démocratie, et les électeurs voteront comme ils souhaitent voter. Bien évidemment, il n'est pas question de donner une indication de vote, ce qui n'aurait aucun sens, pour l'un des candidats.
Par ailleurs, je tiens à dire que nous avons des amitiés traditionnelles, ceci n'est pas contradictoire avec cela, et j'aurai l'occasion dans quelques minutes de rencontrer pour un déjeuner le responsable qui a été désigné par les primaires de la gauche italienne.
Donc, ne tirez pas de conséquences sur la politique intérieure, nous travaillons extrêmement bien avec le gouvernement italien, l'Italie et la France sont très proches et je sais, quel que soit le choix des Italiens, que les relations entre l'Italie et la France continueront d'être excellentes, dans la lignée de ce qui a été fait au cours des derniers mois.

Q - Précisément, sur la base de ce rapport retrouvé de coopération entre l'Italie et la France sur la voie de l'intégration européenne, où la solidarité est désormais devenue un must, mais pose encore des problèmes de faisabilité, et dans la perspective d'un autre rendez-vous important, qui est celui du budget européen, où les positions sont encore éloignées, quel est le chemin que l'Italie et la France feront ensemble pour arriver à un point commun ?
R - Il y a eu une première réunion qui a permis d'avancer mais qui n'a pas permis de conclure sur le budget européen. Il ne faut pas non plus dramatiser car nous qui avons l'expérience de ces travaux, nous savons que dans le passé ce n'est pas à la première réunion qu'on a conclu. Et je pense qu'il y a une approche commune de la France et de l'Italie qui consiste à considérer qu'il faut à la fois que la politique agricole, qui est aujourd'hui le coeur concret du budget, dispose de suffisamment de ressources, et que d'autre part les pays dits de la cohésion disposent, eux aussi, de suffisamment de ressources.
Pour ce qui concerne les dépenses d'ensemble, on comprend bien qu'il y a des économies à faire, mais il ne faut pas que ces économies rendent impossible l'action européenne. Et enfin, pour le mécanisme des chèques, il faut qu'il n'y ait pas une habitude qui se crée, qui fait que tous les pays, y compris ceux qui se trouvent dans la meilleure situation économique, auraient un droit à toucher un chèque. Sinon, on pourra prendre le problème dans tous les sens, on n'arrivera pas à une solution.
Nous sommes assez confiants. Évidemment, il est important de savoir, par rapport aux éventuelles élections, quand cette discussion aura lieu. Mais il y a eu un premier travail, une première réunion qui a été utile. Il y aura de nouveaux travaux qui vont intervenir au mois de janvier pour préparer tout cela, mais on voit bien se profiler les lignes d'un accord qui serait raisonnable. Je ne doute pas que là-dessus, Italiens et Français souhaitent la même chose.

Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 janvier 2013