Texte intégral
Q - À la dernière rencontre des leaders progressistes à Rome, on a beaucoup parlé de la nécessité de faire des politiques communes au lieu des politiques nationales. Et on a dit aussi qu'aujourd'hui, l'Europe est un peu trop néolibérale. Alors je voudrais vous demander comment pourrait être une Europe plus sociale-démocrate.
R - Ce que je constate à ce sujet, en discutant avec Pier-Luigi Bersani, c'est que nous sommes tout à fait d'accord sur les orientations que pourrait avoir l'Europe. Il faut concilier le sérieux budgétaire avec, dans le même temps, la nécessité d'une relance de la croissance, ainsi que les dimensions sociale et environnementale. De ce point de vue-là, je pense que le travail qu'ont commencé à réaliser ensemble la France et l'Italie doit être continué et amplifié dans la période qui vient, c'est manifeste dans nos conversations.
Q - L'impression aujourd'hui est que l'axe franco-allemand est aujourd'hui plus fragile. Deux questions sur cela : d'après vous, de quoi dépend ce changement ? Est-ce un bien ou un mal ?
R - Nous sommes très attachés au partenariat entre la France et l'Allemagne : c'était vrai hier, cela est vrai aujourd'hui et ce sera vrai demain. Compte tenu à la fois du poids de nos deux pays dans l'Europe, de nos liens historiques - d'abord de nos drames historiques, puis de la réconciliation - le partenariat franco-allemand est tout à fait important. Mais, il y a effectivement probablement deux changements par rapport à la période précédente. Le premier, c'est que le partenariat franco-allemand doit être ouvert à d'autres. Il ne s'agit pas d'un partenariat refermé, et parmi les autres, au premier rang, figure l'Italie. Ce n'est pas l'Allemagne et la France d'un côté, et le reste de l'Europe de l'autre. L'Italie est un très grand pays, aussi bien sur les plans économique, culturel et politique et nous souhaitons un partenariat ouvert. S'agissant du partenariat franco-allemand, nous voulons que ce soit un partenariat égal et d'égal à égal. Je ne vais pas revenir sur la période précédente mais nous avions parfois l'impression que la décision était prise par l'Allemagne, avant qu'une sorte de construction soit faite pour présenter cela comme franco-allemand. Il s'agit là d'un partenariat d'égal à égal, un partenariat ouvert. Il ne faut donc pas voir l'amitié franco-italienne comme une alternative à l'amitié franco-allemande. L'amitié franco-italienne est consubstantielle à ce que doit être le développement européen.
Q - François Hollande a montré qu'il appréciait beaucoup le gouvernement Monti. Vous aussi, vous avez prononcé à plusieurs reprises des paroles d'appréciation sur le travail de ce gouvernement. Croyez-vous que le bien de l'Europe passe par la poursuite de la ligne politique imposée par le gouvernement Monti, même une fois le mandat de ce dernier achevé ?
R - D'abord, en tant que membre du gouvernement français je n'ai pas à m'ingérer dans les affaires intérieures de l'Italie. Il est évident que nous avons très bien travaillé avec le gouvernement de Mario Monti, que Pier-Luigi Bersani a soutenu, comme il le disait à l'instant. Mais j'ai également beaucoup d'estime, et même plus que de l'estime, des relations d'amitié et de confiance avec Pier-Luigi Bersani, et ce n'est pas parce que je dis du bien de M. Bersani, que je dois dire du mal de quelqu'un d'autre ! C'est assez rare en politique, où domine souvent une vision manichéenne. Bien au contraire ! Nous sommes liés par des relations d'amitié. Nous avons des engagements communs, qui sont bien connus. Cela dit, je suis convaincu que l'Italie et la France continueront de travailler étroitement avec le futur représentant de l'Italie. C'est au peuple italien qu'il revient d'en décider.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 janvier 2013