Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Depuis plusieurs années, la montée du terrorisme au Sahel est une source croissante de préoccupation.
La dégradation de la situation au Mali, en 2012, a hélas confirmé que les pires scénarios étaient possibles.
L'assaut des groupes terroristes, qui ont conquis une partie du territoire de ce pays, a provoqué une profonde déstabilisation de l'État malien, une atteinte inacceptable à sa souveraineté, et la constitution d'un sanctuaire terroriste, à près de deux mille cinq cent kilomètres du territoire national.
C'est toute une région, déjà vulnérable, dont la sécurité et la stabilité sont mises en danger. C'est une menace qui pèse sur la France et sur l'Europe.
À la tribune de l'Assemblée générale des Nations unies, en septembre dernier, le président de la République avait averti que la situation créée par l'occupation d'un territoire au nord du Mali par des groupes terroristes était insupportable, inadmissible et inacceptable, non seulement pour le Mali, mais également pour tous les pays de la région et, au-delà, pour tous les États qui font preuve de détermination dans la lutte contre le terrorisme.
La France a donc agi pour mobiliser la communauté internationale, et, nous pouvons l'affirmer, nos initiatives diplomatiques ont porté leurs fruits.
Après deux premières résolutions, le Conseil de sécurité des Nations unies a autorisé, le 20 décembre dernier, le déploiement d'une force africaine de stabilisation, la MISMA.
L'Union européenne a, quant à elle, décidé d'une opération de soutien, dans le cadre de la Politique de sécurité et de défense commune.
C'est probablement pour y faire obstacle que, pour la première fois, les groupes terroristes présents au Nord du Mali, Aqmi, le Mujao et Ansar Eddine, ont regroupé leurs forces afin de lancer l'offensive contre les villes commandant l'accès à Mopti à l'Est, et à Ségou à l'Ouest, en direction de Bamako.
Dès le 9 janvier, le président du Mali a lancé à la France une demande d'assistance militaire. La prise de Konna, le 10 janvier, a achevé de nous convaincre que nous étions bien devant une agression caractérisée, mettant en jeu l'existence même de l'État malien, et que les forces armées maliennes n'avaient pas les moyens d'y résister seules. Le Conseil de sécurité a confirmé cette menace directe pour la paix et la sécurité internationales, dès le 10 janvier.
Le président de la République a donc décidé, le 11 janvier, que la France devait intervenir militairement, en appui aux forces armées maliennes.
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Face à des adversaires dangereux, bien équipés et déterminés, la France poursuit des objectifs parfaitement clairs. Je souhaite à nouveau les rappeler devant vous :
- premier objectif : arrêter l'avancée des groupes terroristes vers Bamako ;
- deuxième objectif : préserver l'existence de l'État malien et lui permettre de recouvrer son intégrité territoriale ;
- troisième objectif : favoriser l'application des résolutions internationales à travers le déploiement de la force africaine de stabilisation et l'appui aux forces armées maliennes dans leur reconquête du Nord.
Le président de la République l'a affirmé avec détermination : notre intervention durera le temps nécessaire pour atteindre ces objectifs. Les moyens engagés y répondront strictement.
Aujourd'hui, 1.700 militaires français sont engagés dans l'opération Serval, dont 800 sur le territoire malien. Notre dispositif aérien est composé de douze avions de chasse et de cinq ravitailleurs. Notre dispositif terrestre comprend un État-major tactique, deux compagnies de combat et un escadron blindé. L'ensemble de nos moyens continue à monter en puissance.
Leurs efforts se concentrent, d'une part, sur l'aide aux forces armées maliennes, pour arrêter la progression des groupes terroristes, en combinant une action aéroterrestre des forces spéciales, engagées dès les premières heures, des frappes aériennes et un appui par des unités terrestres. Les premiers éléments des compagnies françaises arrivées à Bamako ont commencé leur progression vers la zone de combat.
Les efforts portent, d'autre part, sur les actions aériennes mobilisant nos avions de chasse basés à Ndjamena ou en métropole. Elles visent, dans la profondeur, les bases-arrières des groupes terroristes, pour leur infliger les pertes les plus importantes possible, et neutraliser leur capacité offensive sur l'ensemble du territoire malien.
À cet égard, il ne saurait être question de figer l'actuelle ligne de front, qui n'est rien d'autre que le résultat d'une division artificielle du Mali et d'un rapport de force que nous avons précisément la volonté de modifier.
La France agit à la demande des autorités légitimes du Mali, qui, à deux reprises, lui ont lancé un appel à l'aide. Elle s'inscrit dans le respect de la charte des Nations unies et de son article 51, en parfaite cohérence politique avec les résolutions du Conseil de sécurité.
Le secrétaire général des Nations unies a d'ailleurs salué notre réponse à la demande souveraine du Mali. Au Conseil de sécurité, une grande majorité d'États membres a rendu hommage à la rapidité de notre réaction. Son opportunité et sa légalité sont incontestées.
De fait, la France n'est pas seule.
Notre décision bénéficie d'un large soutien international. Elle a été accueillie avec soulagement par les États africains, unanimes, et qui sont prêts à se mobiliser. L'Algérie nous a accordé les autorisations de survol nécessaires, et a fermé sa frontière avec le Mali.
Nos partenaires européens sont eux-aussi au rendez-vous, en mettant à notre disposition des moyens logistiques de transport ou de ravitaillement en vol. Le Royaume Uni, l'Allemagne, la Belgique et le Danemark devraient très rapidement être rejoints par d'autres.
Nous pouvons aussi compter sur le soutien des États-Unis et du Canada, sans compter les propositions que nous recevons d'autres pays.
Mais, si nous sommes intervenus en urgence pour éviter un effondrement du Mali, qui aurait rendu vaine toute initiative internationale, nous n'avons pas vocation à rester en première ligne. Notre opération n'est pas une fin en soi.
La priorité consiste à accélérer le déploiement de l'opération africaine, qui doit aider les autorités maliennes à reprendre le contrôle de leur pays.
D'ores et déjà, un échelon précurseur de l'État-major de la force africaine est arrivé à Bamako. De nombreux contributeurs de troupes ont exprimé leur volonté de participer à cette opération, du Nigeria au Sénégal, en passant par le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, le Niger, le Tchad, le Togo et d'autres pays qui suivront. En conséquence, les premières troupes africaines devraient être en mesure d'arriver à Bamako, d'ici la fin de la semaine.
Une réunion des chefs d'État-major de la CEDEAO se poursuit actuellement dans la capitale malienne et un sommet de l'Organisation aura lieu à Abidjan, le 19 janvier, où la France sera représentée comme observateur par le ministre des affaires étrangères. Il s'agit d'autant d'occasions de poursuivre la mobilisation africaine et de préparer le déploiement opérationnel de la MISMA.
La France se mobilise également, avec ses partenaires, pour accélérer la mise en place de l'opération européenne EUTM-Mali, qui apportera les indispensables soutiens logistiques et en formation.
Catherine Ashton, dont je salue la contribution, a convoqué, demain à Bruxelles, une session extraordinaire du Conseil des ministres des affaires étrangères. La France souhaite que cette réunion permette de créer EUTM-Mali, d'en désigner le commandement et d'envoyer dans les prochains jours une équipe de précurseurs sur le terrain. Elle examinera également les réponses à apporter à la situation humanitaire sur le terrain.
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
J'ai évoqué hier les mesures adoptées par le gouvernement, dans le cadre du plan Vigipirate, pour renforcer la sécurité du territoire national, notamment la sécurité des transports et des bâtiments publics, ainsi que des lieux de culte.
La même attention est portée à la situation de nos quelque 6.000 compatriotes qui résident au Mali et que nous avons encouragés, pour ceux dont la présence n'est pas indispensable, à quitter ce pays, sans pour autant procéder à leur évacuation. La présence de nos forces offre naturellement une protection à notre communauté.
Enfin, comme je l'ai fait ces derniers jours, je souhaite évoquer la situation de nos otages et l'angoisse de leur famille, dont nous sommes tous pleinement solidaires. Mais, une fois encore, n'oublions pas que ce sont ceux-là mêmes qui détiennent nos otages qui voulaient s'emparer de la totalité du Mali. Ne rien faire n'aurait pas contribué à leur libération.
Dans ces circonstances, je sais pouvoir compter sur l'unité de l'ensemble des forces politiques de notre pays pour soutenir l'action du président de la République et du gouvernement.
Nous le devons à nos soldats, qui, au péril de leur vie, sont engagés sur un terrain difficile aux côtés de l'armée malienne.
À nouveau, je veux saluer leur courage et leur professionnalisme, qui forcent l'admiration. J'ai présidé hier l'hommage solennel rendu par la Nation au chef de bataillon Boiteux et renouvelle toute ma solidarité à sa famille.
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Pour toute démocratie, l'engagement de nos forces armées est une décision grave.
Mais, nous pouvons aujourd'hui le constater, notre intervention a manifestement changé la donne :
- Sur le terrain, nous sommes parvenus à arrêter l'offensive des groupes terroristes, dès le 11 janvier à l'Est et, depuis mardi, à l'Ouest.
- À Bamako, les institutions de transition, qu'il s'agisse du président ou du Premier ministre, sont confortées.
C'est un élément essentiel. Car, nous en avons la conviction et la volonté, une paix durable au Mali passe bien sûr par une solution politique, c'est-à-dire l'adoption d'une feuille de route de la transition ouvrant la perspective d'élections démocratiques organisées sur tout le territoire malien.
D'après les indications recueillies à Bamako, le Premier ministre Cissoko souhaite aller vite : il a déjà consulté les partis politiques sur la feuille de route qui sera prochainement présentée au Conseil des ministres, puis au Parlement. Une cellule de suivi sera créée pour en assurer la mise en oeuvre.
La donne devrait également changer entre le sud et le nord du Mali. Le retour à l'intégrité territoriale devra s'accompagner d'une négociation destinée à établir les modalités d'une paix durable, entre toutes les composantes du Mali, et sur tout son territoire, à l'exception bien sûr des groupes terroristes.
Notre ambition est également de donner une nouvelle perspective de développement au Mali, et à toute cette région de l'Afrique. Car il n'y aura pas de stabilisation du Mali, sans perspective d'avenir pour sa population.
D'ores et déjà, je salue l'intention de la Commission européenne de reprendre son aide budgétaire au Mali qui représente un apport de 92 millions d'euros. La France reprendra son aide bilatérale, une fois la feuille de route de la transition adoptée.
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
En décidant de répondre à l'appel au secours du Mali, la France a montré sa détermination à lutter contre le terrorisme.
Dans ces moments difficiles et alors que nos troupes sont engagées à l'étranger, l'unité de la Nation est un atout irremplaçable. Je salue l'esprit de responsabilité dont toutes les forces politiques ont témoigné, depuis le 11 janvier.
Face à la menace des groupes terroristes, la détermination du gouvernement ne faiblira pas.
Je vous remercie.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 janvier 2013