Texte intégral
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Députés, je veux seulement dire quelques mots avant que le Premier ministre ne conclue ce débat indispensable et souhaité.
En qualité de ministre de la défense, je voudrais d'abord exprimer la gratitude de la communauté militaire de notre pays pour les propos de soutien et de reconnaissance qui ont été exprimés par l'ensemble des intervenants au cours de ce débat. Vous avez, les uns et les autres, souligné le professionnalisme, le courage, la détermination de nos forces armées, durement éprouvées dès les premières heures de l'intervention par le sacrifice du chef de bataillon Damien Boiteux, mort pour la France dans des conditions héroïques.
Je veux aussi me réjouir du soutien unanime qui s'est manifesté cet après-midi. C'est la grandeur de la représentation nationale que de savoir se rassembler, par-delà les opinions politiques, lorsque la gravité de la situation l'exige. En retour, comme cela a également été dit, cela donne aux forces armées et au gouvernement - en particulier au ministre de la défense -, dans la conduite de cette intervention, des devoirs, notamment de transparence, dans les seules limites de ce qui pourrait compromettre l'intervention de nos forces et la sécurité de nos soldats. C'est ce à quoi je m'emploierai, et je suis disposé, Mesdames les Présidentes, à venir devant vos commissions respectives, comme je l'ai déjà fait devant les commissions du Sénat.
Je ne reviendrai pas sur les raisons de notre intervention, sur l'obligation politique et morale dans laquelle nous étions de mobiliser nos forces comme le dernier rempart de l'État malien, sans parler des risques considérables que nous aurions courus si la volonté des groupes djihadistes de constituer un sanctuaire terroriste avait pu aboutir.
À la suite de plusieurs interventions, je veux dire à quel point j'ai été surpris, depuis que j'ai pris mes fonctions, par la sous-estimation, parmi mes nombreux interlocuteurs internationaux, mais aussi au sein de l'opinion publique française, de ce qui était en train de se préparer au Mali. Il a fallu que ce soit la France qui prenne l'initiative de la mobilisation de l'information sur ce sujet. Il a fallu que, fin septembre dernier, le président de la République alerte, à la tribune de l'assemblée générale des Nations unies, l'opinion publique sur les risques courus. Enfin, il a fallu que le ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, prenne les initiatives nécessaires pour aboutir à la résolution 2085, sur laquelle nous nous appuyons, prise sur proposition de la France, à l'unanimité du Conseil de sécurité. Je rappelle que cette résolution initiée par la France a été validée le 20 décembre dernier : il a fallu trois mois pour convaincre de l'importance du danger qui se profilait ! Il a fallu que moi-même, je prenne l'initiative de mobiliser les ministres de la défense de l'Union européenne pour les sensibiliser au danger qui se présentait, alors qu'il était jusqu'à présent sous-estimé, ce qui a abouti, à la fin du mois de décembre, à la décision de l'Union européenne de mettre en place une mission de formation et d'assistance aux forces maliennes en difficulté.
Oui, il a fallu mobiliser pour faire avancer les choses et parvenir à la situation actuelle, parce que l'opinion internationale avait sous-estimé ce risque. Je voudrais souligner la réactivité des forces armées françaises, qui ont lancé les premières attaques sur les positions des groupes terroristes au nord de Mopti, cinq heures seulement après la décision prise par le président de la République. J'ai entendu un orateur affirmer que nous n'étions pas préparés. Mais si nous n'avions pas mis en place un dispositif d'alerte, si nous n'avions pas renforcé nos services de renseignements sur la zone, jamais nous n'aurions pu identifier la menace qui était en train de se profiler et qui allait aboutir à la transformation du Mali en État terroriste. Nous avons su anticiper et réagir en temps utile grâce à la qualité et à l'efficacité de nos forces.
Pour répondre à plusieurs intervenants, je veux préciser à nouveau quelles sont les missions de nos forces armées dans le cadre des trois objectifs affirmés par le président de la République et répétés tout à l'heure par le Premier ministre. Dans le cadre de l'opération Serval, nos forces armées remplissent quatre missions. La première mission consiste à aider les forces armées maliennes encore présentes à arrêter la progression des groupes terroristes vers le sud du pays, en particulier au niveau de Diabali. Pour cela, nous effectuons des frappes aériennes précises au moyen d'hélicoptères ou de l'aviation de chasse et nous déployons - c'est le cas en ce moment - des éléments terrestres. La deuxième mission consiste à frapper, par des actions aériennes dans la profondeur, les bases arrière des terroristes, pour empêcher toute nouvelle offensive, comme nous l'avons fait ces derniers jours, notamment à Gao. La troisième mission consiste à envoyer un signe fort à Bamako, pour soutenir les institutions, rassurer la ville et sécuriser nos ressortissants. C'est la mission des unités d'infanterie qui ont été positionnées sur Bamako dès le début du combat. Enfin, la quatrième mission, essentielle, consiste à préparer les conditions nécessaires à l'organisation et l'intervention des forces armées africaines de la MISMA autour de l'état-major nigérian, ainsi qu'au déploiement de la mission de formation européenne pour les forces maliennes. Telles sont les missions confiées à nos forces, qu'elles assument aujourd'hui avec beaucoup de courage et de détermination.
Je veux également évoquer quelques autres points, à commencer par la prétendue solitude de la France. Il convient de rappeler que c'est à la suite de l'appel au secours adressé à la France par le président Traoré, sur la base de l'article 51 de la charte des Nations unies, que nous sommes intervenus. Il s'agissait en quelque sorte de décider, lors de la journée de vendredi de la semaine dernière, de décider si, oui ou non, nous portions assistance à pays en danger. Chacun conviendra que, compte tenu de l'urgence, ce n'était pas le moment d'ouvrir des négociations sur une nouvelle coalition qui devait faire l'objet de débats et de résolutions aux Nations unies. Il fallait agir dans la rapidité, en vertu de l'application de l'article 51 de la charte des Nations unies.
Par ailleurs, il y a une coalition, formalisée par la résolution 2085 du Conseil de sécurité - car une coalition ne peut exister que sur une base juridique internationale. Comme l'a souligné Hervé Morin, cette résolution pose le principe selon lequel il revient aux forces africaines, mandatées par les Nations unies pour permettre au Mali de recouvrer son intégrité et sa souveraineté, de s'organiser. C'est le droit international, sur lequel on doit obligatoirement s'appuyer si l'on veut constituer une coalition.
Où en est-on ? Bien sûr, la MISMA mettrait un peu de temps à se mettre en oeuvre, mais la résolution ne date que du 20 décembre dernier. L'initiative prise par la France permet certainement aujourd'hui de dynamiser la mobilisation d'une telle force et d'en accélérer le calendrier. Dès à présent, l'état-major de la MISMA est à Bamako et l'ensemble des pays suivants ont fait part de leur volonté d'intervenir et de faire participer leurs troupes : le Togo, le Nigeria, le Niger, le Burkina Faso, le Bénin, le Sénégal, la Guinée, le Ghana et le Tchad. Il s'agit de la mobilisation des Africains pour permettre au Mali de recouvrer sa souveraineté, parce que seules les forces africaines seront en mesure, à terme, et en intégrant bien sûr les forces maliennes, d'assurer la sécurité et la souveraineté de ce pays.
J'ajouterai que sur le plan logistique, depuis le déclenchement des combats, le soutien que nous avons reçu n'est pas uniquement politique - un tel soutien demeure tout de même indispensable s'agissant de la communauté internationale - mais aussi technique ; je pense en particulier aux Britanniques, aux Danois, aux Belges, aux Allemands, aux Canadiens, aux Américains, qui ont mis à notre disposition des capacités nous permettant de poursuivre notre effort et notre mission.
Enfin, cela a été dit tout à l'heure, le ministre des affaires étrangères se rendra demain à Bruxelles à une réunion des ministres des affaires étrangères pour activer la mise en place de la mission de formation de l'Union européenne afin de permettre à l'armée malienne de retrouver sa dignité et de faire en sorte qu'au terme du processus elle soit l'armée d'un État à la souveraineté recouvrée qui aura su éviter l'emprise des groupes terroristes sur son territoire.
Avant que le Premier ministre n'intervienne, je souhaiterais conclure mon propos par quelques remarques, Chers Collègues.
Il est clair que le règlement de cette crise se jouera à un niveau politique : le président de la République a bien affirmé que la France n'avait pas vocation à rester au Mali, mais une intervention de nos forces armées était et demeure indispensable pour stabiliser une situation qui s'aggravait de façon incontrôlée. En ce moment même, les combats continuent. Nos forces armées sont plus que jamais mobilisées. Elles se sentent soutenues par l'unité nationale qui s'est manifestée cet après-midi. Elles sont là, je le rappelle, pour que les conditions d'une paix durable soient réunies dans un pays qui le souhaite avec beaucoup de force et reconnaît à la France de lui avoir permis à un moment donné de ne pas être un pays otage.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 janvier 2013