Texte intégral
Madame la Ministre,
Mesdames, Messieurs,
Cher(e)s Ami(e)s,
Je remercie ma collègue et amie Nicole Bricq de son invitation à venir m'exprimer devant vous. Je salue les chefs d'entreprise avec lesquels le quai d'Orsay travaille.
Vous êtes des acteurs expérimentés du commerce extérieur et du soutien à nos entreprises à l'international. J'ai, comme vous le savez, fait de la diplomatie économique une priorité de mon action de ministre des affaires étrangères. Je suis donc heureux de pouvoir échanger avec vous au sujet de ce rôle renforcé assigné au Quai d'Orsay dans le soutien à nos entreprises et le développement des investissements étrangers en France, en coopération étroite avec le ministère du commerce extérieur et vos services.
Le président de la République a fait du redressement économique du pays la priorité de notre action. Tous les ministères doivent y contribuer, notamment celui des affaires étrangères. Il serait paradoxal que le quai d'Orsay, ministère des crises partout dans le monde et de l'action extérieure de la France, ne se préoccupe pas de la crise la plus grave, la crise économique et de l'action économique. C'est pour répondre à cette priorité que nous mettons en oeuvre un plan d'action pour la diplomatie économique dont vous connaissez les grandes lignes et que je souhaite évoquer avec vous aujourd'hui.
Je ne reviendrai pas longuement sur le constat, que vous connaissez comme moi. Notre pays dispose d'atouts majeurs - grandes entreprises leader dans leur domaine, PME innovantes, infrastructures performantes, main d'oeuvre qualifiée, recherche de premier plan - mais depuis 10 ans, notre compétitivité s'est dégradée. Juge de paix en la matière, le déficit commercial - la plupart d'entre vous se souviendront que le même solde était positif il y a dix ans.
Le gouvernement a pris la mesure du problème. L'objectif fixé par le Premier ministre est de retrouver l'équilibre de notre balance commerciale hors énergie en 2017. Les clés de notre croissance résident dans la performance de notre appareil productif, dans notre aptitude à conquérir les marchés internationaux et dans notre capacité à attirer investisseurs et entreprises. Depuis mai 2012, de nombreuses décisions ont été prise : le pacte pour la croissance, la compétitivité et l'emploi, qui reprend quasiment toutes les mesures préconisées dans le rapport Gallois, un plan pour les investissements d'avenir, la création de la BPI, etc. Cela s'est également traduit par un effort pour mieux organiser le soutien public à nos entreprises à l'étranger et développer l'attractivité de la France : c'est là le rôle de notre diplomatie économique.
Pour atteindre cet objectif, il faut effectivement mobiliser tous nos outils. Nicole Bricq et le ministère du commerce extérieur ont élaboré un plan export, ciblant à la fois des secteurs prioritaires et des pays à fort potentiel. J'ai pour ma part décidé de mobiliser davantage et mieux notre diplomatie sur les objectifs économiques. Nos administrations et nos réseaux - affaires étrangères, services économiques extérieurs, opérateurs du commerce extérieur, etc. - ont chacun des missions spécifiques, elles sont complémentaires. Nous sommes d'ailleurs habitués de longue date à travailler ensemble, car la diplomatie ne m'a pas attendu pour s'intéresser à l'économie. Il n'y a donc pas lieu de s'engager dans je ne sais quel meccano institutionnel ; l'important est que chacun fasse son travail dans un esprit de coopération.
Le coeur de métier du ministère du commerce extérieur, de ses services et de ses opérateurs, c'est le soutien à l'export, notamment par moyen d'instruments financiers qui permettent financement, portage, garanties. Vous êtes et vous resterez le bras armé de la diplomatie économique. Notre diplomatie a un rôle large et décisif, qui est celui de mobiliser tous nos outils d'influence et de rayonnement au service de nos entreprises et aussi de l'attractivité de notre territoire. Elle a un rôle aussi plus spécifique, c'est le soutien diplomatique aux entreprises. Quand il est besoin d'une intervention, la mobilisation directe de l'ambassadeur est en général un canal efficace.
J'ajoute que le réseau du commerce extérieur a fait des choix stratégiques quant à sa présence et concentrés ses moyens dans un certain nombre de pays prioritaires, comme d'ailleurs d'autres réseaux publics à l'étranger. Le réseau diplomatique est lui resté «universel» et entend le rester. Il peut donc apporter un soutien local utile à nos entreprises dans ce qu'on appelle les «postes orphelins», c'est-à-dire privés de votre présence.
De même que le gouvernement est par nature une équipe et fonctionne en équipe, dirigée par Premier ministre, l'administration française doit travailler en équipe pour aider nos entreprises dans leurs activités à l'étranger, équipe qui a un chef, l'ambassadeur.
Comme je le disais, l'investissement de nos ambassadeurs et de l'ensemble de notre réseau diplomatique au service de nos entreprises n'est pas nouveau.
Mais dans plusieurs domaines, il m'est apparu nécessaire de faire plus et mieux.
1) J'ai souhaité généraliser et développer le «réflexe économique» au sein de notre réseau diplomatique, et vous êtes évidemment au coeur de ce processus :
- Des personnalités à l'expertise reconnue ont été nommées pour accompagner la relation économique dans certains pays clefs : M. Louis Schweitzer pour le Japon, Mme Aubry pour la Chine, M. Jean-Pierre Raffarin pour l'Algérie ou dernièrement M. Jean-Pierre Chevènement pour la Russie et M. Philippe Faure pour le Mexique.
- Les ambassadeurs, placés à la tête de «l'équipe France de l'export», doivent réunir un conseil économique, permettant un dialogue stratégique, régulier et direct entre les entreprises françaises présentes et l'ensemble des acteurs et services de l'ambassade présents sur place, ainsi que certains éventuels experts (économistes, personnalités qualifiées...). Je vous invite donc à vous mobiliser pour participer activement à ces conseils économiques.
- En France, des ambassadeurs seront mis à la disposition des régions qui le souhaitent pour faciliter le soutien de leurs entreprises à l'international. Un certain nombre de régions en ont déjà fait la demande. Ils le feront en coordination avec vous et vos services autant que nécessaire. Cette nouveauté a pu susciter des interrogations. L'idée est simple : il s'agit de faciliter le rapprochement des trois acteurs du triangle : les entreprises des territoires, les collectivités locales en particulier les régions, et le Quai d'Orsay, en chargeant quelques ambassadeurs, qui ont la connaissance de notre réseau diplomatique, de développer la relation entre les territoires et leurs acteurs économiques d'un coté, et le réseau diplomatique de l'autre. C'est donc un appui complémentaire de celui que peuvent apporter, par exemple, les Chambres de commerce ou Ubifrance.
- Pour assurer le suivi du plan d'action, une structure dédiée aux entreprises, la direction des entreprises et de l'économie internationale, est créée au Quai d'Orsay. Elle réunit l'ensemble des services compétents en matière économique. J'ai nommé Jacques Maire à sa tête, diplomate passé par le privé. J'ai souhaité que son directeur adjoint puisse venir de votre administration. Elle pourra également y accueillir les agents de votre administration en mobilité ou en détachement qui le souhaitent : nous connaissons et apprécions vos compétences, et les échanges humains sont nécessaires pour bien travailler ensemble. Elle sera le point d'entrée au Quai d'Orsay des entreprises, grands groupes mais également PME, pour exprimer leurs attentes et leurs préoccupations, concernant leurs intérêts spécifiques mais aussi les sujets liés à la régulation et aux négociations d'accords susceptibles d'avoir un impact sur leurs activités, en étroite coopération avec la direction du Trésor. Ce sera enfin un interlocuteur à votre disposition autant que de besoin. Nous savons d'ailleurs le faire sur les affaires économiques internationales : la collaboration fructueuse entre les services de cette direction et ceux de la DG Trésor sur des affaires économiques essentielles comme le G20 ou l'OCDE le prouve.
- Ces évolutions permettront de mieux associer les acteurs économiques à la préparation des grandes échéances internationales et au suivi des enjeux globaux où nos intérêts économiques sont en jeu.
2) Sur cette base, il est aussi nécessaire de renforcer notre coopération, Mme Bricq et moi-même y veillerons. Le ministère des affaires étrangères adopte le «réflexe économique» ; je vous propose de prendre le «réflexe diplomatique». Nous devons partager plus qu'un plan d'action économique commun.
- Un pôle de diplomatie économique réunira autour du capitaine de l'équipe de France de l'export, l'ambassadeur, l'ensemble des services de l'ambassade concernés par la diplomatie économique, à commencer bien sûr par vous dans les pays bénéficiant de votre présence.
- Il serait utile qu'un plan d'action pour la diplomatie économique commun à nos deux ministères soit réalisé ensemble et valable pour l'ensemble de l'ambassade. Dans les pays où les services économiques que vous dirigez sont présents, vous serez mobilisés au premier chef. Des objectifs partagés seront fixés. Un suivi commun de la direction générale du Trésor et de la direction des entreprises et de l'économie internationale sera réalisé annuellement.
- C'est en effet je crois le meilleur moyen de renforcer notre coopération : s'assurer de l'unité de nos objectifs, de notre action et de son suivi. Cela vaut notamment pour nos priorités géographiques. Aujourd'hui, ce sont les pays en développement et les pays émergents qui connaissent les taux de croissance les plus élevés. Les économies émergentes sont désormais porteuses de la moitié de la croissance mondiale. Nous devons relever le défi de la mondialisation économique là où elle se joue. Nous devons être beaucoup plus présents en Asie notamment, et aussi en Afrique.
3) Mieux prendre en compte la promotion de nos intérêts économiques c'est également mettre nos outils d'influence au service de nos entreprises et de l'attractivité de notre territoire. Ceux-ci sont nombreux et importants pour nos entreprises.
- J'ai demandé que notre réseau culturel contribue à la valorisation de la marque France, par le rayonnement culturel et la promotion de l'art de vivre à la française qui sont des atouts précieux pour nos entreprises. Les cofinancements privés de programmes culturels, qui ont atteint 145 millions d'euros en 2012, continueront car ils permettent d'accompagner l'expansion des entreprises sur des marchés stratégiques.
- Les ambassades disposent de crédits pour la formation des étudiants étrangers, puisque près de 93 millions d'euros sont affectés par la France à la coopération universitaire. Plusieurs postes ont déjà développé des programmes de bourses cofinancées et je souhaite que ce partenariat soit étendu. Nous devons poursuivre la réorientation des bourses vers les pays à fort potentiel et les disciplines correspondant à nos intérêts économiques. Un étudiant étranger formé en France, un ingénieur par exemple, sera demain le meilleur avocat de notre langue, notre pays, et aussi de nos technologies et de nos entreprises.
- Parmi nos outils d'influence, nous disposons des services scientifiques à l'étranger. Nous devons les rapprocher des entreprises et les positionner au plus près des pôles de R&D de niveau mondial, afin d'en faire des instruments de soutien aux efforts de recherche et de développement de nos entreprises.
- La France dispose également du réseau scolaire à l'étranger le plus étendu du monde, puisqu'il comporte, outre les Alliances françaises, 490 écoles dans 130 pays et accueillent 300.000 élèves soit une augmentation de 50% en 20 ans. Ce réseau est là pour accompagner l'évolution des communautés françaises à l'étranger. Son développement doit s'opérer en lien étroit avec les besoins des entreprises.
- Il importe que nos consulats soient parfaitement informés de demandes spécifiques des acteurs économiques lors des demandes de visas afin que les entreprises et les principaux investisseurs voient leur séjour en France facilité. Nous travaillons avec le ministre de l'Intérieur à un changement de perspective en la matière : l'enjeu de l'attractivité doit dorénavant être un paramètre de l'attribution des visas.
- La francophonie représente pour notre pays un atout important, notamment économique. Dans le cadre de notre diplomatie francophone, nous conforterons la dimension économique de l'espace francophone et développerons les mécanismes de coopération économique dans ce cadre. Cet espace représente 15 % de la richesse mondiale !
- Nous menons aussi une diplomatie du développement active et reconnue. Je souhaite que nous l'articulions mieux avec nos intérêts économiques. Il s'agit de ne pas être plus naïfs que nos pays amis et néanmoins concurrents dans la mondialisation. Des orientations seront données en ce sens, en particulier, à l'Agence française de développement.
Mesdames et Messieurs,
Notre réussite sera collective, elle impliquera autant votre réseau que celui des Affaires étrangères, elle vise à développer une culture de coopération entre nos compétences, nos ressources et nos expertises respectives, qu'il faut conjuguer. C'est ensemble, unis et mieux coordonnés, que nous réussiront à progresser et à faire progresser nos entreprises face à la compétition internationale. Quand, avec Nicole Bricq, nous sommes intervenus en novembre dernier pour soutenir l'offre industrielle française accompagnant le processus démocratique au Kenya, cela a pesé et je crois même que cela a été décisif. À cette occasion, comme dans beaucoup d'autres, nous avons su dépasser telles ou telles réticence et travailler ensemble.
Je connais bien cette maison qui est la vôtre. Je sais votre sens du service public et votre grande compétence. Je compte sur votre mobilisation et votre coopération, dans l'intérêt de la France.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 janvier 2013