Texte intégral
A. Chabot - Après 40 ans de militantisme, vous êtes devenu avec A. Laguiller de véritables stars. Est-ce agréable aujourd'hui, de vous dire que vous êtes le cauchemar de R. Hue et l'inquiétude de L. Jospin ? Est-ce un sentiment agréable ?
- "Non, je ne dirais pas ça. Ce qui est vrai, c'est qu'aujourd'hui l'extrême gauche commence enfin à faire une percée politique, c'est-à-dire qu'elle a un écho beaucoup plus important qu'avant. Tout le monde s'accordait à dire qu'elle était assez présente dans les luttes sociales, les mobilisations. Au plan électoral, elle commence à changer depuis quelques années. C'est vrai que depuis le gros score d'A. Laguiller aux présidentielles, il y a eu ensuite une série d'élections où, peu à peu, on voit maintenant que l'extrême-gauche devient crédible."
Que se passe-t-il ? Bon résultats aux municipales, vous avez été élu aux élections européennes, comme A. Laguiller aux européennes. Qu'arrive-t-il ?
- "Comme on dit dans le jargon politique, il y a un véritable espace aujourd'hui pour l'extrême gauche. La politique patronale est plus arrogante que jamais, de moins en moins supportée par les gens : ce qui s'est passé chez Marks Spencer ou Danone a vraiment révolté même les gens qui ne faisaient pas de politique, qui n'étaient pas syndiqués et qui se sont dit : "ce n'est pas possible que des boîtes qui fassent du profit licencient à tour de bras et considèrent les salariés vraiment comme des objets." Face à cela, on a un Gouvernement de gauche. Or, on commence à avoir l'habitude de la gauche au pouvoir. Au début, en 81, il y a des tas de gens qui avaient des illusions. Maintenant, on voit une gauche qui oublie en gros qu'elle est de gauche, qui oublie qu'elle est au Gouvernement, et qui se déclare impuissante devant les exigences du patronat."
A chaque fois vous dites cela : "la gauche au pouvoir, ça va." Et puis au bout de trois-quatre ans, vous dites : "elle est embourgeoisée, ce n'est pas la gauche, ça ne va pas du tout !" Mais ils sont responsables, ils gèrent alors que vous pouvez tout dire car vous n'avez pas de responsabilités.
- "On exerce maintenant des responsabilités puisque, comme vous le savez, l'extrême gauche à des élus ..."
...vous n'êtes pas en charge quand même ...
- "Ce n'est pas un refus de principe de notre part de participer à des exécutifs. Le problème, c'est pour faire quoi ? Nous ne sommes pas abonnés à la critique permanente contre un Gouvernement de gauche."
On en a pourtant l'impression.
- "Je tiens à préciser que notre ennemi, notre adversaire, ce n'est pas la gauche, ce n'est pas le PC, ce n'est pas le PS, c'est le patronat, la droite, l'extrême-droite. Si on est amenés aujourd'hui à être effectivement en opposition totale avec le Gouvernement de gauche, c'est parce que nous ne sommes pas les seuls. Les gens ne voient plus, sur l'essentiel, la différence entre ce qu'exigent la droite et le patronat et ce que réalise le Gouvernement. L'affaire de l'agrément de l'Unedic par exemple, la fameuse convention Unedic, les discours permanents de cette gauche sur le thème : "on ne peut pas imposer au patronat une autre politique, il ne faut pas faire "rentrer l'Etat" comme on dit, dans les décisions, dans les entreprises." Du coup, les actionnaires font ce qu'ils veulent et le Gouvernement se déclare impuissant. Voir comment aujourd'hui on applique la loi sur les 35 heures et les privatisations, puisque tout le monde s'accorde à dire aujourd'hui qu'il y a eu plus de privatisations avec cette gauche que sous les deux gouvernements de droite précédents, c'est ce qui indigne les gens qui croyaient en cette gauche."
Le Gouvernement français ne va pas interdire les licenciements ! Ce serait le seul pays à le faire, les entreprises fuiraient, c'est irréaliste quand même !
- "La gauche s'était félicitée en 81 d'être à l'avant-garde de l'Europe, en disant : "maintenant vous allez voir ce que vous allez voir", les socialistes, dirigent 11 pays sur 15 de l'Union pourtant, cela n'a quasiment rien changé. Pourquoi aujourd'hui un véritable gouvernement qui serait au service des travailleurs, ne prendrait pas justement en France une telle mesure visant à interdire les licenciements dans les entreprises qui font du profit ? C'est possible. Pourquoi est-ce le patronat qui décide aujourd'hui, souvent après avoir reçu des subventions énormes de l'Etat - vous savez que pour le travail à temps partiel, pour les 35 heures, des boîtes comme Danone et Marks Spencer ont reçu des centaines et des centaines de millions - déciderait- il ? Pourquoi le Gouvernement n'interviendrait-il pas ! C'est un choix de société, un choix politique. L'économie, c'est de la politique, ce sont des choix politiques, des choix de société."
Les entreprises qui s'en vont parce que les licenciements sont interdits en France, c'est une réalité aussi.
- "Rappelez-vous, il y a quelques années, les entreprises nous disaient : "on ne fait pas assez de profits, il faut que les travailleurs comprennent, on est obligés de restreindre les salaires, on est obligés d'imposer la flexibilité etc." Aujourd'hui, elles reconnaissent toutes qu'elles font des profits car il y a une certaine reprise économique, et elles continuent de nous dire : " On ne fait pas encore assez de profits. Les actionnaires exigent 15 % - c'est le chiffre maintenant de rendement de leurs investissements." Alors, que fait-on ? On ferme les usines, on délocalise. De toute façon, ils licencient et ferment les entreprises. Le choix de société est le suivant : est-ce que ce sont eux qui font la loi ou bien au contraire, est-ce que ce sont les salariés, le monde du travail ? "
Quand R. Hue demande le report du vote sur la loi de modernisation sociale, afin qu'on alourdisse un peu les dispositions sur les licenciements économiques, vous dites "bravo, Robert, continue, tu es sur la bonne route" ?
- "J'attends de voir ce que va faire R. Hue dans 15 jours, parce que malheureusement, le PC nous a habitués à ce genre de discours. La direction du PC, aujourd'hui, est dans une contradiction terrible - d'ailleurs les militants ne comprennent plus - : ils sont au Gouvernement et ils sont donc obligés - c'est logique - d'assurer la solidarité gouvernementale. Cela se voit au niveau de leur vote au Parlement : soit ils votent pour soit ils s'abstiennent, ce qui revient au même car cela fait passer les lois. En même temps, ils ont une base populaire qui est contre la politique de ce Gouvernement. Ils sont complètement écartelés."
Selon vous, ils n'auraient jamais dû participer au Gouvernement ?
- "Aujourd'hui, le gros problème du PC, c'est cette solidarité avec le Gouvernement qui rend leur place incompréhensible pour les gens qui descendent dans la rue."
Cela fait votre affaire, vous vampirisez le PC.
- "Notre problème n'est pas un problème de chapelle. Le problème est de voir qu'en France, il y a maintenant de plus en plus de gens - chez les jeunes, parmi les couches populaires - qui ne se reconnaissent plus dans la gauche traditionnelle et qui se battent et descendent dans la rue. Nous allons par exemple avoir une journée très importante le 9 juin à l'appel de la base. Ce sont tous les travailleurs des entreprises qui vont connaître des licenciements qui font appel à toute la population, à l'opinion, aux syndicats, aux partis, pour monter le 9 juin sur Paris. On voit ainsi qu'il y a une nouvelle phase de mobilisation qui s'ouvre en France."
Tout le monde sera uni : vous y serez ainsi que le PC. Vous remplacez les syndicats ?
- "Il ne s'agit pas de remplacer les syndicats, chacun a son rôle. Les politiques ont des propositions politiques à faire, les organisations syndicales ont leur rôle à jouer, les associations aussi, etc. Ce qui est nouveau, c'est qu'il y aura une large convergence de tous ceux qui, aujourd'hui, refusent cette politique. Ensuite, ce sera au PC de choisir après le 9 ce qu'il fera au Parlement : va-t-il s'abstenir parce qu'il y aura un ou deux amendements qui ne changeront rien aux lois Guigou, ou votera-t-il contre ? Malheureusement, je pense qu'il va s'abstenir. Mais tout dépendra de la mobilisation du 9."
L'inquiétude de L. Jospin, c'est votre position pour l'élection présidentielle. Etes-vous prêt à dire, avant le second tour d'une élection présidentielle : "bonnet blanc et blanc bonnet, - comme on disait autrefois -, c'est-à-dire entre J. Chirac ou L. Jospin - si c'est eux -, nous ne choisissons pas "?
- "Je pense qu'il y a un camp de gauche et un camp de droite. Je me sens dans le camp de tous ceux qui votent à gauche, même s'ils ont beaucoup d'illusions. Par contre, je considère que la politique de la direction de la gauche, aujourd'hui, sur l'essentiel des points est à peu près la même que celle de la droite. Nous ne sommes pas les seuls à le dire : il y des millions de gens qui ne veulent plus voter pour L. Jospin. Au lieu d'accuser l'extrême gauche, c'est-à-dire la LCR et LO, il devrait s'interroger pour savoir pourquoi aujourd'hui une partie de l'électorat populaire ne vote plus pour eux. "
Vous dites être dans le camp de la gauche mais vous pouvez faire perdre la gauche. Si Lionel Jospin, candidat de gauche perd, ce sera de votre faute quand même !
- "Le problème est de comprendre que si aujourd'hui la gauche perd les élections, c'est parce qu'elle n'aura pas mené une politique de gauche. Ils mènent une politique qui sert le patronat depuis des années, et au moment des élections, ils se tournent vers l'extrême gauche et nous demandent d'être les ramasseurs de balles perdues. On ne le fera pas. Nous disons à L. Jospin que c'est à eux d'aller chercher les voix, de changer de politique s'ils veulent gagner les voix populaires mais qu'ils ne cherchent pas à trouver un alibi en disant que c'est de la faute de l'extrême gauche s'ils perdent les élections."
Il y aura donc abstention ou liberté ?
- "Il y a discussion dans la Ligue aujourd'hui, mais de toute manière, on n'appellera jamais à voter pour la droite, c'est le moins que l'on puisse dire. Mais le problème - et le congrès de la Ligue va le décider - est de savoir ce qui est le plus efficace aujourd'hui pour se faire entendre et pour faire reculer ce Gouvernement. Le fait qu'il y ait une menace fait qu'il y a maintenant une grande inquiétude dans les rangs de la gauche qui est obligée de radicaliser son discours. Mais cela ne reste qu'un discours."
Abstention ou pas de consignes de vote pour l'élection présidentielle : vous vous alignez sur LO ? C'est la première fois que vous ferez cela.
- "Le problème n'est pas de s'aligner sur LO. Avec LO, le plus important est d'arriver à une campagne commune au-delà des divergences que nous avons ; c'est de considérer qu'aujourd'hui, vous avez entre un et deux millions de personnes qui sont prêtes et intéressées par un vote pour l'extrême gauche. Il serait extrêmement irresponsable que l'extrême gauche aille diviser aux élections présidentielle et législatives. Mais si malheureusement LO ne veut pas d'accord avec la Ligue, la Ligue sera présente à toutes ces élections."
C'est la fête de LO ce week end. Est-ce que vous dites à A. Laguiller que vous êtes derrière elle, que vous êtes prêts à l'aider ?
- "Non. Nous disons à A. Laguiller ce qui logique entre deux organisations : aujourd'hui, il y a les bases pour faire une campagne commune avec elle, bien sûr à la présidentielle mais aussi aux législatives. Je crois qu'aujourd'hui, beaucoup de gens attendent qu'il y ait un accord de la totalité de l'extrême gauche qui est représentée par LO et la LCR."
Objectif : faire mieux que le PC ?
- "Objectif aujourd'hui : faire construire et aider à construire en France une gauche qui soit une véritable gauche au service des travailleurs, anti-capitaliste, féministe, écologiste. Je crois que cela peut permettre de chambouler complètement les rapports de force dans ce qu'on appelle de façon trop générale "la gauche."
(source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 7 juin 2001)
- "Non, je ne dirais pas ça. Ce qui est vrai, c'est qu'aujourd'hui l'extrême gauche commence enfin à faire une percée politique, c'est-à-dire qu'elle a un écho beaucoup plus important qu'avant. Tout le monde s'accordait à dire qu'elle était assez présente dans les luttes sociales, les mobilisations. Au plan électoral, elle commence à changer depuis quelques années. C'est vrai que depuis le gros score d'A. Laguiller aux présidentielles, il y a eu ensuite une série d'élections où, peu à peu, on voit maintenant que l'extrême-gauche devient crédible."
Que se passe-t-il ? Bon résultats aux municipales, vous avez été élu aux élections européennes, comme A. Laguiller aux européennes. Qu'arrive-t-il ?
- "Comme on dit dans le jargon politique, il y a un véritable espace aujourd'hui pour l'extrême gauche. La politique patronale est plus arrogante que jamais, de moins en moins supportée par les gens : ce qui s'est passé chez Marks Spencer ou Danone a vraiment révolté même les gens qui ne faisaient pas de politique, qui n'étaient pas syndiqués et qui se sont dit : "ce n'est pas possible que des boîtes qui fassent du profit licencient à tour de bras et considèrent les salariés vraiment comme des objets." Face à cela, on a un Gouvernement de gauche. Or, on commence à avoir l'habitude de la gauche au pouvoir. Au début, en 81, il y a des tas de gens qui avaient des illusions. Maintenant, on voit une gauche qui oublie en gros qu'elle est de gauche, qui oublie qu'elle est au Gouvernement, et qui se déclare impuissante devant les exigences du patronat."
A chaque fois vous dites cela : "la gauche au pouvoir, ça va." Et puis au bout de trois-quatre ans, vous dites : "elle est embourgeoisée, ce n'est pas la gauche, ça ne va pas du tout !" Mais ils sont responsables, ils gèrent alors que vous pouvez tout dire car vous n'avez pas de responsabilités.
- "On exerce maintenant des responsabilités puisque, comme vous le savez, l'extrême gauche à des élus ..."
...vous n'êtes pas en charge quand même ...
- "Ce n'est pas un refus de principe de notre part de participer à des exécutifs. Le problème, c'est pour faire quoi ? Nous ne sommes pas abonnés à la critique permanente contre un Gouvernement de gauche."
On en a pourtant l'impression.
- "Je tiens à préciser que notre ennemi, notre adversaire, ce n'est pas la gauche, ce n'est pas le PC, ce n'est pas le PS, c'est le patronat, la droite, l'extrême-droite. Si on est amenés aujourd'hui à être effectivement en opposition totale avec le Gouvernement de gauche, c'est parce que nous ne sommes pas les seuls. Les gens ne voient plus, sur l'essentiel, la différence entre ce qu'exigent la droite et le patronat et ce que réalise le Gouvernement. L'affaire de l'agrément de l'Unedic par exemple, la fameuse convention Unedic, les discours permanents de cette gauche sur le thème : "on ne peut pas imposer au patronat une autre politique, il ne faut pas faire "rentrer l'Etat" comme on dit, dans les décisions, dans les entreprises." Du coup, les actionnaires font ce qu'ils veulent et le Gouvernement se déclare impuissant. Voir comment aujourd'hui on applique la loi sur les 35 heures et les privatisations, puisque tout le monde s'accorde à dire aujourd'hui qu'il y a eu plus de privatisations avec cette gauche que sous les deux gouvernements de droite précédents, c'est ce qui indigne les gens qui croyaient en cette gauche."
Le Gouvernement français ne va pas interdire les licenciements ! Ce serait le seul pays à le faire, les entreprises fuiraient, c'est irréaliste quand même !
- "La gauche s'était félicitée en 81 d'être à l'avant-garde de l'Europe, en disant : "maintenant vous allez voir ce que vous allez voir", les socialistes, dirigent 11 pays sur 15 de l'Union pourtant, cela n'a quasiment rien changé. Pourquoi aujourd'hui un véritable gouvernement qui serait au service des travailleurs, ne prendrait pas justement en France une telle mesure visant à interdire les licenciements dans les entreprises qui font du profit ? C'est possible. Pourquoi est-ce le patronat qui décide aujourd'hui, souvent après avoir reçu des subventions énormes de l'Etat - vous savez que pour le travail à temps partiel, pour les 35 heures, des boîtes comme Danone et Marks Spencer ont reçu des centaines et des centaines de millions - déciderait- il ? Pourquoi le Gouvernement n'interviendrait-il pas ! C'est un choix de société, un choix politique. L'économie, c'est de la politique, ce sont des choix politiques, des choix de société."
Les entreprises qui s'en vont parce que les licenciements sont interdits en France, c'est une réalité aussi.
- "Rappelez-vous, il y a quelques années, les entreprises nous disaient : "on ne fait pas assez de profits, il faut que les travailleurs comprennent, on est obligés de restreindre les salaires, on est obligés d'imposer la flexibilité etc." Aujourd'hui, elles reconnaissent toutes qu'elles font des profits car il y a une certaine reprise économique, et elles continuent de nous dire : " On ne fait pas encore assez de profits. Les actionnaires exigent 15 % - c'est le chiffre maintenant de rendement de leurs investissements." Alors, que fait-on ? On ferme les usines, on délocalise. De toute façon, ils licencient et ferment les entreprises. Le choix de société est le suivant : est-ce que ce sont eux qui font la loi ou bien au contraire, est-ce que ce sont les salariés, le monde du travail ? "
Quand R. Hue demande le report du vote sur la loi de modernisation sociale, afin qu'on alourdisse un peu les dispositions sur les licenciements économiques, vous dites "bravo, Robert, continue, tu es sur la bonne route" ?
- "J'attends de voir ce que va faire R. Hue dans 15 jours, parce que malheureusement, le PC nous a habitués à ce genre de discours. La direction du PC, aujourd'hui, est dans une contradiction terrible - d'ailleurs les militants ne comprennent plus - : ils sont au Gouvernement et ils sont donc obligés - c'est logique - d'assurer la solidarité gouvernementale. Cela se voit au niveau de leur vote au Parlement : soit ils votent pour soit ils s'abstiennent, ce qui revient au même car cela fait passer les lois. En même temps, ils ont une base populaire qui est contre la politique de ce Gouvernement. Ils sont complètement écartelés."
Selon vous, ils n'auraient jamais dû participer au Gouvernement ?
- "Aujourd'hui, le gros problème du PC, c'est cette solidarité avec le Gouvernement qui rend leur place incompréhensible pour les gens qui descendent dans la rue."
Cela fait votre affaire, vous vampirisez le PC.
- "Notre problème n'est pas un problème de chapelle. Le problème est de voir qu'en France, il y a maintenant de plus en plus de gens - chez les jeunes, parmi les couches populaires - qui ne se reconnaissent plus dans la gauche traditionnelle et qui se battent et descendent dans la rue. Nous allons par exemple avoir une journée très importante le 9 juin à l'appel de la base. Ce sont tous les travailleurs des entreprises qui vont connaître des licenciements qui font appel à toute la population, à l'opinion, aux syndicats, aux partis, pour monter le 9 juin sur Paris. On voit ainsi qu'il y a une nouvelle phase de mobilisation qui s'ouvre en France."
Tout le monde sera uni : vous y serez ainsi que le PC. Vous remplacez les syndicats ?
- "Il ne s'agit pas de remplacer les syndicats, chacun a son rôle. Les politiques ont des propositions politiques à faire, les organisations syndicales ont leur rôle à jouer, les associations aussi, etc. Ce qui est nouveau, c'est qu'il y aura une large convergence de tous ceux qui, aujourd'hui, refusent cette politique. Ensuite, ce sera au PC de choisir après le 9 ce qu'il fera au Parlement : va-t-il s'abstenir parce qu'il y aura un ou deux amendements qui ne changeront rien aux lois Guigou, ou votera-t-il contre ? Malheureusement, je pense qu'il va s'abstenir. Mais tout dépendra de la mobilisation du 9."
L'inquiétude de L. Jospin, c'est votre position pour l'élection présidentielle. Etes-vous prêt à dire, avant le second tour d'une élection présidentielle : "bonnet blanc et blanc bonnet, - comme on disait autrefois -, c'est-à-dire entre J. Chirac ou L. Jospin - si c'est eux -, nous ne choisissons pas "?
- "Je pense qu'il y a un camp de gauche et un camp de droite. Je me sens dans le camp de tous ceux qui votent à gauche, même s'ils ont beaucoup d'illusions. Par contre, je considère que la politique de la direction de la gauche, aujourd'hui, sur l'essentiel des points est à peu près la même que celle de la droite. Nous ne sommes pas les seuls à le dire : il y des millions de gens qui ne veulent plus voter pour L. Jospin. Au lieu d'accuser l'extrême gauche, c'est-à-dire la LCR et LO, il devrait s'interroger pour savoir pourquoi aujourd'hui une partie de l'électorat populaire ne vote plus pour eux. "
Vous dites être dans le camp de la gauche mais vous pouvez faire perdre la gauche. Si Lionel Jospin, candidat de gauche perd, ce sera de votre faute quand même !
- "Le problème est de comprendre que si aujourd'hui la gauche perd les élections, c'est parce qu'elle n'aura pas mené une politique de gauche. Ils mènent une politique qui sert le patronat depuis des années, et au moment des élections, ils se tournent vers l'extrême gauche et nous demandent d'être les ramasseurs de balles perdues. On ne le fera pas. Nous disons à L. Jospin que c'est à eux d'aller chercher les voix, de changer de politique s'ils veulent gagner les voix populaires mais qu'ils ne cherchent pas à trouver un alibi en disant que c'est de la faute de l'extrême gauche s'ils perdent les élections."
Il y aura donc abstention ou liberté ?
- "Il y a discussion dans la Ligue aujourd'hui, mais de toute manière, on n'appellera jamais à voter pour la droite, c'est le moins que l'on puisse dire. Mais le problème - et le congrès de la Ligue va le décider - est de savoir ce qui est le plus efficace aujourd'hui pour se faire entendre et pour faire reculer ce Gouvernement. Le fait qu'il y ait une menace fait qu'il y a maintenant une grande inquiétude dans les rangs de la gauche qui est obligée de radicaliser son discours. Mais cela ne reste qu'un discours."
Abstention ou pas de consignes de vote pour l'élection présidentielle : vous vous alignez sur LO ? C'est la première fois que vous ferez cela.
- "Le problème n'est pas de s'aligner sur LO. Avec LO, le plus important est d'arriver à une campagne commune au-delà des divergences que nous avons ; c'est de considérer qu'aujourd'hui, vous avez entre un et deux millions de personnes qui sont prêtes et intéressées par un vote pour l'extrême gauche. Il serait extrêmement irresponsable que l'extrême gauche aille diviser aux élections présidentielle et législatives. Mais si malheureusement LO ne veut pas d'accord avec la Ligue, la Ligue sera présente à toutes ces élections."
C'est la fête de LO ce week end. Est-ce que vous dites à A. Laguiller que vous êtes derrière elle, que vous êtes prêts à l'aider ?
- "Non. Nous disons à A. Laguiller ce qui logique entre deux organisations : aujourd'hui, il y a les bases pour faire une campagne commune avec elle, bien sûr à la présidentielle mais aussi aux législatives. Je crois qu'aujourd'hui, beaucoup de gens attendent qu'il y ait un accord de la totalité de l'extrême gauche qui est représentée par LO et la LCR."
Objectif : faire mieux que le PC ?
- "Objectif aujourd'hui : faire construire et aider à construire en France une gauche qui soit une véritable gauche au service des travailleurs, anti-capitaliste, féministe, écologiste. Je crois que cela peut permettre de chambouler complètement les rapports de force dans ce qu'on appelle de façon trop générale "la gauche."
(source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 7 juin 2001)