Texte intégral
Q - D'abord quelques mots de présentation : vous êtes l'autre Écologiste du gouvernement, avec Cécile Duflot ; ancien journaliste à «Alternatives économiques» ; ancien député européen, spécialiste des questions financières et bancaires ; juste avant d'entrer au gouvernement, vous aviez fait paraître un livre au titre évocateur «ce que les banques vous disent et pourquoi il ne faut presque jamais les croire» ; vous êtes, depuis, ministre délégué auprès de Laurent Fabius, chargé du développement, c'est ce qu'on appelait jusqu'alors ministre de la coopération ?
R - C'est cela ! C'est-à-dire les relations avec plus de 100 pays qui sont encore en voie de développement.
Q - Donc chargé du dialogue et des échanges avec les pays, comme le Mali...
R - Chargé des politiques d'aide publique au développement en matière de santé, d'éducation, d'énergie, d'infrastructures, et, évidemment, le Mali et les autres pays du Sahel.
Q - Vous aviez un dialogue avec le Mali ces derniers mois, Mali dirigé par un gouvernement de transition issu d'un putsch militaire ?
R - Justement, suite au putsch de mars dernier, nous avons suspendu l'aide publique au développement et il y a aujourd'hui 150 millions d'euros qui sont prévus par la France pour être fournis au Mali mais nous attendons une feuille de route, que les Maliens se mettent d'accord sur une feuille de route vers des élections. Cela prouve à quel point nous attachons de l'importance à la conditionnalité démocratique dans notre aide publique et, en l'occurrence, à la transition démocratique au Mali.
Q - Et cet argent va rester bloquer donc jusqu'à une évolution démocratique ! Mais c'est quand même un...
R - Jusqu'à une feuille de route ! C'est-à-dire que nous ne demandons pas évidemment la tenue d'élections, aujourd'hui qui peut dire...
Q - Une feuille de route qui dépendra de la situation militaire...
R - Qui peut dire : les élections auront lieu à telle date ? Personne ! En revanche, il faut que, à travers le dialogue politique de l'ensemble des composants de la société malienne, se crée une feuille de route qui leur permet d'établir les différentes étapes qui devront déboucher au final sur des élections et, dès que ce consensus sera trouvé, à ce moment-là évidemment nous débloquerons l'aide publique au développement.
Q - Mais admettez que c'est un paradoxe incroyable, la France déploie une opération militaire d'envergure (plus de 2.000 soldats au Mali) et, dans le même temps, bloque une aide au développement de 150 millions d'euros ?
R - Pour être plus précis, puisque vous rentrez dans le détail, il y a l'aide publique au développement qui passe directement par l'État - c'est celle qui est bloquée - ensuite, il y a l'aide publique au développement qui passe par la société civile, par les organisations non gouvernementales, les ONG - celle-là n'est pas bloquée - mais, à partir du moment où nous attendons une feuille de route démocratique, il nous semble légitime de ne pas verser cet argent. En revanche, évidemment, nous sommes extrêmement actifs sur le plan humanitaire, avec l'Union européenne puisque l'essentiel des crédits aujourd'hui humanitaires français transitent par l'Union européenne et les Nations unies.
(...)
Pas de développement sans sécurité, qui peut croire qu'aujourd'hui avec la moitié de son territoire qui était occupée par des troupes armées djihadistes le Mali peut se développer ? Personne ! À l'inverse et parallèlement pas de sécurité sans développement, cela veut dire : comment peut-on imaginer que, à moyen terme, ce pays trouve une stabilité s'il n'y a pas davantage de création de richesses et davantage de répartition de ces richesses sur l'ensemble des territoires. Donc, c'est une équation...
Q - Mais cela veut dire quoi «éviter tout discours belliciste», Pascal Canfin ?
R - Cela veut dire ne pas en rajouter dans la rhétorique, mais cela veut dire un soutien.
(...)
Q - Sur le fond, d'abord l'isolement militaire des Français sur le terrain malien, les Européens - je rappelais tout à l'heure que vous avez été député européen - les Européens qui restent les bras croisés, c'est de l'indifférence, de la lâcheté ou un manque de préparation diplomatique de la part de la France et donc du Quai d'Orsay? À votre avis, Pascal Canfin ?
R - Cela fait 8 mois, depuis l'élection de mai, que la France est engagée dans un travail diplomatique extrêmement intense, à la fois pour mobiliser la communauté internationale au Conseil de sécurité des Nations unies, avec les partenaires européens et en Afrique, de façon à ce que l'ensemble des voisins du Mali - à travers ce que l'on appelle la CEDEAO, puis l'Union africaine - se mobilisent, c'est donc un travail diplomatique avec un braquet extrêmement conséquent : l'Afrique, l'Europe, la communauté internationale. Je pense sincèrement que nous avons très largement réussi ce travail diplomatique, c'est-à-dire que la CEDEAO, encore ce week-end, a renforcé l'engagement de près de 10 pays africain sur le terrain au Mali... Et les troupes sont en train d'arriver...
Q - Pour l'instant, cela ne se voit pas beaucoup sur le terrain.
R - Les troupes sont en train d'arriver....
Q - Oui ! Il y a 60 Nigérians, 50 Togolais, 50 Sénégalais sur le terrain.
R - Vous parlez de diplomatie, donc ce travail diplomatique est fait, il y a la résolution du Conseil de sécurité des Nations unies et il y a eu, à la demande de la France, un Conseil des affaires étrangères exceptionnel la semaine dernière qui a renforcé l'engagement de l'Union européenne et des pays européens - et notamment de l'Allemagne - sur l'aspect formation des troupes maliennes. Donc, quand on prend l'ensemble des leviers qui sont à notre disposition, je pense que nous sommes très, très loin d'être isolés et que, au contraire, nous avons un braquet diplomatique fort qui nous permet d'être extrêmement légitimes dans cette opération. Maintenant fallait-il attendre que l'Union européenne ait des troupes et qu'il y ait un accord politique pour intervenir en urgence il y a 10 jours ? La réponse est non, c'est pour cela que le président de la République a pris ses responsabilités.
Q - Sur le fond, encore et avant la pause, une dernière question. On ne voit pas encore bien les limites de l'engagement militaire français, l'objectif c'est la reconquête totale du Mali ?
R - Comme le disait Laurent Fabius ce week-end, l'objectif c'est d'abord d'avoir stoppé les terroristes. Ensuite que ce soit la MISMA, la force des Nations unies, qui prenne le relais de l'action française, parce que...
Q - Oui ! Mais à quel moment ? On ne sait pas !
R - À quel moment ? C'est en train de se faire, c'est-à-dire que les troupes arrivent, les troupes africaines - mais pas seulement africaines - arrivent et, petit à petit, la transition va se faire et l'objectif c'est de préserver l'intégrité du Mali, c'est extrêmement clair, c'est la demande des Maliens eux-mêmes et de l'intégralité de la société malienne.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 23 janvier 2013
R - C'est cela ! C'est-à-dire les relations avec plus de 100 pays qui sont encore en voie de développement.
Q - Donc chargé du dialogue et des échanges avec les pays, comme le Mali...
R - Chargé des politiques d'aide publique au développement en matière de santé, d'éducation, d'énergie, d'infrastructures, et, évidemment, le Mali et les autres pays du Sahel.
Q - Vous aviez un dialogue avec le Mali ces derniers mois, Mali dirigé par un gouvernement de transition issu d'un putsch militaire ?
R - Justement, suite au putsch de mars dernier, nous avons suspendu l'aide publique au développement et il y a aujourd'hui 150 millions d'euros qui sont prévus par la France pour être fournis au Mali mais nous attendons une feuille de route, que les Maliens se mettent d'accord sur une feuille de route vers des élections. Cela prouve à quel point nous attachons de l'importance à la conditionnalité démocratique dans notre aide publique et, en l'occurrence, à la transition démocratique au Mali.
Q - Et cet argent va rester bloquer donc jusqu'à une évolution démocratique ! Mais c'est quand même un...
R - Jusqu'à une feuille de route ! C'est-à-dire que nous ne demandons pas évidemment la tenue d'élections, aujourd'hui qui peut dire...
Q - Une feuille de route qui dépendra de la situation militaire...
R - Qui peut dire : les élections auront lieu à telle date ? Personne ! En revanche, il faut que, à travers le dialogue politique de l'ensemble des composants de la société malienne, se crée une feuille de route qui leur permet d'établir les différentes étapes qui devront déboucher au final sur des élections et, dès que ce consensus sera trouvé, à ce moment-là évidemment nous débloquerons l'aide publique au développement.
Q - Mais admettez que c'est un paradoxe incroyable, la France déploie une opération militaire d'envergure (plus de 2.000 soldats au Mali) et, dans le même temps, bloque une aide au développement de 150 millions d'euros ?
R - Pour être plus précis, puisque vous rentrez dans le détail, il y a l'aide publique au développement qui passe directement par l'État - c'est celle qui est bloquée - ensuite, il y a l'aide publique au développement qui passe par la société civile, par les organisations non gouvernementales, les ONG - celle-là n'est pas bloquée - mais, à partir du moment où nous attendons une feuille de route démocratique, il nous semble légitime de ne pas verser cet argent. En revanche, évidemment, nous sommes extrêmement actifs sur le plan humanitaire, avec l'Union européenne puisque l'essentiel des crédits aujourd'hui humanitaires français transitent par l'Union européenne et les Nations unies.
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Pas de développement sans sécurité, qui peut croire qu'aujourd'hui avec la moitié de son territoire qui était occupée par des troupes armées djihadistes le Mali peut se développer ? Personne ! À l'inverse et parallèlement pas de sécurité sans développement, cela veut dire : comment peut-on imaginer que, à moyen terme, ce pays trouve une stabilité s'il n'y a pas davantage de création de richesses et davantage de répartition de ces richesses sur l'ensemble des territoires. Donc, c'est une équation...
Q - Mais cela veut dire quoi «éviter tout discours belliciste», Pascal Canfin ?
R - Cela veut dire ne pas en rajouter dans la rhétorique, mais cela veut dire un soutien.
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Q - Sur le fond, d'abord l'isolement militaire des Français sur le terrain malien, les Européens - je rappelais tout à l'heure que vous avez été député européen - les Européens qui restent les bras croisés, c'est de l'indifférence, de la lâcheté ou un manque de préparation diplomatique de la part de la France et donc du Quai d'Orsay? À votre avis, Pascal Canfin ?
R - Cela fait 8 mois, depuis l'élection de mai, que la France est engagée dans un travail diplomatique extrêmement intense, à la fois pour mobiliser la communauté internationale au Conseil de sécurité des Nations unies, avec les partenaires européens et en Afrique, de façon à ce que l'ensemble des voisins du Mali - à travers ce que l'on appelle la CEDEAO, puis l'Union africaine - se mobilisent, c'est donc un travail diplomatique avec un braquet extrêmement conséquent : l'Afrique, l'Europe, la communauté internationale. Je pense sincèrement que nous avons très largement réussi ce travail diplomatique, c'est-à-dire que la CEDEAO, encore ce week-end, a renforcé l'engagement de près de 10 pays africain sur le terrain au Mali... Et les troupes sont en train d'arriver...
Q - Pour l'instant, cela ne se voit pas beaucoup sur le terrain.
R - Les troupes sont en train d'arriver....
Q - Oui ! Il y a 60 Nigérians, 50 Togolais, 50 Sénégalais sur le terrain.
R - Vous parlez de diplomatie, donc ce travail diplomatique est fait, il y a la résolution du Conseil de sécurité des Nations unies et il y a eu, à la demande de la France, un Conseil des affaires étrangères exceptionnel la semaine dernière qui a renforcé l'engagement de l'Union européenne et des pays européens - et notamment de l'Allemagne - sur l'aspect formation des troupes maliennes. Donc, quand on prend l'ensemble des leviers qui sont à notre disposition, je pense que nous sommes très, très loin d'être isolés et que, au contraire, nous avons un braquet diplomatique fort qui nous permet d'être extrêmement légitimes dans cette opération. Maintenant fallait-il attendre que l'Union européenne ait des troupes et qu'il y ait un accord politique pour intervenir en urgence il y a 10 jours ? La réponse est non, c'est pour cela que le président de la République a pris ses responsabilités.
Q - Sur le fond, encore et avant la pause, une dernière question. On ne voit pas encore bien les limites de l'engagement militaire français, l'objectif c'est la reconquête totale du Mali ?
R - Comme le disait Laurent Fabius ce week-end, l'objectif c'est d'abord d'avoir stoppé les terroristes. Ensuite que ce soit la MISMA, la force des Nations unies, qui prenne le relais de l'action française, parce que...
Q - Oui ! Mais à quel moment ? On ne sait pas !
R - À quel moment ? C'est en train de se faire, c'est-à-dire que les troupes arrivent, les troupes africaines - mais pas seulement africaines - arrivent et, petit à petit, la transition va se faire et l'objectif c'est de préserver l'intégrité du Mali, c'est extrêmement clair, c'est la demande des Maliens eux-mêmes et de l'intégralité de la société malienne.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 23 janvier 2013