Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs les Chargés daffaires,
Monsieur le Président de la Maison de lAmérique latine,
Chers amis,
Je vous remercie, Monsieur le Président, de cette invitation qui me donne loccasion de faire avec vous le point sur la relation entre la France et lAmérique latine, moins de deux semaines avant le sommet de Santiago. Mes remerciements sétendent bien sûr à lambassadeur Alain Rouquié, qui nous accueille aujourdhui à la Maison de lAmérique latine, ce bel outil diplomatique et culturel dont il assure si brillamment la présidence.
Je crois être le premier membre du présent gouvernement à avoir le privilège et le plaisir de madresser à votre assemblée. Jaimerais donc dabord revenir brièvement sur lintérêt sincère que le Premier Ministre et la France portent à lAmérique latine et aux Caraïbes, sur lintérêt que nous avons pour ce continent pour lequel lon quitte son pays comme le relevait Flaubert, ce qui ne peut laisser indifférente la Ministre des Français de létranger ! Outre la présentation de ce que pourrait être un partenariat fondé sur un dialogue politique solide et confiant, vous me permettrez donc de revenir sur le rôle que nos communautés peuvent jouer dans cette relance de nos relations, et sur lappui que la France entend leur apporter dans cet effort.
Tout dabord un constat : le continent sud-américain na sans doute pas été au coeur des préoccupations des autorités françaises ces dernières années.
Ce nest pas que la France elle-même, et encore moins les Français, se désintéressaient, eux, de lAmérique latine et des Caraïbes :
- entre 2006 et 2011, le nombre de citoyens français qui ont choisi de sinstaller dans votre région a progressé de près de 16 % ;
- nos échanges commerciaux ont augmenté dans la même proportion, à linstar des investissements de nos entreprises. Selon la Commission économique pour lAmérique latine et les Caraïbes, la CEPALC, mon pays serait même devenu en 2010 le premier investisseur européen en Amérique latine ;
- et jamais la littérature, la musique et le cinéma latino-américains nont été si populaires en France quil sagisse de Mario Vargas Losa influencé par Camus ou de Gabriel Garcia Marquez dont le réalisme magique doit tant à Rabelais. Votre culture est un écho de la nôtre. Cest pour cela quelle nous est intimement familière.
Ce paradoxe apparent sexplique pourtant aisément : cest parce que lAmérique latine et les Caraïbes sont en paix, parce quelles sont presque entièrement acquises à la démocratie, parce quelles connaissent une croissance économique assise (notamment) sur des politiques sociales de plus en plus inclusives quelles sont attractives pour nos concitoyens et pour nos entreprises.
Cest précisément parce que votre continent en a fini avec les juntes militaires, les turbulences politiques, le terrorisme et les difficultés économiques quil a parfois échappé à la vigilance de décideurs sans doute trop accaparés par la gestion des situations durgence. Votre continent na traversé que bien peu de crises graves ces dernières années.
Quelques mots néanmoins pour ce tragique anniversaire - trois ans presque jour pour jour de la ruine dHaïti. à Port-au-Prince. Jassure, avec tout le coeur possible, la chargée daffaires de la République dHaïti de la solidarité de la République française, et de notre indéfectible soutien à la reconstruction de lEtat haïtien. Jy ai dailleurs modestement travaillé comme sénatrice en mobilisant la réserve parlementaire. Nous noublions pas les centaines de milliers de victimes du tremblement de terre du 12 janvier 2010. Nous noublions pas non plus les liens historiques et culturels qui nous unissent au peuple haïtien.
En tant que région émergente, lAmérique latine a aujourdhui la responsabilité de participer à la résolution des problématiques globales auxquelles nous sommes tous confrontés. En matière dopérations de maintien de la paix, elle na jamais hésité à prendre sa part du fardeau : 7 % des casques bleus aujourdhui déployés dans le monde sont originaires de pays situés au Sud du Rio Grande. Elle joue aussi pleinement son rôle au Conseil de Sécurité : je voudrais remercier ici solennellement lArgentine et au Guatemala, les deux pays qui représentent en ce moment le GRULAC au CSNU, pour le soutien quils nous apportent dans nos efforts à mettre fin à lagression caractérisée dont le Mali est aujourdhui la victime. Je noublie pas également le rôle essentiel que remplit le Brésil dans le cadre de lopération des Nations Unies en Haïti depuis plusieurs années.
La France entend aujourdhui poursuivre avec vous ce dialogue politique sur tous les enjeux globaux, depuis les questions de sécurité internationale jusquau changement climatique, en passant par les questions sociétales. Jinsiste particulièrement sur ce dernier point, car nous avons là plusieurs sujets dintérêt commun, quil sagisse par exemple :
- du projet de moratoire mondial sur la peine de mort porté par le ministre français des Affaires étrangères ;
- de la question de genre
- ou encore le mariage pour tous. Je serai intéressée, sur ce point, Monsieur lambassadeur Ferrer, que vous mindiquiez comment cette notion a été introduite dans le droit positif argentin.
Pour créer les conditions de ce dialogue, la France a souhaité intensifier ses relations politiques avec lAmérique latine et les Caraïbes : il ne vous a sans doute pas échappé que votre région aura reçu en un an presque autant de responsables politiques français quau cours des cinq années précédentes.
Le Président de la République sest ainsi déjà rendu à deux reprises en Amérique latine depuis mai dernier à Los Cabos dabord, à Rio de Janeiro ensuite. En ces deux occasions, il a pu rencontrer la plupart de vos chefs dEtat. François Hollande a également reçu à Paris ses homologues mexicain, péruvien et brésilien avec lesquels des contacts fructueux et porteurs de projets davenir ont été noués.
Plusieurs membres du gouvernement et de la majorité ont suivi lexemple de M. François Hollande : M. Victorin Lurel sest rendu en République dominicaine pour linvestiture du Président Medina, en août dernier ; M. Jean-Yves Le Drian, Ministre de la Défense, a effectué un déplacement au Brésil, pays avec lequel nous entretenons un partenariat stratégique de premier plan; à lautomne, M. Pascal Canfin, Ministre chargé du développement, a fait le point sur laide française à Haïti avec le Président Martelly et le Premier ministre Lamothe que nous recevrons dailleurs à nouveau dans quelques jours à Paris ; M. Hamon, Ministre de léconomie solidaire, a coprésidé à Caracas les secondes consultations franco-vénézuéliennes de haut niveau, dans un climat ouvert et constructif ; Mme Nicole Bricq, Ministre du commerce extérieur, a effectué une tournée en Colombie et en Equateur ; Mme Christiane Taubira, gardes des Sceaux, sest elle aussi rendue à Quito, afin dassister à une réunion des ministres de la Justice des pays membres ou observateurs de lOrganisation des Etats Américains ; enfin, cest une des plus hautes autorités de lEtat, M. Jean-Pierre Bel, Président du Sénat, qui a représenté la France lors de linvestiture de M. Peña Nieto, à Mexico, le mois dernier.
Cette séquence franco-latino-américaine va se poursuivre dans les prochaines semaines. Cest le Premier Ministre, M. Jean-Marc Ayrault, qui prendra la tête de la délégation française lors du prochain sommet Union Européenne / Amérique latine et Caraïbes, à la fin du mois. Il sera accompagné à Santiago par quatre ministres :
- Mme Touraine pour les Affaires sociales,
- M. Cazeneuve pour les Affaires européennes,
- M. Moscovici pour lEconomie
- et M. Hamon pour lEconomie solidaire.
M. Ayrault saisira cette occasion pour effectuer une visite bilatérale en Argentine ainsi quau Chili.
Moins dun mois plus tard, M. Laurent Fabius effectuera lui-même une tournée qui devrait le conduire en Colombie, au Pérou et au Panama. M. Canfin, Mme Benguigui, M. Hamon et Mme Touraine envisagent également de se rendre à nouveau dans la région à la fin de lhiver. Quant à moi, léchange avec nos communautés françaises mamènera à visiter plusieurs Etats dAmérique centrale avant lété. Cest un sujet sur lequel votre avis mimporte à loccasion de ce déjeuner.
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
Ce renforcement des contacts politiques entre la France, lAmérique latine et les Caraïbes ne tient pas seulement à lintensification des crises internationales, ou à limportance que notre ministre des Affaires étrangères porte à la diplomatie économique ; même sil est évident que nous avons besoin de traiter ensemble des enjeux globaux, et que nous espérons bien intensifier nos relations économiques avec tous vos pays. Cette intensification de notre relation politique tient en effet aussi, et jinsiste sur ce point, à un effet de génération, à lhistoire particulière et personnelle, des femmes et des hommes qui laniment aujourdhui diplomates, politiques, chefs dentreprise, artistes et universitaires.
Il y a un peu plus de quarante ans, la France a en effet accueilli plusieurs milliers de réfugiés latino-américains qui fuyaient loppression des juntes militaires dont certaines ont su trouver en France, sous dautres majorités des appuis complaisants. Ces journalistes, ces militants politiques, ces défenseurs des droits de lHomme ont fait de la France leur seconde patrie ; ils sy sont mariés, ils y ont élevé leurs enfants. Et ces derniers sont aujourdhui en âge de définir la destinée de la nation dadoption de leurs parents. Cest le cas dau moins une de nos ministres et deux de nos députés. Certains sont des double-nationaux. Beaucoup dautres ont épousé un de vos compatriotes, ou lenfant dun de ceux ou de celles qui sétaient exilés en France dans les années soixante-dix. Les derniers se sont formés politiquement en manifestant contre Pinochet ou pour la paix en Amérique centrale, et bien sûr en lisant les ouvrages de René Dumont et de lambassadeur Rouquié ici présent. En France, pour cette génération, pour ma génération, Miguel Angel Asturias, Octavio Paz et le regretté Carlos Fuentes sont donc des classiques, au même titre que Jorge Luis Borges ou Jorge Amado. Pour les plus jeunes générations, ce sont aussi les noms de Rodrigo Rey Rosa, de Fernando Vallejo, de Alvaro Mutis et de bien dautres qui contribuent aux plaisirs des découvertes réciproques.
Ce nest dailleurs là quun juste retour des choses : vos pays ont eux aussi accueilli une communauté française qui a largement contribué à forger votre identité. La France nest certes pas lEspagne ou lItalie, dont les diasporas comptent plusieurs centaines de milliers de membres en Amérique latine. Mais cent mille français sont quand même enregistrés dans nos consulats de la région, et nous estimons quun nombre au moins équivalent de nos compatriotes vivent dans vos pays sans sêtre signalés à notre dispositif consulaire. Qui plus est, plusieurs millions de latino-américains sont les descendants de ces instituteurs, de ces vignerons, de ces ingénieurs, de ces ouvriers qualifiés français qui avaient été recrutés par les « racoleurs » qui arpentaient au XIXème siècle la Savoie, le Béarn, la Corse, lAveyron ou même la région parisienne.
Surtout, la France est elle aussi un Etat américain, à travers ses collectivités doutre-mer. Depuis la loi dorientation sur loutre-mer du 13 décembre 2000, ses anciens « départements français des Amériques » jouissent dune large autonomie et sont autorisés à négocier des accords internationaux avec les Etats de la région.
- La Martinique et la Guadeloupe viennent ainsi de devenir membres observateurs de la Commission économique pour lAmérique latine et les Caraïbes. Ces deux collectivités sont en outre candidates à lAssociation des Etats de la Caraïbes et à lOrganisation des Etats de la Caraïbe Orientale
- Avec la Guyane, elles ont enfin demandé leur adhésion à lAssociation des Etats de la Caraïbes et au CARICOM.
La France soutient pleinement ces candidatures et souhaite que ces collectivités sinsèrent pleinement dans leur environnement régional.
De cette histoire, de cette géographie commune, il est resté quelques grands personnages et autant de patronymes qui rappellent lorigine française de quelques grands latino-américains : Jules Supervielle, Carlos Gardel ou Alejo Carpentier, par exemple. Il en a aussi découlé une solidarité, qui sest manifestée dans les moments les plus sombres de notre histoire commune. Notre République na pas oublié que les trois quarts des comités de la France libre sont nés en Amérique latine et dans les Caraïbes, sous la direction de Jacques Soustelle. Elle sait ce quelle doit aux volontaires argentins, chiliens et vénézuéliens de la Deuxième D.B. du Général Leclerc, ainsi quaux Uruguayens et aux Mexicains des Forces Navales Libres. La France na pas non plus oublié lhéroïsme de Philippe Kieffer, ce fils dHaïti, né et élevé à Port-au-Prince, qui commandait la seule unité militaire française constituée lors du débarquement en Normandie. Elle se souvient de lengagement du corps expéditionnaire brésilien débarqué en Italie aux côtés des Alliés pour libérer lEurope.
De ce passé commun il reste un formidable réseau culturel et de coopération.
LAmérique latine et les Caraïbes sont ainsi la terre délection des Alliances françaises, avec un réseau de 275 établissements dotés de 407 implantations, qui forme plus de 160 000 étudiants. Elles accueillent aussi 37 « lycées français », homologués par notre ministère de lEducation nationale. Elles sont enfin le terrain dintenses coopérations inter-universitaires et de recherche, qui se traduisent par des échanges nourris didées et détudiants : la France est aujourdhui le quatrième pays daccueil des étudiants latino-américains en France, et plusieurs milliers de jeunes français passent désormais au moins une année universitaire dans vos établissements denseignement supérieur.
Ce dispositif a beaucoup évolué ces dernières années. Laurent Fabius ma confié une mission de réflexion sur ladaptation de notre réseau scolaire et denseignement aux besoins de nos communautés et de leurs pays daccueil. Jécouterais avec intérêt vos réflexions et vos analyses sur ces lycées et sur ce réseau de coopération.
Avant que nous entamions la discussion sur ces nombreux sujets dintérêt commun, il me reste à vous remercier une nouvelle fois pour votre invitation, et à vous souhaiter un bon appétit.
Je vous remercie de votre attention.
Source http://www.helene-conway.com, le 24 janvier 2013
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs les Chargés daffaires,
Monsieur le Président de la Maison de lAmérique latine,
Chers amis,
Je vous remercie, Monsieur le Président, de cette invitation qui me donne loccasion de faire avec vous le point sur la relation entre la France et lAmérique latine, moins de deux semaines avant le sommet de Santiago. Mes remerciements sétendent bien sûr à lambassadeur Alain Rouquié, qui nous accueille aujourdhui à la Maison de lAmérique latine, ce bel outil diplomatique et culturel dont il assure si brillamment la présidence.
Je crois être le premier membre du présent gouvernement à avoir le privilège et le plaisir de madresser à votre assemblée. Jaimerais donc dabord revenir brièvement sur lintérêt sincère que le Premier Ministre et la France portent à lAmérique latine et aux Caraïbes, sur lintérêt que nous avons pour ce continent pour lequel lon quitte son pays comme le relevait Flaubert, ce qui ne peut laisser indifférente la Ministre des Français de létranger ! Outre la présentation de ce que pourrait être un partenariat fondé sur un dialogue politique solide et confiant, vous me permettrez donc de revenir sur le rôle que nos communautés peuvent jouer dans cette relance de nos relations, et sur lappui que la France entend leur apporter dans cet effort.
Tout dabord un constat : le continent sud-américain na sans doute pas été au coeur des préoccupations des autorités françaises ces dernières années.
Ce nest pas que la France elle-même, et encore moins les Français, se désintéressaient, eux, de lAmérique latine et des Caraïbes :
- entre 2006 et 2011, le nombre de citoyens français qui ont choisi de sinstaller dans votre région a progressé de près de 16 % ;
- nos échanges commerciaux ont augmenté dans la même proportion, à linstar des investissements de nos entreprises. Selon la Commission économique pour lAmérique latine et les Caraïbes, la CEPALC, mon pays serait même devenu en 2010 le premier investisseur européen en Amérique latine ;
- et jamais la littérature, la musique et le cinéma latino-américains nont été si populaires en France quil sagisse de Mario Vargas Losa influencé par Camus ou de Gabriel Garcia Marquez dont le réalisme magique doit tant à Rabelais. Votre culture est un écho de la nôtre. Cest pour cela quelle nous est intimement familière.
Ce paradoxe apparent sexplique pourtant aisément : cest parce que lAmérique latine et les Caraïbes sont en paix, parce quelles sont presque entièrement acquises à la démocratie, parce quelles connaissent une croissance économique assise (notamment) sur des politiques sociales de plus en plus inclusives quelles sont attractives pour nos concitoyens et pour nos entreprises.
Cest précisément parce que votre continent en a fini avec les juntes militaires, les turbulences politiques, le terrorisme et les difficultés économiques quil a parfois échappé à la vigilance de décideurs sans doute trop accaparés par la gestion des situations durgence. Votre continent na traversé que bien peu de crises graves ces dernières années.
Quelques mots néanmoins pour ce tragique anniversaire - trois ans presque jour pour jour de la ruine dHaïti. à Port-au-Prince. Jassure, avec tout le coeur possible, la chargée daffaires de la République dHaïti de la solidarité de la République française, et de notre indéfectible soutien à la reconstruction de lEtat haïtien. Jy ai dailleurs modestement travaillé comme sénatrice en mobilisant la réserve parlementaire. Nous noublions pas les centaines de milliers de victimes du tremblement de terre du 12 janvier 2010. Nous noublions pas non plus les liens historiques et culturels qui nous unissent au peuple haïtien.
En tant que région émergente, lAmérique latine a aujourdhui la responsabilité de participer à la résolution des problématiques globales auxquelles nous sommes tous confrontés. En matière dopérations de maintien de la paix, elle na jamais hésité à prendre sa part du fardeau : 7 % des casques bleus aujourdhui déployés dans le monde sont originaires de pays situés au Sud du Rio Grande. Elle joue aussi pleinement son rôle au Conseil de Sécurité : je voudrais remercier ici solennellement lArgentine et au Guatemala, les deux pays qui représentent en ce moment le GRULAC au CSNU, pour le soutien quils nous apportent dans nos efforts à mettre fin à lagression caractérisée dont le Mali est aujourdhui la victime. Je noublie pas également le rôle essentiel que remplit le Brésil dans le cadre de lopération des Nations Unies en Haïti depuis plusieurs années.
La France entend aujourdhui poursuivre avec vous ce dialogue politique sur tous les enjeux globaux, depuis les questions de sécurité internationale jusquau changement climatique, en passant par les questions sociétales. Jinsiste particulièrement sur ce dernier point, car nous avons là plusieurs sujets dintérêt commun, quil sagisse par exemple :
- du projet de moratoire mondial sur la peine de mort porté par le ministre français des Affaires étrangères ;
- de la question de genre
- ou encore le mariage pour tous. Je serai intéressée, sur ce point, Monsieur lambassadeur Ferrer, que vous mindiquiez comment cette notion a été introduite dans le droit positif argentin.
Pour créer les conditions de ce dialogue, la France a souhaité intensifier ses relations politiques avec lAmérique latine et les Caraïbes : il ne vous a sans doute pas échappé que votre région aura reçu en un an presque autant de responsables politiques français quau cours des cinq années précédentes.
Le Président de la République sest ainsi déjà rendu à deux reprises en Amérique latine depuis mai dernier à Los Cabos dabord, à Rio de Janeiro ensuite. En ces deux occasions, il a pu rencontrer la plupart de vos chefs dEtat. François Hollande a également reçu à Paris ses homologues mexicain, péruvien et brésilien avec lesquels des contacts fructueux et porteurs de projets davenir ont été noués.
Plusieurs membres du gouvernement et de la majorité ont suivi lexemple de M. François Hollande : M. Victorin Lurel sest rendu en République dominicaine pour linvestiture du Président Medina, en août dernier ; M. Jean-Yves Le Drian, Ministre de la Défense, a effectué un déplacement au Brésil, pays avec lequel nous entretenons un partenariat stratégique de premier plan; à lautomne, M. Pascal Canfin, Ministre chargé du développement, a fait le point sur laide française à Haïti avec le Président Martelly et le Premier ministre Lamothe que nous recevrons dailleurs à nouveau dans quelques jours à Paris ; M. Hamon, Ministre de léconomie solidaire, a coprésidé à Caracas les secondes consultations franco-vénézuéliennes de haut niveau, dans un climat ouvert et constructif ; Mme Nicole Bricq, Ministre du commerce extérieur, a effectué une tournée en Colombie et en Equateur ; Mme Christiane Taubira, gardes des Sceaux, sest elle aussi rendue à Quito, afin dassister à une réunion des ministres de la Justice des pays membres ou observateurs de lOrganisation des Etats Américains ; enfin, cest une des plus hautes autorités de lEtat, M. Jean-Pierre Bel, Président du Sénat, qui a représenté la France lors de linvestiture de M. Peña Nieto, à Mexico, le mois dernier.
Cette séquence franco-latino-américaine va se poursuivre dans les prochaines semaines. Cest le Premier Ministre, M. Jean-Marc Ayrault, qui prendra la tête de la délégation française lors du prochain sommet Union Européenne / Amérique latine et Caraïbes, à la fin du mois. Il sera accompagné à Santiago par quatre ministres :
- Mme Touraine pour les Affaires sociales,
- M. Cazeneuve pour les Affaires européennes,
- M. Moscovici pour lEconomie
- et M. Hamon pour lEconomie solidaire.
M. Ayrault saisira cette occasion pour effectuer une visite bilatérale en Argentine ainsi quau Chili.
Moins dun mois plus tard, M. Laurent Fabius effectuera lui-même une tournée qui devrait le conduire en Colombie, au Pérou et au Panama. M. Canfin, Mme Benguigui, M. Hamon et Mme Touraine envisagent également de se rendre à nouveau dans la région à la fin de lhiver. Quant à moi, léchange avec nos communautés françaises mamènera à visiter plusieurs Etats dAmérique centrale avant lété. Cest un sujet sur lequel votre avis mimporte à loccasion de ce déjeuner.
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
Ce renforcement des contacts politiques entre la France, lAmérique latine et les Caraïbes ne tient pas seulement à lintensification des crises internationales, ou à limportance que notre ministre des Affaires étrangères porte à la diplomatie économique ; même sil est évident que nous avons besoin de traiter ensemble des enjeux globaux, et que nous espérons bien intensifier nos relations économiques avec tous vos pays. Cette intensification de notre relation politique tient en effet aussi, et jinsiste sur ce point, à un effet de génération, à lhistoire particulière et personnelle, des femmes et des hommes qui laniment aujourdhui diplomates, politiques, chefs dentreprise, artistes et universitaires.
Il y a un peu plus de quarante ans, la France a en effet accueilli plusieurs milliers de réfugiés latino-américains qui fuyaient loppression des juntes militaires dont certaines ont su trouver en France, sous dautres majorités des appuis complaisants. Ces journalistes, ces militants politiques, ces défenseurs des droits de lHomme ont fait de la France leur seconde patrie ; ils sy sont mariés, ils y ont élevé leurs enfants. Et ces derniers sont aujourdhui en âge de définir la destinée de la nation dadoption de leurs parents. Cest le cas dau moins une de nos ministres et deux de nos députés. Certains sont des double-nationaux. Beaucoup dautres ont épousé un de vos compatriotes, ou lenfant dun de ceux ou de celles qui sétaient exilés en France dans les années soixante-dix. Les derniers se sont formés politiquement en manifestant contre Pinochet ou pour la paix en Amérique centrale, et bien sûr en lisant les ouvrages de René Dumont et de lambassadeur Rouquié ici présent. En France, pour cette génération, pour ma génération, Miguel Angel Asturias, Octavio Paz et le regretté Carlos Fuentes sont donc des classiques, au même titre que Jorge Luis Borges ou Jorge Amado. Pour les plus jeunes générations, ce sont aussi les noms de Rodrigo Rey Rosa, de Fernando Vallejo, de Alvaro Mutis et de bien dautres qui contribuent aux plaisirs des découvertes réciproques.
Ce nest dailleurs là quun juste retour des choses : vos pays ont eux aussi accueilli une communauté française qui a largement contribué à forger votre identité. La France nest certes pas lEspagne ou lItalie, dont les diasporas comptent plusieurs centaines de milliers de membres en Amérique latine. Mais cent mille français sont quand même enregistrés dans nos consulats de la région, et nous estimons quun nombre au moins équivalent de nos compatriotes vivent dans vos pays sans sêtre signalés à notre dispositif consulaire. Qui plus est, plusieurs millions de latino-américains sont les descendants de ces instituteurs, de ces vignerons, de ces ingénieurs, de ces ouvriers qualifiés français qui avaient été recrutés par les « racoleurs » qui arpentaient au XIXème siècle la Savoie, le Béarn, la Corse, lAveyron ou même la région parisienne.
Surtout, la France est elle aussi un Etat américain, à travers ses collectivités doutre-mer. Depuis la loi dorientation sur loutre-mer du 13 décembre 2000, ses anciens « départements français des Amériques » jouissent dune large autonomie et sont autorisés à négocier des accords internationaux avec les Etats de la région.
- La Martinique et la Guadeloupe viennent ainsi de devenir membres observateurs de la Commission économique pour lAmérique latine et les Caraïbes. Ces deux collectivités sont en outre candidates à lAssociation des Etats de la Caraïbes et à lOrganisation des Etats de la Caraïbe Orientale
- Avec la Guyane, elles ont enfin demandé leur adhésion à lAssociation des Etats de la Caraïbes et au CARICOM.
La France soutient pleinement ces candidatures et souhaite que ces collectivités sinsèrent pleinement dans leur environnement régional.
De cette histoire, de cette géographie commune, il est resté quelques grands personnages et autant de patronymes qui rappellent lorigine française de quelques grands latino-américains : Jules Supervielle, Carlos Gardel ou Alejo Carpentier, par exemple. Il en a aussi découlé une solidarité, qui sest manifestée dans les moments les plus sombres de notre histoire commune. Notre République na pas oublié que les trois quarts des comités de la France libre sont nés en Amérique latine et dans les Caraïbes, sous la direction de Jacques Soustelle. Elle sait ce quelle doit aux volontaires argentins, chiliens et vénézuéliens de la Deuxième D.B. du Général Leclerc, ainsi quaux Uruguayens et aux Mexicains des Forces Navales Libres. La France na pas non plus oublié lhéroïsme de Philippe Kieffer, ce fils dHaïti, né et élevé à Port-au-Prince, qui commandait la seule unité militaire française constituée lors du débarquement en Normandie. Elle se souvient de lengagement du corps expéditionnaire brésilien débarqué en Italie aux côtés des Alliés pour libérer lEurope.
De ce passé commun il reste un formidable réseau culturel et de coopération.
LAmérique latine et les Caraïbes sont ainsi la terre délection des Alliances françaises, avec un réseau de 275 établissements dotés de 407 implantations, qui forme plus de 160 000 étudiants. Elles accueillent aussi 37 « lycées français », homologués par notre ministère de lEducation nationale. Elles sont enfin le terrain dintenses coopérations inter-universitaires et de recherche, qui se traduisent par des échanges nourris didées et détudiants : la France est aujourdhui le quatrième pays daccueil des étudiants latino-américains en France, et plusieurs milliers de jeunes français passent désormais au moins une année universitaire dans vos établissements denseignement supérieur.
Ce dispositif a beaucoup évolué ces dernières années. Laurent Fabius ma confié une mission de réflexion sur ladaptation de notre réseau scolaire et denseignement aux besoins de nos communautés et de leurs pays daccueil. Jécouterais avec intérêt vos réflexions et vos analyses sur ces lycées et sur ce réseau de coopération.
Avant que nous entamions la discussion sur ces nombreux sujets dintérêt commun, il me reste à vous remercier une nouvelle fois pour votre invitation, et à vous souhaiter un bon appétit.
Je vous remercie de votre attention.
Source http://www.helene-conway.com, le 24 janvier 2013