Texte intégral
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Et tout de suite, linvité politique de LCI matin, Julien ARNAUD, vous recevez Benoît HAMON, le ministre délégué à lEconomie sociale, solidaire et à la Consommation.
REBECCA FITOUSSI
Bonjour.
BENOIT HAMON
Bonjour.
JULIEN ARNAUD
Benoît HAMON, qui est issu des rangs de laile gauche du Parti socialiste, on le sait, bonjour, merci dêtre là.
BENOIT HAMON
Bonjour.
JULIEN ARNAUD
On va commencer à parler du Mali, justement, parce quil semble que le consensus politique, qui était en vigueur en France depuis plusieurs jours, est en train de se fendiller un petit peu, Laurent WAUQUIEZ a parlé dune absence de stratégie, Valérie PECRESSE a dit, en gros, avec Nicolas SARKOZY on aurait peut-être été un peu moins seuls. Vous en pensez quoi de ces déclarations-là ?
BENOIT HAMON
Moi, javoue que je suis très surpris. Je suis très surpris, parce que le président de la République a joué la transparence sur les objectifs, dabord stopper loffensive, qui était celle des groupes djihadistes terroristes, sécuriser nos ressortissants, permettre à la MISMA de sinstaller, redonner sa souveraineté au territoire malien, donc avoir une opération militaire. Les objectifs sont clairs...
JULIEN ARNAUD
Cela dit, ça fait six mois que lon sait quune intervention militaire se prépare, or, la France est seule, on navait pas le temps peut-être, de passer un coup de fil...
BENOIT HAMON
La France, dabord, n'est pas seule, puisquil va y avoir près de 6 000 soldats africains et quil nétait pas simple de réunir et de constituer une telle coalition. Il y a aujourd'hui le soutien de pays européens, mais je veux quand même dire ceci, nous sommes aujourd'hui dans une guerre, il y avait une Union nationale, et on entend des voix, quelques voix à droite, aujourd'hui remettre en cause les principes de cette intervention. Je trouve que ça illustre une forme de déroute morale dune partie de la droite française, une déroute morale au moment où nous sommes engagés dans la guerre et quil faut lUnion des forces démocratiques, c'est un test aussi pour mesurer ce quest la force morale de notre pays dans lépreuve, et je regrette les déclarations de Valérie PECRESSE, les déclarations de Laurent WAUQUIEZ, parce que quelque part elles nous affaiblissent collectivement, et je préfère les déclarations de François FILLON ou de Jean-Pierre RAFFARIN, qui soutiennent aujourd'hui le choix du président de la République, dinterrompre une offensive militaire. Que se serait-il passé, si nous avions laissé deux colonnes de 100 pick-up, près de 1 500 hommes armés, conquérir Bamako, où nous avons 6 000 ressortissants ? Que se serait-il passé ? Que fallait-il faire ? Il fallait bien sûr intervenir, ce que nous avons fait, ça devrait appeler le soutien de la droite française, ou en tout cas, nous lavons pour une partie...
JULIEN ARNAUD
Et François FILLON, sur son blog, effectivement...
BENOIT HAMON
Mais de toute la droite française, notamment de ses jeunes porte-paroles, on va finir par regretter les anciens.
JULIEN ARNAUD
Comme qui par exemple ?
BENOIT HAMON
Je ne sais pas, mais en tout cas je trouve que c'est dommage que ce soit des figures, on va dire, de la nouvelle droite, quoi, qui soient aujourd'hui, là, pour critiquer une opération, là où nous avons besoin du soutien de tous.
JULIEN ARNAUD
Alors, vous, vous êtes aussi ancien porte-parole du Parti socialiste, et à lépoque, si mes souvenirs sont bons, vous étiez assez dur, c'est le moins que lon puisse dire, sur Angela MERKEL. On célèbre en ce moment les 50 ans de lamitié franco-allemande, la relation est difficile, c'est le moins quon puisse dire, vous souhaitez quelle perde, Angela MERKEL, dans 8 mois, aux élections ? Vous souhaitez que le SPD gagne ?
BENOIT HAMON
Ah, ce n'est pas à un jour danniversaire que je vais souhaiter la défaite dAngela MERKEL, je trouve que ça ne serait pas correct de ma part. Après, le Parti socialiste, auquel jappartiens, est un allié avec le SPD allemand, il y a des élections, il y en a même eu ce week-end, qui ont été remportées par une coalition de gauche, je men réjouis, et en ce jour danniversaire du Traité de l'Elysée, ce qui me parait le plus important, c'est de dire de quelle manière, sur les 50 ans à venir, les Français et les allemands sont capables de construire un projet commun, qui redonne, un, du sens au couple franco-allemand, mais surtout à la construction européenne. On a démarré, à bien des égards, dans la construction européenne, par un pact sur le charbon et lacier, qui concernait lénergie, les capacités à lever une puissance industrielle. Eh bien je pense, et je crois que ça sera le sens dune partie des déclarations du président de la République, en Allemagne, que sur la question de la transition énergétique, des énergies renouvelables, nous pouvons reconstituer un couple franco-allemand qui soit le moteur de la construction européenne, et dun projet positif.
JULIEN ARNAUD
Et sur la question de laustérité, vous pensez quil faut saccrocher au totem des 3 %, comme le demande Angela MERKEL ?
BENOIT HAMON
Je pense surtout que laustérité généralisé, ça produit de la récession, et dès lors quil y a de laustérité généralisée, comme nous lavons critiqué, comme nous avons contesté cette doctrine économique depuis le début, ça produit de la récession.
JULIEN ARNAUD
Donc, vous êtes en désaccord profond avec lAllemagne là-dessus.
BENOIT HAMON
Mais, en désaccord avec lidée selon laquelle, aujourd'hui, c'est par le fait que lon réduise la dépense publique, en même temps, partout en Europe, que lon arrivera à sortir lEurope de la crise. Dailleurs, ça ne marche pas, depuis plusieurs années, c'est la raison pour laquelle aujourd'hui il faut quon dialogue et quon discute sur la façon dont on pourra relancer la construction européenne, aussi sur le plan économique, doù limportance de lagenda sur lUnion bancaire. Ce matin, je me rendrai moi-même, pour représenter la France, à lECOFIN, pour le vote de la taxe sur les transactions financières, acte importante de régulation, aujourd'hui, de la finance mondiale, eh bien sur ces sujets-là, ce que nous avons obtenu, grâce à François HOLLANDE, est important, mais ça nest quune étape, et François HOLLANDE na jamais considéré quil fallait sarrêter aux résultats du sommet de juin, il fallait aller au-delà, et nous avons bien lintention daller au-delà et den parler à nos amis allemands pour relancer la construction européenne, plutôt que de la laisser dans une forme de statut-quo aujourd'hui, qui se contente de faire la mesure des comptes publics de chacun des pays de lUnion européenne.
JULIEN ARNAUD
Parlons-en, quand même, un petit peu, des comptes publics, parce que c'est important. Hier, le Premier ministre a développé le plan contre la pauvreté, et on est revenu sur la mesure du financement, ça va coûter à peu près, un peu plus de deux milliards deuros par an, à terme, on les finance comment ? Le Premier ministre na pas précisé exactement, il a dit : « ça sera des redéploiements », mais ça veut dire quil faudra couper des dépenses, on les coupe où ces dépenses ? On narrive pas à avoir cette réponse-là depuis plusieurs mois.
BENOIT HAMON
Mais il y a aujourd'hui, dabord, un choix, sur lequel il faut insister, c'est quon va sattaquer à la pauvreté. Quand on a plus de 8 millions de personnes qui sont en dessous du seuil de pauvreté...
JULIEN ARNAUD
Mais avec quel argent, Benoît HAMON, c'est ça la question ?
BENOIT HAMON
Mais avec quel argent, je veux dire, on a aujourd'hui un budget, qui est un budget qui, par une réduction des dépenses, peut permettre de redéployer vers le financement dun certain nombre de mesures, en direction des jeunes notamment. Jajoute que nos avons décidé, à ce budget-ci, en loi de finances 2013, de provisionner deux milliards deuros, qui peuvent être, pour partie, consacrés à financer ce programme-là, comme consacrés à financer des politiques supplémentaires en termes demplois aidés demain. Donc on a aujourd'hui des moyens de pouvoir le faire. Jinsiste sur une chose, c'est que pour... nous allons enfin combler ce trou dans la raquette, qui voulait que jusquici des jeunes, Français, ne bénéficiaient pas dun revenu, quand ils étaient entre 18 et 25 ans, là où ils pouvaient être éligibles au RSA à partir de 26 ans. Ya quen France, en Europe, que lon avait ce trou dans la raquette. Aujourd'hui il est comblé par une mesure qui va permettre à un jeune, dès lors quil accepte une formation, donc quil ne sera pas assisté, comme le dénonce monsieur WAUQUIEZ, qui dès lors quon prend un peu dargent aux plus riches, parle de confiscation, et dès lors quon en donne un tout petit peu à un jeune qui nen avait pas, parle dassistanat, je ne sais pas dans quel monde vit Laurent WAUQUIEZ, mais certainement pas celui de la grande pauvreté, manifestement, eh bien nous allons prendre une mesure, qui est une mesure qui va permettre à ces jeunes, qui sont peu ou pas qualifiés, 100 000 jeunes pas du tout qualifiés, de bénéficier au moins dun petit subside, pour pouvoir éviter de basculer dans lextrême pauvreté.
JULIEN ARNAUD
Et le fameux accord sur la sécurisation de lemploi ? Est-ce quil comble, lui, un trou dans la raquette, également ? Vos amis de laile gauche du PS, évidemment ils parlent un petit peu plus libres que vous à lAssemblée nationale, ils ont pas vraiment aimé ce texte. Vous en pensez quoi, vous ?
BENOIT HAMON
Moi je pense quil y a un point important déquilibre, c'est que là où le texte donne de la flexibilité, c'est dans les entreprises, les grandes entreprises où il y a des organisations syndicales. Mais là où il donne des droits supplémentaires, notamment avec laccès à une complémentaire santé, qui va permettre à des salariés de se soigner ou de mieux se soigner quaujourd'hui, ce sont dans les petites entreprises, là où il y a très peu dorganisations syndicales.
JULIEN ARNAUD
Donc, c'est un progrès.
BENOIT HAMON
Je pense que de ce point de vue là c'est un progrès, le fait que dici 2016 tous les salariés français disposent dune complémentaire santé, c'est un progrès. Maintenant, il y a deux organisations syndicales qui nont pas signé ce texte.
JULIEN ARNAUD
CGT et Force ouvrière.
BENOIT HAMON
CGT et Force ouvrière. La première, et la troisième, ce sont donc deux grosses organisations. Ce que le président de la République a dit et souhaité, c'est que la transposition de cet accord ne fasse pas limpasse sur le dialogue avec ces deux organisations syndicales. Nous en avons besoin pour demain, de ces organisations...
JULIEN ARNAUD
Donc, il faut améliorer laccord, il faut laméliorer à lAssemblée nationale.
BENOIT HAMON
Alors, sur ce qui concerne laccord et ce qui pourrait être à côté, notamment le principe dun texte, le texte de loi, peut-être dinitiative parlementaire, sur la question des sites, qui sont des sites rentables, nous pouvons, à côté de ce texte, construire une proposition de loi, qui, sur, on va dire, la reprise dentreprises, sur le transfert dentreprises, en tout cas pour éviter que les sites rentables ne ferment, en tout cas que des propriétaires dentreprises décident, du jour au lendemain, pour des logiques purement boursières ou financières, de fermer une entreprise, eh bien que par la loi, on dispose des moyens de les empêcher de ces pratiques prédatrices qui se traduisent par des dizaines de milliers de suppressions demplois en Europe.
JULIEN ARNAUD
Via notamment des SCOP, et c'est le projet que vous allez défendre...
BENOIT HAMON
Absolument.
JULIEN ARNAUD
... dans un projet de loi. Merci beaucoup, Arnaud MONTEBOURG (sic) qui a dénoncé ce matin la déroute morale dune partie de la droite, cétait sur LCI.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 24 janvier 2013