Interview de M. Benoît Hamon, ministre délégué à l'économie sociale et solidaire et à la consommation, à "LCI" le 22 janvier 2013 sur l'intervention française au Mali, sur l'accord sur la sécurisation de l'emploi, et la célébration de l'amitié franco-allemande.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral


JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Et tout de suite, l’invité politique de LCI matin, Julien ARNAUD, vous recevez Benoît HAMON, le ministre délégué à l’Economie sociale, solidaire et à la Consommation.
REBECCA FITOUSSI
Bonjour.
BENOIT HAMON
Bonjour.
JULIEN ARNAUD
Benoît HAMON, qui est issu des rangs de l’aile gauche du Parti socialiste, on le sait, bonjour, merci d’être là.
BENOIT HAMON
Bonjour.
JULIEN ARNAUD
On va commencer à parler du Mali, justement, parce qu’il semble que le consensus politique, qui était en vigueur en France depuis plusieurs jours, est en train de se fendiller un petit peu, Laurent WAUQUIEZ a parlé d’une absence de stratégie, Valérie PECRESSE a dit, en gros, avec Nicolas SARKOZY on aurait peut-être été un peu moins seuls. Vous en pensez quoi de ces déclarations-là ?
BENOIT HAMON
Moi, j’avoue que je suis très surpris. Je suis très surpris, parce que le président de la République a joué la transparence sur les objectifs, d’abord stopper l’offensive, qui était celle des groupes djihadistes terroristes, sécuriser nos ressortissants, permettre à la MISMA de s’installer, redonner sa souveraineté au territoire malien, donc avoir une opération militaire. Les objectifs sont clairs...
JULIEN ARNAUD
Cela dit, ça fait six mois que l’on sait qu’une intervention militaire se prépare, or, la France est seule, on n’avait pas le temps peut-être, de passer un coup de fil...
BENOIT HAMON
La France, d’abord, n'est pas seule, puisqu’il va y avoir près de 6 000 soldats africains et qu’il n’était pas simple de réunir et de constituer une telle coalition. Il y a aujourd'hui le soutien de pays européens, mais je veux quand même dire ceci, nous sommes aujourd'hui dans une guerre, il y avait une Union nationale, et on entend des voix, quelques voix à droite, aujourd'hui remettre en cause les principes de cette intervention. Je trouve que ça illustre une forme de déroute morale d’une partie de la droite française, une déroute morale au moment où nous sommes engagés dans la guerre et qu’il faut l’Union des forces démocratiques, c'est un test aussi pour mesurer ce qu’est la force morale de notre pays dans l’épreuve, et je regrette les déclarations de Valérie PECRESSE, les déclarations de Laurent WAUQUIEZ, parce que quelque part elles nous affaiblissent collectivement, et je préfère les déclarations de François FILLON ou de Jean-Pierre RAFFARIN, qui soutiennent aujourd'hui le choix du président de la République, d’interrompre une offensive militaire. Que se serait-il passé, si nous avions laissé deux colonnes de 100 pick-up, près de 1 500 hommes armés, conquérir Bamako, où nous avons 6 000 ressortissants ? Que se serait-il passé ? Que fallait-il faire ? Il fallait bien sûr intervenir, ce que nous avons fait, ça devrait appeler le soutien de la droite française, ou en tout cas, nous l’avons pour une partie...
JULIEN ARNAUD
Et François FILLON, sur son blog, effectivement...
BENOIT HAMON
Mais de toute la droite française, notamment de ses jeunes porte-paroles, on va finir par regretter les anciens.
JULIEN ARNAUD
Comme qui par exemple ?
BENOIT HAMON
Je ne sais pas, mais en tout cas je trouve que c'est dommage que ce soit des figures, on va dire, de la nouvelle droite, quoi, qui soient aujourd'hui, là, pour critiquer une opération, là où nous avons besoin du soutien de tous.
JULIEN ARNAUD
Alors, vous, vous êtes aussi ancien porte-parole du Parti socialiste, et à l’époque, si mes souvenirs sont bons, vous étiez assez dur, c'est le moins que l’on puisse dire, sur Angela MERKEL. On célèbre en ce moment les 50 ans de l’amitié franco-allemande, la relation est difficile, c'est le moins qu’on puisse dire, vous souhaitez qu’elle perde, Angela MERKEL, dans 8 mois, aux élections ? Vous souhaitez que le SPD gagne ?
BENOIT HAMON
Ah, ce n'est pas à un jour d’anniversaire que je vais souhaiter la défaite d’Angela MERKEL, je trouve que ça ne serait pas correct de ma part. Après, le Parti socialiste, auquel j’appartiens, est un allié avec le SPD allemand, il y a des élections, il y en a même eu ce week-end, qui ont été remportées par une coalition de gauche, je m’en réjouis, et en ce jour d’anniversaire du Traité de l'Elysée, ce qui me parait le plus important, c'est de dire de quelle manière, sur les 50 ans à venir, les Français et les allemands sont capables de construire un projet commun, qui redonne, un, du sens au couple franco-allemand, mais surtout à la construction européenne. On a démarré, à bien des égards, dans la construction européenne, par un pact sur le charbon et l’acier, qui concernait l’énergie, les capacités à lever une puissance industrielle. Eh bien je pense, et je crois que ça sera le sens d’une partie des déclarations du président de la République, en Allemagne, que sur la question de la transition énergétique, des énergies renouvelables, nous pouvons reconstituer un couple franco-allemand qui soit le moteur de la construction européenne, et d’un projet positif.
JULIEN ARNAUD
Et sur la question de l’austérité, vous pensez qu’il faut s’accrocher au totem des 3 %, comme le demande Angela MERKEL ?
BENOIT HAMON
Je pense surtout que l’austérité généralisé, ça produit de la récession, et dès lors qu’il y a de l’austérité généralisée, comme nous l’avons critiqué, comme nous avons contesté cette doctrine économique depuis le début, ça produit de la récession.
JULIEN ARNAUD
Donc, vous êtes en désaccord profond avec l’Allemagne là-dessus.
BENOIT HAMON
Mais, en désaccord avec l’idée selon laquelle, aujourd'hui, c'est par le fait que l’on réduise la dépense publique, en même temps, partout en Europe, que l’on arrivera à sortir l’Europe de la crise. D’ailleurs, ça ne marche pas, depuis plusieurs années, c'est la raison pour laquelle aujourd'hui il faut qu’on dialogue et qu’on discute sur la façon dont on pourra relancer la construction européenne, aussi sur le plan économique, d’où l’importance de l’agenda sur l’Union bancaire. Ce matin, je me rendrai moi-même, pour représenter la France, à l’ECOFIN, pour le vote de la taxe sur les transactions financières, acte importante de régulation, aujourd'hui, de la finance mondiale, eh bien sur ces sujets-là, ce que nous avons obtenu, grâce à François HOLLANDE, est important, mais ça n’est qu’une étape, et François HOLLANDE n’a jamais considéré qu’il fallait s’arrêter aux résultats du sommet de juin, il fallait aller au-delà, et nous avons bien l’intention d’aller au-delà et d’en parler à nos amis allemands pour relancer la construction européenne, plutôt que de la laisser dans une forme de statut-quo aujourd'hui, qui se contente de faire la mesure des comptes publics de chacun des pays de l’Union européenne.
JULIEN ARNAUD
Parlons-en, quand même, un petit peu, des comptes publics, parce que c'est important. Hier, le Premier ministre a développé le plan contre la pauvreté, et on est revenu sur la mesure du financement, ça va coûter à peu près, un peu plus de deux milliards d’euros par an, à terme, on les finance comment ? Le Premier ministre n’a pas précisé exactement, il a dit : « ça sera des redéploiements », mais ça veut dire qu’il faudra couper des dépenses, on les coupe où ces dépenses ? On n’arrive pas à avoir cette réponse-là depuis plusieurs mois.
BENOIT HAMON
Mais il y a aujourd'hui, d’abord, un choix, sur lequel il faut insister, c'est qu’on va s’attaquer à la pauvreté. Quand on a plus de 8 millions de personnes qui sont en dessous du seuil de pauvreté...
JULIEN ARNAUD
Mais avec quel argent, Benoît HAMON, c'est ça la question ?
BENOIT HAMON
Mais avec quel argent, je veux dire, on a aujourd'hui un budget, qui est un budget qui, par une réduction des dépenses, peut permettre de redéployer vers le financement d’un certain nombre de mesures, en direction des jeunes notamment. J’ajoute que nos avons décidé, à ce budget-ci, en loi de finances 2013, de provisionner deux milliards d’euros, qui peuvent être, pour partie, consacrés à financer ce programme-là, comme consacrés à financer des politiques supplémentaires en termes d’emplois aidés demain. Donc on a aujourd'hui des moyens de pouvoir le faire. J’insiste sur une chose, c'est que pour... nous allons enfin combler ce trou dans la raquette, qui voulait que jusqu’ici des jeunes, Français, ne bénéficiaient pas d’un revenu, quand ils étaient entre 18 et 25 ans, là où ils pouvaient être éligibles au RSA à partir de 26 ans. Y’a qu’en France, en Europe, que l’on avait ce trou dans la raquette. Aujourd'hui il est comblé par une mesure qui va permettre à un jeune, dès lors qu’il accepte une formation, donc qu’il ne sera pas assisté, comme le dénonce monsieur WAUQUIEZ, qui dès lors qu’on prend un peu d’argent aux plus riches, parle de confiscation, et dès lors qu’on en donne un tout petit peu à un jeune qui n’en avait pas, parle d’assistanat, je ne sais pas dans quel monde vit Laurent WAUQUIEZ, mais certainement pas celui de la grande pauvreté, manifestement, eh bien nous allons prendre une mesure, qui est une mesure qui va permettre à ces jeunes, qui sont peu ou pas qualifiés, 100 000 jeunes pas du tout qualifiés, de bénéficier au moins d’un petit subside, pour pouvoir éviter de basculer dans l’extrême pauvreté.
JULIEN ARNAUD
Et le fameux accord sur la sécurisation de l’emploi ? Est-ce qu’il comble, lui, un trou dans la raquette, également ? Vos amis de l’aile gauche du PS, évidemment ils parlent un petit peu plus libres que vous à l’Assemblée nationale, ils ont pas vraiment aimé ce texte. Vous en pensez quoi, vous ?
BENOIT HAMON
Moi je pense qu’il y a un point important d’équilibre, c'est que là où le texte donne de la flexibilité, c'est dans les entreprises, les grandes entreprises où il y a des organisations syndicales. Mais là où il donne des droits supplémentaires, notamment avec l’accès à une complémentaire santé, qui va permettre à des salariés de se soigner ou de mieux se soigner qu’aujourd'hui, ce sont dans les petites entreprises, là où il y a très peu d’organisations syndicales.
JULIEN ARNAUD
Donc, c'est un progrès.
BENOIT HAMON
Je pense que de ce point de vue là c'est un progrès, le fait que d’ici 2016 tous les salariés français disposent d’une complémentaire santé, c'est un progrès. Maintenant, il y a deux organisations syndicales qui n’ont pas signé ce texte.
JULIEN ARNAUD
CGT et Force ouvrière.
BENOIT HAMON
CGT et Force ouvrière. La première, et la troisième, ce sont donc deux grosses organisations. Ce que le président de la République a dit et souhaité, c'est que la transposition de cet accord ne fasse pas l’impasse sur le dialogue avec ces deux organisations syndicales. Nous en avons besoin pour demain, de ces organisations...
JULIEN ARNAUD
Donc, il faut améliorer l’accord, il faut l’améliorer à l’Assemblée nationale.
BENOIT HAMON
Alors, sur ce qui concerne l’accord et ce qui pourrait être à côté, notamment le principe d’un texte, le texte de loi, peut-être d’initiative parlementaire, sur la question des sites, qui sont des sites rentables, nous pouvons, à côté de ce texte, construire une proposition de loi, qui, sur, on va dire, la reprise d’entreprises, sur le transfert d’entreprises, en tout cas pour éviter que les sites rentables ne ferment, en tout cas que des propriétaires d’entreprises décident, du jour au lendemain, pour des logiques purement boursières ou financières, de fermer une entreprise, eh bien que par la loi, on dispose des moyens de les empêcher de ces pratiques prédatrices qui se traduisent par des dizaines de milliers de suppressions d’emplois en Europe.
JULIEN ARNAUD
Via notamment des SCOP, et c'est le projet que vous allez défendre...
BENOIT HAMON
Absolument.
JULIEN ARNAUD
... dans un projet de loi. Merci beaucoup, Arnaud MONTEBOURG (sic) qui a dénoncé ce matin la déroute morale d’une partie de la droite, c’était sur LCI.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 24 janvier 2013