Déclaration de Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur le rôle de Campus France dans l'enseignement supérieur et l'accueil des étudiants étrangers en France, Paris le 18 décembre 2012.

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Circonstance : Clôture du Forum Campus France le 18 décembre 2012

Texte intégral


I. La nécessaire internationalisation de notre système d’ESR.
Je suis heureuse d’être parmi vous, à l’occasion de la clôture du Forum des établissements de Campus France.
En effet, Campus France est un instrument qui doit servir l’attractivité de notre système d’enseignement supérieur et de recherche en général, et de chacun de vos établissements en particulier. Je me réjouis de ce forum, qui a vocation à vous associer pleinement à la définition des activités de Campus France.
Vous le savez, mon parcours, ma sensibilité, me disposent à mobiliser toutes nos énergies pour promouvoir l’excellence de la recherche et de l’enseignement supérieur français, en favorisant leur ouverture internationale. Je ne doute pas que nous y parviendrons, en étroite collaboration avec le MAE.
Au service de cette ambition, au service de votre ouverture à l’international, Campus France est un outil qui a vocation à promouvoir notre système d’enseignement supérieur et de recherche, mais aussi à favoriser, faciliter et amplifier l’accueil des étudiants étrangers.
- La vision et la stratégie du MESR.
J’ai à coeur de soutenir et même d’amplifier l’ouverture de notre système d’ESR à l’international. Cette ambition répond à la fois à une stratégie globale et à des logiques scientifiques particulières, propres à chaque établissement. Ces deux conceptions ne sont pas contradictoires. Elles doivent, au contraire, s’alimenter mutuellement, et s’articuler harmonieusement. Cela fait aussi partie de la simplification et de la mutualisation dont nous avons besoin, pour améliorer notre visibilité. Je rappelle que nous avons plus de 3 000 intitulés de licences, et plus de 6 000 intitulés de masters. C’est trop pour être lisible.
Je sais que nous partageons la conviction que la formation de haut niveau, la recherche et l’innovation représentent un atout décisif pour la croissance, la compétitivité et l’emploi.
Nous veillerons, le MAE et le MESR, grâce à notre complémentarité, à notre double approche, qui est une richesse, à ce que l’intérêt de chaque établissement serve le rayonnement scientifique de notre pays.
C’est un enjeu national, et c’est même plus que cela. La coopération scientifique est réellement devenue un enjeu majeur pour l’avenir de la planète.
Aujourd’hui, les grands défis du climat, de la santé, de l’énergie, de l’alimentation, de l’emploi, sont des défis globaux. La recherche et l’innovation doivent apporter leurs contributions pour relever ces défis. Les réponses seront nécessairement globales. Je souhaite que la France prenne toute sa part dans cette coopération scientifique internationale.
La France se trouve déjà, et d’une façon éminente, intégrée dans la société mondiale de la connaissance. Mais ce n’est pas suffisant.
La mondialisation n’est pas une contrainte pour la communauté scientifique : c’est une dynamique dont nous pouvons tirer profit. Pour profiter de cette dynamique, nous disposons d’atouts importants.
L’Europe, d’abord. Pour peser à l’international, et atteindre la taille critique en termes de visibilité et de coopération, l’Europe me semble être l’échelle la plus pertinente. Et pourtant, nous sommes contributeurs nets, faute de répondre suffisamment aux appels d’offre européens, en dépit du bon taux de réussite moyen de nos projets. Le ministère vous aidera à être davantage présent, en mettant à votre disposition son ingénierie.
Mais l’Europe, ce n’est pas seulement une source de financement : l’Europe de l’enseignement supérieur et de la recherche, c’est un projet, et la France doit y tenir toute sa place. Nous devons nous appuyer sur l’Europe de la connaissance qui est un modèle très attractif à l’échelle internationale. Cette Europe s’ouvre à la Méditerranée et c’est une bonne chose : nous avons eu l’occasion, Laurent Fabius et moi, lors de la récente visite du Premier ministre au Maroc, de voir combien ce pays appelait de ses voeux ce que mon homologue a appelé « l’Europe sans rives ». Avec le projet de coopération renforcée dans le domaine de l’enseignement supérieur et de la recherche, le Maroc souhaite en effet devenir pour nous, une porte pour les étudiants venus de l’Afrique subsaharienne. Et ce n’est qu’un exemple de ces projets que nous devons encourager en faveur de cette « Europe sans rives ».
Pour exister, à cette échelle internationale, je souhaite que nous poursuivions, et que nous amplifions nos partenariats avec les pays francophones. Ensemble, nous partageons le souci de protéger la diversité culturelle. La France, avec ses partenaires de la Francophonie, a un rôle singulièrement important à jouer dans la défense de la diversité culturelle.
Avec nos partenaires francophones, venus de l’ensemble des continents, et grâce à un ancrage européen ouvert et consolidé, nous atteindrons la masse critique nécessaire à la visibilité de notre recherche et de notre formation du supérieur. C’est un enjeu essentiel, face aux puissances industrielles qui ne relâchent pas leurs efforts, comme les Etats-Unis ou le Japon (dont tout le programme de rebond est fondé sur la compétitivité par l’innovation), mais aussi à l’égard des BRICs, qui investissent fortement dans la formation, la recherche et l’innovation. N’oublions pas les pays comme la Corée du Sud qui dépassent largement, en termes d’investissement dans la recherche, l’objectif de Lisbonne que les pays européens n’arrivent pas à atteindre.
Notre avenir dépend de notre capacité à nous ouvrir et à nous confronter aux autres. La capacité d’innovation de nos entreprises dépend évidemment de notre capacité à maintenir notre formation au meilleur niveau des standards internationaux. Le meilleur levier de compétitivité pour notre pays, c’est bien notre système de formation et de recherche, dont il faut encore améliorer la visibilité et l’attractivité.
C’est la raison pour laquelle je souhaite que nous relevions le défi de la mobilité étudiante et des chercheurs. Cette circulation des personnes et des idées, qui fonctionne dans les deux sens, enrichit tous ses acteurs. La mobilité étudiante et des chercheurs, c’est le meilleur moyen de promouvoir notre enseignement supérieur dans le monde. C’est aussi la condition de son progrès, par la confrontation des modèles et des expériences.
Le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a indiqué, le 2 octobre dernier, à l’Assemblée nationale, que la France veillerait à ce que le budget européen consacré à l’éducation et à la mobilité étudiante progresse, dans le cadre d’Erasmus pour tous. Ce voeu est parfaitement convergent avec la vision que j’ai récemment partagée avec la Commissaire européenne, Androulla Vassiliou.
Dans cet esprit, je me réjouis, après quelques appréhensions, et beaucoup de pressions de notre part, de l’approbation par le Parlement européen du budget 2013, qui permet de conforter le financement du programme de mobilité étudiante Erasmus, dont nous ne voulons pas, au passage, changer le nom emblématique, pour la dénomination plus triviale « Yes Europe ». J’ai d’ailleurs trouvé l’appui de mes collègues latins, mais aussi anglais, dans cette démarche.
Ce soutien réaffirmé à un programme devenu symbole de l’Europe, est le signe d’un engagement résolu en faveur de l’Europe de l’éducation et de la jeunesse.
Je l’ai dit, lors de l’ouverture des Assises nationales de l’enseignement supérieur et de la recherche, au Collège de France, le 27 novembre dernier : nous voulons non seulement préserver la mobilité étudiante par les programmes Erasmus, mais l’amplifier, comme cela était prévu dans Horizon 2020, pour en démocratiser l’accès et l’ouvrir plus largement aux étudiants des filières professionnelles et technologiques.
Cette stratégie nationale, qui ambitionne un nouvel élan pour la mobilité étudiante, exige naturellement de rompre avec les signaux négatifs qui ont pu être émis par le passé.
Un premier pas, symbolique, a été franchi le 31 mai dernier, avec l’abrogation de la circulaire dite Guéant. Cette décision signale l’importance que la France attache à accueillir les étudiants et chercheurs étrangers qui souhaitent connaître, sur notre sol, une expérience académique.
Parce ce que j’ai toute confiance dans notre système d’ESR, j’ai la conviction que ces jeunes gens, qui auront été formés chez nous, qui auront commencé ici leur vie professionnelle, deviendront autant d’ambassadeurs de notre pays, de ses valeurs et de ses talents.
Nous attirons aujourd’hui 284 000 étudiants étrangers. C’est une performance qui nous place au 3e ou 4e rang mondial, selon les années. Nous pouvons encore mieux faire, pour accueillir plus de jeunes, dans toutes les disciplines, et mieux les accueillir. C’est l’un des objectifs que doit viser Campus France. J’y reviendrai.
Vous le voyez, notre ambition internationale pour notre système d’ESR répond à des objectifs politiques, scientifiques et économiques. Le MESR joue et jouera tout son rôle en la matière.
- Le rôle des établissements.
Mais, si l’Etat stratège orchestre les moyens pour atteindre cet objectif, vous avez, vous, les Etablissements, votre propre rôle à jouer.
La dimension internationale est devenue une dimension stratégique du développement de vos établissements. Il vous appartient, à vous, de penser cette stratégie.
La liberté académique, la logique scientifique, doivent primer dans votre stratégie internationale. Chaque établissement, selon son histoire, ses talents, son inscription dans son territoire et son écosystème socioéconomique, doit développer sa propre vocation. Car, de fait, toute recherche de qualité trouve naturellement une portée internationale.
Les partenariats internationaux les plus réussis sont ceux qui répondent à une logique scientifique. Il ne me parait pas souhaitable que chaque université se pense comme une sorte d’ambassadeur global de la science française. Mais je souhaite que chacun remplisse sa vocation à l’excellence, dans ses domaines propres.
En matière de mobilité étudiante, nous devons réfléchir, ensemble, à améliorer l’accueil des étudiants étrangers. L’attractivité de notre système d’ESR en dépend. Je trouve anormal que l’on se sente mieux accueilli en Corée du Sud qu’en France.
Nous devons, ensemble, faire en sorte que l’étudiant étranger se sente mieux accompagné lorsqu’il arrive dans notre pays. Nous devons réfléchir aux moyens d’alléger et de simplifier les procédures administratives. C’est en cours, et mes collègues Laurent Fabius et Manuel Valls y travaillent.
L’étudiant étranger doit sentir que tout est fait pour qu’il soit intégré à son nouvel environnement. Nous devons prendre en compte, de ce point de vue, les questions administratives et logistiques, bien entendu, mais aussi les aspects pédagogiques. C’est l’un des bénéfices que nous sommes en droit d’attendre de la mobilité étudiante : elle est un formidable stimulant, qui vous oblige à remettre en cause vos habitudes.
Les pratiques pédagogiques les plus traditionnelles, centrée sur les cours magistraux, décalées des usages de la plupart des grandes universités mondiales, l’emploi trop rares des langues étrangères dans nos établissements, la faiblesse des pratiques et des équipements favorisant la sociabilité étudiante : nous pouvons, nous devons, ensemble, améliorer tout cela qui constitue un frein à l’attractivité de notre système. Si nous préparons aujourd’hui un grand plan numérique, France Université Numérique, c’est aussi pour répondre à ces problématiques.
Le MESR jouera son rôle, à côté du MAE, pour accompagner le développement de votre ambition à rayonner à l’international.
Campus France doit être au service de cette ambition.
II. les missions de campus France et la marge de progression.
Campus France a été pensé pour répondre à trois exigences :
- D’abord, la promotion des études supérieures françaises :
Notre attractivité est forte. Les 284 000 étudiants que nous attirons en témoignent. C’est 12 % de nos effectifs, et vous savez que ce taux augmente à mesure que l’on progresse dans les degrés universitaires, puisque les étrangers représentent 41,3 % des doctorants formés en France. Nos atouts sont considérables, si l’on combine la qualité de la formation que nous offrons et l’attractivité de nos droits d’inscription.
La modicité de nos frais d’inscription, qui fait partie de notre culture, est un atout en termes d’attractivité, alors que dans les pays anglo-saxons, l’explosion des frais d’inscription augmente l’endettement des étudiants, au risque de l’explosion d’une nouvelle bulle des crédits.
L’histoire et la géopolitique expliquent que les effectifs les plus nombreux viennent d’Afrique (46,6 %, Maghreb compris, Maroc et Algérie en tête). Ces liens sont importants, compte tenu de la vocation de la France à rayonner dans ces pays amis. Mais nous devons avoir l’ambition d’attirer également les meilleurs étudiants des puissances scientifiques émergentes.
- La deuxième mission de Campus France est tout aussi essentielle. C’est de veiller à la gestion des bourses du gouvernement français et des gouvernements étrangers. Ces boursiers ne représentent qu’une petite part des étudiants étrangers (environ 10 %). Mais cette part est stratégique, parce qu’elle correspond aux mobilités encadrées. Il est de notre responsabilité que cette mission soit bien remplie.
J’entends par là, non seulement bien réalisée, sur un plan technique, mais aussi bien pensée, sur le plan stratégique, et c’est là tout prix de la co-tutelle de Campus France, qui répond à une double exigence diplomatique et scientifique.
- Enfin, et ce n’est pas la moindre de vos missions, Monsieur le directeur général, vous devez veiller à réserver le meilleur accueil aux étudiants étrangers, avec l’appui des dispositifs locaux mis en place par les établissements, les CROUS, et les collectivités territoriales, si souvent oubliées lors du dernier quinquennat, ce qui explique le retard du plan Campus.
J'insiste tout particulièrement sur l'accès au logement, condition indispensable à la mobilité, alors que les retards s'étaient accumulés par rapport aux objectifs du plan Anciaux et de l'opération Campus, dont j'ai réussi à débloquer la mise en oeuvre. D'ici la fin du quinquennat, le gouvernement programmera 40 000 logements étudiants nouveaux, dont une part notable favorisera l'accueil international.
Promotion de notre système, gestion des bourses, accueil des étudiants étrangers : en réunissant, ici même, tous les acteurs qui ont uni leurs forces et leurs compétences dans Campus France, j’ai veillé, dès ma prise de fonction, à ce que ces missions soient assurées pour cette rentrée.
Mon ministère veillera à ce que ces missions soient remplies, au bénéfice des établissements, des étudiants, et du rayonnement de notre pays.
Pour sa part, Campus France aura à coeur de démontrer sa valeur ajoutée auprès des établissements, sans se substituer à eux sur le territoire. Mais il appartient aussi à ces derniers, il vous appartient, à vous, les Universités, les Etablissements, de jouer pleinement votre rôle dans cet opérateur, à travers ses différentes instances, CA, Conseil d’Orientation et Forum.
Au vue de vos travaux de ce matin, je vois que vous prenez résolument ce chemin, et je m’en réjouis. La mission supplémentaire qui vous a été confiée, cher Jean-Pierre Gesson, nous aidera à progresser en ce sens. Campus France est une structure très récente : laissons-la s’organiser, avant de le soumettre à une première évaluation.
Elle se fera à l’aune de nos ambitions pour l’ouverture internationale de notre système d’ESR.
Il y aura probablement des améliorations à apporter, pour renforcer les mobilités encadrées, individualiser le suivi des étudiants, et susciter des politiques localement mieux coordonnées entre tous les acteurs concernés, établissements, CROUS, collectivités, entreprises.
Je sais que vous travaillez déjà en ce sens, et je vous en remercie.
Source http://www.campusfrance.org, le 10 janvier 2013