Déclaration de M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, sur l'intervention militaire française au Mali, à Abidjan le 19 janvier 2013.

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Circonstance : Sommet extraordinaire de la CEDEAO, à Abidjan (Côte d'Ivoire) le 19 janvier 2013

Texte intégral

Excellence, Mesdames et Messieurs les Chefs de gouvernement, Monsieur le Président Ouattara, Monsieur le Président Boni Yayi, Président de l'Union africaine,
Je tiens tout d'abord, pour votre invitation à participer à ce sommet extraordinaire, à vous adresser mes remerciements de la part du président de la République française et du peuple français et à vous dire que la France est aux côtés du Mali, de la CEDEAO et de l'UA.
Il y a à peine plus d'une semaine, Bamako était sous la menace de l'offensive des terroristes venus du Nord du Mali. C'était une question d'heures.
Face à cette urgence extrême, le président François Hollande a répondu à l'appel à l'aide du président Traoré en déployant des éléments de nos forces. Il fallait stopper cette agression terroriste qui menaçait l'existence même du Mali en tant qu'État souverain, avant celle de ses voisins car le terrorisme n'a pas de frontières. Il fallait à tout prix éviter, pour le Mali et la sous-région, comme l'a dit le président Ouattara, un avenir d'intolérance, de violence et de terreur.
En intervenant, la France a assumé ses responsabilités et rempli ses obligations dans le respect de la légalité internationale. Nous sommes fidèles à la demande de la CEDEAO, de l'UA et du Conseil de sécurité des Nations unies. L'opération SERVAL n'a pas vocation à se substituer à la MISMA : la France a pour objectif de permettre l'application pleine et entière des résolutions des Nations unies, et donc le déploiement le plus rapide possible de la MISMA et des initiatives de soutien qui l'accompagnent, en particulier la mission européenne de formation EUTM.
En attendant que la MISMA se déploie, l'armée française aide l'armée malienne à arrêter l'offensive des terroristes et s'attache à affaiblir leur potentiel, notamment en visant leurs bases logistiques. Nous avons prévu, à terme, d'engager 2.500 de nos soldats. Je remercie les autres soutiens notamment : le Royaume-Uni, le Danemark, la Belgique, le Canada, les États-Unis et beaucoup d'autres pour leur appui. Je remercie la Mauritanie et l'Algérie pour leur coopération et je tiens à adresser au peuple algérien et à ses autorités toutes mes condoléances pour la terrible prise d'otages d'In Amenas. Je remercie tous les pays africains qui se mobilisent.
L'urgence est d'abord militaire. Le déploiement de la MISMA est la priorité, et je veux saluer la réactivité de la CEDEAO, réunie au plus haut niveau aujourd'hui pour y contribuer.
Je salue notamment les autorités du Bénin, du Burkina Faso, du Ghana, de la Guinée, du Niger, du Nigeria, du Sénégal, de la Côte d'Ivoire, du Tchad et du Togo, qui ont fait le choix de soutenir leurs frères maliens.
J'encourage les autres pays africains à répondre favorablement à l'appel à l'aide des autorités maliennes et de la communauté internationale.
L'Union européenne, unanime, est elle aussi aux côtés des Maliens et des Africains. Avant-hier, les ministres des affaires étrangères de l'UE réunis en session extraordinaire ont décidé d'accélérer la mise en place de la mission européenne de formation et de conseil à l'armée malienne en vue d'un déploiement au Mali mi-février. EUTM sera commandée par le général François Lecointre et la France assurera le rôle de Nation cadre. Cette mission doit permettre à l'armée malienne d'assumer ses responsabilités et, au côté de la force africaine MISMA, de rétablir l'intégrité territoriale du Mali. L'UE a également décidé d'apporter de manière urgente un soutien logistique et financier à la MISMA, sur la base des besoins précis identifiés.
Pour répondre à l'urgence du déploiement de la MISMA, il nous faut au plus vite mobiliser le soutien logistique et financier dont les forces armées maliennes et la MISMA auront besoin. Une fois de plus dans cette crise, l'Union africaine est au rendez-vous. La conférence des donateurs prévue le 29 janvier à Addis Abeba dans le but d'assurer notamment le financement et l'équipement de la MISMA et de l'armée malienne sera clé. Nous devons d'urgence disposer d'une évaluation chiffrée des besoins qui devront être couverts. Je vous le dis avec force : la France ne ménagera aucun effort pour mobiliser la communauté internationale afin de répondre aux besoins de l'armée malienne et de la MISMA. J'appelle d'ores et déjà tous les partenaires de développement de l'Afrique à se rendre à Addis pour contribuer généreusement à cette oeuvre de solidarité, de paix et de stabilité pour la région et le continent.
L'urgence sécuritaire ne doit pas nous conduire à laisser de côtés les autres aspects de la crise malienne, qui ne trouvera de solution durable que si toutes ses composantes sont prises en compte.
Vous le savez, la France est très attentive à la situation humanitaire et au respect des droits de l'Homme. La France veillera à ce que les populations civiles soient protégées et demande que tous les acteurs en présence respectent le droit des conflits armés. Le Conseil de sécurité en a fixé le cadre en rappelant, dans la résolution 2085, la responsabilité première des autorités maliennes, qui ont un devoir d'exemplarité en matière de protection des populations civiles. Cette résolution prévoit aussi l'envoi d'observateurs des Nations unies pour surveiller la situation des droits de l'Homme au Nord-Mali. Je salue également la saisine par le Mali de la Cour pénale internationale et l'ouverture par la procureure d'une enquête sur les crimes de guerre commis au Mali, de nature à étayer le processus de reconstruction de la cohésion nationale et prévenir d'éventuelles dérives.
L'urgence est aussi aux progrès du processus politique, qui sont indispensables pour permettre un règlement durable de la crise malienne. C'est un aspect fondamental sur lequel il faut travailler et avancer. Rien ne se fera de durable si la situation politique n'est pas consolidée à Bamako. Sur le plan institutionnel, la communauté internationale attend que soit adoptée, dès que possible, une feuille de route de la transition, présentant les étapes qui mèneront à des élections démocratiques, lesquelles permettront d'assoir la légitimité des autorités maliennes. Il est, d'autre part, impératif que les autorités civiles reprennent les choses en main. Monsieur le Président, vous êtes le président légitime du Mali, reconnu par la communauté internationale. Vous êtes, à ce titre, le chef suprême des armées maliennes. Il ne peut pas en être autrement.
Un accord politique entre les communautés du Nord et les autorités maliennes est indispensable. Cet accord politique devra déterminer les modalités du retour de l'État malien au Nord, en termes de «décentralisation» et de perspectives de développement. Il revient aux autorités maliennes de proposer rapidement les modalités pour négocier avec les représentants des populations du Nord - les élus et la société civile - et avec les groupes non terroristes et qui reconnaissent l'unité du Mali. Ansaar Eddine a montré, par sa participation active à l'offensive terroriste lancée il y a dix jours, son vrai visage. Je crois qu'il y a un consensus sur ce point.
La France a fait son devoir vis-à-vis de la communauté internationale, de l'Afrique.
Puisqu'il nous est permis d'exprimer des voeux, au nom du président François Hollande et de la France, je forme celui de voir en 2013 le Mali démocratique, réunifié, débarrassé du terrorisme, pacifique et libre.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 janvier 2013