Interview de M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, à "RMC" le 3 janvier 2013, sur les choix de la politique gouvernementale (réforme fiscale, investissement, modernisation de l'agriculture, politique de l'emploi) et leur lisibilité.

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Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

JEAN-JACQUES BOURDIN
Stéphane LE FOLL, ministre de l’Agriculture. BTS, DEA d’économie agricole.
STEPHANE LE FOLL
Et puis après, un petit conservatoire national des Arts et métiers quand même.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et conservatoire national des Arts et métiers. Très bien. Stéphane LE FOLL, vous êtes proche de François HOLLANDE.
STEPHANE LE FOLL
Oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
François HOLLANDE déçoit. Pourquoi ?
STEPHANE LE FOLL
Écoutez, d’abord ce n’est pas parce que je suis proche de François HOLLANDE qu’il faut me poser cette question.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Elle est directe.
STEPHANE LE FOLL
Elle est posée parce qu’on est dans une situation – il l’a dit, le président de la République – qui est difficile. On ne va pas nier cette réalité. Il y a à la fois la question du chômage, il y a la question économique, il y a un poids extrêmement lourd qui pèse en termes d’inquiétude sur l’avenir sur les Français. Il faut les rassurer, il faut leur redonner confiance mais ça, ça ne va pas se régler en quelques semaines ni en quelques mois, malheureusement. Si on pouvait aller plus vite, moi j’en serais le premier heureux.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On a peut-être perdu un peu de temps, non ?
STEPHANE LE FOLL
Non. Ça fait six mois qu’on a des décisions à prendre, qui sont très importantes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On les a rassurés depuis six mois ? Vous les avez rassurés ?
STEPHANE LE FOLL
Des outils à mettre en place. Je parle de la fiscalité, on va sûrement y revenir.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On va y revenir, oui.
STEPHANE LE FOLL
Je parle des emplois d’avenir, je parle du contrat de génération, je parle de la retraite à soixante ans, je parle de l’enseignement et de la création des postes. Je parle de tout ça. Tout ça, ça fait un paquet. Mais pour ce qui est de la réalité économique, emploi, croissance, on sait très bien que les outils qu’on a mis en place, les décisions qu’on a prises, elles porteront leurs fruits plus tard. Il faut préparer tout ça. C’est pourquoi l’année qui commence est une année essentielle. .2013, le président de la République l’a dit, ça doit être une année où on va être en action et surtout où on va investir pour préparer l’avenir.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Stéphane LE FOLL, est-ce que vous avez lu la tribune d’Edgar MORIN dans Le Monde il y a deux jours ?
STEPHANE LE FOLL
Je l’ai lue.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. Il rappelle ce que disait ROOSEVELT. J’en parlais déjà hier, je cite : « Nos dirigeants semblent totalement dépassés. Ils sont incapables aujourd'hui de proposer un diagnostic juste de la situation et incapables, du coup, d’apporter des solutions concrètes à la hauteur des enjeux. Tout se passe comme si une petite oligarchie intéressée seulement par son avenir à court terme avait pris les commandes. » Et Edgar MORIN ajoute : « Nous sommes dans l’illusion d’un progrès indéfini de la société industrielle et dans l’illusion d’une sortie de crise par l’économie néolibérale. » Et il termine : « Erreur que la rigueur est remède à la crise ; erreur que la croissance est remède à la rigueur. »
STEPHANE LE FOLL
Quelle est la conclusion d’Edgar MORIN ? Les commentaires…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce ne sont pas des commentaires : c’est ce qu’il écrit !
STEPHANE LE FOLL
C’est ce qu’il écrit, c’est bien ce que je veux dire : les commentaires des journalistes ou l’analyse d’Edgar MORIN, qu’est-ce qu’il propose à la fin ? Qu’est-ce qu’il propose à la fin ? Je l’ai lue la tribune, ça se termine par le service civique et l’éducation. Parfaitement d’accord. Éducation, service civique, la préparation de l’avenir : c’est des questions qui sont évoquées par lui-même.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais enfin, il parle de vide effrayant de la pensée politique en France, en Europe.
STEPHANE LE FOLL
Mais c'est normal. S’il écrit une tribune et puis qu’elle est publiée, c’est bien parce qu’il faut qu’il y ait quelque part quelque chose qui stigmatise. Il faut qu’il y ait une accroche. Son accroche, c’est de dire qu’il y a un vide. Mais moi, j’ai bien lu la tribune : complexité, grand choix à faire, difficulté…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vision de l’avenir.
STEPHANE LE FOLL
Vision de l’avenir. On est dans une période extrêmement difficile, mais je n’ai pas attendu Edgar MORIN pour m’en rendre compte. Je ne suis pas quelqu'un qui regarde ce qui se passe autour de moi sans essayer de comprendre ce qui se passe. Moi j’ai bien vu qu’il y avait une difficulté entre la situation que l’on connaît aujourd'hui : déficit budgétaire, déficit commercial ; on oublie toutes ces questions. On est obligé de trouver un nouvel équilibre entre ce que doit être l’offre productive d’un grand pays comme la France qui débouche sur l’activité parce que cette offre, c’est l’activité. C'est-à-dire comment je lutte contre le chômage si je ne propose pas aux Français de l’activité ? Et en même temps qu’on a une politique de l’offre, il faut avoir le souci de maintenir un équilibre social qui permette surtout de corriger ceux qui souffrent le plus et qui permette de demander des efforts à ceux qui en ont le plus. C’est tout l’enjeu. Moi, je ne trouve pas ça du tout comme une indéfinition. Au contraire, c’est face à une réalité un choix stratégique.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Juste une petite parenthèse, une question concrète. Comment se fait-il que le RSA augmente plus que le SMIC ? Est-ce logique ?
STEPHANE LE FOLL
Le RSA et le SMIC : vieux débat.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, vieux débat.
STEPHANE LE FOLL
Le RSA a été créé justement pour permettre à des gens à la fois d’assurer le minimum qu’on leur doit, tout en pouvant travailler. La question du travail a été intégrée dans le RSA. Le SMIC aujourd'hui, c’est mille deux cents euros nets. Le RSA, c’est combien monsieur BOURDIN ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
C’est cinq cents euros.
STEPHANE LE FOLL
Non. Quatre cent soixante-quinze, ce sera à quatre cent quatre-vingts. Donc quatre cent quatre-vingt – mille deux cents. On est dans l’écart nécessaire entre celui qui travaille et celui qui a un revenu…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, sauf qu’on augmente plus en proportion le RSA que le SMIC.
STEPHANE LE FOLL
Sauf que le SMIC augmente de manière plus régulière qu’il n’a augmenté par rapport au RSA. Il y a une règle sur l’augmentation du SMIC, pas sur le RSA. On revalorise donc le RSA. Mais ce que je voudrais dire, c’est à tous ceux qui sont au SMIC aujourd'hui, qu’on connaît des difficultés énormes en termes d’emploi ou de perte d’emploi plutôt. L’inquiétude, elle est là. Qu’on peut un jour se retrouver dans une situation de difficulté et qu’on doit avoir des filets de sécurité, et qu’il faut arrêter d’opposer ce qui est le SMIC, le travail, à ceux qui seraient soi-disant assistés. Moi je suis pour qu’on lutte contre la fraude sociale. Elle existe, elle est évaluée à deux milliards et demi. Aucun cadeau à faire à ceux qui trichent au niveau des aides sociales, de la même manière qu’il ne faut faire aucun cadeau à ceux qui trichent sur la fraude fiscale. Mais en même temps, si on n’avait pas ça, il y a des gens qui se retrouveraient où ? Sans plus rien. Ça, c’est un problème qu’on ne peut pas accepter. Donc moi, je dis à tous ceux qui sont tout le temps en train de faire opposition entre l’assistanat soi-disant qui consiste à considérer que tous ceux qui sont au RSA sont de toute façon des gens oisifs et qui ont fait ce choix-là, leur rappeler simplement… Moi j’ai toujours en tête ce qui est arrivé à Fresnay-sur-Sarthe, à MOULINEX : des femmes qui ont travaillé trente ans à MOULINEX, trente ans au SMIC. Pas de syndicat à MOULINEX. Le jour où l’entreprise a fermé, elles se sont retrouvées au chômage, et elles se sont retrouvées au chômage pour longtemps. Ces gens-là ont besoin à un moment qu’on vienne en aide et ce n’étaient pas des gens qui n’avaient pas envie de travailler. C’est des gens qui ont perdu un emploi, donc solidarité nécessaire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Situation économique de la France, réunion autour du président de la République pour réfléchir. Il y a déjà plusieurs mesures qui ont été engagées, mais d’autres politiques vont être engagées. Quelles politiques maintenant faut-il suivre dans les mois et les années qui viennent ?
STEPHANE LE FOLL
Il y a trois éléments, rapidement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Allez-y.
STEPHANE LE FOLL
Il y a la question de l’éducation et les créations de postes. Il y a après sur la partie économique, les grandes questions qui sont posées sur l’emploi. Contrat de génération : il va être voté et il va falloir le mettre en oeuvre. Sénior maintenu dans l’entreprise et embauche d’un jeune. Les emplois d’avenir qu’on doit aussi mobiliser. Et puis, il y a la question de l’investissement. Ça me paraît très important : banque publique d’investissement. Qu’est-ce qu’on va faire avec une banque publique qui va être dotée de quarante-deux milliards pour redonner de la confiance et de l’activité en France ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais à qui cette banque va prêter ? À qui ?
STEPHANE LE FOLL
Aux PME-PMI. On doit être mobilisés, l’ensemble des acteurs économiques et à l’ensemble de l’économie qui veut investir. L’investissement, c’est la deuxième partie de ce qui fait la demande. Demande + investissement = épargne…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il est logique que tout le monde bénéficie du crédit d’impôt, que toutes les entreprises quel que soit le secteur bénéficient du crédit d’impôt. Franchement !
STEPHANE LE FOLL
On peut en discuter. La difficulté, c’est qui on cible.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce qu’on ne doit pas en discuter ?
STEPHANE LE FOLL
Bien sûr qu’on pourrait en discuter. Le choix a été fait d’une mesure simple qui permette à l’ensemble des entreprises d’avoir…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Celles qui délocalisent comme celles qui restent en France ?
STEPHANE LE FOLL
Celles qui délocalisent comme celles qui restent en France. C’est une idée simple qui consiste à dire : « Nous avons besoin de redonner de la compétitivité à l’ensemble de notre économie et qu’il est extrêmement difficile, malheureusement, de faire des différences pour faire des choix spécifiques. » En plus, on est liés à des règles européennes. Si vous faites des choix trop spécifiques, ça veut dire que vous faites des aides spécifiques et à ce moment-là, vous pouvez être pris sur le droit de la concurrence. Donc vous êtes obligé d’avoir des mesures globales. On peut discuter ou contester mais l’idée est très simple. On a besoin de redonner de la compétitivité. Le crédit d’impôt pour les entreprises, c’est une capacité qu’elles ont dès cette année à pouvoir utiliser cet outil pour diminuer ce que sont les charges globales qui pèsent sur l’ensemble des entreprises et être à partir de là plus compétitives : quatre pour-cents en 2013, six pour-cent en 2014.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce qu’on a besoin de mieux lire la politique du gouvernement et la politique conduite par le président de la République ? Franchement, Stéphane LE FOLL ? Franchement ?
STEPHANE LE FOLL
Franchement…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, parce que je sais que vous avez été l’un de ceux – vous avez averti ou conseillé et le président et le Premier ministre en disant : « Attention ! Attention, il faut mieux expliquer peut-être. » Ce n’est pas vrai ?
STEPHANE LE FOLL
Je pense qu’il faut toujours mieux expliquer. Parce que ce n’est pas simple et la tribune d’Edgar MORIN est là pour nous rappeler que la complexité, elle est de ce siècle. Elle était déjà du siècle précédent, à la fin de ce siècle, elle est aujourd'hui là et donc il n’est jamais simple. Et il faut toujours penser que ce que perçoivent les Français, c’est quelques éléments de direction qui sont donnés. Si on n’est pas capable de les préciser, de les donner de manière régulière, il ne faut pas penser que le quotidien n’a pas les Français, qu’ils ne sont pas concentrés sur ce qu’on décide. Moi je suis pour l’art de la pédagogie, c'est-à-dire répéter et faire des choix simples.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon ! Il y a des engagements qui sont pris aussi et qui avaient été pris par François HOLLANDE avant qu’il ne soit président de la République, ensuite nous parlerons des questions agricoles…
STEPHANE LE FOLL
Oui !
JEAN-JACQUES BOURDIN
Par exemple une grande réforme fiscale, mais où est-elle cette grande réforme fiscale ? Où est-elle ? Moi je ne la vois pas, plus personne n’en parle Stéphane LE FOLL ?
STEPHANE LE FOLL
On en parle tellement qu’on a les sujets qu’on connait…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui ! Oui.
STEPHANE LE FOLL
Sur les 75%, sur...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui ! Mais ça c’est quoi ?
STEPHANE LE FOLL
Sachez que les taux…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C’est un paravent les 75%...
STEPHANE LE FOLL
Sachez que les taux…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C’était une astuce électorale, Stéphane LE FOLL, vous le savez bien.
STEPHANE LE FOLL
Sachez que les taux de l’impôt sur le revenu ont été modifiés, vous le savez ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui !
STEPHANE LE FOLL
On a remis en place un impôt plus progressif, de manière globale le taux marginal est à 45%, il y avait cette mesure à 75%, donc il y a déjà eu une réforme qui a été faite de l’ensemble de l’imposition…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Enfin 75%, il n’y a plus de réforme.
STEPHANE LE FOLL
Voilà ! Bon, eh bien on va y revenir, le président de la République a été clair. On a fait une réforme fiscale, alors pas au sens où l’entend par exemple quelqu’un comme PIKETTY, que je respecte, qui consiste à faire un bouleversement fiscal…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui !
STEPHANE LE FOLL
Très important…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Nécessaire ?
STEPHANE LE FOLL
Qui consiste à tout remettre à plat ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Nécessaire ?
STEPHANE LE FOLL
Avec un prélèvement à la source, parce que c’est ça le préle...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Nécessaire ?
STEPHANE LE FOLL
Oui ! Nécessaire dans l’absolu, mais le prélèvement à la source tel qu’il est évoqué par Thomas PIKETTY…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui ! Oui.
STEPHANE LE FOLL
C’est aussi un élément extrêmement lourd de mise en oeuvre et des changements extrêmement profonds sur l’impôt. Donc on a fait une réforme et elle devra d’abord s’appliquer pour qu’on voie, ensuite, comment on peut faire évoluer tout le système fiscal français.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien ! Vous êtes ministre de l’Agriculture, Stéphane LE FOLL…
STEPHANE LE FOLL
Oui ! Ça m’arrive, oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Parlons des pesticides - on en parlait sur RMC ce matin - la France 3ème pays consommateur de pesticides, derrière les Etats-Unis et le Japon. Vous dites : « le Plan Ecophyto, qui a été lancé lors du Grenelle de l’environnement, on s’en souvient, qui est un plan dont l’objectif a été fixé à 2018, est un échec ». Vraiment, c’est un échec ?
STEPHANE LE FOLL
Le Plan Ecophyto ce n’est pas un échec, je n’ai pas dit que c’était un échec…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah !
STEPHANE LE FOLL
J’ai dit par rapport aux objectifs qu’il s’était fixé…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui ! Oui.
STEPHANE LE FOLL
Soyons clairs…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui !
STEPHANE LE FOLL
Il fallait baisser de 50% la consommation de pesticides d’ici 2018, on est en 2012 début 2013, quand je suis arrivé la consommation de pesticides a augmenté de 2,5% en 2012, donc on devait faire – 50 et, quand j’arrive en 2012, en 2018…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Elle augmente…
STEPHANE LE FOLL
Elle augmente ! Donc j’ai considéré que, par rapport à ce qui était l’objectif, on en était loin. Par contre, ce plan a mis en oeuvre ce qu’on appelle les Certiphytos et les Ecophytos, il y a des choses qui ont été faites, il y a un réseau qui existe. Mais la seule question que j’ai posée quand je suis arrivé, c’est de dire à tous ceux qui étaient attachés à l’objectif de – 50%, c’est qu’on ne peut réussir à réduire le recours aux phytosanitaires, aux engrais, à tout ce qui tourne autour de la chimie et de l’agriculture, que, si on repense les modèles de production agricole, on ne peut réussir simplement en disant je vais baisser ce qui était utilisé sans changer la conception même des modèles de production…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Hum ! Hum.
STEPHANE LE FOLL
Et c’est pourquoi j’ai lancé en fin d’année dernière ce grand projet de l’agro écologie…
JEAN-JACQUES BOURDIN
L’agro écologie, oui.
STEPHANE LE FOLL
Et que la France devienne leader de l’agro écologie, parce qu’il n’y a que comme ça qu’on aura des résultats au bout du compte, ça prendra là encore un peu plus de temps, mais moi je préfère un peu plus de temps et atteindre des objectifs que de donner des objectifs, d’aller soi-disant vite et au bout de compte de constater que ça ne marche pas.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien ! Est-ce que vous allez mettre en place une fiscalité incitative…
STEPHANE LE FOLL
On a dans le plan…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Autour des pesticides ?
STEPHANE LE FOLL
Dans le plan que j’avais proposé…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui !
STEPHANE LE FOLL
Dans la poursuite d’Ecophyto 18…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui !
STEPHANE LE FOLL
Il y a une mission qui a été confiée à l’Inspection générale des finances et au Conseil général de l’agriculture…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui !
STEPHANE LE FOLL
Pour réfléchir à plusieurs pistes, dont celle-ci, pistes…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce serait quoi une fiscalité incitative ? Une sorte de bonus-malus…
STEPHANE LE FOLL
De bonus pour…
JEAN-JACQUES BOURDIN
En fonction de l’utilisation…
STEPHANE LE FOLL
Oui ! Voilà.
JEAN-JACQUES BOURDIN
De la quantité de pesticides utilisée ?
STEPHANE LE FOLL
Donc, on attendra – et je reviendrai…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui !
STEPHANE LE FOLL
Le matin pour vous dire, quand on aura sur la table mis…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui !
STEPHANE LE FOLL
Qu’on aura fait des propositions, mais il y a plusieurs étapes…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais vous êtes favorable à cette idée ?
STEPHANE LE FOLL
Moi je suis favorable à tout ce qui va me permettre de mettre un faisceau de mesure qui fasse qu’au bout du compte on incite et on crée une dynamique positive chez les agriculteurs.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais comment pourrait-on faire ? C'est-à-dire l’agriculteur qui utilise trop de pesticides serait pénalisé fiscalement ?
STEPHANE LE FOLL
Ecoutez-moi bien ! Comment on peut réussir en créant une dynamique ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui ! Oui.
STEPHANE LE FOLL
L’agriculture s’est modernisée en ayant une perspective pour chacun des agriculteurs qui était d’augmenter leur production en volume, ils se sont tous mis à produire plus, moi je me rappelle du côté de la Sarthe – et il y en a plein qui s’en souviennent – il y avait le Club des 100 quintaux, c’était les gars qui se retrouvaient et qui disaient : comment tu as fait pour faire 100 quintaux à l’hectare ? Et tout le monde s’y mettait. Moi je veux maintenant qu’ils raisonnent non pas sur 100 quintaux à l’hectare mais qu’ils se disent : comment tu as fait pour produire autant avec si peu de coûts de production ? C'est-à-dire comment tu as fait en utilisant si peu ? Je veux qu’il y ait une dynamique positive qui s’installe. Et s’y ça s’installe dans la tête des agriculteurs…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc, on encourage…
STEPHANE LE FOLL
Voilà !
JEAN-JACQUES BOURDIN
On encouragerait fiscalement celui qui met en place…
STEPHANE LE FOLL
Pas que fiscalement ! On encouragerait les agriculteurs à considérer que ce qui est important c’est simplement…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pas simplement les encourager, c’est l’argent qui les…
STEPHANE LE FOLL
Oui ! Oui, mais je vais vous expliquer. Ce n’est pas simplement ce qui j’ai produit en volume qui compte, c’est ce que j’ai produit en volume mais c’est ce que je n’ai surtout pas utilisé en termes de coût de production, moins j’en utilise plus, par rapport à ce que j’ai produit, j’ai une marge, on va plutôt raisonner en marge brute ou marge nette, c’est ça que je vais essayer de faire comprendre aux agriculteurs qu’en volume et en produit, c’est ça l’enjeu et c’est cette dynamique qu’il faut créer. Alors à partir de là il faut trouver des outils qui permettent de créer cette dynamique mais on a mis sur la table les éléments qui vont nous permettre de créer cette dynamique…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le budget…
STEPHANE LE FOLL
Eh bien moi j’ai confiance…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le budget…
STEPHANE LE FOLL
Dans les agriculteurs.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le budget de la PAC renégocié, en négociation, on sait que la France touche à peu près 10 milliards d’euros par an…
STEPHANE LE FOLL
Oui ! Globalement, 8 milliards sur le premier pilier et puis après vous ajoutez…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et les céréaliers 3 milliards, les céréaliers français sur ces 10…
STEPHANE LE FOLL
3,5 milliards !
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui ! 3,5 milliards, est-ce logique ? Franchement, est-ce logique ?
STEPHANE LE FOLL
Le problème c’est que dans toute cette histoire de la…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Combien ? Parce que les éleveurs, moi je pense aux éleveurs, par exemple qui touchent beaucoup, beaucoup, beaucoup moins…
STEPHANE LE FOLL
La logique qui a été construite depuis 1992, il y avait avant un soutien aux prix dans l’agriculture et Jacques CHIRAC faisait les marathons des prix, revenait : « j’ai obtenu tant de pourcentage, etc. », à l’époque c’était comme ça…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui !
STEPHANE LE FOLL
Mais c’était les politiques qui décidaient des prix en plus. On est passé à un soutien par des aides dès 1992, ces aides ont été calculées à l’hectare, tous les hectares sont rentabilisés…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Exactement !
STEPHANE LE FOLL
Voilà ! C’est ça. Bon ! Donc, on est dans ce cadre-là…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous voulez revenir là-dessus ?
STEPHANE LE FOLL
Non, on est dans ce cadre-là. Si je voulais revenir, je n’aurais aucune possibilité de trouver une majorité aujourd'hui, à l’échelle européenne, pour revenir là-dessus. Aucune possibilité !
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les aides à l’hectare vont se poursuivre ?
STEPHANE LE FOLL
Donc les aides à l’hectare, c’est le cadre aujourd'hui et mon souci. Maintenant, comment on corrige les effets que vous évoquez ? En redistribuant une partie de ces aides. En faisant en sorte qu’on concentre aussi une partie de ces aides sur les hectares qui concernent le plus, en particulier les éleveurs et c'est les premiers hectares. Deuxième élément : on fait ça pour les hectares qui sont primés, et deuxième élément, on garde ce qu’on appelle des aides qui vont directement aller à l’élevage, en particulier les aides à la prime à la vache allaitante, c'est-à-dire celle qui produit des veaux. On va garder des aides couplées et en même temps, on va avoir des aides à l’hectare.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire que le céréalier qui a cinq cents hectares touchera moins bientôt qu’aujourd'hui. On est d’accord ? Et que l’éleveur touchera plus ?
STEPHANE LE FOLL
Il y aura un rééquilibrage ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y aura un rééquilibrage ?
STEPHANE LE FOLL
Bien sûr, il y aura un rééquilibrage.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Indispensable.
STEPHANE LE FOLL
Indispensable. Un équilibre agricole qui consiste à préserver la diversité des productions agricoles et on a besoin de l’élevage. Si on ne faisait que des céréales, on serait des producteurs de produits bruts. La céréale, ça fait du pain derrière mais quand on fait des céréales et qu’on a de l’élevage, avec l’élevage on fait des produits transformés. Et dans ces produits transformés, on a beaucoup d’emploi. Donc c’est très important de préserver l’élevage.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le budget de la PAC va baisser.
STEPHANE LE FOLL
Le budget de la PAC va baisser par rapport à ce qui existait avant.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les Anglais souhaitent une baisse, même les Allemands.
STEPHANE LE FOLL
Les Anglais souhaitent une baisse mais ils souhaitaient une énorme baisse. La bataille qu’a menée la France, et d’ailleurs le président de la République a été le seul au conseil européen, dernier débat budgétaire, à défendre la politique agricole commune. Je le dis à tous les agriculteurs aujourd'hui : c’est la France qui a porté ce débat, pas simplement au nom du fait qu’on touche huit milliards sous le premier pilier, mais qu’on est sur une politique, j’en suis convaincu, qui est essentielle pour l’avenir de l’Europe. La question alimentaire et agricole – il n’y a qu’à regarder ce qui se passe partout dans le monde aujourd'hui – c’est une question qui n’est pas simplement la question des agriculteurs : c’est une question stratégique pour des grandes sociétés comme les nôtres. Défendre la politique agricole, c’est aussi défendre le projet européen, parce que tous ceux qui pensent qu’en baissant le budget de la politique agricole, on va pouvoir prendre l’argent de l’agriculture pour le mettre ailleurs, ceux-là je leur dis tout de suite : les Anglais, le jour où ils auront baissé le budget de l’agriculture, ils baisseront le budget tout court.
JEAN-JACQUES BOURDIN
L’aide alimentaire aux associations.
STEPHANE LE FOLL
À soutenir.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Où est-ce que vous en êtes ? Où est-ce qu’on en est ?
STEPHANE LE FOLL
Je suis dans une bataille et le président de la République a repris l’idée du maintien d’une aide aux plus démunis. L’aide, pour l’instant, est dans le débat budgétaire. Elle serait dans le pilier de cohésion sur le fonds social.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Elle sera maintenue en 2013/2014 ?
STEPHANE LE FOLL
Oui, bien sûr.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Jusqu’en 2014 ?
STEPHANE LE FOLL
Oui, oui. L’accord avait été fait entre la France et l’Allemagne. Elle est sur le budget de l’agriculture. Ça, ça a été remis en cause par l’Allemagne, et donc on va transférer ce budget sur un autre budget, mais on se défend…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous rassurez les associations ce matin : 2013/2014, les aides européennes vont se poursuivre.
STEPHANE LE FOLL
Bien sûr. Et après il y a des perspectives financières nouvelles, et c’est là que la bataille se joue : comment on maintient les aides aux plus démunis.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous vous engagez à les maintenir ?
STEPHANE LE FOLL
Mais bien sûr. On s’engage, en tous cas, à défendre l’idée qu’il faut une ligne budgétaire consacrée à ce problème, parce que ce serait trop grave dans une situation de crise comme nous la connaissons, de supprimer ces aides qui sont très utiles à toutes les associations qui s’occupent aujourd'hui de l’alimentation des plus démunis.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 28 janvier 2013