Interview de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte parole du gouvernement, à Europe 1 le 4 jnavier 2013, sur la politique de l'emploi, les contrats de génération et les emplois d'avenir, la situation du transport routier et l'exil fiscal.

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Texte intégral

MAXIME SWITEK
Vous serez tout à l'heure au séminaire sur l’emploi organisé par Jean-Marc AYRAULT pour tout le gouvernement ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Bien sûr.
MAXIME SWITEK
À quoi sert un séminaire comme celui-là ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
D’abord à mobiliser l’ensemble des membres du gouvernement autour de…
MAXIME SWITEK
Mais c'est nécessaire ? Ça paraît l’évidence !
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Écoutez, c'est évident que nous sommes tous d’ores et déjà les manches retroussées, en train de nous activer sur ce sujet qui est notre priorité aujourd'hui qui est l’emploi. Mais c’est important de nous retrouver ensemble pour créer des synergies, pour échanger sur la façon dont chacun dans ses prérogatives, on peut contribuer à faire redécoller l’emploi et donc la croissance. Vous savez, chacun de nous finalement intervient sur des secteurs qui peuvent apporter leur pierre. Évidemment le ministre de l’Emploi est le premier concerné, Michel SAPIN, mais à côté de cela vous avez l’économie numérique, vous avez l’agriculture, vous avez le tourisme. Il faut qu’on se parle tous ensemble de la façon dont il faut procéder pour être le plus efficace.
MAXIME SWITEK
Alors tout à l'heure, on en a parlé évidemment dans les journaux d’Europe 1, une information qu’Europe 1 vous révèle ce matin : en 2012, le transport routier a perdu vingt mille emplois. C’est un exemple très concret. Qu’est-ce que vous pouvez dire ce matin aux transporteurs routiers et à tous ceux qui ont perdu leur emploi l’an dernier ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
C’est malheureusement une réalité qui est connue aussi des pays voisins. Ça n’est pas une spécificité française. On voit bien que ça fait partie de ces sujets sur lesquels les États doivent se doter d’une grande politique stratégique. C’est d’ailleurs pour cela que le ministre des Transports, Frédéric CUVILLIER, dévoilera dans les tous prochains mois le grand schéma de transport pour ce qui concerne notre pays, qui va notamment prioriser les infrastructures que nous voulons développer en faisant en sorte notamment qu’elles soient éco-responsables et qu’elles répondent à d’autres exigences que ce que faisait le transport routier.
MAXIME SWITEK
Ça peut favoriser l’emploi ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Bien sûr, évidemment. Vous savez, la ministre en charge de l’Écologie, Delphine BATHO, disait quelque chose de très intéressant hier. Elle expliquait qu’elle avait désormais – c’est nouveau – mis en place des indicateurs qui permettraient régulièrement de mesurer le nombre d’emplois crées par la transition écologique au sens large du terme. Le transport éco-responsable en fait partie. Ça, je pense que ce sera une façon pour les Français de percevoir à quel point, si nous savons faire les bons investissements, ces fameux investissements stratégiques que le président de la République a demandé à Jean-Marc AYRAULT de préparer pour d’ici 2020, tous les investissements dans le secteur des transports, de la santé, de l’énergie, nous pouvons créer de l’emploi et relancer la croissance.
MAXIME SWITEK
Je reviens sur ce séminaire, Najat VALLAUD-BELKACEM. Qu’est-ce que vous pouvez faire ressortir de nouveau de ce séminaire ? On a l’impression qu’on connaît le programme du gouvernement pour l’emploi : les contrats de génération par exemple, les emplois aidés. Qu’est-ce qui peut sortir de nouveau et de plus ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
D’abord, vous savez, c'est quand même intéressant qu’entre membres du gouvernement, nous échangions sur la portée pratique des décisions que nous adoptons. C'est d’ailleurs ce que le président de la République nous a demandé hier : veiller à faire adopter des lois mais aussi veiller à l’application scrupuleuse de ces lois et à leur explication aux Français. Or, prenons par exemple les emplois d’avenir, les emplois d’avenir que nous avons adoptés avant Noël. Nous avons déjà signé deux mille d’entre eux, deux mille en France. La plupart des ministres se sont mobilisés pour cela. Je me suis par exemple moi-même déplacée à plusieurs reprises pour aller parrainer des jeunes qui signaient nouvellement ces emplois d’avenir. Écoutez, vous ne pouvez pas savoir à quel point c’est extraordinaire que d’être confrontée à ces jeunes qui étaient déscolarisés, qui sont sortis avec très peu de qualifications, qui étaient même d’une certaine façon désespérés parce qu’on vit dans un système où si vous n’avez pas le bon diplôme, à dix-huit ans vous considérez que votre vie est terminée et que vous ne trouverez jamais d’emploi. De voir ces jeunes reprendre une forme de dignité d’accéder à un emploi de qualité, car les emplois d’avenir sont des emplois de qualité souvent auprès de collectivités locales dans lesquelles ils bénéficient de la présence d’un tuteur, c'est extraordinaire et vous vous rendez compte qu’en fait, on change la vie des gens. Évidemment le nombre, cent mille sur l’année 2013, ce n’est peut-être pas une solution à tous les problèmes, mais c’est cent mille. Les contrats de génération dont le Parlement va se saisir mi-janvier…
MAXIME SWITEK
Mais tout ça, on le savait. On le savait, ces deux types de contrat-là. Est-ce que quelque chose de nouveau peut en sortir de ce séminaire aujourd'hui ? Je ne vous demande pas l’annonce, là tout de suite ce matin sur Europe 1, mais est-ce que vous pourrez, est-ce que Jean-Marc AYRAULT pourra dans la journée annoncer une mesure nouvelle ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Vous savez, on dit beaucoup qu’il faut davantage communiquer sur ce que le gouvernement fait. La communication, c’est la pédagogie de la répétition, on va dire, parce que vous me dites : « On le savait. »
MAXIME SWITEK
J’ai le sentiment qu’on le savait, oui.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
On sait aujourd'hui que ce sont de très bonnes solutions, qu’il s’agisse des emplois d’avenir ou des contrats de génération. Mais enfin, je vous rappelle que ce sont des solutions qui n’avaient pas été mises en oeuvre avant et il a fallu attendre que notre équipe arrive au pouvoir pour le faire. Je vais vous donner un autre exemple de ce qu’on peut faire : le crédit d’impôt compétitivité emploi que nous avons mis en place, les vingt milliards d’allègements de charges pour les entreprises – toutes les entreprises – qui vont commencer à en profiter dès début janvier 2013, donc en ce moment-même, et qui vont pouvoir dégager des marges de manoeuvre pour embaucher davantage. On estime que ce sont trois cent mille nouvelles embauches que va permettre ce crédit d’impôt. Voilà des solutions qui sont extrêmement concrètes et dont on va évidemment parler dans ce séminaire aussi.
MAXIME SWITEK
On va parler ce matin également de cette tribune publiée hier dans le journal Le Monde par Jean-Marc AYRAULT : le nouveau modèle français. J’ai eu peur en lisant ce texte ! Au deuxième paragraphe, le Premier ministre fait un état des lieux terrible de la France : « Les inégalités se creusent, le chômage et la dette s’envolent, nos entreprises peinent à exporter. » C’est effrayant comme vision de la France !
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais le diagnostic est cruel pour l’équipe précédente surtout !
MAXIME SWITEK
Ah ! Ça reste de la faute du précédent gouvernement ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais n’oubliez jamais que nous sommes là depuis sept mois. Vous savez, le chômage est en augmentation constante depuis dix-neuf mois maintenant. Les difficultés, elles ont commencé à se creuser il y a bien longtemps et en particulier au moment de la crise en 2008. Si on veut pouvoir juger à peu près objectivement de ce qui s’est passé ces dernières années, il faut quand même un peu regarder dans le rétroviseur, ne pas se contenter de le faire, évidemment. On est dans l’action aujourd'hui mais enfin, il faut donner une cohérence à tout cela et comprendre que si on a pris tellement de retard aujourd'hui sur les différents fronts que vous avez évoqués, et notamment celui de la compétitivité des entreprises qui est le moteur de la relance de la croissance, c’est parce que le gouvernement précédent n’avait pas pris les bonnes décisions fiscales, les bonnes décisions économiques. C'est pour ça qu’aujourd'hui nous avons, dès que nous sommes arrivés, entrepris à la fois la réforme fiscale, à la fois la création de la banque publique d’investissement pour soutenir en particulier les PME dans la création de richesses. Nous avons lancé le crédit d’impôt que j’évoquais tout à l'heure. Il faut tout reprendre en main et c'est ce nouveau modèle français que le Premier ministre développe, en effet.
MAXIME SWITEK
Henri GUAINO, qui était notre invité tout à l'heure, a lu ce texte et parle de faillite intellectuelle. Qu’est-ce que vous lui répondez ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Écoutez, je trouve que de la part du conseiller d’un gouvernement qui a, en quelque sorte, organisé la faillite tout court du pays – je vous rappelle que ce sont les termes employés par le Premier ministre de l’époque, François FILLON, à qui je les emprunte – je trouve que c'est pour le moins fort de café que de porter un tel jugement. Le nouveau modèle français, au fond, il ne cherche aucunement à monter les uns contre les autres. Il cherche au contraire – c’est toute la logique de la tribune du Premier ministre – à proposer, à offrir aux Français une voie de sortie de crise qui soit une voie à la fois forte, rapide et ambitieuse en même temps parce que c'est un nouveau modèle, comme son nom le dit, dans lequel il y a à la fois la performance, performance compétitivité des entreprises, création de richesses, et en même temps la solidarité. Performance et solidarité, ce sont deux mots qui ne peuvent pas aller l’un sans l’autre. Ça n’est pas normal qu’on soit aujourd'hui dans un pays qui est moins solidaire qu’il ne l’était il y a dix ans. On est moins solidaire qu’il y a dix ans. Juste un point sur ce sujet. Vous savez, j’étais encore récemment avec des associations caritatives qui m’expliquaient que le nouveau public qu’elles voyaient arriver – Restos du Coeur, Secours Catholique, et cætera – au-delà de la jeune femme pauvre à la tête de famille monoparentale dont on sait déjà que c’est le nouveau visage de la pauvreté, le nouveau public encore qu’elles voyaient arriver cet hiver c'est des petits retraités qui sont en couple, dont l’un a été mis en maison de retraite et le second n’a plus de quoi subvenir à ses besoins et est obligé de fréquenter ces associations pour pouvoir en même temps payer la maison de retraite du premier. Quand on connaît cette réalité-là, bien sûr qu’il faut que chacun fasse des efforts y compris fiscaux.
MAXIME SWITEK
J’ai encore plein de questions. Est-ce que vous jouez au tennis, Najat VALLAUD-BELKACEM ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Non.
MAXIME SWITEK
Est-ce que vous trouvez normal, après tout ce qu’on a raconté ces derniers jours et ces dernières semaines sur Gérard DEPARDIEU, est-ce que vous trouvez normal que des tennismen français qui se sont exilés en Suisse – on parle de Jo-Wilfried TSONGA, de Richard GASQUET – soient décorés de l’ordre national du mérite ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Moi ce que je crois, c’est que les obligations fiscales s’appliquent à tout le monde. En effet, il convient que chacun paye ses impôts.
MAXIME SWITEK
Mais est-ce que c’est normal de décorer des Français qui s’exilent ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais les Français en question, TSONGA et GASQUET, ont été décorés pour leurs compétences et leurs qualités sportives.
MAXIME SWITEK
Certes.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Maintenant, pour répondre à votre question, indéniablement chaque Français est tenu par des obligations fiscales qui sont totalement légitimes, et j’allais dire a fortiori en période de crise, quand chaque Français est appelé à faire des efforts.
MAXIME SWITEK
Hier dans le journal Le Monde, un conseiller anonyme du Premier ministre disait qu’il y avait trop de monde dans le gouvernement. Ça vous fait peur, un remaniement ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Écoutez, en tous cas moi ce que je constate, c'est que chaque membre du gouvernement est à sa place, chaque membre du gouvernement apporte sa touche à l’équipe collective et a la nécessité, au fond, d’être à la fois totalement mobilisé sur une priorité – l’emploi – mais en même temps de se déployer sur plusieurs fronts. C'est quand même très important. Il faut marcher sur deux jambes. Il y a la jambe de l’économique et du social d’une certaine façon, puis il y a la jambe des réformes de société qui permettent de moderniser.
MAXIME SWITEK
Et vous ne répondez pas sur le remaniement.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, mais chacun des ministres entre dans une de ces jambes, d’une certaine façon.
MAXIME SWITEK
Je vous montre cette couverture de VSD : « Pourquoi François va dire oui ». La question était : « Ségolène au gouvernement ». Ségolène ROYAL : ça vous plairait de retravailler avec elle si elle faisait son entrée au gouvernement ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Vous savez, je reste assez constante sur ce sujet. Je reconnais à Ségolène ROYAL, avec laquelle j’ai travaillé quand même de longues années, d’immenses qualités et un immense talent politique. Je pense que c'est une responsable politique qui a encore beaucoup à apporter aux Français. À quel niveau et dans quel rôle, dans quelle fonction ? Ce n’est vraiment pas à moi de le dire. C’est une question à lui poser ou à poser aux intéressés.
MAXIME SWITEK
Vous êtes aussi ministre des Droits des femmes. Vous allez relancer le haut-conseil à l’égalité. Avec quels objectifs et avec qui à l’intérieur de ce haut-conseil ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
D’abord le haut-conseil à l’égalité, qui sera présidé par Danielle BOUSQUET qui est députée socialiste, qui avait fait un travail extrêmement important au sein du Parlement sur la question des violences faites aux femmes en particulier, aura vocation à animer le débat politique sur la question de l’égalité. Quand je dis animer, c'est notamment pour évaluer l’impact des politiques publiques que nous adoptons. Ce sera une façon au fond d’avoir en permanence un interlocuteur objectif qui permette de nous dire : « Là, vous n’êtes pas allé assez loin », qui permette aussi d’analyser les anciennes législations qui mériteraient peut-être aujourd'hui d’être réaménagées pour aller vers plus d’égalité.
MAXIME SWITEK
Et vous avez déjà des noms des membres ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui. Ce que j’ai veillé à faire, c’est d’abord d’avoir une instance totalement paritaire. Je peux vous dire que ce n’était pas simple parce que cette fois-ci, c’étaient des hommes qu’il fallait trouver et il y avait un petit problème de vivier là encore. Et en même temps, des profils très différents.
MAXIME SWITEK
On parle de Roselyne BACHELOT.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, Roselyne BACHELOT qui a accepté d’en faire partie et que je remercie d’ailleurs.
MAXIME SWITEK
Frédéric TADDEÏ aussi, vous confirmez aussi ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, bien sûr. Et en même temps des intellectuels, des membres d’associations, des élus locaux et nationaux. Cette diversité de profils pour moi était essentielle si on veut que s’échangent des arguments, qu’on n’ait pas forcément j’allais dire une hégémonie de pensée, parce que l’égalité homme-femme ça se construit aussi dans la bataille et il faut tester différentes solutions. C’est un très beau conseil qui verra le jour mardi prochain sous la présidence du Premier ministre.Source : Service d'information du Gouvernement, le 24 janvier 2013