Déclaration de M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, sur la politique de l'emploi et notamment la signature de l'accord national interprofessionnel et les contrats de génération, Paris le 21 janvier 2013.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Voeux à la presse à Paris le 21 janvier 2013

Texte intégral


Merci, chère Camille Dorival, pour les vœux que vous venez de nous adresser, à Thierry Repentin et moi-même, au nom des journalistes de l’information sociale.
Si ces vœux sont vos derniers en tant que présidente de l’AJIS, ils sont mes premiers comme ministre du Travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et – j’ai envie d’insister en ce début d’année – du dialogue social.
L’année nouvelle est arrivée et pour notre ministère elle est née sous de bons auspices : l’accord national interprofessionnel du 11 janvier et l’adoption par l’assemblée nationale en première lecture –j’anticipe de 48 heures- du projet de loi créant le contrat de génération. Thierry Repentin y ajoutera certainement dans un instant le sauvetage de l’AFPA.
A ceux qui rêvaient de casser le modèle français, à coup de « big bang de la flexibilité », « d’allégement du code du travail », « de remise à plat les prud’hommes », « de suppression du CDI », nous disons que la réalité a glissé sous leurs pieds. J’ai lu en effet quelques tribunes et prises de position attristées dans ce sens ces derniers jours.
Cela n’aura pas lieu car la France a pris une autre voie. Les partenaires sociaux ont montré que notre pays pouvait se reformer et, au-delà, refonder les compromis qui sous-tendent notre modèle social. Que l’on ne se méprenne pas sur le sens de l’accord : ce n’est pas un échange encore moins un troc entre la flexibilité pour les entreprises et la sécurité pour les salariés. Ou l’inverse : la flexibilité pour les salariés, la sécurité pour les entreprises. Ce serait une vision bien trop réductrice, celle qui voudrait que ce qui est gagné par les uns soit forcement perdu par les autres, comme ci la « création de valeur » dans le social n’existait pas !
Si nous analysons mieux cet accord – je sais que votre sagacité ne pourra le manquer – vous voyons qu’en réalité il « crée de la valeur » pour tous, pour les salariés, pour les entreprises, et pour la collectivité toute entière qui gagne chaque fois que l’emploi est préservé. Chacun peut apprécier l’équilibre final –et chacun a ce droit en tant que partenaire libre de la négociation- mais personne ne peut nier qu’il y ait des progrès pour chacun.
Mais l’accord du 11 janvier, beaucoup le sentent, agit sur les piliers même du modèle social français. J’en évoque un seul parce qu’il me parait essentiel, même si son écriture est moins spectaculaire, et que les articles en question ont été moins commentés : celui de l’anticipation partagée.
Aujourd’hui -vous le savez bien vous qui êtes des observateurs privilégiés et avisés de notre champs social- faute d’anticipation des évolutions de l’activité et des compétences, faute de partage des enjeux avec les salariés, faute aussi de négociations saines et loyales, nos entreprises n’anticipent pas assez les crises, ou gardent secrète la réalité de leur situation jusqu’à ce qu’il soit trop tard. Alors, au pied du mur, il n’y a souvent plus qu’une seule solution : licencier. On commence par les intérimaires et les CDD (dans ce cas, on dit pudiquement « non-renouvellement »), puis on s’attaque au « noyau dur ». L’emploi devient la variable d’ajustement. Alors, les entreprises donnent souvent l’image de la brutalité, et face à elles les salariés subissent –les précaires- ou se défendent, résistent, mais souvent ne parviennent qu’à retarder un scénario écrit d’avance.
Il faut changer cette donne qui ne sert personne, ni les entreprises, ni les travailleurs, ni les territoires et les collectivités concernés. L’accord du 11 janvier invente de nouveaux instruments pour anticiper l’avenir, l’activité et les compétences. Il donne ensuite de nouveaux instruments d’adaptation (maintien dans l’emploi et activité partielle), de sorte que l’emploi ne soit plus – en tous cas de moins en moins- la variable d’ajustement. Il permet aux travailleurs d’être associés aux choix de l’entreprise, de peser davantage : présence des salariés dans les CA des grandes entreprises avec voix délibératives, information et consultation anticipée des IRP, notamment en cas de PSE.
Voilà un enjeu central de cet accord à mes yeux, qui va être aussi un défi de changement dans les pratiques des acteurs sociaux dans l’entreprise : pouvoir s’adapter beaucoup plus tôt, gérer le mouvement de la main d’œuvre sans licencier, par la mobilité, la formation et la négociation. S’adapter, avec souplesse, avec rapidité, c’est nécessaire, mais cela doit se faire avec les salariés, ce cela ne doit plus se faire en sacrifiant l’emploi. C’est le défi de notre société.
Cette autre logique est à l’œuvre dans cet accord : le mouvement, la capacité d’adaptation, mais qui passe par des droits nouveaux pour les salariés, droits collectifs et droits individuels pour chacun qui sera désormais moins en prise aux aléas de la conjoncture, voit ses droits attachés plus largement à sa personne et non plus à son emploi. De sorte qu’il sera demain moins vulnérable et plus émancipé qu’aujourd’hui.
Tout n’est pas fait avec cet accord, mais un pas immense est accompli dans cette direction. Voila pourquoi cet accord fera date, celle du 11 janvier. Voila pourquoi l’accord du 11 janvier a toutes les chances d’entrer dans l’histoire de notre droit social et de nos relations sociales.
C’est à cela que 2013 doit ressembler : une grande ambition pour le travail, pour l’emploi, pour la formation professionnelle, et pour le dialogue social.
2012 –et je vous parlerai bien sûr d’une année qui a débutée pour moi ici le 16 mai- fut une année particulièrement dense pour nous comme pour vous, sur fond de montée continue du chômage : grande conférence sociale des 9 et 10 juillet et feuille de route qui trace un chemin ; emplois d’avenir votés à la rentrée, mesures de compétitivité et d’emploi début octobre suite au rapport Gallois, accord unanime des partenaires sociaux sur le contrat de génération le 19 octobre.
Je ne vais pas énumérer toutes les initiatives, les décisions et les changements engagés depuis 8 mois, tant pour l’emploi que dans le domaine du travail car je n’oublie pas que, si certains d’entre vous me qualifient parfois de ministre du chômage, je suis aussi ministre des 25 millions de salariés qui ont un emploi et ont des aspirations aussi : la santé et la sécurité, la qualité de vie au travail, l’égalité professionnelle, une rémunération décente, des droits reconnus. Et je n’oublie pas non plus que je suis le chef d’une administration qui a souffert dans les années passées, de pôle emploi à l’inspection du travail, et aspire à notre considération et notre appui, dans ce domaine aussi beaucoup de changements ont été faits ou engagés
Nous avons beaucoup semé, en attendant de voir les premiers résultats percer le sol. L’objectif, vous le connaissez, c’est d’inverser la courbe du chômage d’ici la fin de l’année 2013. Ce n’est ni une promesse faite, ni une croyance, ni même un vœu. C’est un objectif, c’est une ardente obligation.
Tout cela, nous le faisons –moi-même, Thierry Repentin, nos cabinets, notre administration- sous votre regard attentif, curieux –parfois très curieux, mais c’est dans votre nature, critique souvent –mais c’est aussi votre métier-, toujours professionnel.
Vanessa et Nadia au quotidien, mon directeur de cabinet, moi-même, nous efforçons de répondre à vos attentes légitimes, en respectant aussi notre non-moins légitime calendrier propre, interministériel ou avec les partenaires sociaux, qui imposent quelques règles de discrétion ou parfois de confidentialité. Nous le faisons je l’espère en bonne intelligence, dans le respect mutuel et dans la bonne humeur -qui est une valeur humaine fondamentale à mes yeux !
Je veux vous dire, pour conclure, un mot sur la situation de la presse, car vous m’avez interpellé à juste titre sur le sujet.
Le Président de la République en a dit quelques mots lors de ses propres vœux, parce que la santé de la Presse est essentielle à la santé de la démocratie.
2013 verra avancer de nouvelles solutions. Le ministère du travail est lui-même engagé sur le sujet.
Deux conventions ont été signées avec la PQR et la PQD. La première se déploiera sur trois ans, couvrira 2013 et 2014 et accompagnera l’ensemble des acteurs du secteur dans la gestion des compétences et des ressources humaines, comme dans la mobilité. La seconde convention date de 2009, un avenant vient d’être signé. Elle concerne le passage au numérique. De la même manière, sa vocation est de vous accompagner dans la transition. Sachez donc que, du point de vue des compétences, de la formation, de l’emploi, de l’anticipation des évolutions, vous – secteur dans son ensemble – n’êtes pas oubliés des politiques de l’emploi et de la formation.
Une nouvelle fois, mesdames et messieurs, je vous adresse les vœux les plus sincères, personnels et professionnels, pour cette nouvelle année qui s’annonce deux fois plus riche que la précédente – tout simplement parce que le Gouvernement et le ministre que je suis aura deux fois plus de temps qu’en 2012 pour agir et deux fois plus de temps pour vous rencontrer !
Thierry je te cède la parole.
Source http://travail-emploi.gouv.fr, le 24 janvier 2013