Texte intégral
Merci, chère Camille Dorival, pour les vux que vous venez de nous adresser, à Thierry Repentin et moi-même, au nom des journalistes de linformation sociale.
Si ces vux sont vos derniers en tant que présidente de lAJIS, ils sont mes premiers comme ministre du Travail, de lemploi, de la formation professionnelle et jai envie dinsister en ce début dannée du dialogue social.
Lannée nouvelle est arrivée et pour notre ministère elle est née sous de bons auspices : laccord national interprofessionnel du 11 janvier et ladoption par lassemblée nationale en première lecture janticipe de 48 heures- du projet de loi créant le contrat de génération. Thierry Repentin y ajoutera certainement dans un instant le sauvetage de lAFPA.
A ceux qui rêvaient de casser le modèle français, à coup de « big bang de la flexibilité », « dallégement du code du travail », « de remise à plat les prudhommes », « de suppression du CDI », nous disons que la réalité a glissé sous leurs pieds. Jai lu en effet quelques tribunes et prises de position attristées dans ce sens ces derniers jours.
Cela naura pas lieu car la France a pris une autre voie. Les partenaires sociaux ont montré que notre pays pouvait se reformer et, au-delà, refonder les compromis qui sous-tendent notre modèle social. Que lon ne se méprenne pas sur le sens de laccord : ce nest pas un échange encore moins un troc entre la flexibilité pour les entreprises et la sécurité pour les salariés. Ou linverse : la flexibilité pour les salariés, la sécurité pour les entreprises. Ce serait une vision bien trop réductrice, celle qui voudrait que ce qui est gagné par les uns soit forcement perdu par les autres, comme ci la « création de valeur » dans le social nexistait pas !
Si nous analysons mieux cet accord je sais que votre sagacité ne pourra le manquer vous voyons quen réalité il « crée de la valeur » pour tous, pour les salariés, pour les entreprises, et pour la collectivité toute entière qui gagne chaque fois que lemploi est préservé. Chacun peut apprécier léquilibre final et chacun a ce droit en tant que partenaire libre de la négociation- mais personne ne peut nier quil y ait des progrès pour chacun.
Mais laccord du 11 janvier, beaucoup le sentent, agit sur les piliers même du modèle social français. Jen évoque un seul parce quil me parait essentiel, même si son écriture est moins spectaculaire, et que les articles en question ont été moins commentés : celui de lanticipation partagée.
Aujourdhui -vous le savez bien vous qui êtes des observateurs privilégiés et avisés de notre champs social- faute danticipation des évolutions de lactivité et des compétences, faute de partage des enjeux avec les salariés, faute aussi de négociations saines et loyales, nos entreprises nanticipent pas assez les crises, ou gardent secrète la réalité de leur situation jusquà ce quil soit trop tard. Alors, au pied du mur, il ny a souvent plus quune seule solution : licencier. On commence par les intérimaires et les CDD (dans ce cas, on dit pudiquement « non-renouvellement »), puis on sattaque au « noyau dur ». Lemploi devient la variable dajustement. Alors, les entreprises donnent souvent limage de la brutalité, et face à elles les salariés subissent les précaires- ou se défendent, résistent, mais souvent ne parviennent quà retarder un scénario écrit davance.
Il faut changer cette donne qui ne sert personne, ni les entreprises, ni les travailleurs, ni les territoires et les collectivités concernés. Laccord du 11 janvier invente de nouveaux instruments pour anticiper lavenir, lactivité et les compétences. Il donne ensuite de nouveaux instruments dadaptation (maintien dans lemploi et activité partielle), de sorte que lemploi ne soit plus en tous cas de moins en moins- la variable dajustement. Il permet aux travailleurs dêtre associés aux choix de lentreprise, de peser davantage : présence des salariés dans les CA des grandes entreprises avec voix délibératives, information et consultation anticipée des IRP, notamment en cas de PSE.
Voilà un enjeu central de cet accord à mes yeux, qui va être aussi un défi de changement dans les pratiques des acteurs sociaux dans lentreprise : pouvoir sadapter beaucoup plus tôt, gérer le mouvement de la main duvre sans licencier, par la mobilité, la formation et la négociation. Sadapter, avec souplesse, avec rapidité, cest nécessaire, mais cela doit se faire avec les salariés, ce cela ne doit plus se faire en sacrifiant lemploi. Cest le défi de notre société.
Cette autre logique est à luvre dans cet accord : le mouvement, la capacité dadaptation, mais qui passe par des droits nouveaux pour les salariés, droits collectifs et droits individuels pour chacun qui sera désormais moins en prise aux aléas de la conjoncture, voit ses droits attachés plus largement à sa personne et non plus à son emploi. De sorte quil sera demain moins vulnérable et plus émancipé quaujourdhui.
Tout nest pas fait avec cet accord, mais un pas immense est accompli dans cette direction. Voila pourquoi cet accord fera date, celle du 11 janvier. Voila pourquoi laccord du 11 janvier a toutes les chances dentrer dans lhistoire de notre droit social et de nos relations sociales.
Cest à cela que 2013 doit ressembler : une grande ambition pour le travail, pour lemploi, pour la formation professionnelle, et pour le dialogue social.
2012 et je vous parlerai bien sûr dune année qui a débutée pour moi ici le 16 mai- fut une année particulièrement dense pour nous comme pour vous, sur fond de montée continue du chômage : grande conférence sociale des 9 et 10 juillet et feuille de route qui trace un chemin ; emplois davenir votés à la rentrée, mesures de compétitivité et demploi début octobre suite au rapport Gallois, accord unanime des partenaires sociaux sur le contrat de génération le 19 octobre.
Je ne vais pas énumérer toutes les initiatives, les décisions et les changements engagés depuis 8 mois, tant pour lemploi que dans le domaine du travail car je noublie pas que, si certains dentre vous me qualifient parfois de ministre du chômage, je suis aussi ministre des 25 millions de salariés qui ont un emploi et ont des aspirations aussi : la santé et la sécurité, la qualité de vie au travail, légalité professionnelle, une rémunération décente, des droits reconnus. Et je noublie pas non plus que je suis le chef dune administration qui a souffert dans les années passées, de pôle emploi à linspection du travail, et aspire à notre considération et notre appui, dans ce domaine aussi beaucoup de changements ont été faits ou engagés
Nous avons beaucoup semé, en attendant de voir les premiers résultats percer le sol. Lobjectif, vous le connaissez, cest dinverser la courbe du chômage dici la fin de lannée 2013. Ce nest ni une promesse faite, ni une croyance, ni même un vu. Cest un objectif, cest une ardente obligation.
Tout cela, nous le faisons moi-même, Thierry Repentin, nos cabinets, notre administration- sous votre regard attentif, curieux parfois très curieux, mais cest dans votre nature, critique souvent mais cest aussi votre métier-, toujours professionnel.
Vanessa et Nadia au quotidien, mon directeur de cabinet, moi-même, nous efforçons de répondre à vos attentes légitimes, en respectant aussi notre non-moins légitime calendrier propre, interministériel ou avec les partenaires sociaux, qui imposent quelques règles de discrétion ou parfois de confidentialité. Nous le faisons je lespère en bonne intelligence, dans le respect mutuel et dans la bonne humeur -qui est une valeur humaine fondamentale à mes yeux !
Je veux vous dire, pour conclure, un mot sur la situation de la presse, car vous mavez interpellé à juste titre sur le sujet.
Le Président de la République en a dit quelques mots lors de ses propres vux, parce que la santé de la Presse est essentielle à la santé de la démocratie.
2013 verra avancer de nouvelles solutions. Le ministère du travail est lui-même engagé sur le sujet.
Deux conventions ont été signées avec la PQR et la PQD. La première se déploiera sur trois ans, couvrira 2013 et 2014 et accompagnera lensemble des acteurs du secteur dans la gestion des compétences et des ressources humaines, comme dans la mobilité. La seconde convention date de 2009, un avenant vient dêtre signé. Elle concerne le passage au numérique. De la même manière, sa vocation est de vous accompagner dans la transition. Sachez donc que, du point de vue des compétences, de la formation, de lemploi, de lanticipation des évolutions, vous secteur dans son ensemble nêtes pas oubliés des politiques de lemploi et de la formation.
Une nouvelle fois, mesdames et messieurs, je vous adresse les vux les plus sincères, personnels et professionnels, pour cette nouvelle année qui sannonce deux fois plus riche que la précédente tout simplement parce que le Gouvernement et le ministre que je suis aura deux fois plus de temps quen 2012 pour agir et deux fois plus de temps pour vous rencontrer !
Thierry je te cède la parole.
Source http://travail-emploi.gouv.fr, le 24 janvier 2013