Texte intégral
Mesdames et messieurs les acteurs de lemploi et de lentreprise, partenaires sociaux, vous que lon nomme parfois les « forces vives ».
Thierry Repentin et moi-même sommes heureux de vous souhaiter la bienvenue dans ce ministère du travail, de lemploi, de la formation professionnelle et - tout particulièrement ce soir - du dialogue social.
Nous sommes le 28 janvier. A cette date, je sais que vous avez reçu déjà beaucoup de voeux, ce sont peut-être dailleurs les derniers et sans doute êtes vous proches de la saturation. Je vais donc essayer de varier un peu, de ne pas vous parler longuement de 2012 derrière nous et de 2013 devant nous, mais de vous parler de plus loin, de beaucoup plus loin. Inspiré par la multiplication des anniversaires de 30 ans -30 ans des lois Auroux, 30 ans de lIRES- je vous propose de nous projeter dans 30 ans !
Voici donc des voeux pour 2013 et des voeux pour 2043 ! Cest loin - sans doute les forces vives de certains dentre nous ici le seront alors un peu moins
mais cest aussi pour cet horizon que nous travaillons les uns et les autres, celui de nos enfants, le temps long des choses humaines au-delà des urgences de lheure.
Je vous dirai un mot quand même - et Thierry Repentin également - de ce qui nous attend en 2013, rassurez vous !
Technologies, démographie, statuts, protections : que sera le travail en 2043 ? Que seront la compétitivité de notre économie et quel sera le périmètre de notre économie au sein de lEurope ? Que seront les compétences, les qualifications, lemployabilité et la santé au travail ? Où seront placées les frontières entre vie privée et travail ? Que seront les organisations productives ?
Je nai pas de boule de cristal, je suis seulement comme vous tous ici un acteur engagé pour faire bouger la société qui se demande « où allons-nous ? », ou plutôt « où voulons nous aller ? »
La première grande direction qui mapparait, cest la sécurisation des parcours de lindividu dans une mobilité professionnelle plus grande.
Pour cela, nous serons tous dotés en 2043 dun compte personnel, pour équiper chacun de droits portables quels que soient leurs trajectoires et statuts et faciliter ainsi la mobilité et les transitions.
Sur internet version 4.0 ou 5.0 - nous pourrons nous connecter à notre compte et piloter nos droits formation (démultipliés et dans une pédagogie du stage renouvelée), notre revenu garanti dans les périodes de transition qui ne seront plus forcément appelées chômage, voire le temps autonome détude ou de création qui viendra nourrir notre travail en lui-même. Alors, plus que de couverture sociale, on parlera « denveloppe » dans laquelle nous pourrons nous mouvoir sans perdre la chaleur de la couverture.
Impossible ? Non, cette construction de la sécurisation a déjà commencé.
Nous posons les premières fondations de la sécurisation de lemploi - et demain, progressivement des trajectoires.
Ici, je marrête pour revenir en 2012 et 2013, et vous parler bien sûr de laccord du 11 janvier, qui a conclu quatre mois de négociation dont lidée a germé lors de la grande conférence sociale de juillet dernier.
Je connais les divergences sur la portée réelle de cet accord, qui satisfait les uns mais en inquiète dautres. La liberté de chaque acteur doit être respectée, et personne ne sera privé du droit de faire entendre son point de vue et déchanger dans lélaboration de la loi de transposition, et peut être - pourquoi pas- dy trouver des apaisements. Nous allons avoir loccasion de débattre encore, de se convaincre jespère.
Pour ma part, jestime que les partenaires sociaux ont montré, le 11 janvier, que notre pays pouvait se reformer en profondeur, refonder les compromis qui sous-tendent notre modèle social. Le sens de cet accord, ce nest pas un échange entre la flexibilité pour les entreprises et la sécurité pour les salariés, ou linverse dailleurs. Ce serait une vision bien trop réductrice, celle qui voudrait que ce qui est gagné par les uns soit forcement perdu par les autres, comme si la « création de valeur » sociale nexistait pas ! Cet accord sa transposition législative puis sa mise en uvre devront en apporter la démonstration « crée de la valeur » pour tous, pour les salariés, pour les entreprises, et pour la collectivité toute entière qui gagne chaque fois que lemploi est préservé.
Jen évoque une dimension, qui a été moins commentée que dautres mais qui est à mes yeux essentielle : lanticipation et la capacité dintervention des représentants des salariés. Faute danticipation des évolutions de lactivité et des compétences, faute de partage des enjeux avec les salariés et leurs représentants, faute aussi de négociations saines et sereines, nos entreprises nanticipent pas assez les crises, parfois gardent secrète la réalité de leur situation jusquà ce quil soit trop tard. Alors, au pied du mur, une seule solution est souvent avancée : licencier. On commence par les intérimaires et les CDD (dans ce cas, on dit pudiquement « non-renouvellement »), puis on sattaque au « noyau dur ».
Lemploi devient la variable dajustement.
Les entreprises donnent alors limage de la brutalité, et face à elles les salariés subissent (typiquement le lot des précaires) ou se défendent, résistent, mais souvent ne parviennent quà retarder un scénario écrit davance.
Il faut changer cette donne qui ne sert personne, ni les entreprises, ni les travailleurs, ni les territoires concernés. Laccord du 11 janvier invente de nouveaux instruments, de nouveaux droits collectifs pour les salariés et de nouvelles procédures pour changer cette donne.
Tous y gagneront si tous signataires et non signataires côté syndical, chefs dentreprise jouent le jeu et se saisissent de ces nouvelles armes et de ce nouveau dialogue.
LEtat, pour sa part et tout particulièrement les services de mon ministère qui vont retrouver dans la gestion des PSE en particulier un rôle perdu depuis 25 ans jouera son rôle dans cette nouvelle donne pour lemploi.
Tout nest pas fait avec cet accord, mais un pas immense est accompli dans cette direction de lanticipation et de lemploi davantage préservé, comme dans celui de la sécurisation des parcours professionnels.
En 2043 - je repars dans 30 ans - on samusera du contrat de génération, devenu une forme dévidence comme la sécurité sociale ou la retraite.
Je ne le dis pas seulement parce que cest notre politique même si jy crois bien sûr mais parce que les entreprises qui savent marier les générations et transmettre les compétences ont lavenir pour elles !
En 2012 nous avons semé ensemble. Vous, avec laccord interprofessionnel unanime du 19 octobre, nous, avec le projet de loi en cours dexamen au parlement. En 2013 nous aurons à faire vivre le Contrat de Génération dans les grandes entreprises, comme dans les petites et même les très petites, y compris dans le cas des transmissions dentreprises. La jeunesse attend, espère sa place dans nos entreprises, sans prendre celle des plus anciens. Là encore, chacun aura à prendre sa part. Jattends dans le pays un vaste mouvement de négociation collective pour les contrats de génération.
En 2043, en aurons nous fini avec le chômage ? Comment cherchera- t-on et trouvera-t-on du travail, quels outils inconnus aujourdhui auront remplacé Facebook, twitter ou google dans la panoplie des recruteurs ? A quoi ressemblera Pôle emploi et son « offre de service Pôle emploi 2043 ? Aurons- nous enfin trouvé pour nos jeunes un système déducation qui assure à tous une qualification pour partir dans la vie ?
Là il devient hasardeux de se lancer.
Par contre en 2013, la cible est connue : inverser avant la fin de lannée la courbe du chômage, qui croit depuis 2008 et sans discontinuer depuis 20 mois.
Nombreux sont ceux qui doutent que ce soit possible, mais beaucoup plus nombreux que ceux qui doutent, il y a ceux qui espèrent, et même ceux qui attendent - avec angoisse pour eux-mêmes et pour leurs enfants - ce retournement.
Cest pour ceux-là que nous travaillons !
Vous le savez, nous avons décrété la mobilisation, et commencé avec les Emplois dAvenir par la face la plus difficile : les 500 000 jeunes sortis sans qualification du système de formation et qui sont sans emploi. Nous en avons créé pour lheure 4000. 2013 sera lannée de la montée en puissance.
Nouvelle offre de service de Pôle emploi 2015, outil AFPA sauvegardé je pense que Thierry Repentin reviendra sur le sujet, contrats aidés améliorés dans leur durée, alternance, nouveaux dispositifs comme les emplois davenir ou le contrat de génération, CICE et mesures de compétitivité au rang desquels je range laccord du 11 janvier : nous avons forgé des outils pour la bataille contre le chômage, et nous allons les mobiliser encore, tout au long de lannée 2013.
Mais, je ne suis pas que le ministre de la lutte contre le chômage, je suis aussi le ministre du travail, cest-à-dire des 25 millions de salariés qui ont un emploi, ceux qui sont bien dans leur travail et ceux qui veulent y être mieux : mieux rémunérés, mieux protégés, mieux associés.
La sécurisation de lemploi puisque cest le maître-mot - cest aussi la sécurisation du travail : la qualité de vie au travail, la santé ou la sécurité.
Là aussi les nouveaux défis sont nombreux en 2013. La feuille de route issue de la grande conférence sociale en a fixé quelques-uns : égalité professionnelle, épargne salariale, négociation sur la qualité de vie au travail, dont je souhaite quelle aboutisse et constitue elle aussi un progrès. Lenjeu de la santé au travail, cest lenjeu du travail en lui-même, de ses transformations, des nouveaux risques qui apparaissent (quand danciens disparaissent).
Nous en parlerons le moment venu, mais cette question de la santé pourrait avoir une place particulière dans la deuxième grande conférence sociale qui sera organisée en juillet 2013, un an après la première qui inaugura une nouvelle démarche de démocratie économique et sociale restaurée, une nouvelle méthode de dialogue social renouvelé et une nouvelle ambition.
En 2043, une nouvelle génération de syndicalistes et de responsables dorganisations professionnelles fera vivre un dialogue social qui, jen ai la conviction profonde, est lavenir de notre démocratie dans les entreprises et le monde du travail. Des conventions collectives européennes, des accords mondiaux dans les grands groupes, des instances de dialogue adaptées aux TPE, des capacités dintervention des travailleurs étendues, des salariés prêts à sengager sans crainte, des responsables dentreprise qui simpliquent dans des mandats dintérêt général, des organisations à la représentativité incontestée : cette démocratie sera vivante !
2013 sera une étape importante, avec deux changements qui marqueront à la fois un aboutissement et un nouveau départ :
- lachèvement de la réforme de la représentativité syndicale engagée à partir de la position commune de 2008 et le lancement de la réforme de la représentativité patronale. Nous attendons dailleurs, dici à lété, les propositions du patronat sur ce dernier processus, linscription
- Gouvernement, Parlement et partenaires sociaux en amont de lélaboration des lois, tant pour les projets de loi - cest déjà largement le cas avec L1- que pour les propositions de loi dorigine parlementaire.
Ce nest pas quun symbole, cest la solidification dune nouvelle culture sociale dans notre pays.
Jen profite pour dire un mot des élections dans les TPE qui font partie de cette réforme de la représentativité. Elles furent conduites dans la difficulté dun scrutin nouveau et complexe, sur une base définie avant mon arrivée, mais cest un premier pas important et dont je remercie ici les acteurs.
Nous reviendrons ensemble sur tous ces sujets dans la grande conférence sociale numéro 2, en juillet prochain autour du chef de lEtat et du Premier Ministre.
Je veux pour finir saluer lengagement de chacun dentre vous, et vous en remercier. Saluer votre compétence, votre sens des responsabilités, votre dévouement à la défense des salariés comme à la promotion de vos entreprises.
Je veux dire un salut particulier aux hommes - jen resterais prudemment aux hommes - qui ont uvré et beaucoup donné deux-mêmes au sein de leurs organisations et qui ont passé ou vont passer la main en 2013. Cest le mouvement normal de la démocratie - cest un habitué de lalternance qui vous le dit.
Aux nouveaux et futurs je dis bienvenue et bon courage, à ceux qui changent ou vont changer je dis merci et aussi bon courage ! Mais je suis sûr que la collectivité - quil sagisse de lEtat ou dautres acteurs - saura reconnaitre votre valeur, votre expérience, et profiter de vos grandes compétences.
Mesdames messieurs, bonne année 2013 et encore meilleure année 2043 !
source http://travail-emploi.gouv.fr, le 29 janvier 2013