Déclaration de M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, sur les relations franco-jordaniennes, la situation en Syrie, la question israélo-palestinienne et sur l'intervention militaire française au Mali, à Paris le 1er février 2013.

Prononcé le 1er février 2013

Intervenant(s) : 

Circonstance : Conférence de presse conjointe avec le ministre des affaires étrangères jordanien, M. Nasser Joudeh, à Paris le 1er février 2013

Texte intégral

Tout d'abord je voudrais dire la grande amitié qui existe entre la France et la Jordanie. Nous travaillons ensemble, nous avons un partenariat excellent et nous apprécions beaucoup les positions prises par la Jordanie sur différents sujets. Nous connaissons en même temps les difficultés rencontrées par ce pays dans le contexte régional. C'est un plaisir et un honneur pour moi de recevoir le ministre des affaires étrangères de Jordanie et je lui ai demandé de transmettre à sa Majesté le Roi le témoignage de notre estime et de notre amitié.
Nous avons parlé bien sûr de nos situations intérieures et de toute une série de sujets auxquels nous sommes très attentifs. D'abord ce qui se passe en Syrie sur laquelle nos analyses sont très concordantes. Ensuite, nous avons parlé du conflit israélo-palestinien. Maintenant que les élections ont eut lieu aux États-Unis et en Israël le moment est venu où il va falloir avancer sur cette question fondamentale. C'est une question qui détermine la situation non seulement dans la région mais aussi de manière beaucoup plus large. Les approches jordanienne et française sont convergentes et nous allons travailler ensemble.
Bien sûr, nous avons parlé du Mali puisqu'il est nécessaire d'avoir un échange de vues sur ce sujet important et, là encore, nos approches sont identiques. Avant de répondre à vos questions je voudrais répéter à quel point l'amitié entre la Jordanie et la France est profonde et nous apprécions cette excellente relation.
Q - Monsieur le Ministre, le chef de la Coalition nationale syrienne a créé la surprise en se déclarant prêt, sous conditions, à dialoguer avec le régime syrien. Quel regard portez-vous sur cette déclaration ?
R - Comme vous le savez, la France a été le premier pays à reconnaître la Coalition nationale syrienne comme le seul représentant légitime du peuple syrien. Nous travaillons avec celle-ci et nous avons beaucoup d'estime pour les positions qu'elle prend et pour ses dirigeants. En particulier, nous apprécions le fait, tout à fait fondamental, que cette Coalition, qui préfigure l'alternative nécessaire à Bachar Al-Assad, insiste toujours sur la nécessité que la Syrie de demain fasse sa place à chaque communauté. Il est essentiel que les différentes communautés de Syrie soient respectées demain. Et c'est la position qu'a prise la Coalition et c'est l'une des rasions pour lesquelles nous la soutenons totalement. Alors c'est vrai que le président de cette Coalition, qui est un homme tout à fait remarquable, a pris position en disant qu'il n'était pas question de discuter avec Bachar Al-Assad, mais qu'en revanche il devait y avoir de nombreux contacts. Ceci dans un souci de trouver une solution à la question syrienne qui chaque jour se traduit pas des morts supplémentaires - on va bientôt atteindre les 70.000 morts, ce qui est effrayant, avec en plus les réfugiés. C'est l'esprit de la déclaration du président de la Coalition. Je note d'ailleurs dans le même temps que M. Lakdhar Brahimi, l'envoyé des Nations unies et de la Ligue arabe, a fait une déclaration qui va dans le même sens. Revenant sur «l'accord de Genève», il a expliqué que, dans son esprit, la transition qui devrait intervenir - appelée à Genève «the governing body» - signifiait que M. Bachar Al-Assad n'avait plus de rôle dans cette période mais qu'en revanche, d'autres personnes avaient le rôle décisif. J'estime que ces prises de position sont convergentes et sont utiles. Cela ne signifie pas, dans l'esprit du président de la Coalition, aucun abandon de ses propres positions. C'est un homme déterminé, qui croit à ce qu'il fait et qui jouit d'une grande autorité. Mais il veut une solution et je pense que la position qu'il a prise est extrêmement appréciable.
Q - Monsieur le Ministre, comment évaluez-vous les bombardements qui ont eut lieu cette nuit en Syrie. Êtes-vous renseigné sur ce qui s'est passé ?
R - Je n'ai pas plus d'éléments que ce qui est rapporté dans les dépêches.
Q - Monsieur le Ministre. Je reviens à la Syrie. Pour la France, Bachar Al-Assad fait-il partie de la solution de demain ou fait-il toujours partie du problème car négocier avec ceux qui représentent Bachar Al-Assad c'est négocier indirectement avec lui ?
R - Nos avons toujours dit qu'il ne pouvait pas y avoir de solution avec Bachar Al-Assad. Avec le président de la République nous nous sommes exprimés plusieurs fois sur ce point précis. Considérant que M. Bachar Al-Assad avait du sang sur les mains, et beaucoup de sang, il n'est pas question qu'il fasse partie de la solution. C'est très clair.
D'une façon générale, ceux qui ont du sang sur les mains autour de lui ne peuvent pas faire partie de la solution. On comprend bien que les Syriens qui subissent cette situation depuis de longs mois ne peuvent pas envisager que ceux qui sont à l'origine de cette tragédie, et qui l'aggravent tous les jours, soient les dirigeants de demain. Il n'en est pas question. Je suis bien clair. En même temps, il y a des personnes qui n'ont pas de sang sur les mains avec lesquelles il est tout à fait possible de discuter.
Q - Monsieur le Ministre, M. Joe Biden sera à Paris lundi prochain. Qu'attendez-vous des entretiens entre le président de la République et le vice-président américain sur le dossier syrien et la relance du processus de paix entre Israéliens et Palestiniens ?
R - Le vice-président Biden sera lundi à Paris et il sera reçu à l'Élysée. Nous sommes très heureux de l'accueillir. Bien évidemment nous parlerons de toute une série de sujets puisqu'il s'agit de la première visite du vice-président américain en France après la réélection de Barack Obama, ce dont nous sommes extrêmement heureux. Nous aborderons les questions syrienne, palestinienne, malienne et les relations entre les États-Unis et la France. La veille, je serai à Munich où je rencontrerai M. Lakdhar Brahimi et nous aurons l'occasion de faire le point sur la situation en Syrie. Je participerai aussi à une table ronde où nous devrons traiter du Mali, de la Syrie et de l'Iran avec d'autres collègues de plusieurs pays. Cette visite du vice-président Biden s'annonce excellente et j'aurai l'occasion de prendre contact avec le Secrétaire d'État, John Kerry, qui vient d'être confirmé. J'attends beaucoup du travail que nous allons faire ensemble.
Pour l'accueil des réfugiés syriens en Jordanie, il faut soutenir ce pays et souligner à quel point l'effort qu'il fait est exceptionnel.
Q - Le président Hollande doit se rendre ce week-end à Bamako et à Tombouctou. Peut-on interpréter ce voyage comme la fin des opérations françaises au Mali ?
R - Nous verrons ce que le président français fera ces prochains jours. Pour ce qui concerne la présence française, nous nous sommes exprimés et je confirme les points suivants : les opérations avancent d'une manière positive. La vocation de la France n'est pas de rester durablement au Mali et les troupes de la MISMA, qui ont commencé à se déployer, vont prendre le relais des troupes françaises, les troupes maliennes font l'objet d'une formation assurée par l'Europe. Je suggère de ne pas fixer le calendrier du président de la République à sa place.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 février 2013