Texte intégral
PATRICK COHEN
Je rappelle que vous avez présenté hier votre projet de loi de refondation de lécole, mais cest ce qui figure en annexe de cette loi dorientation qui cristallise le mécontentement des enseignants : la réforme des rythmes scolaires, le retour au mercredi matin travaillé avec allègement des autres jours de classe. Vous nous dites ce matin que la réforme se fera avec ou sans lassentiment des enseignants ?
VINCENT PEILLON
Il faut quelle se fasse dans lintérêt des élèves. Tout le monde dailleurs convient depuis des années que nous ne pouvons pas être dans la situation où nous sommes pour nos enfants. Cest dailleurs unique au monde seulement quatre jours de classe par semaine et des journées très chargées. Il faut donc quon ait des journées moins chargées et quon étale le temps scolaire. Ça permettra de faire que nous ne soyons pas un pays qui décline profondément dans ses résultats scolaires et qui accroît en plus les inégalités.
PATRICK COHEN
Journée moins chargée de trois quart dheure seulement.
VINCENT PEILLON
C'est unique. Ça ne sest jamais fait dans lhistoire de la France ; tout le monde a eu six heures. Imaginez trois quarts dheure en moins, cest le début. Je voulais une heure mais les mêmes qui disent que ce nest pas assez nont pas voulu aller plus loin. Sil faut aller plus loin, nous irons plus loin mais, permettez-moi de le dire. Cette réforme, cest tout le problème français : il faut la faire avec tout le monde. Je commence à voir les tensions. Il ny avait pas que les enseignants, vous avez bien vu les collectivités locales aussi. Tout le monde sinterroge. Il faut que nous avancions, on le sait, et en plus quand lécole avance cest le pays entier qui avance. Il faut montrer quon peut réformer le pays en profondeur. Il faut montrer quon peut dépasser nos intérêts particuliers pour lintérêt de nos enfants.
PATRICK COHEN
Il y a des intérêts particuliers qui sexpriment aujourd'hui au travers des enseignants ?
VINCENT PEILLON
Toujours, toujours, et certains sont dailleurs légitimes. Mais moi, je veux faire cette réforme avec tout le monde, avec les collectivités, avec les enseignants. Je vois ces derniers jours à nouveau ce goût français pour linvective, un peu le mépris. Je ne veux pas de ça. Le président de la République et moi-même, nous avons fait de lécole la priorité. Ce quinquennat sest ouvert devant le monument Jules FERRY. Je crois aux valeurs de la connaissance ; je crois vraiment que nous devons respect aux enseignants et je veux les entraîner.
PATRICK COHEN
Sauf que le président de la République ne parle jamais des rythmes scolaires. Hier il présentait ses voeux à la jeunesse à Grenoble, il a insisté sur les moyens, les soixante mille postes, mais pas un mot sur les rythmes scolaires alors quil sest fait accueillir par des manifestants, sifflé à lentrée de la salle où il parlait. C'est troublant, non ?
VINCENT PEILLON
Non, parce que c'est inexact. Jy étais évidemment avec lui, jétais aussi avec ces manifestants. Il a même fait une blague assez sympathique sur les rythmes scolaires précisément, en reprenant les propos que je viens de prendre.
PATRICK COHEN
Il nest pas dans son discours.
VINCENT PEILLON
Si, cétait dans le discours. Je suis désolé de vous le dire, jy étais. Ce nest pas parce quil ny a pas eu de dépêche. Mais ce nest pas une contradiction : cest un engagement de campagne. Nous sommes tous mobilisés, mais pourquoi ? Ne le vivez pas comme quelque chose dagonistique !
PATRICK COHEN
Je ne le vis pas comme quelque chose dagonistique ! je vous rassure !
VINCENT PEILLON
Mais ce que nous voulons, cest que lécole soit véritablement la priorité de ce pays. Quand je vais vous quitter, je vais aller devant la conférence des présidents duniversité. Pourquoi ? Parce que nous remettons en place une formation des enseignants. Cest vingt-sept mille postes ; c'est ça qui a été décidé hier en conseil des ministres : permettre à nos jeunes enseignants dêtre formés pendant un an, davoir une entrée progressive, dêtre payés pour se former. Parce que nous savons que pour la réussite des élèves, cest lessentiel. La semaine dernière, quest-ce que nous avons annoncé ? Sept mille postes pour plus de maîtres que de classes. Cest des enseignants du primaire qui iront en CP et en CE1 pour traiter la difficulté scolaire, laccueil des maternelles. C'est notre priorité et si nous voulons réussir, il y a un volet qui est aussi davantage de temps pour apprendre, davantage de temps pour enseigner et c'est la question des rythmes scolaires.
PATRICK COHEN
Autrement dit, vous navez quand même pas mis soixante mille postes sur la table pour être emmerdé après ?
VINCENT PEILLON
Je ne sais pas où vous lavez vu
PATRICK COHEN
Propos rapportés par « LExpress ».
VINCENT PEILLON
Oui. Vous mentendez parler : est-ce que je mexprime comme ça ? Cest linverse de notre démarche.
PATRICK COHEN
En privé, c'est possible.
VINCENT PEILLON
Non ! Ce nest pas sourcé donc je tiens à démentir profondément cette phrase et ces méthodes dailleurs. Jaimerais bien savoir qui peut donner une source. Tout le travail qui est le nôtre, c'est le redressement. Redressement par lécole, redressement aussi moral, redressement intellectuel je lai dit à plusieurs reprises.
PATRICK COHEN
Et bonnes relations avec les syndicats denseignants qui ne sont pas lexpression du corporatisme ou du conservatisme comme la dit votre ex-conseiller Bruno JULLIARD, Vincent PEILLON ?
VINCENT PEILLON
Oui. Je pense profondément que nous nous devons respect les uns aux autres. Je suis dans cette démarche à légard des uns et des autres, parce que je veux quil y ait un nouveau contrat entre lécole et la nation. C'est ma conviction profonde. La République sest construite comme ça. Je vois bien que cest difficile, je le savais en arrivant.
PATRICK COHEN
Vous navez pas été surpris par lampleur des résistances ?
VINCENT PEILLON
Pas du tout. Franchement cette réforme, tout le monde dit quil faut la faire et personne ne la jamais faite. Pourquoi ? Parce quelle est difficile. Moi, ma conviction profonde cest lintérêt des élèves, cest lintérêt du pays. C'est même notre intérêt commun de montrer quon peut réussir une grande réforme. Nous sommes dans cette action, je vois bien que ça tangue, un peu moins maintenant sur les collectivités locales, encore avec les enseignants.
PATRICK COHEN
Et donc ?
VINCENT PEILLON
Mais il faut expliquer. Jentends beaucoup de choses qui sont dites qui ne sont pas exactes.
PATRICK COHEN
Expliquer mais pas aménager ce qui est prévu. Vous maintenez le cap sur le changement de rythmes le plus tôt possible.
VINCENT PEILLON
C'est le résultat de très longues négociations dont certaines, dailleurs, ont été saluées, vous le savez, par les enseignants. Pourquoi ? Parce que jai changé précisément le temps de travail des enseignants, leur donnant à cette occasion plus de formation continue, plus de temps pour travailler ensemble. Beaucoup ne le savent pas. On est dans ce temps de lexplication et je souhaite que tout le monde arrive à se mettre en mouvement pour que nous réalisions ce que tout le monde sait. Je lisais encore une interview ce matin : on est le seul pays au monde, je le redis, à quatre jours. Cent quarante-quatre jours de classe pour nos enfants. C'est inimaginable !
PATRICK COHEN
Oui. Justement, vous rappeliez tout à l'heure les engagements de campagne de François HOLLANDE. Puisquon est dans le cadre de lobservatoire des promesses avec notre partenaire « Le Parisien-Aujourd'hui en France », la promesse de départ qui a été exprimée par François HOLLANDE pendant sa campagne, ce nétait pas celle-là. Cétait de rallonger lannée scolaire en réduisant le temps de vacances. Ce nest pas votre projet aujourd'hui, Vincent PEILLON.
VINCENT PEILLON
Si. Vous parliez de lannexe : vous voyez bien comment il faut aller pas après pas. Vous avez plusieurs sujets. Vous avez la question de la journée, la question de la semaine, la question de lannée. Si on est vigilant à ce quon est en train de faire, vous avez aussi plusieurs niveaux. Là, on est en train de parler de lécole élémentaire, pas du collège et du lycée. Nous avons inscrit dans la durée cette réforme ; nous commençons par la journée et la semaine en primaire et, je lai indiqué à plusieurs reprises, nous allons continuer. Mais peut-être quil était raisonnable de faire comme on fait quand vous voyez déjà la difficulté. Mais si vous voulez que jannonce ce matin chez vous quon va ajouter encore deux ou trois semaines, vous allez voir.
PATRICK COHEN
Ah ! Cest comme vous voulez.
VINCENT PEILLON
Non ! Réussissons cela, je crois que c'est lintérêt des élèves, et continuons de voir après comment il faudra quand même cheminer encore plus avant. La refondation, ce nest pas simplement une loi. Ce nest pas simplement dailleurs modifier le code de léducation. Ça doit être pendant cinq ans un travail continu pour que nous soyons capables dinverser cette pente fatale qui fait que les résultats de nos élèves se détériorent, vingt-cinq pour-cents délèves en difficulté en rentrant au collège, toujours les mêmes milieux sociaux. Les inégalités saccroissent dans notre pays scolairement. Vous savez que dans les ZEP aujourd'hui, c'est plus de trente à trente-cinq pour-cents qui sont en difficulté à lentrée en 6ème et un plafond de verre ; nous natteignons pas les quatre-vingts pour-cents dune classe dâge au baccalauréat et nous avons moins dinscrits maintenant à luniversité quil y a quelques années. Franchement ce nest pas bon pour le pays.
PATRICK COHEN
Et les profs ne sont pas bien payés. On en reparlera tout à l'heure. Les communes ont jusquà la fin mars pour décider à quelle rentrée elles changeront de rythmes : 2013 ou 2014. Il y a eu un mois supplémentaire accordé par Jean-Marc AYRAULT hier. À votre connaissance, Vincent PEILLON, il y a beaucoup de communes, beaucoup de grandes villes, qui ont prévu dattendre 2014 pour appliquer la réforme ?
VINCENT PEILLON
Non, je ne crois pas quil y en a beaucoup.
PATRICK COHEN
Il y a Marseille, déjà.
VINCENT PEILLON
Oui, mais je ne crois pas quil y en a beaucoup. Je crois que là encore, pour les collectivités locales, cest quand même une réorganisation qui est importante, qui est difficile comme toutes les grandes réformes. Ils sont donc en train de voir quel projet éducatif, parce quil ne sagit pas non plus de le faire pour laisser les enfants sous le préau. C'est pour cela que nous avons dailleurs, avec le président de la République et le Premier ministre, prévu ce fonds de deux cent cinquante millions deuros, et que nous mobilisons y compris les mouvements déducation populaires, il faut être capable davoir des activités comme on dit péri-éducatives, c'est-à-dire culturelles, sportives. C'est une des idées de la réforme. Ça suppose donc que chacun construise ce projet éducatif territorial qui est dans la loi ce nest pas une contrainte et choisisse ce qui est le plus intéressant pour les élèves. C'est un travail. Vous imaginez bien quentre par exemple Paris, Lyon ou une commune rurale, ce ne sont pas les mêmes données. Chacun doit trouver.
[08h40]
PATRICK COHEN
Notre invité, je le rappelle, Vincent PEILLON, ministre de lEducation nationale avec des questions des auditeurs de FRANCE INTER, nombreuses au standard : 01.45.24.7000. On va continuer de parler des rythmes scolaires, un mot Vincent PEILLON sur ce qui domine lactualité également ce matin, la libération de la Française Florence CASSEZ au Mexique, dénouement heureux, fruit dun long travail politique et focalisation sur une détenue parmi beaucoup dautres, parmi les détenus français à létranger. Que vous inspire le dénouement de cette histoire ?
VINCENT PEILLON
Vous savez, cest toujours une grande satisfaction. Hier jétais donc, comme on le disait tout à lheure, avec le président de la République et cest des moments démotion. On ne peut pas imaginer dailleurs nous-mêmes ce que peut représenter des années comme ça de vie enfermée, volée dune certaine façon, toutes les inquiétudes quil a pu y avoir. Donc on essaie de comprendre et en même temps, vous avez raison de le dire, on pense aussi à des tas dautres qui sont dans cette situation. Ça a été le cas parfois de certains de vos collègues, javais suivi ça, jen connais certains, ce sont des épreuves de la vie qui sont terribles et qui, en même temps, nous font mesurer le prix que peut être le respect justement de la personne humaine, de la liberté dexpression et de systèmes juridiques comme les nôtres qui, dans le fond, accordent au respect de la personne davantage même que la raison dEtat. Finalement on sest construits là-dessus, ce nest pas si simple à faire vivre tout le temps et bon ! Donc quand même un grand bonheur pour elle et puis pour sa famille.
PATRICK COHEN
Vincent PEILLON, des questions pour vous. Jean-Michel nous appelle des Hautes-Alpes, bonjour.
JEAN-MICHEL
Oui, bonjour monsieur le ministre.
VINCENT PEILLON
Bonjour monsieur.
JEAN-MICHEL
Je suis maire dune commune de 2.000 habitants dans les Hautes-Alpes, et je me permets dinsister auprès de vous sur la question des coûts à la charge des collectivités locales. Vous avez décidé sur le fond nous sommes pour la réussite aussi de nos élèves de modifier les rythmes scolaires. Il savère que jai fait un calcul sur ma propre commune, 2.000 habitants, cest 50.000 , 150 à 170 par élève à la charge de la commune. Je nai pas les moyens si ce nest daugmenter les impôts locaux. Donc je vous demande dans ces conditions ce que vous envisagez de modifier dans votre actuel projet, pour que les collectivités rurales et de montagne en particulier puissent bénéficier de financements de la part de lEtat pour les activités périscolaires éducatives, à hauteur de ce que cela va leur coûter. Nous avons aujourdhui des baisses de dotations, nous avons de la part de lEtat une volonté exprimée de faire participer à leffort national les collectivités locales, il savère que si lEducation nationale est nationale, les modifications des rythmes scolaires que vous souhaitez dans lintérêt des enfants ce que nous ne contestons pas puissent être financées par lEtat intégralement. Or aujourdhui, vous demandez aux collectivités locales qui nen peuvent plus de financer directement ces aménagements de rythmes scolaires. Autre exemple et jen terminerai là
PATRICK COHEN
Oui.
JEAN-MICHEL
600.000 également de dépenses pour les transports scolaires à la charge du Conseil général des Hautes-Alpes, qui na aucune compensation de lEtat. Et tout ceci, ce sera de la fiscalité directement assumée par les familles, donc jaimerais effectivement que lEtat fasse non seulement des efforts en matière de recrutement des personnels, mais également finance la réforme quil souhaite dans lintérêt des enfants, et que ceci ne soit pas à la charge des collectivités locales.
PATRICK COHEN
Vincent PEILLON va vous répondre Jean-Michel, merci pour votre question.
VINCENT PEILLON
Dabord je comprends vos difficultés et cest pour ça que javais reçu lAssociation des élus de montagne. Et comme vous le savez, elle est à la fois présidée par Laurent WAUQUIEZ et par Frédéric MASSAT, et donc la gauche et la droite. Les réponses ont été apportées, et dailleurs jai le plaisir de vous annoncer quhier, la commission consultative des normes du ministère de lIntérieur a donné son accord à ce décret sur la réforme des rythmes scolaires, parce que nous avons apporté les réponses. La première réponse monsieur le maire, cest quil y a un fonds prévu de 250 millions deuros, et que ce fonds prend précisément en compte les petites communes rurales et les communes urbaines, jy tenais beaucoup aussi, en difficulté. Cest la première fois que dans une politique dEtat comme ça, il y a une telle péréquation, puisque vous avez 50 pour tous les enfants de France, mais 90 supplémentaires pour ceux qui sont dans des communes pauvres ou qui ont en tout cas des difficultés, c'est-à-dire rurales ou urbaines. Cest une première réponse. Deuxièmement, vous le savez, ça a été annoncé, les taux dencadrement et peut-être je ne sais pas comment vous avez fait vos calculs, il faut toujours voir, mais les taux dencadrement des enfants pour les activités périscolaires donnent lieu à une réforme aussi, puisque nous passons pour les moins de 6 ans dun encadrement de 10 à 14 et pour les plus de 6 ans de 14 à 18, ce qui change de près de 30 % les coûts que vous évoquez. Troisièmement, jai demandé au service de lEducation nationale et, je le précise, y compris pour les professeurs, cest une réforme pédagogique. Donc les maires ont des propositions à faire, mais nous consultons aussi les conseils décoles, car je vois les enseignants qui disent « nous ne sommes pas consultés », ils le seront. Mais cest lEducation nationale qui donnera son accord, parce quil faut quil y ait de bons projets pédagogiques. Et de ce point de vue-là, jai demandé jétais moi-même en Haute-Garonne la semaine dernière, avec des maires qui sont aussi des maires de zones montagneuses, jai demandé à tous les administratifs de lEducation nationale dêtre au côté des associations délus pour répondre à toutes vos interrogations. Je crois que nous pouvons le faire.
PATRICK COHEN
Donc normalement, les petites communes comme celle de notre auditeur, Tallard dans les Hautes-Alpes, nauront pas à débourser davantage pour réformer les rythmes scolaires, ou elles auront quand même un
VINCENT PEILLON
Vous savez, il y a
PATRICK COHEN
De largent à mettre ?
VINCENT PEILLON
Il y a ce quon appelle « les études dimpact », quand vous faites une loi qui estime quels sont les coûts, cest ce qui a fait que nous avons eu un vote positif hier du ministère de lIntérieur et des élus locaux eux-mêmes. En réalité, ça dépend des communes Patrick COHEN, il peut y avoir beaucoup de façons dorganiser les rythmes différentes. Vous pouvez le faire à la pause méridienne, vous pouvez le faire après, il y a déjà des communes vous savez, on va dire : est-ce que cest vraiment la réforme des rythmes qui va accroître ou faire les inégalités entre les communes du point de vue de léducation ! Mais elles existent, elles doivent au contraire cette réforme doit nous permettre de les corriger. On voudrait faire croire que cest tout dun coup la réforme des rythmes qui va introduire des inégalités en France dans le scolaire, elles sont criantes aujourdhui, tous les rapports de la COUR DES COMPTES le montrent. Et tout le travail que nous faisons, y compris avec cette péréquation dont jai parlée, cest précisément de permettre y compris à nos amis des zones rurales, à nos amis des territoires les plus en difficulté, Seine Saint-Denis davoir accès aux mêmes droits que les autres.
PATRICK COHEN
Une sur les rythmes scolaires, une question de Sonia BOURHAN qui suit les questions déducation ici, à FRANCE INTER.
SONIA BOURHAN
Justement sur ces questions de moyens, on a beaucoup parlé de la contestation des enseignants, mais les parents aussi sont sur le terrain plutôt solidaires des professeurs. Ils sont sceptiques sur la qualité des activités périscolaires qui seront proposées, parce que ça va dépendre des moyens des mairies. Est-ce que là-dessus quest-ce que vous leur répondez, parce que vous naurez pas vraiment la main sur ce qui va se passer dans cet accueil pour les élèves ?
VINCENT PEILLON
Si, cest ce que je viens de dire et il faut lire le décret. Jai souhaité que lEtat assume toutes ses responsabilités, et cest donc ce quon appelle les directeurs académiques des services de lEducation nationale qui valideront ou pas les projets éducatifs territoriaux. Donc le conseil décole, les enseignants, les parents délèves, les collectivités locales auront à débattre, à faire une proposition, cest avant fin-mars. Mais cest lEtat, en fonction précisément des apports pédagogiques, qui donnera son accord ou pas. Je ne veux pas seulement quil soit là dans une posture de donner son accord, nous devons aider, et sur le terrain, cest ce qui se fait maintenant, car la réforme des rythmes scolaires elle a un merveilleux avantage, elle oblige les uns et les autres à se parler, à organiser temps scolaire et temps éducatif, à faire que la collectivité locale travaille avec les enseignants, qui travaille avec les parents
PATRICK COHEN
On ne se parlait pas assez jusquà présent ?
VINCENT PEILLON
Bien sûr que non, et on voit bien que chacun a du mal, et même avec les mouvements déducation populaire. Il faut construire un projet et il faut construire un projet dans lintérêt des élèves.
PATRICK COHEN
Des parents délèves justement au standard dINTER. Catherine nous appelle de Collonges, bonjour.
CATHERINE
Bonjour.
PATRICK COHEN
Nous vous écoutons.
VINCENT PEILLON
Bonjour madame.
CATHERINE
Ecoutez ! Moi je voulais poser une question au ministre. En fait, mon enfant est dans une classe où linstitutrice nest pas remplacée depuis la rentrée, où les réponses entre le Rectorat et lAcadémie nous disent : « il ny a pas de professeur, personne ne peut venir travailler dans le Pays de Gex... Jentends parler de ça ce matin, la création des 60.000 postes et un vrai décalage entre ce que lon vit sur le terrain et ce nest pas officiellement. Et en parallèle de ça, je me pose beaucoup de questions par rapport au fait que cette réforme, dans la mesure où aujourdhui nous navons pas de professeur, comment est-ce quon va pouvoir rythmer le
PATRICK COHEN
Catherine, on vous entend assez mal, juste un mot, vous êtes dans une petite commune, cest une classe unique, linstitutrice pas remplacée ?
CATHERINE
Exactement, depuis la rentrée, pas de professeur. Globalement la situation du Pays de Gex est très tendue, cest une zone frontalière entre la France et la Suisse
PATRICK COHEN
Et la Suisse oui.
CATHERINE
Et globalement, il y a à peu près je ne veux pas faire de polémique mais au moins une dizaine de postes denseignants non remplacés et puis une situation très tendue.
PATRICK COHEN
Merci Catherine. On reste dans les Alpes donc Vincent PEILLON, Pays de Gex, profs pas remplacés, plus généralement le remplacement des enseignants absent, ça reste un souci dans votre secteur.
VINCENT PEILLON
Une grosse tension parce que vous savez, il y a eu 80.000 suppressions de postes les 5 dernières années. Et évidemment ces suppressions de postes, elles ont porté sur les personnels spécialisés, les fameux réseaux daide spécialisés et les professeurs remplaçants. Même en allant au maximum des listes complémentaires, par exemple en Seine Saint-Denis cette année, nous avons des tensions sur les remplacements qui sont considérables. Les 60.000 postes cest sur 5 ans, cest 10.000 postes par an, et donc les dégâts qui ont été faits ne peuvent pas se réparer dabord cette année, qui est quand même sous le budget de la droite 2012 ; et puis ne peuvent pas se réparer en une fois. Mais ça justifie bien, on le voit parce quil y a eu beaucoup dinterrogations sur les créations de postes, ça justifie bien quil fallait le faire et quil faut le faire. Maintenant, nous allons avoir un souci je lai toujours dit et nous essayons dy remédier avec la qualité que nous essayons dapporter aux jeunes enseignants et une amélioration de leurs conditions, il faut aussi recruter. Nous sommes dans cette période cette année, vous le savez, où pour la première fois jai organisé 2 concours, ça veut dire 40.000 recrutements pour essayer de pallier à ces difficultés. Il faudra un peu de temps et cest vrai pour le primaire et cest vraiment malheureux, dans certaines zones rurales, dans certaines zones urbaines difficiles, cest vrai aussi dans certaines disciplines du secondaire. Vous savez, on a du mal maintenant en maths, très grande difficulté, du mal en lettres modernes et classiques, anglais, allemand, donc il y a des disciplines où ce sera aussi encore plus tendu que dautres pour un moment.
PATRICK COHEN
Question dEric qui revient chaque fois quil est question déducation dans cette session dinformation. Les enseignants des RASED seront-ils dune façon ou dune autre rétablis dans leur poste ?
SONIA BOURHAN
Cest ce qui avait été promis pendant la campagne de François HOLLANDE.
PATRICK COHEN
Une précision de Sonia BOURHAN. Les enseignants des RASED seront-ils rétablis dans leur poste ?
VINCENT PEILLON
Oui, sur les 1.000 postes il y en avait déjà 100, ces enseignants sont absolument utiles pour traiter la difficulté scolaire. Maintenant, comme vous le savez, il y a aussi ce nouveau dispositif du plus de maîtres que de classes, et donc nous devons organiser différemment larticulation entre le traitement de la difficulté scolaire dans la classe et hors de la classe. Et donc il y a une mission des Inspections générales qui travaille aux nouvelles définitions du métier de RASED qui rendra ses conclusions, mais je veux affirmer que ces personnels ont pleinement leur place dans linstitution scolaire, que nous les reconnaissons et, dailleurs, que les enseignants demandent à ce quils soient là, en particulier parce que nous avons un certain nombre délèves on le voit bien quand on a ces taux-là qui sont plus difficiles que dautres, et quil faut aider particulièrement.
PATRICK COHEN
Retour au standard, Fleurimon (phon) nous appelle de Marseille, bonjour.
FLEURIMON
Oui, bonjour.
PATRICK COHEN
Nous vous écoutons.
FLEURIMON
Je suis parent délève à Marseille, professeur des écoles. Et cest vrai que les difficultés de lécole, à Marseille comme ailleurs, sont multiples. Vous venez de parler des RASED ou des problèmes de remplacement, certes ! 60.000 poste sur 5 ans. Mais les besoins sont criants à Marseille, les enfants de 3 ans, avant même de parler des moins de 3 ans, ne sont pas tous scolarisés. La conférence interministérielle de novembre avait promis une scolarisation accrue dans les zones déducation prioritaires de ces moins de 3 ans, seules 5 classes ont ouvert à la rentrée de janvier, sur Marseille cest vraiment rien, cest la montagne qui accouche un peu dune souris. Mais cétait sur la réforme des rythmes scolaires que je voulais intervenir. Vous parlez dun fonds monsieur le ministre pour aider les communes dune péréquation, on lentend, mais ça ce nest prévu que pour la première année, que pour lan prochain ou en même pas pour 2014 puisque vous avez indiqué que si la réforme était reportée à 2014 dans les communes, il ny aurait pas ce fonds. Or les activités périscolaires à Marseille, on peut vous en parler parce que la priorité pour la municipalité, ce nest surtout pas lécole, elles sont vraiment médiocres. Alors peut-être que la première année il y aura un peu daide, mais les années suivantes effectivement, on est bien inquiets. Et enfin, vous avancez le second argument du taux dencadrement pour les élèves pour les enfants sur ces plans périscolaires, en augmentant de 10 à 14 enfants pour les moins de 6 ans et de 14 à 18 pour les plus de 6 ans. Mais ça, ça pose des problèmes de sécurité tout simplement monsieur le ministre, et les conditions de travail des personnels qui voient augmenter les effectifs sur ces plans-là, ce nest pas forcément non plus une bonne solution. Alors vous indiquez quau ministère de lIntérieur hier, il y a eu un vote positif, moi je me rappelle quau Conseil supérieur de lEducation tout le monde na pas validé cette réforme scolaire, au contraire il ny a eu que 5 voix pour sur plus de soixantaine. Donc je me demande si et cest la question que je vous pose vous nêtes pas tout simplement en train de faire un passage en force ?
PATRICK COHEN
Merci pour cette question. Vous voyez, ce nest pas gagné votre réforme Vincent PEILLON.
VINCENT PEILLON
Oui. Non, je ne voudrais surtout pas faire de passage en force. Cétait beaucoup dabstentions parce que quand vous accumulez des points de vue qui sont différents, on peut être contre mais on est incapables de proposer une alternative alors que tout le monde je lentends dailleurs ce matin reconnaît quil faut le faire, on ne peut pas rester dans cette situation. Donc nous avons intérêt à être intelligents ensemble. Vous avez raison, sur Marseille il y a des problèmes particuliers et vous lavez fort bien dit. Une collectivité locale qui naccorde pas la priorité à lécole, vous aurez loccasion de vous exprimer politiquement aux élections municipales. Mais lEtat, lui, le fait, et la priorité cest lécole. Vous dites « 60.000 ce nest pas assez », cest possible mais il y a beaucoup de gens qui trouvent que cest beaucoup. Et je le disais tout à lheure, jai du mal à recruter un certain nombre délèves professeurs pour venir occuper ces fonctions. Donc nous avançons comme nous le pouvons, nous ne sommes pas parfait mais nous avons une ligne, cest la priorité à lécole, cest améliorer la réussite de nos élèves, cest entraîner tout le monde autour de cela, cest bien connaître chacune des situations et chacun des points de vue, essayer de les respecter. Mais en même temps il faut avancer.
PATRICK COHEN
Question de Thomas LEGRAND.
THOMAS LEGRAND
Non, une précision sur ce que nous a dit lauditeur, 1 an alors, cette dotation nest que pour un an ?
VINCENT PEILLON
Si il faut que vous compreniez quaujourdhui, chacun cherche à obtenir à loccasion de cette réforme des avantages financiers. Et que la question qui se pose et on peut le comprendre mais la question qui se pose cest dabord de la faire, nous verrons plus tard. Aujourdhui, nous la faisons pas pour le plaisir de la faire, vous voyez ça a lair assez difficile, nous la faisons dans lintérêt des élèves. Ce fonds dincitation nétait pas un engagement de campagne alors que les 4 jours et demi létaient, donc cest en plus vous voyez. Et vous connaissez le budget de la France, vous en avez parlé à plusieurs reprises ici, cest encore 250 millions deuros que lEtat donne en plus pour lécole. Donc je crois quil faut que chacun fasse un effort. Et je voudrais juste dire ça
THOMAS LEGRAND
Donc cest un an !
VINCENT PEILLON
Cest deux ans en réalité, cest 2013-2014, 2014 pour les communes qui sont le plus en difficulté. Cest toujours cette idée de mettre largent là où on en a besoin, car peut-être il ny en a pas besoin partout, mais il faut sengager dans cette réforme. Limportant quand même si vous me permettez de dire ça, ça se dit peu cest quelle est la priorité de lEtat ? Cest lécole, est-ce que cest un effort ? Vous savez que chaque fois quon crée un poste de professeur, cest un poste dautre fonctionnaire quon supprime, il faut que chacun ait ça en tête, parce quon nest quand même pas dans une possibilité de faire des dépenses à linfini, ce serait encore une dette pour nos enfants, donc il faut que nous soyons responsables. Et si nous lEtat, nous avons accordé cette priorité, mais peut-être que dautres peuvent le faire, il y a des choix à faire aussi dans les politiques communales, on parlait de Marseille, chacun va devoir faire le choix entre un rond-point et une école. Moi je dis : la France doit investir dans sa jeunesse, dans léducation, dans la réussite éducative. LEtat prend ses responsabilités, certaines collectivités locales ont aussi à le faire à cette occasion.
PATRICK COHEN
Un rond-point ou une école, on va retenir la formule. Sonia BOURHAN.
SONIA BOURHAN
Est-ce que face cette fronde, est-ce que vous nallez pas finalement devoir revaloriser les salaires des enseignants, cest une possibilité qui vous reste peut-être !
VINCENT PEILLON
Moi ce qui mait importé, cest quon puisse avoir des enseignants, vous voyez bien que cest la question, et que là aussi on fasse en sorte que les jeunes aient envie de devenir enseignants et le puissent. Or je les ai revalorisés, car dans ce projet de loi quon a présenté hier en Conseil des ministres, on crée des écoles supérieures mais on remet lannée de stage. Lannée de stage, ça veut dire être payé à plein-temps pour faire un mi-temps, cest une revalorisation salariale. Dans le moment actuel, est-ce quelle est importante ? Elle est considérable mais elle est juste, parce quelle permet à des jeunes gens et à des jeunes filles qui veulent servir le pays, qui veulent servir les enfants, de faire ce métier. On parlait dune crise des vocations, je ne crois pas, dans toutes nos banlieues, partout on voit des gens qui ont envie dêtre enseignants. Mais on les avait découragés, la mastérisation, labsence de donc il y a une première revalorisation. Est-ce quil faudrait faire davantage ? Mais ce serait mon rêve, est-ce quon en a les moyens ? Pas pour linstant, essayons davoir des professeurs devant nos enfants, des enfants qui ont du temps pour apprendre, des professeurs bien formés et puis nous avancerons au maximum.
PATRICK COHEN
Pas pour linstant, malgré les inégalités quon connaît y compris au sein de lEurope. Vous étiez à Berlin cette semaine, vous avez pu discuter aussi avec vos homologues en charge de léducation, le salaire des profs allemands nest pas celui de nos profs en France.
VINCENT PEILLON
On a
PATRICK COHEN
Vincent PEILLON
VINCENT PEILLON
Si vous me permettez Patrick COHEN, cest un sujet important, donc on va le traiter, on a 15 % de différence sur le primaire, pas sur le reste, pas sur les fins de carrière, donc sur les débuts de carrière
PATRICK COHEN
Sur le secondaire cest le double pratiquement.
VINCENT PEILLON
Non, non, ce nest pas exact. Deuxièmement, il faut que vous regardiez quand vous regardez le salaire, parallèlement les obligations de service, c'est-à-dire ce quon demande aux uns et aux autres, car sinon on ny comprend pas grand-chose. Moi je veux ouvrir et donc combien dheures on fait, quels sont les déroulements de carrière, et moi je veux ouvrir une grande négociation sur le métier denseignant, car je pense quil faut une revalorisation et la formation en fait partie. Et je voudrais vous dire une chose sur cette discussion sur le temps scolaire, cest la première fois quon a mené avec les enseignants précisément une grande négociation sur leur temps de travail, car les enseignants du primaire et peut-être certains ne le savent pas font 24 heures devant les élèves et ils ont 3 heures à côté de ça pour faire de laide individualisée, pour faire un certain nombre de choses. Ces 108 heures annuelles, nous les avons revues et nous avons permis quils aient plus de formations continues et plus de temps pour travailler ensemble à la réussite des élèves. Ça a été salué par toutes les organisations syndicales. Le métier denseignant a changé, il faut le prendre en compte et là, nous avons réussi une première négociation.
PATRICK COHEN
Vous allez publier un livre programme bientôt sur la
VINCENT PEILLON
Je vais continuer dessayer dexpliquer pourquoi la France doit
PATRICK COHEN
Avec un livre ?
VINCENT PEILLON
Accorder la priorité à lécole, et donc entre Noël et le Nouvel an jai essayé de mettre ça sur le papier.
PATRICK COHEN
Et ça sera dans les prochaines semaines.
VINCENT PEILLON
Oui.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 29 janvier 2013