Extraits d'un entretien de M. Pascal Canfin, ministre du développement, avec LCI le 5 février 2013, sur l'intervention militaire et l'aide au développement de la France au Mali.

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Texte intégral

Q - Vous étiez avec François Hollande, ce week-end, au Mali.
R - Samedi, oui.
Q - Est-ce que c'était le plus beau jour de votre vie politique ?
R - Oui.
Q - Ah oui ?
R - Comme le président l'a dit aussi pour lui-même, nous avons touché du doigt la libération et la liberté. On ne touche pas tous les jours du doigt la liberté. On a rencontré des gens, des femmes notamment, à Tombouctou par exemple, qui nous disaient : «cela fait plusieurs mois que nous ne pouvions pas nous habiller comme nous le souhaitions», des hommes qui nous disaient : «nous ne pouvions plus chanter, jouer de la musique dans la rue», désormais maintenant, ils peuvent le faire. Mais le temps est dorénavant celui du développement. Par exemple, à Tombouctou, il n'y a pas d'eau, pas d'électricité. La liberté est certes retrouvée, mais à côté de l'intervention militaire, il faut gagner la paix, et gagner la paix...
Q - Combien la France va-t-elle payer pour ce développement ?
R - Gagner la paix passe par le dialogue politique. Cela, c'est la responsabilité des Maliens, et c'est effectivement la reprise de l'aide publique au développement. Le précédent gouvernement, au moment du coup d'État au Mali en mars dernier, avait gelé les crédits d'intervention au Mali, soit 150 millions d'euros. Nous allons, donc, les reprendre progressivement. Bien évidemment, nous n'allons pas le faire seuls, et je vais d'ailleurs aujourd'hui à Bruxelles, pour travailler avec mes collègues européens sur ces sujets.
Q - Et le financement total sera de l'ordre de 500 millions par an, c'est ça ?
R - Nous allons voir l'ensemble des donateurs et nous allons organiser, je pense, dans les prochaines semaines, dans les prochains mois, des évènements publics qui vont permettre de mobiliser la communauté internationale. C'est notre responsabilité pour le moyen terme. A court terme, ma responsabilité par exemple, c'est de lister les urgences absolues au Mali, comme remettre l'eau, remettre l'électricité à Tombouctou. La France a aussi cette responsabilité avec la Communauté internationale, avec l'Union européenne, d'avoir agi sur l'ensemble des dimensions. Évidemment, la libération par l'intervention militaire, il fallait le faire, sinon le Mali, aujourd'hui, serait prisonnier d'un groupe de terroristes. Nous avons bien fait de le faire, c'était indispensable, maintenant il faut gagner la paix.
Q - Mais pour maintenir la paix, justement, et gagner la paix, il faut que les soldats français restent longtemps, le temps que les Africains aient les moyens de maintenir la paix là-bas.
R - C'est en cours, c'est-à-dire que les soldats africains - dont on nous avait dit qu'il faudrait des mois pour qu'ils arrivent - sont en train d'arriver...
Q - Ils ne sont pas encore assez nombreux, il faut que d'autres soldats européens arrivent, cela sera le cas à la mi-février, pour les encadrer.
R - Ce qui arrive, mi-février au niveau européen, ce sont des formateurs...
Q - Oui, les formateurs, ce sont ceux, en fait, qui sont les vrais combattants.
R - Les soldats africains arrivent, ils vont occuper l'ensemble du Sud avec l'armée malienne, pour pouvoir continuer la sécurisation. Ensuite, nous, nous finissons notre responsabilité, c'est-à-dire assurer l'intégrité du territoire malien...
Q - Combien de temps ?
R - Parce que nous sommes aujourd'hui dans le Nord. Je ne sais pas, cela dépendra de la situation sur le terrain. Comme l'a dit le président de la République à Bamako, nous n'avons pas vocation à rester durablement au Mali.
Q - Oui, mais c'est-à-dire, à peu près combien de temps ? On peut penser qu'à la fin de l'année...
R - Vous savez, nous sommes dans une opération militaire. Qui peut le prédire ? On est sur les principes. Le principe c'est qu'il fallait stopper la descente au Sud des terroristes c'est fait. Il fallait regagner l'intégrité du territoire malien, c'est en cours d'être fait. Ensuite, lorsque cela sera terminé, nous pourrons nous retirer progressivement.
Q - Est-ce que les réfugiés sont en train de revenir, déjà ?
R - Pas encore, parce que justement la situation n'est pas complètement stabilisée, mais nous suivons...
Q - Parce qu'ils ont encore peur, en fait.
R - Nous suivons cela. De quoi ont-ils peur ? Ils ont peur, potentiellement, des exactions contre, notamment, les Touaregs.
Q - De l'armée malienne ou des Maliens ?
R - De certains Maliens, de certaines parties de l'armée malienne contre les Touaregs. C'est la raison pour laquelle nous suivons cela de très près. C'est un message que nous faisons passer en permanence et que le président du Mali, M. Traoré, a repris également dans son discours à Bamako. C'est pour cela que j'évoquais les deux éléments pour gagner la paix : la question du développement qui relève de la responsabilité de la Communauté internationale, et la question du dialogue politique qui relève de la responsabilité des Maliens.
(...).
source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 février 2013