Déclaration de M. Pascal Canfin, ministre du développement, sur les financements innovants en faveur du développement, à Helsinki le 6 février 2013.

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Circonstance : 11ème session plénière du groupe pilote sur les financements innovants, à Helsinki (Finlande) le 6 février 2013

Texte intégral

Mesdames, Messieurs les Ministres, Chère Heidi,
Mesdames, Messieurs,
Je tiens à remercier chaleureusement la Finlande qui nous accueille aujourd'hui pour la 11ème session plénière du Groupe pilote sur les financements innovants. C'est en tant que Secrétariat permanent de ce groupe, que la France a l'honneur d'ouvrir cet événement. La présidence finlandaise, représentée par Mme Heidi Hautala, a mené un excellent travail au cours de ce semestre autour d'une feuille de route ambitieuse, articulée notamment autour de la clarification du concept de financements innovants et leur relation à l'aide publique au développement, l'évaluation de l'allocation des fonds levés grâce aux mécanismes de financement innovant, et la lutte contre les flux financiers illicites.
Je me félicite d'ailleurs que ce dernier sujet ait été ajouté à l'ordre du jour de notre journée. Nous devons aussi avoir pour ambition de mettre les flux financiers - qui aujourd'hui échappent au pays du sud - au service du développement. Cela passe par un renforcement des administrations au sud, notamment les administrations fiscales. La France s'est d'ailleurs engagée à soutenir l'initiative de l'OCDE «inspecteur des impôts sans frontières». Cela passe aussi par une plus grande transparence des recettes tirées du secteur extractif. L'Union européenne est en passe de mettre dans sa législation l'obligation de transparence des paiements aux autorités publiques pays par pays et projet par projet pour l'ensemble de ses entreprises extractives et forestières. Je me réjouis d'ailleurs que les britanniques aient fait de la transparence une priorité de leur présidence du G8 car les flux privés dépassent largement les montants consacrés à l'aide publique au développement. Mettre les flux financiers au service du développement est donc une forme particulièrement puissante de financement innovant.
Nous sommes aujourd'hui confrontés au double défi de la lutte contre la pauvreté et du développement durable. Pour financer cet agenda, nous aurons besoin de nouvelles sources de financement, nous aurons également besoin de renforcer les ressources propres des pays en développement.
La présidence finlandaise a souhaité donner un nouvel axe au programme de travail du Groupe pilote : l'agenda post-2015 du développement. Grâce à l'impulsion politique de Mme Heidi Hautala et l'expertise technique du Programme des Nations unies pour le Développement (PNUD), une réflexion a pu être entamée sur les modalités d'une future contribution du Groupe pilote aux travaux en cours sur le nouvel agenda du développement. L'événement organisé à New York en décembre 2012 a permis d'avancer en ce sens en réaffirmant que les financements innovants font nécessairement partie des moyens de mise en oeuvre de l'agenda post-2015, bien évidemment en complément et non pas en substitution de l'aide publique au développement (APD). J'ai la conviction que le groupe pilote doit pleinement s'engager dans cette réflexion pour faire des financements innovants un élément déterminent du nouvel agenda du développement. Concrètement, ce groupe pilote a promu la taxe sur les billets d'avion pour financer des actions dans le domaine de la santé. Demain, nous pourrions promouvoir une contribution du secteur maritime par exemple pour financer l'adaptation au changement climatique. Nous aurons besoin de toutes les initiatives innovantes, avec les pays du Nord comme les pays du Sud, avec les acteurs privés comme publics, pour financer ce nouvel agenda du développement.
Il est de notre devoir collectif de poursuivre le plaidoyer en faveur de l'ensemble des initiatives existantes de financements innovants : ce «menu d'options» qui a permis de lever environ 6 milliards d'Euros depuis 2006, en complément de l'aide publique au développement et je me permets d'insister sur l'importance de communiquer de manière pédagogique auprès de la communauté internationale sur les différentes options de financements innovants car ces financements ne se limitent pas aux mécanismes de taxation. S'il est vrai que ces mécanismes de taxation contribuent à lever des fonds significatifs pour le développement, d'autres options appartenant à la famille des «garanties» ont également fait leur preuve et je pense en particulier aux Garanties d'achats futurs, qui ont permis de financer un vaccin contre les infections à pneumocoques. Mais aussi à la Facilité financière internationale pour la vaccination (l'IFFIm) que de nombreux États présents ici ont appuyée financièrement. Nous aurons cet après midi l'occasion d'entendre des témoignages et retours de terrain sur l'efficacité de ces mécanismes. Nous aurons également l'occasion de discuter de l'extension de ces mécanismes à l'agriculture. La task-force «agriculture, sécurité alimentaire et nutrition» a favorisé, sous l'égide de la présidence malienne, la production d'un rapport d'experts. Je me félicite que le Mali puisse aujourd'hui présider le segment dédié à l'étude des conclusions du rapport. Assurer la sécurité alimentaire du Sahel est aussi un des enjeux pour gagner la paix dans la région et vous le savez, la France est particulièrement engagée. Parmi les recommandations formulées par les experts, deux mesures retiennent particulièrement mon attention :
La première mesure ce sont ces mécanismes de garantie au profit des produits nutritionnels, sur le modèle des Garanties d'achats futurs qui ont fait leurs preuves dans le domaine de la vaccination.
La seconde c'est favoriser la possibilité pour les migrants de financer l'investissement agricole dans leur pays d'origine. Cette proposition doit bien évidemment être approfondie. Les transferts des migrants s'élevant à près de 400 milliards de dollars en 2011, ils constituent une ressource financière considérable pour le développement.
Je souhaite que les débats que nous aurons cet après-midi sur le rapport permettent de discuter la pertinence et la faisabilité de ces propositions.
Les taxes de solidarité pour le développement, appuyées sur les activités ayant le plus bénéficié de la mondialisation, méritent aussi d'être mises en lumière. En premier lieu, j'ai le plaisir d'annoncer que les recettes de la taxe sur les billets d'avion, instaurée en France depuis 2006 au profit d'UNITAID et du Fonds mondial, ont atteint, de manière cumulée, la barre symbolique d'1 milliard d'Euros en 2012. Je salue les nombreux États membres du Groupe pilote qui ont adhéré à ce mécanisme, en particulier les partenaires africains, qui, par la création de cette taxe au niveau national, participent à la réalisation d'un des grands principes à l'origine des financements innovants : l'implication des pays bénéficiaires dans les stratégies de mobilisation de financements pour le développement.
De la même manière, le secteur maritime pourrait demain contribuer au financement de l'adaptation au changement climatique. Nous le savons, les conséquences du changement climatique risquent d'être terribles pour les pays en voie de développement. La banque mondiale n'a pas hésité à décrire comme cataclysmiques les conséquences du réchauffement climatique pour les pays les plus pauvres qui sont aussi les plus vulnérables. Tous les progrès réalisés lors des dernières décennies en matière mortalité infantile ou de sécurité alimentaire pourrait ainsi être annulés.
Par ailleurs, d'importants progrès ont été réalisés ces derniers mois dans l'acceptation de la taxe sur les transactions financières comme moyen de financer le développement. Conformément aux engagements du président de la République, la France a affecté une partie des recettes de la TTF française, entrée en vigueur le 1er août 2012, à la lutte contre le changement climatique et à la santé, en particulier la lutte contre les grandes pandémies. L'instauration d'une TTF à plus large échelle reste parmi les priorités de la France, en particulier au niveau européen. Grâce à la mobilisation d'un groupe de 12 États européens pionniers, une TTF européenne verra le jour dans les mois à venir par le biais d'une coopération renforcée, ce qui a été validée par les ministres des finances le 22 janvier dernier. Nos efforts doivent néanmoins se poursuivre pour faire en sorte que ce mécanisme de taxation des transactions financières bénéficie en partie à la solidarité internationale. La France s'attache à sensibiliser ses homologues européens à l'importance d'une telle affectation. Je compte sur de nombreux partenaires ici présents, en particulier issus de la société civile, pour continuer leur excellent travail de plaidoyer en faveur de la TTF.
Mesdames, Messieurs, en tant que Secrétariat permanent, la France invite les membres du Groupe pilote à se mobiliser pour préciser ensemble le rôle que pourra jouer ce Groupe dans la réflexion sur la suite de Rio plus 20. Ma conviction, elle est simple : le Groupe pilote a indéniablement une expertise à partager pour identifier les sources de financement les plus prometteuses et les plus adaptées au contexte du post-2015. Faire valoir cette expertise auprès de la communauté internationale devra faire partie des priorités de la prochaine présidence du Groupe pilote. Je préconise en particulier la création d'un groupe de travail pour porter ensemble un projet de résolution spécifiquement dédié aux financements innovants lors de la 68ème Assemblée générale des Nations unies. À la suite de la conférence de Rio+20, un Comité intergouvernemental sur le financement du développement durable est actuellement en train de se constituer. Une participation d'un ou plusieurs membres du Groupe pilote à cet organe dédié aux moyens de mise en oeuvre de l'agenda post-2015 permettrait, je le pense, de s'assurer du portage de nos messages auprès de la communauté internationale et de notre expérience.
Nous avons la chance aujourd'hui de compter la présence de nombre de nos partenaires africains. Je salue la présence des ministres du Nigéria, de la Guinée, du Bénin, de la Mauritanie et de la République du Congo. Votre éclairage de pays à la fois promoteurs, praticiens et bénéficiaires des financements innovants, sera, j'en suis convaincu, essentiel pour enrichir nos débats. Je salue à ce titre le souhait de l'Union Africaine de devenir membre du Groupe pilote. Je salue également le projet de conférence africaine sur les financements innovants proposé par la Guinée et j'invite tous les membres du Groupe pilote à soutenir cette initiative.
Pour conclure, je souhaitais une nouvelle fois rappeler l'importance des financements innovants pour financer le nouvel agenda du développement qui devra concilier lutte contre la pauvreté et développement durable. Ce nouvel agenda, il est ambitieux, ce nouvel agenda, il est innovant. C'est pourquoi nous devrons être ambitieux et innovants et c'est précisément la fonction de ce groupe pilote.
Je vous remercie.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 février 2013