Interview de M. Jean-Marie Le Pen, président du Front national pour l'unité française, à France 2, le 9 février 2001, sur les objectifs de son parti pour les élections municipales et les thèmes de sa campagne électorale.

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Média : France 2 - Télévision

Texte intégral

.-M. Le Pen (FN)
France 2 - 7h50
Le 9 février 2001
G. Morin Le Front national que vous présidez dispose de très peu de maires de grandes villes. Quels sont vos espoirs et vos objectifs pour ces municipales à venir ?
- "Il nous en reste un : d'abord, c'est de les garder et peut-être d'en obtenir quelques autres. Il y a un certain nombre d'endroits où peut-être aurons-nous une bonne surprise."
Celui qui vous reste, c'est Orange, avec J. Bompard ?
- "Oui, c'est ça. Le Front national n'est pas à proprement parler une formation à vocation municipale, à vocation de gestion. Disons que c'est un mouvement plus politique que ne le sont les mouvements classiques."
Et pourtant, là où vous avez eu des élus, cela a fait du bruit ! Cela a même fait des dégâts, ne serait-ce qu'avec des mesures locales qui ont été prises vis-à-vis de certaines personnes ?
- "Cela a fait beaucoup de bruit dans la mesure où nos adversaires ont nié le résultat des élections et ont violé la règle démocratique en essayant, dans la rue, de repousser en quelque sorte ce qu'avaient voulu les électeurs."
Dans certains cas, c'est vous qui avez perdu vos propres mairies : je pense à Toulon, à Vitrolles...
- "On peut perdre par trahison. Le pouvoir corrompt, on le sait !"
Peu d'espoir finalement parce que ce n'est pas vraiment votre tasse de thé ?
- "Si, nous jouons un rôle dans les conseils municipaux. L'opposition est une nécessité, on l'a vu. Par exemple, en 1990, c'est un conseiller régional du Front national qui a soulevé le problème du scandale des détournements d'Ile-de-France."
Avec les constructions d'établissements scolaires ?
- "Absolument. Nous avons donc la possibilité, comme conseillers municipaux, de surveiller ce qui se passe, de le dénoncer. Je signale d'ailleurs que nous avons quitté les commissions d'appels d'offre, parce que nous estimions qu'elles ne remplissaient pas les conditions d'un contrôle démocratique véritable."
Quel regard avez-vous sur la situation à Paris, où vous avez bien sûr des listes, avec notamment un certain C. De Gaulle ?
- "Oui, avec un C. De Gaulle, d'ailleurs, dont je vous remercie de parler, parce qu'à ma connaissance, on n'en parle pas beaucoup dans les médias, il n'est pas beaucoup invité, alors qu'il a des choses à dire..."
Vous pensez qu'il peut bien les dire ? Parce qu'on dit en général...
- "La meilleure manière est de l'inviter, comme on le sait, c'est un véritable test, ce sera un examen. C'est un député, il parle très bien au Parlement européen, il est tout à fait compétent."
Pour Paris, comment voyez-vous les choses avec cette bataille entre droite et gauche ?
- "La droite aura fait ce qu'elle aura pu pour perdre, et cela peut avoir pour elle des conséquences très importantes, notamment dans le domaine judiciaire, on le sait."
A Lyon, Millon aurait-il besoin de votre aide ?
- "Monsieur Millon s'en arrangera avec monsieur Gollnisch. Mais les jeux sont faits de ce côté-là. Monsieur Millon veut bien accepter les voix, mais à condition de pouvoir insulter les électeurs qui les lui ont données. Nous ne marchons évidemment pas dans ce genre de raisonnement. Je précise d'ailleurs, puisque vous parlez de Paris, qu'il est démontré dans les sondages - pour autant qu'ils soient crédibles bien sûr - que le Front national est la seule force d'opposition nationale, et que les candidats MNR et monsieur Mégret font en général 1 % des voix. Il apparaît clairement qu'ils ne sont là que pour gêner le Front national."
Le thème que vous mettez en avant pour cette campagne, c'est comme beaucoup de gens à droite, celui de l'insécurité ?
- "D'abord. Mais il y a aussi la corruption, et d'ailleurs nous organisons demain, place Saint-Sulpice, une grande manifestation contre la corruption, et nous pensons pouvoir permettre aux gens d'exprimer leur ras-le-bol de cette espèce de corruption généralisée. S'il y avait 1 000 juges d'instruction, il y aurait 100 000 hommes politiques et fonctionnaires qui seraient mis en examen. On ne connaît que quelques grandes affaires, parce que le nombre de magistrats est limité. La corruption est devenue chez nous aujourd'hui un phénomène structurel. La bande des quatre, qui est complice dans tout cela - ils sont très solidaires -, a organisé de surcroît le monopole médiatique, la confiscation des moyens médiatiques, de façon à empêcher les gens qui, comme nous, pourraient apporter une critique, de la faire."
Et les moyens donnés à la justice ou la police, pour la prévention, pour la proximité ne vous paraissent pas efficaces ?
- "C'est autre chose, c'est un problème de sécurité. La sécurité est la première des libertés et la première des égalités. La première des libertés, car elle est constitutionnelle. La première des égalités, parce que sans elle, il est évident que les pauvres, les faibles, sont évidemment les premières victimes de l'insécurité. Il y a bien sûr des mesures positives à prendre immédiatement, puisqu'on a laissé l'affaire aller jusqu'à un pourrissement redoutable. Mais il y a d'autres méthodes. Il faut augmenter le nombre des fonctionnaires de police, en notant au passage qu'il y a 117 000 fonctionnaires de police et qu'il y en a 20 000 sur le terrain. Il faudrait peut-être aussi redistribuer les forces policières."
Il faudrait moins d'infirmières, moins d'instituteurs ?
- "Non, pas du tout, on ne demande pas aux infirmières d'être policiers ! S'il est nécessaire, on peut recruter. Mais il y a d'autres raisons. Il y a des phénomènes de fond. Il y a d'abord le problème de l'immigration qu'il faut résoudre, car il est un des éléments constitutifs de l'insécurité, bien que les tribunaux condamnent ceux qui, comme nous, osent le dire."
Vous ne changez pas d'avis sur cette question ?
- "Il est interdit d'en parler ! Ce n'est pas la seule raison. Il a aussi la nécessité de réorganiser l'éducation civique dans la famille par une politique familiale qui permette aux parents de faire l'éducation de leurs enfants ; à l'école, où très évidemment, elle a cessé de jouer son rôle ; dans l'armée, on a supprimé le service militaire... Il y a donc beaucoup de réformes à faire, y compris celle de la justice, celle de la police, de l'administration pénitentiaire. C'est dire que c'est une réforme fondamentale qui est à faire pour donner aux Français la sécurité."
Serez-vous candidat à la présidentielle en 2002, est-ce que ce sera la dernière et qui vous succédera ?
- "Si Dieu le permet, je le serai."
Et Gollnisch sera votre successeur à la tête du Front national ?
- "Peut-être, s'il le souhaite. Il est en tous les cas pour l'instant, naturellement, par ses fonctions et ses qualités, le mieux placé pour me remplacer si besoin était."
Dernière chose : vous n'avez pas réagi à l'élection d'A. Sharon en Israël. Est-ce un homme qui vous plaît ?
- "Je me dis que l'élection d'un homme d'extrême droite fait moins de bruit en Israël qu'elle ne l'a fait en Autriche."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 9 février 2001)