Déclaration de M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre, sur la mise en oeuvre du dispositif des emplois d'avenir professeur (EAP), à Reims le 14 février 2013.

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Circonstance : Signature des emplois d’avenir professeur (EAP) au lycée Colbert, à Reims (Marne) le 14 février 2013

Texte intégral

Madame le maire,
Chère Adeline,
Merci beaucoup de votre accueil. Je suis heureux d'être là à l'occasion de ce déplacement avec le ministre de l'Éducation nationale, Vincent Peillon, et la ministre déléguée, George Pau-Langevin, chargée de la réussite éducative. Donc, comment venir à Reims sans passer par la mairie et sans répondre à cette invitation ? Et c'est pour moi l'occasion de vous saluer, vous tous et toutes, vous saluer, Monsieur le préfet, puisque vous venez d'arriver. Donc je vous souhaite bon succès ici. Et puis je voudrais, bien sûr, saluer les parlementaires, Madame, Messieurs, les députés et puis saluer le président de la région, du département, tous les élus et toutes les personnalités présentes.
C'est la deuxième fois en quinze jours qu'avec Vincent Peillon, nous allons sur le terrain pour manifester une conviction, c'est que pour réussir le redressement du pays, le remettre pleinement sur les rails, pour que la France soit plus forte au fond mais qu'elle voie l'avenir avec davantage de confiance, ça ne peut pas se faire si l'école n'est pas au cœur de la mobilisation.
Et donc ce que nous avons fait la semaine dernière, il y a quinze jours, c'était une visite dans une école de la banlieue de Paris qui prépare dans la concertation la réorganisation des rythmes scolaires. Et aujourd'hui, au lycée Colbert de Reims, c'est pour voir concrètement ce qu'il est possible de faire pour aider des jeunes qui ont choisi de devenir professeurs à réussir leur parcours. Comment réussir leur future formation ? Comment réussir le futur concours dans les écoles supérieures de professorat qui vont être mises en place avec l'université ? Et comment permettre à des jeunes de milieu modeste d'accéder à une formation de cette qualité en faisant repartir l'ascenseur social qui est en panne ?
Nous avons décidé, avec Vincent Peillon, d'utiliser les emplois d'avenir. Vous y avez fait allusion Madame le maire, les emplois d'avenir – et je sais l'engagement qui est celui de la ville de Reims comme de beaucoup d'autres collectivités –, c'est de permettre à des jeunes qui sont les plus éloignés de l'emploi de pouvoir accéder à l'emploi. L'objectif que nous nous sommes fixés à l'échelle nationale, ce sont cent mille en 2013. Il va falloir se mobiliser pour y parvenir mais vous y contribuez et je tiens à vous en remercier.
Nous avons décidé, avec Vincent Peillon, qu'une partie de ces emplois d'avenir serait réservée à des jeunes, justement, qui veulent devenir professeurs, de milieu modeste, ce qui leur permettra une autonomie sociale et de réussir un parcours.
En visitant ce lycée, en rencontrant Monsieur le recteur – et je vous en félicite – et les chefs d'établissement, en rencontrant les enseignants, ce futur professeur, mais aussi en discutant avec les parents d'élèves, bien sûr qu'il y a beaucoup de choses qui marchent à l'école. 80 % des enfants réussissent donc il ne s'agit pas de décrire dans notre pays un paysage apocalyptique, que tout avant nous aurait été mal fait, que rien n'aurait été fait du tout. Ce serait injuste, ce ne serait pas vrai. Et en même temps, nous devons, nous avons le devoir de constater ce qui ne marche pas et qui n'est pas conforme à nos valeurs républicaines d'égalité, c'est-à-dire que ne pas accepter que 20 % des enfants échouent à l'école – et cela démarre dès l'école primaire –, c'est une volonté politique forte que je souhaite voir largement partagée. Et je crois qu'elle peut l'être.
Mais c'est vrai que nous n'obtiendrons pas des résultats en un jour. Et je sais, par exemple, que la réorganisation des rythmes scolaires, alors qu'ils avaient été changés en 2008 de façon autoritaire, sans concertation, cela ne peut pas marcher s'il n'y a pas suffisamment de temps de pris.
Alors le Gouvernement a dégagé un crédit de deux cent cinquante millions d'euros pour aider les communes dès 2013. Et puis c'est aux maires – et nous leur faisons confiance –, ici, à Reims comme ailleurs, pour organiser la concertation au plus proche du terrain, là où sont les écoles, là où sont les enseignants, là où sont les parents, là où sont les associations qui vont et qui font déjà amplifier l'offre de qualité pour le périscolaire (l'accès à la culture, l'accès au sport, aux activités en dehors du temps scolaire) mais tout en prenant en charge l'enfant. Cela ne s'improvise pas. Je le répète, je fais confiance aux maires. Réussir si possible dès 2013 –c'est notre ambition – et s'il faut un peu plus de temps, d'ici 2014.
Mais cette ambition, nous devons la faire partager parce qu'elle va bien au-delà de la question des rythmes scolaires. C'est la question de la réussite des enfants et c'est un devoir national ! On n'a pas le droit d'hésiter ! Non pas sur le temps qu'il faut pour réussir, mais sur l'ambition ! Et là, je m'adresse à toutes les sensibilités politiques. Vous savez très bien que pour un parent, le plus important, c'est que son enfant réussisse. Là où les conditions ne sont pas réunies, il faut les réunir. C'est pour cela qu'y compris, alors que le gouvernement a le devoir de lutter contre la dette, contre les déficits et qu'il faudra bien les réduire parce que c'est une question d'indépendance, une question de souveraineté et que c'est difficile parce que la croissance n'est pas là ni en France ni en Europe ni dans le monde. En tous cas, elle est trop faible. Mais cet objectif, ce cap, doit être maintenu ! Et en même temps, ça ne veut pas dire qu'on ne fait plus rien, ça ne veut pas dire qu'on abandonne toutes les politiques publiques.
Comme le disait Mendès-France, gouverner, c'est choisir. Et bien, nous avons choisi des priorités. Et parmi les priorités, il y a évidemment l'éducation. C'est très important de le rappeler. Alors, ce qui fait que, parfois – et je le sais bien que des demandes sont formulées, que des élus viennent avec tel ou tel projet, telle ou telle demande et là, je dis : "Oui, ça peut se faire. Vous êtes dans les priorités. Là, on attendra un peu parce que ce n'est pas dans la priorité du moment."
L'autre priorité – et vous avez eu raison de le dire Madame le maire –, c'est l'emploi. Je tiens à rappeler, nous avons mis en place les outils. Les outils sont là et je voudrais simplement les rappeler. Le crédit d'impôt compétitivité-emploi, qui représente une aide aux entreprises d'environ vingt milliards d'euros – c'est considérable ! –, va permettre aux entreprises qui pourront en bénéficier dès cette année – préfinancé par la Banque publique d'investissement qui est aussi un autre outil que nous avons mis en place –, va permettre de donner aux entreprises des marges de manœuvre qu'elles ont parfois perdues ou qui sont insuffisantes pour leur permettre de réinvestir, de réembaucher, d'innover parce que c'est la compétitivité des entreprises qui est en jeu !
Et ce crédit d'impôt, je constate qu'il n'est pas assez connu. Je vous en parlais tout à l'heure Monsieur le préfet, mais je ne vous en fait pas grief, ça fait dix jours que vous êtes là. Lors d'une réunion avec les préfets, je vous ai tous demandé : expliquez, expliquez. Et je le dis aussi aux parlementaires. On a besoin de ce travail de pédagogie pour aller expliquer à ceux qui sont concernés parce que je constatais encore il y a quelques jours que la majorité des entreprises ne savaient pas qu'elles pouvaient bénéficier de cette disposition. Et quand elles en ont pris connaissance, alors elles disent : "Ça va nous aider." Oui ! Et nous sommes là pour aider. Mais en même temps, on ne fera pas à leur place mais nous sommes là pour expliquer. Je profite donc de cet instant pour le faire à nouveau.
Donc les outils sont là. Celui-là, ce crédit d'impôt compétitivité-emploi, il s'inscrit dans un vaste plan qui est le pacte qui comprend trente-cinq mesures avec l'idée d'améliorer la compétitivité de nos entreprises, pas simplement au niveau du coût, mais au niveau de l'organisation en filières plus performantes, la montée en gamme, tout ce qui peut aider l'entreprise à réussir, mieux former son personnel. Et là, évidemment, la région joue un rôle et elle est appelée à en jouer un encore davantage avec la réforme de la décentralisation. Et je remercie les Conseils régionaux pour tout ce qu'ils font en matière de formation. C'est ça le pacte ! La banque publique d'investissement.
Et puis la réforme bancaire qui est à l'ordre du jour du Parlement en ce moment. Cette réforme bancaire a un objectif simple : séparer dans la gestion des banques ce qui relève du dépôt de tous ceux qui font appel ou qui déposent leurs avoirs dans les banques, pour mettre cet argent au service de l'économie, au service de l'investissement, au service de l'emploi et de les distinguer de tout ce qui peut apparaître plus hasardeux et plus spéculatif. Cette réforme va être votée.
Ce matin, il y avait une autre réforme qui a été votée largement d'ailleurs après le Sénat à l'Assemblée nationale, ce sont les contrats de génération. Le contrat de génération s'adresse aux entreprises. Et là encore une mesure ! Pour les entreprises de moins de trois cents salariés, c'est une aide quatre mille euros qui vient s'ajouter encore à d'autres dispositifs et qui a pour objectif de maintenir dans l'emploi des seniors qui ont encore toute capacité à travailler et en tout cas à transmettre leur expérience. Et c'est la belle idée du contrat de génération que le président de la République avait proposé pendant sa campagne électorale et qui vient d'être voté ce matin. On peut la mettre en œuvre tout de suite avec, d'un côté, le maintien dans l'emploi d'un senior, de l'autre côté, l'embauche d'un jeune en CDI. Et puis, évidemment, les choses se passeront mieux pour insérer ce jeune de façon efficace dans l'entreprise Quatre mille euros pour les entreprises de moins de trois cents salariés. Mais c'est une aide très importante et c'est un plus considérable ! Il faut s'en saisir.
Les emplois d'avenir - je compte sur vous, je compte sur les communes, je compte sur les associations, je compte sur les Conseils généraux, les Conseils régionaux - parce que nous avons le devoir de tout faire dans la bataille pour l'emploi. Les contrats d'avenir, les contrats de génération, les emplois aidés, vous me direz : "Oui, mais c'est d'abord la croissance." N'opposons pas l'un à l'autre ! Quand on est dans une situation où, depuis cinq ans, le chômage a augmenté d'un million, un million de chômeurs supplémentaires, là, nous n'avons pas à hésiter ! Il faut mener la bataille sur les deux fronts. C'est-à-dire à la fois tout faire pour recréer les conditions de la croissance, de la compétitivité, mais en même temps, sans attendre, mettre en œuvre toutes les mesures qui vont permettre de traiter telle ou telle situation humaine de jeunes en difficulté et qui, pourtant, ont des capacités. Ce sont les emplois d'avenir, ce sont les contrats de génération, c'est l'ensemble du système des emplois aidés.
Donc, je voudrais vous appeler à la mobilisation générale, vous dire que cette bataille pour l'emploi, ce n'est pas la bataille du gouvernement tout seul, ce n'est pas la bataille d'un parti politique tout seul ou ceux de la majorité, c'est la bataille de la France. Je l'ai dit encore aujourd'hui et l'autre jour à l'Assemblée nationale. Pourquoi je dis ça ? Parce que je sais que vous êtes dans une région où il y a des choses qui marchent bien, mais des choses aussi qui marchent moins bien. Nous en parlions avec vous et avec Monsieur le président du Conseil régional il y a quelques instants, après cette visite au lycée Colbert.
Oui, mais justement, raison de plus ! Les uns et les autres, quelle que soit notre sensibilité, notre choix politique, on nous demandera des comptes ! En tant que chef du gouvernement, j'assume mes responsabilités, j'assume mes devoirs sans hésiter parce que je sais que c'est la mission qui est la mienne donc je n'ai pas de doute sur ce que j'ai à faire. Mais il faut aider les Français à retrouver, lorsque c'est nécessaire, le moral, l'énergie qu'il faut parce qu'elle existe cette énergie, elle est partout ! C'est à nous de la mettre en mouvement, de la mettre en œuvre.
Il faudrait presque dire à chacun : "Retroussons nos manches." C'est une image peut-être un peu vieillotte, diront certains. Mais oui, parce que sans effort, on n'y arrivera pas. Sans solidarité, on n'y arrivera pas non plus. Et sans volonté, fierté aussi pour notre pays parce que la France, c'est un grand pays. Vous êtes sur une terre d'histoire, d'une grande histoire ! Il n'y a pas si longtemps, le président de la République, François Hollande, et Angela Merkel se retrouvaient cinquante ans après le général de Gaulle et Conrad Adenauer. Toute cette histoire qui est aussi l'histoire de la France et qui est aussi l'histoire de l'Europe.
Et c'est aussi, l'histoire de la France, le combat pour des valeurs. Des valeurs qui nous rassemblent au-delà de ce que nous sommes les uns et les autres individuellement, c'est-à-dire des valeurs républicaines, des valeurs profondes, des valeurs qui font l'honneur et qui font la réputation de la France. Croyez-vous que lorsque le président de la République, après avoir réuni le Conseil de défense, a décidé de prendre cette décision grave d'engager nos forces au Mali, c'était pour des raisons comme ça ordinaires ? Ce n'est parce que nous voulons rester fidèles à ce que nous sommes ! Et nous avons été appelés au secours par un État souverain, un chef d'État, avec l'appui de tous ses voisins et qui voulaient dire non au terrorisme, oui à la liberté, oui à la reconstruction politique et démocratique du Mali ! Et nous sommes allés porter secours dans le cadre de la charte des Nations unies uniquement pour cela avec, évidemment, la volonté d'aider mais aussi de repartir et de retrouver, évidemment, pour nos soldats auxquels je tiens encore à nouveau à rendre hommage, évidemment, notre patrie.
C'est ça ce que nous avons à faire ! Mais quand la France fait ça, qu'elle est capable d'être elle-même, eh bien elle est aimée dans le monde, mais elle sera davantage aimée encore si nous aidons les Français là où nous vivons, là où nous essayons de construire un avenir, à faire en sorte que cet avenir soit meilleur et soit plus juste. C'est notre responsabilité. Si je suis venu vous dire ces quelques mots, c'est vous dire ma confiance dans les capacités de notre pays à réussir si nous allons à l'essentiel et vous dire, Mesdames et Messieurs les élus, Mesdames, Messieurs les chefs d'entreprise, Mesdames, Messieurs les responsables d'associations, Mesdames et Messieurs du secteur public comme du secteur privé, ensemble, nous pouvons réussir. C'est notre responsabilité sans hésiter. Et ainsi, nous gagnerons. Et nous gagnerons mais nous ferons gagner la France et nous redonnerons espoir à ceux qui souffrent, à ceux qui se découragent parce que moi, j'ai aussi comme conviction, c'est qu'une politique, elle doit s'adresser à tous et à ceux qui sont les plus découragés, qui ont le sentiment d'abandon, eh bien leur dire : "Le gouvernement ne vous abandonnera pas, la France ne vous abandonnera pas."
Et aujourd'hui, en venant au lycée Colbert, j'ai vu des signes importants d'espoir, des volontés fortes, individuelles et collectives, et je repartirai de Reims, avec encore plus d'énergie pour continuer la bataille pour l'avenir de la France et d'abord la bataille pour l'emploi pour le plus grand nombre de nos concitoyens. Merci Madame le maire de votre accueil.
Source http://www.gouvernement.fr, le 19 février 2013