Interview de Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, à Canal Plus le 15 février 2013, sur notamment la baisse des prix du gaz, la sécurité nucléaire, la proposition de loi sur les ondes électromagnétiques et le débat sur la transition énergétique.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Canal Plus

Texte intégral

APOLLINE DE MALHERBE
Alors, une bonne nouvelle dans ce contexte morose, c'est la baisse des prix du gaz. Après deux ans de montée non-stop des prix du gaz, eh bien depuis février, ça commence à se tasser, et peut-être qu’au 1er mars il y aurait une baisse, à nouveau, entre 0 et 0,5 %, vous confirmez ?
DELPHINE BATHO
0,3.
APOLLINE DE MALHERBE
0,3…
DELPHINE BATHO
Voilà.
APOLLINE DE MALHERBE
Ça sera ça le chiffre de la baisse du prix du gaz ?
DELPHINE BATHO
Oui, c'est l’application de la nouvelle formule du gaz. Si on avait appliqué l’ancienne formule, on serait à 0,1, donc ça fait une petite amélioration.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc on a 0,2 en plus.
DELPHINE BATHO
C'est lié à la réforme que nous avons engagée.
APOLLINE DE MALHERBE
Et ça c'est au 1er mars, hein.
DELPHINE BATHO
Oui, absolument, c'est en cours, ce sera officialisé après l’intervention de la Commission de régulation de l’énergie, mais l’application de la nouvelle formule, mathématiquement, aboutit à une baisse de 0,3 au 1er mars.
APOLLINE DE MALHERBE
Alors, GREENPEACE, qui ne vous aime pas beaucoup, dénonce un double langage de François HOLLANDE sur le nucléaire. Hier, ils ont envoyé un communiqué à toutes les rédactions, pour dire : voilà, ici, en France, on réduit, et à l’extérieur on essaie au contraire de refourguer nos centrales, comme en Inde.
DELPHINE BATHO
Il n’a jamais été question, dans ce que François HOLLANDE a dit, tout au long de la campagne présidentielle, c'est quelque chose qui a été dit devant les Français, de sortir du nucléaire. L’engagement que nous avons pris, c'est de réduire la part du nucléaire dans le mix électrique. Aujourd'hui, c'est 75 % de notre électricité qui est d’origine nucléaire, nous venons développer massivement les énergie renouvelables et ramener la part du nucléaire à 50 % et il n’a jamais été question non plus, de renoncer à cette filière industrielle, qui est importante puisque c'est une des premières filières industrielles, la quatrième, je crois, à l’export.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais là, en particulier, ils disent que dans ce voyage, François HOLLANDE qui est en Inde, il voudrait vendre deux EPR, qui d’après GREENPEACE, seraient construits…
DELPHINE BATHO
D’abord François HOLLANDE, le président de la République, il fait un voyage politique, dans le cadre d’un partenariat stratégique avec l’Inde…
APOLLINE DE MALHERBE
… ce n'est pas un VRP.
DELPHINE BATHO
Voilà, c'est pas… c'est un changement de méthode aussi. Maintenant c'est vrai qu’il y a des enjeux, au Commerce extérieur, pour la France, en Inde.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais, c'est surtout un changement de méthode, parce que sur le fond, il a quand même envie, tout autant que ses prédécesseurs, de vendre de la technologie française.
DELPHINE BATHO
On a tous envie que l’économie française réussisse, notamment dans le domaine de l’énergie, dans le domaine des énergies renouvelables, dans le domaine du nucléaire. Je crois qu’il y a une complémentarité française, qui est celle des énergies décarbonnées, et c'est ça le mixe électrique que nous voulons construire.
APOLLINE DE MALHERBE
Ce que dit GREENPEACE, c'est que les deux EPR en Inde, ce serait sur une zone sismique.
DELPHINE BATHO
Ecoutez, il y a une règle absolue pour la France, aujourd'hui, moi je me bats pour l’élévation des standards internationaux en matière de sûreté nucléaire. Après la catastrophe de Fukushima, c'est indispensable, et donc toutes les normes de sûreté doivent être revues vers le haut, c'est le sens des propositions, d’ailleurs, que j’ai faites, au Japon, au mois de décembre dernier j’ai fait 5 propositions très fortes en matière d’élévation des standards internationaux de sûreté nucléaire, c'est indispensable, c'est un impératif, c'est même pas discutable.
APOLLINE DE MALHERBE
Et à propos de ces catastrophes, on apprend que le dôme de Tchernobyl est fissuré, que 80 personnes qui travaillaient là-bas ont été évacuées, et en même temps, les autorités, là-bas, disent quand même que c'est tout-à-fait mineur. Est-ce que vous leur faites confiance ?
DELPHINE BATHO
Ecoutez, moi je dispose des informations qui sont celles de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, l’IRSN, qui m’a indiqué que donc, ce dont il s’agit, c'est l’effondrement d’une partie du toit du bâtiment des turbines, donc, pas le bâtiment dans lequel il y a le réacteur endommagé. Ceci dit, la chute de cette partie de toit, a soulevé des poussières radioactives, c'est la raison pour laquelle les personnes qui étaient autour de ce chantier ont été évacuées. Ce qui nous est dit par les autorités ukrainiennes, c'est que la radioactivité a été seulement localisée, donc nous attendons maintenant des informations…
APOLLINE DE MALHERBE
Donc vous avez plutôt confiance…
DELPHINE BATHO
… complémentaires. Nous attendons des informations complémentaires.
APOLLINE DE MALHERBE
Sur des questions de précaution, on a beaucoup parlé il y a deux semaines de cette loi sur la protection aux ondes, qui avait été déposée par le groupe écologiste à l’Assemblée, et c'est Fleur PELLERIN, la ministre du Numérique et des PME, qui a fait, disent-ils, enterrer cette loi. Vous étiez où, vous ?
DELPHINE BATHO
Moi, j’étais dans la région Rhône Alpes…
NATHALIE IANNETTA
Et on ne vous a pas entendue, Delphine BATHO, c'est ça la question, en fait. Quand elle dit « vous étiez où ? », c'est « on ne vous a pas entendue sur ce dossier ».
DELPHINE BATHO
Oui, mais il y a une ministre du Numérique, qui est compétente sur ce sujet.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais, est-ce que ce n’était pas plutôt une question écologique, enfin…
DELPHINE BATHO
C'est aussi, puisque moi j’ai engagé un travail, je l’ai dit d’ailleurs à Laurence ABEILLE que j’ai vue mardi, l’auteure de la proposition de loi. Moi je souhaite que ce texte puisse aboutir. Nous avons engagé un travail de fond, sur la question des ondes, qui doit aboutir au mois de juin prochain pour, si vous voulez, procéder à des nouvelles mesures d’impact, c'est assez compliqué techniquement, mais je sais qu’il y a une inquiétude des Français…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais donc, vous ne voulez pas qu’il soit enterré, contrairement à Fleur PELLERIN.
DELPHINE BATHO
Non, personne, je crois que ni le gouvernement, ni les socialistes, ne veulent que ce texte ne soit enterré, il doit peut-être être modifié dans certaines dispositions, mais il n'est pas question de l’enterrer, et je sais que les parlementaires écologistes y sont attachés.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous avez lancé un grand débat sur la transition énergétique, vous avez lancé ce débat, vous voulez que ça soit un débat très populaire, mais pour l’instant, effectivement, on en parle assez peu. Est-ce que, tout simplement, en période de crise pour les Français, l’écologie ce n'est pas la priorité ?
DELPHINE BATHO
Mais l’écologie ce n'est pas un luxe en période de crise, c'est indispensable, puisque la crise, regardez ce qu’on voit avec ces lasagnes à la viande de cheval. On est dans l’absurdité d’un système où c'est tout pour l’argent, et où, alors que nos éleveurs en France voudraient trouver des débouchés pour leur production, en circuit court, on voit ce circuit invraisemblable que fait la viande, jusqu’à revenir dans nos lasagnes.
APOLLINE DE MALHERBE
Une des solutions ce serait de réduire…
DELPHINE BATHO
Non, je prends cet exemple-là, pour dire que l’enjeu c'est de changer de modèle. Si on veut… moi, mon travail, ce qui occupe aujourd'hui effectivement le devant de l’actualité, c'est les plans sociaux, c'est la crise qui est dure. Moi, mon travail, c'est l’écologie positive, et donc c'est de dire aux Français, il y a un espoir, il y a des solutions possibles, et la transition énergétique, c'est-à-dire le changement de notre politique de l’énergie, ça va être aussi l’occasion de développer des nouvelles filières industrielles, de créer des emplois, de faire des économies d’énergie, qui vont alléger la facture des ménages, puisqu’aujourd'hui, chacun voit bien, les augmentations malgré ce que l’on disait sur le gaz, chacun voit bien les augmentations de l’électricité, des tarifs de l’énergie, et donc il y a un enjeu aussi, par exemple, à pouvoir aider chaque Français, pour mieux isoler sa maison, ce qui permettra de gagner 25 à 30 % d’énergie. C'est tous ces enjeux-là, le chantier de la transition énergétique, et le débat ne fait que commencer.
NATHALIE IANNETTA
Alors, vous viendrez nous faire un bilan de ce débat lorsqu’il sera vraiment lancé et que les Français s’en seront emparés. C'est l’heure maintenant de notre normal/pas normal. Je ne sais pas si vous avez lu l’interview et la réponse aux lecteurs de Manuel VALLS, ce matin, dans LE PARISIEN…
DELPHINE BATHO
Absolument…
NATHALIE IANNETTA
…face à la fermeture des quais à Paris, par exemple, il dit : il faut penser aux banlieusards. C'est normal ou ce n’est pas normal, ce que dit Manuel VALLS ?
DELPHINE BATHO
Normal. Normal. Il faut éviter que ceux qui sont le plus loin de centres-villes aient le sentiment de subir, encore davantage, des problèmes de circulation. Ça ne veut pas dire que je remets en cause le choix de la Mairie de Paris, qui est tout-à-fait légitime à prendre des décisions, mais ce n’était pas sur ce point-là que j’évoquais dans l’interview de Manuel VALLS, c'est ce qu’il dit que les mesures de régulation, pour lutter contre la pollution de l’air, mesures que j’ai proposées. Moi je crois aujourd'hui que c'est indispensable de prendre des mesures de régulation de la circulation, face à la pollution de l’air, et ces mesures elles doivent être justes, et donc effectivement elles doivent être équitables, entre les Parisiens et les Banlieusards.
NATHALIE IANNETTA
Il y a quand même un petit côté Ségolène ROYAL, quand vous dites « juste », c'est incroyable…
APOLLINE DE MALHERBE
Oui, tout à l'heure, l’écologie positive.
NATHALIE IANNETTA
Incroyable.
DELPHINE BATHO
On ne se renie pas.
APOLLINE DE MALHERBE
Fille spirituelle de Ségolène ROYAL. Les farines animales à nouveau autorisées pour nourrir les poissons. Normal, pas normal ?
DELPHINE BATHO
Je n’avais pas vu cette autorisation…
APOLLINE DE MALHERBE
C'est revenu depuis hier, on l’apprend…
NATHALIE IANNETTA
Par Bruxelles.
APOLLINE DE MALHERBE
… toutes ces histoires…
DELPHINE BATHO
Bizarre.
APOLLINE DE MALHERBE
Bizarre. Vigilante ?
DELPHINE BATHO
Oui, je vais regarder.
NATHALIE IANNETTA
Daniel COHN-BENDIT qui annonce dans un tout petit fascicule, que c'est terminé, il ne se représentera pas en 2014, et qu’il prend sa retraite politique. C'est normal ou ce n’est pas normal ?
DELPHINE BATHO
C'est dommage, parce que c'est une voix… Non mais c'est une voix que l’on aime bien tous, avec ses coups de gueule, sa franchise. Moi, c'est quelqu’un qui compte, pour moi, même si je ne suis pas d’accord avec lui parfois, c'est quelqu’un qui compte.
APOLLINE DE MALHERBE
Et Eva JOLY qui accuse Manuel VALLS, don on parlait à l’instant, de faire du mal à la gauche, c'est normal ou pas normal ?
DELPHINE BATHO
Pas normal, parce que la gauche c'est la République, donc c'est l’ordre juste. C'est ce que fait Manuel très bien.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 20 février 2013