Déclaration de M. Thierry Repentin, ministre de la formation professionnelle et de l'apprentissage, sur les contrats et la taxe d'apprentissage et l'insertion professionnelle des jeunes, Paris le 12 février 2013.

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Intervenant(s) : 
  • Thierry Repentin - Ministre de la formation professionnelle et de l'apprentissage

Circonstance : Signature de la convention "Développeurs de l'apprentissage" à Paris le 12 février 2013

Texte intégral

Permettez-moi tout d’abord de vous remercier très chaleureusement pour votre accueil, et de vous dire toute ma satisfaction d’être parmi vous aujourd’hui pour signer la convention prolongeant pour 2013 le financement de vos développeurs de l’apprentissage.
Lorsque j’ai pris mes fonctions au début de l’été, on m’a très rapidement parlé de la situation de l’apprentissage.
Dès le 18 juillet, avec Michel Sapin, nous avons eu avec vous un premier échange au cours duquel vous avez mis l’accent sur l’importance du développement de l’apprentissage dans notre pays, en tant que filière d’insertion professionnelle efficace et devant être considérée à parité d’estime, de valeur, de dignité, avec les autres voies d’accès à la qualification, point de vue que je partage pleinement. Ce sera d’ailleurs l’un des enjeux du Service public de l’orientation que va organiser la prochaine loi de décentralisation et qui, s’il ne se limite pas aux jeunes, devra ouvrir les horizons et les esprits sur toute la diversité des métiers et des filières de formation qui y conduisent.
Je tiens beaucoup à ce que les milieux professionnels et leurs organisations, dont vous êtes une composante importante, soient pleinement associés au SPO.
Je connais votre action constante pour l’apprentissage et je m’en félicite. Vos CFA forment chaque année environ 100 000 apprentis à tous les niveaux de qualification, soit presque un quart de l’ensemble, avec de très bonnes performances en ce qui concerne l’insertion professionnelle durable à l’issue des contrats.
Comme vous le savez, au printemps dernier, une rumeur persistante s’était répandue, selon laquelle l’année 2012 serait une année catastrophique pour l’apprentissage. Cela ne partait pas de rien, il faut le reconnaître : le contexte économique était difficile – il l’est toujours – et l’on pouvait effectivement craindre sinon une catastrophe, du moins un tassement sensible du nombre d’entrées en apprentissage.
Eh bien le bilan 2012 est loin d’avoir confirmé cette sombre perspective !
Le nombre de contrats d’apprentissage enregistrés du 1er janvier au 31 décembre 2012 s’élève très exactement à 297 768, soit une progression de 1% par rapport à 2011.
Vous pourriez me dire qu’il n’y a pas là particulièrement matière à s’enthousiasmer. Mais permettez-moi de me réjouir aujourd’hui de ce bilan, et de vous en féliciter pour la part qui vous revient, car il montre que votre mobilisation a été forte.
Je pense en particulier à l’action des développeurs de l’apprentissage qui a grandement contribué à ce résultat.
Depuis 2009, vos 100 développeurs ont en effet contacté plus de 140 000 entreprises, dont près de la moitié ont été visitées, cette activité soutenue ayant généré la signature de 32 000 contrats d’apprentissage dont 53 % visant des qualifications de niveau V et IV.
Je souligne cette proportion car si je me félicite de la progression de l’apprentissage dans l’enseignement supérieur, je suis également attentif à son développement aux premiers niveaux de qualification.
Tout cela montre qu’en dépit des difficultés parfois lourdes qu’elles rencontrent, les entreprises, et tout particulièrement les plus petites, continuent de préparer l’avenir.
Elles continuent de faire confiance aux jeunes et de vouloir transmettre le flambeau. J’y vois un signe d’espoir qui doit nous encourager à poursuivre nos efforts.
Je crois donc pouvoir dire que la priorité Jeunesse fixée par le Président de la République est aujourd’hui la priorité de tous.
Le taux de chômage des jeunes de moins de 25 ans est aujourd’hui dramatiquement élevé. Il est globalement de 22 %, mais il atteint le double dans les zones urbaines sensibles. Et ce sont bien sûr les jeunes les moins diplômés, ou pas diplômés du tout, qui sont les principales victimes de cette situation.
Le Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi a fixé l’objectif de faire progresser le nombre d’apprentis dans notre pays de 435 000 actuellement à 500 000 d’ici 2017. C’est un objectif raisonnable, réaliste, atteignable si tous les partenaires se mobilisent : les entreprises, les organisations professionnelles et consulaires, et bien entendu les CFA eux-mêmes.
Parmi tous les leviers qui doivent être mobilisés, trois me semblent majeurs.
Tout d’abord, je l’ai dit, les développeurs de l’apprentissage sont des points d’appui essentiels. Leur action viendra utilement nourrir les objectifs qui fixeront les prochains « Pactes régionaux pour la réussite éducative et professionnelle des jeunes », dont le principe a été décidé dans le cadre de la Grande Conférence sociale de juillet dernier.
Le deuxième levier, ce sont les CFA eux-mêmes. Je reçois de trop nombreux courriers de jeunes et de familles désespérés qui ont une place dans un centre de formation mais ne trouvent pas d’entreprise et donc pas de contrat d’apprentissage. Je ne m’y résous pas. On ne peut laisser la responsabilité de trouver l’entreprise sur les seules épaules des familles et des jeunes car alors celles et ceux qui n’ont aucun réseau familial ou social resteront durablement exclus de cette voie de réussite.
Le troisième levier, c’est le contrat de génération, sur le point de voir concrètement le jour après les débats positifs qui ont eu lieu aussi bien à l’Assemblée nationale qu’au Sénat.
En effet, l’entreprise qui embauchera un jeune en CDI au terme d’un contrat d’apprentissage ou de professionnalisation qui se sera déroulé chez elle pourra comptabiliser ce recrutement au titre du contrat de génération et bénéficier des avantages qui en découlent. Les contrats de professionnalisation établis en CDI sont également comptabilisés.
Afin que ces trois leviers génèrent les meilleurs effets, une réforme de la collecte et de la répartition de la taxe d’apprentissage est comme vous le savez en cours de réflexion, comme l’a confirmé récemment le Président de la République. Elle constituera un volet important du projet de loi « formation professionnelle et apprentissage » en préparation et qui devrait être présenté en Conseil des Ministres au début de l’été.
Quelques mots sur ce sujet de la taxe d’apprentissage auquel je sais que vous êtes très attentifs, et dont l’importance et la complexité m’ont amené à organiser, avant toute décision, une très large consultation des acteurs concernés.
Tout d’abord, je me félicite de la qualité du dialogue qui s’est ainsi engagé avec tous les partenaires et singulièrement avec vous. Je sais que les échanges entre vos services techniques et mon cabinet sont fréquents, riches, et se déroulent dans un climat de confiance propice au progrès.
Des bruits bien souvent non fondés circulant parfois sur ce dossier de la taxe d’apprentissage, je profite de ma présence parmi vous pour rappeler mes grands objectifs.

Ils tiennent en quelques mots :

  • Lisibilité
  • Equité
  • Démocratie sociale
  • Responsabilité des entreprises

Lisibilité parce que personne ne conteste que le système soit trop complexe, compréhensible par les seuls spécialistes, et très difficile à appréhender par les plus petites entreprises. En outre, le réseau des collecteurs est trop touffu, trop morcelé, trop concurrentiel, ce qui empêche de bien se repérer.
Equité parce que le mode de répartition de la taxe d’apprentissage génère des inégalités, notamment territoriales, qui ne peuvent perdurer.
Démocratie sociale parce que les partenaires sociaux doivent être davantage associés aux politiques d’apprentissage.
Responsabilité des entreprises parce que ce sont bien les entreprises qui au bout du compte s’engagent en signant des contrats d’apprentissage. Il ne faut donc pas rompre leurs liens avec les lieux de formation, et c’est pourquoi je n’envisage pas de supprimer le principe de leur libre affectation d’une part de la taxe, ce qui n’interdit pas une réflexion sur les modalités d’exercice de cette liberté.

Nous devons trouver les bons équilibres, et j’ai la conviction que nous les trouverons très bientôt grâce à la concertation qui est en cours avec tous les acteurs : les réseaux consulaires, les partenaires sociaux, les branches professionnelles et bien entendu les Régions.
Je souhaite aussi améliorer les conditions de vie des apprentis.
Je suis très sensible à cela, car je crois que l’on ne peut pas se préoccuper de l’avenir de l’apprentissage sans se soucier des conditions de vie et de travail des apprentis. Une partie significative d’entre eux vit dans des conditions sociales, familiales et financières difficiles qui sont souvent un frein à la conclusion de contrats, mais aussi l’une des causes de ruptures.
Je sais que la plupart des CFA développent avec un soin toujours plus grand des actions d’accompagnement individualisé des apprentis, sur le plan pédagogique bien sûr, mais aussi sur tous les registres de leur vie quotidienne. Je vous encourage à amplifier encore votre action dans ce domaine, en pensant particulièrement aux problèmes de transport, d’hébergement et de restauration. En effet, un apprenti est souvent écartelé entre trois lieux de vie : son domicile familial, son CFA et son entreprise… lesquels sont rarement dans la même ville ni même en proximité. Cet écartèlement induit des coûts importants, difficiles à supporter pour un certain nombre d’apprentis.
Et c’est pourquoi j’attache une grande importance au développement des projets de l’action « formation en alternance et hébergement » du programme des investissements d’avenir, déployé par la Caisse des dépôts et consignations, et qui a déjà permis la mobilisation de près de 240 M€ pour la mise en œuvre de 56 projets qui génèreront 12 000 places supplémentaires en apprentissage pendant que plus de 4 000 places d’hébergement seront construites, reconstruites ou rénovées.
Les Chambres de commerce et d’industrie se sont fortement impliquées dans plusieurs de ces dossiers maintenant engagés, et j’avais eu l’occasion fin 2012 de me rendre à Brest sur le chantier de construction du nouveau campus des métiers.
Les projets du PIA sont ainsi d’une importance capitale sur le plan social, mais aussi parce qu’ils ont un impact sur l’attractivité de l’apprentissage et son image dans l’opinion.
Voilà Mesdames et Messieurs ce que je souhaitais vous dire en quelques mots aujourd’hui.
La lutte contre le chômage est une priorité du Gouvernement.
L’emploi des jeunes, de tous les jeunes, est une urgence sociale, sociétale. Et le développement de l’apprentissage jouera à cet égard un rôle majeur.
Je vous remercie donc tous pour votre contribution à la construction de l’avenir de notre jeunesse qui conditionne celui du pays tout entier, avec une mention toute particulière aujourd’hui pour les développeurs de l’apprentissage. J’attends beaucoup de leur action, et j’ai toute confiance dans leur implication.
[1] MM Castaner et Cherpion sont annoncés

source http://travail-emploi.gouv.fr, le 20 février 2013