Déclaration de M. Bernard Cazeneuve, ministre des affaires européennes, sur le budget de l'Union européenne, à l'Assemblée nationale le 12 février 2013.

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Circonstance : Audition devant la commission des affaires étrangères et la commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale, le 12 février 2013

Texte intégral

Mesdames les Présidentes, merci de votre accueil ; Mesdames et Messieurs les Députés, merci de votre présence. Je souhaite que cette audition conjointe, loin du tumulte de l'hémicycle, me permette d'apporter les réponses les plus précises et les plus rigoureuses à celles et ceux d'entre vous qui s'interrogent sur les conditions et sur les résultats de la négociation.
Lorsque l'on conduit une négociation sur le budget de l'Union européenne, deux questions se posent : premièrement, l'Europe sort-elle renforcée de la discussion ? Son budget permet-il de mener de bonnes politiques européennes ? Deuxièmement, les intérêts de notre pays au sein de l'Europe ont-ils été préservés ? Car si, pour parvenir à un excellent budget européen, il nous avait fallu sacrifier tous les intérêts français, même les plus européens d'entre vous me demanderaient des comptes. Sur ces deux points - l'Europe, la France -, j'aimerais, pour préciser notre position, répondre à plusieurs questions venues de tous les bancs de l'Assemblée.
Sommes-nous satisfaits du budget arrêté lors du dernier Conseil européen ? Est-ce le budget dont nous rêvions ? Non. Le compromis élaboré ne correspond pas à notre ambition telle qu'elle pouvait être exprimée en crédits d'engagement et en crédits de paiement. Cela ne nous distingue toutefois pas des autres pays de l'Union européenne, puisque ceux qui entendaient procéder à des coupes partout n'ont pas non plus obtenu le résultat escompté. En effet, une négociation européenne est toujours un compromis. Nous souhaitions que soit maintenue la dernière proposition de Herman Van Rompuy, soit 973 milliards d'euros, et que les crédits de paiement correspondent aux crédits d'engagement minorés de 5 %, afin de tenir compte du déficit du budget de l'Union européenne, qui est de 16 milliards.
Le compromis finalement trouvé est le moins mauvais possible, dans le contexte européen le plus difficile que nous ayons jamais dû affronter, pour deux raisons. D'une part, les conservateurs, majoritaires au sein du Conseil, voulaient tous des coupes dans le budget de l'Union et des chèques pour leur pays. D'autre part, depuis plusieurs mois, voire plusieurs années, l'équilibre du budget de l'Union ne cesse de se dégrader. Avons-nous sauvé les intérêts français ? Oui, et je vous le montrerai tout à l'heure, chiffres à l'appui. Pour la plupart des politiques à propos desquelles nous poursuivions un objectif, nous sommes parvenus à nos fins.
Nous avons abouti - Alain Lamassoure, que je salue, me corrigera le cas échéant - à 960 milliards d'euros en crédits d'engagement, contre 986 dans le précédent cadre budgétaire adopté, et 908,4 milliards en crédits de paiement, au lieu de 942. Aucune négociation budgétaire européenne n'a jamais porté sur les crédits de paiement. C'est toujours des crédits d'engagement qu'il s'agit, minorés de 5 % pour obtenir le montant des crédits de paiement. Ceux-ci n'étaient en rien un enjeu ; pourquoi cela a-t-il changé ? Dans le cas présent, le résultat du calcul donne 912 milliards ; il y a donc une différence de quelques milliards avec le chiffre de 908,4 milliards.
Pour saisir le contexte de la négociation, il importe de garder en mémoire que le montant effectivement dépensé au cours du cadre budgétaire qui s'achève, de 2007 à 2013, s'élève à 855 milliards d'euros, ce qui représente un écart d'environ 100 milliards par rapport aux crédits d'engagement votés. Pourquoi ? Parce que les États membres ont délibérément oublié au cours des dernières années d'allouer les crédits de paiement nécessaires au financement des politiques de l'Union ; et lorsque ces crédits étaient alloués, mais non dépensés, en l'absence de flexibilité du budget de l'Union, ils les reprenaient pour les affecter à leur propre budget. Si bien que Martin Schulz est venu expliquer devant le Conseil que nous entamions la nouvelle négociation budgétaire avec 16 milliards d'euros de déficit.
J'ai évoqué tout à l'heure, en réponse à Pierre Lequiller, une lettre rédigée par l'ancien président français, la chancelière allemande et les Premiers ministres britannique, finlandais et néerlandais à propos des modalités de gestion budgétaire de l'Union, qui expliquent en grande partie ce décalage et l'extrême difficulté qui en résulte. Voici ce que dit cette lettre éloquente. «Le prochain cadre financier pluriannuel s'inscrira dans un contexte d'efforts exceptionnels d'assainissement des finances publiques de la part des États membres. Ces efforts visent à ramener le déficit et la dette publique à un niveau soutenable, dans le respect d'un cadre de surveillance budgétaire et macroéconomique renforcé. La dépense publique européenne ne peut s'exonérer des efforts considérables des États membres visant à maîtriser leurs dépenses publiques. Aussi les efforts entrepris en 2011 pour maîtriser la croissance de la dépense européenne doivent-ils être renforcés progressivement s'agissant des dernières années de l'actuel cadre pluriannuel, et les crédits de paiement ne devraient pas augmenter davantage que l'inflation au cours de la période couverte par le prochain cadre financier pluriannuel. Une règle budgétaire devrait être définie en ce qui concerne le niveau global des dépenses engagées par l'Union sur la période couverte par le prochain cadre financier pluriannuel, de telle manière que le niveau des crédits d'engagement soit fixé à un niveau compatible avec la stabilisation nécessaire des contributions budgétaires des États. Dans cette logique, les crédits d'engagement ne devraient pas excéder leur niveau de 2013, corrigé d'un taux de croissance inférieur à celui de l'inflation, pendant la durée du prochain cadre financier pluriannuel. La mise en oeuvre de politiques européennes ambitieuses au service des citoyens est possible avec un volume de dépenses moindre. Elle exige une meilleure utilisation des fonds disponibles [...].» En d'autres termes, au cours des dernières années a été organisée la non-allocation en crédits de paiement des moyens votés, ce qui éclaire le décalage de près de 100 milliards entre les engagements votés et les crédits alloués.
Si, comme le demande le Parlement européen dans le communiqué publié par son président et par ses présidents de groupe, il est prévu dans le prochain budget de l'Union européenne une flexibilité maximale entre les rubriques et entre les années ainsi qu'une clause de rendez-vous à mi-parcours, les politiques de l'Union pourraient bénéficier de 50 milliards d'euros supplémentaires par rapport au précédent cadre budgétaire. En effet, cette flexibilité autorise le report des crédits de paiement non dépensés, ce qui éviterait qu'ils reviennent dans le budget des États, et permet d'affecter les crédits non dépensés à une autre politique que celle à laquelle ils avaient été initialement destinés. Cela étant, nous considérons que le maintien du décalage entre les crédits d'engagement et les crédits de paiement, souhaité par plusieurs pays conservateurs qui étaient en mesure de faire valoir leur point de vue au même titre que nous, n'a pas contribué à faciliter la négociation.
Le contexte institutionnel est nouveau. En effet, en vertu du traité de Lisbonne, le Parlement européen doit donner un vote conforme, faute de quoi le compromis élaboré ne tiendrait pas. Le Parlement européen peut donc se faire l'écho des préoccupations que nous avons exprimées au sein du Conseil européen afin que la flexibilité, la révision à mi-parcours, les moyens alloués au budget de l'Union européenne dans plusieurs domaines soient pris en considération et que les errements du passé ne se reproduisent pas à l'avenir. Si nous y parvenons, les conditions d'exécution de ce budget n'auront rien à voir avec celles qui ont prévalu au cours des dernières années.
J'en viens aux politiques de l'Union européenne proprement dites. Les pays qui ont signé la lettre que je viens de lire, et qui entendaient réduire la négociation à une discussion sur les coupes à opérer dans le budget et sur des rabais pour eux-mêmes, voulaient s'attaquer à plusieurs de ces politiques. Le Royaume-Uni, en particulier, s'était fixé un objectif que le Premier ministre britannique a exprimé devant son Parlement : obtenir 200 milliards d'euros de coupes par rapport à la proposition de la Commission, ce qui aurait ramené le budget de l'Union à 847 milliards en crédits d'engagement au lieu de 960 et 885 milliards en crédits de paiement au lieu de 908. S'apercevant qu'il ne pourrait atteindre ses objectifs en crédits d'engagement, il a introduit au cours de la négociation une notion nouvelle, celle des crédits de paiement, afin de parvenir à ses fins. Son succès - puisque aujourd'hui le succès se mesure, pour les Britanniques, à leur capacité à atteindre un niveau de coupes suffisant pour rendre impossible la conduite des politiques de l'Union - n'est donc que le produit d'un artefact, un effet d'optique. Et voilà ce que l'on appelle la «victoire» de David Cameron. On peut certes user d'une communication efficace pour dissimuler sa difficulté à atteindre ses objectifs ; pour nous, l'essentiel était d'obtenir le volume de crédits le plus élevé possible dans la situation la plus délicate qui soit et de préserver les intérêts français.
Sur ce dernier point, nombre d'entre vous se sont inquiétés de la capacité du gouvernement à sauver les crédits de la Politique agricole commune (PAC) et ceux de la politique de cohésion, à limiter notre contribution au chèque britannique, à maintenir le Programme européen d'aide aux plus démunis (PAED) et le Fonds européen d'ajustement à la mondialisation (FEM). En entamant la négociation, nous nous étions fixé un programme. Nous voulions préserver les politiques les plus communautarisées dont nous bénéficions - la Politique agricole commune, la politique de cohésion - ainsi que nos retours sur ces politiques. Nous voulions réduire, pour la première fois depuis 1984, notre contribution au financement du chèque britannique et des autres chèques européens. Nous voulions sauver les instruments de solidarité, qui étaient menacés. Nous voulions enfin obtenir un instrument de lutte contre le chômage des jeunes afin d'accroître les moyens alloués aux régions de cohésion. Qu'avons-nous obtenu ?
Alors que le budget global de la PAC diminue de 11 %, nous maintenons la totalité de nos retours puisque l'enveloppe s'élève pour la France à 56,4 milliards d'euros, en euros constants, contre 56,9 en 2013. En outre, les fonds alloués au second pilier augmentent. Concrètement, cela signifie que, malgré les lourdes menaces qui pesaient sur la PAC, les retours bénéficiant aux agriculteurs français leur sont intégralement garantis, ce qui nous permettra d'engager la convergence des aides et le verdissement de la PAC. Nous avons donc atteint notre premier objectif.
Le deuxième objectif concernait les fonds de cohésion. Nous bénéficions à ce titre de 14,12 milliards, contre 14,57 milliards au cours de la période précédente, où le budget était pourtant beaucoup plus élevé. Si l'on y ajoute le fonds de lutte contre le chômage des jeunes, doté de 6 milliards et qui ira aux régions où le taux de chômage est significatif, le volume des fonds susceptibles d'être alloués aux régions qui bénéficiaient des fonds de cohésion augmente sensiblement par rapport au précédent cadre budgétaire.
Quant à notre contribution aux chèques, nous avons voulu, comme l'a dit Mme la présidente, engager une réforme des ressources propres. Nous n'avons pas atteint notre objectif s'agissant de l'alimentation du budget de l'Union européenne par la taxe sur les transactions financières ou par la taxe carbone. Mais cette perspective est ouverte dans le cadre des discussions en cours au sein du Conseil européen au titre des travaux conduits par Herman Van Rompuy. En revanche, nous avons réussi à engager les prémisses d'une réforme permettant de réduire notre contribution aux chèques, notamment britannique, et qui passe par une modification des droits de perception attachés aux droits de douane et des rétrocessions de TVA des pays au budget de l'Union.
Conjuguée au retour sur la PAC et au retour sur la cohésion, cette diminution fait passer notre solde net de 0,33 à 0,31. Cette amélioration est la première dans l'histoire du budget européen.
J'en viens aux fonds de solidarité - le PEAD et le FEM -, abstraction faite du nouveau fonds pour les jeunes, doté de 6 milliards d'euros. Sans polémiquer, j'aimerais rappeler quelques faits. L'un de vos collègues qui a exercé des responsabilités dans la précédente équipe gouvernementale a jugé scandaleuse l'enveloppe de 2,5 milliards d'euros allouée au PEAD : nous aurions échoué à maintenir la dotation. Mais ce programme a une histoire, dont nous avons hérité au moment où nous avons entamé la négociation. Il était alimenté par des surplus agricoles, que l'évolution de la PAC a fait disparaître et auxquels on a substitué une allocation de moyens budgétaires issus des moyens de la PAC et que l'Allemagne a jugé illégaux. En effet, lorsque des sommes sont allouées à des politiques de l'Union européenne, c'est que le budget a été voté et que la base législative adoptée par le Parlement et par le Conseil l'autorise. L'Allemagne a donc attaqué le PEAD devant la Cour de justice de l'Union européenne au motif qu'il était dépourvu de base légale, elle a obtenu gain de cause et s'est retournée vers la France. Les deux pays ont alors conclu l'accord suivant à l'occasion du Conseil européen de décembre 2011 : «compte tenu du débat au sein du Conseil, la France et l'Allemagne jugent que les conditions ne sont pas réunies pour la présentation par la Commission et l'adoption par le Conseil d'une proposition relative à un nouveau programme pour l'après-2013. C'est la raison pour laquelle les deux pays ne pourront pas accepter les propositions de nature juridique et financière que la Commission pourrait formuler à l'avenir concernant un tel programme». En d'autres termes, en contrepartie de la prorogation du PEAD pour un an, jusqu'en 2013, nous sommes convenus avec l'Allemagne, dans le cadre d'un accord faisant l'objet d'un compte rendu que je vais vous transmettre, que ce programme disparaîtrait.
C'est dans ce contexte que nous avons engagé la discussion afin de le réintroduire dans le budget de l'Union. Nous l'avons adossé à une nouvelle base légale, non plus la PAC, mais le Fonds social européen (FSE). Nous avons proposé qu'il soit doté dans les proportions précédemment prévues, mais nos partenaires se sont étonnés que nous demandions le contraire de ce à quoi nous nous étions engagés dans l'accord. Nous sommes donc partis de 2,5 milliards, le président Van Rompuy a proposé 2,1 milliards, puis le président de la République a demandé, au cours des négociations du 7 et 8 février, que l'on revienne à 2,5, afin de préserver le programme et poursuivre notre travail.
Quant au Fonds européen d'ajustement à la mondialisation, les pays qui voulaient des coupes dans le budget et des chèques pour eux-mêmes entendaient le faire disparaître, en proposant une enveloppe de 500 millions d'euros ; il sera finalement doté de 1,5 milliard.
Voilà, point par point, ce que nous avons obtenu. Je vous ai exposé les conditions dans lesquelles les parties ont pris position et montré comment certains ont eu recours à des artefacts pour se sortir de la négociation à bon compte. Personnellement, je ne crois qu'à la réalité des chiffres qui figurent dans les budgets.
Aurions-nous pu obtenir plus ? Oui, bien sûr, si les gouvernements représentés autour de la table avaient pensé comme nous. Mais ce n'est pas le cas. Nous avons donc poussé la négociation aussi loin que possible, conscients du fait que le Parlement européen dispose de nouveaux pouvoirs dont il pourra user pour transformer l'essai. En effet, si la flexibilité est actée, le budget pourrait être amélioré afin que l'essentiel soit préservé.
En ce qui concerne la croissance, j'entends dire que, à 973 milliards d'euros, ce budget aurait été satisfaisant, mais que, à 960, c'est un budget d'austérité. Étudions de plus près la sous-rubrique 1a, qui finance les politiques d'innovation en faveur des PME et les politiques de croissance. En réalité, les crédits consacrés à la croissance s'élèvent à 130 milliards d'euros, contre 94 dans le précédent budget, ce qui représente une hausse de 40 %. Le budget du programme Connecting Europe, qui finance la transition énergétique, les transports de demain, la numérisation des territoires, augmente de 140 %. Le programme Erasmus, dont les débats sur le budget rectificatif no 5, en octobre dernier, ont mis en évidence les difficultés de financement, bénéficie d'une augmentation significative, vouée à éviter que le problème ne se pose à nouveau. Abordons donc ces questions avec honnêteté, chiffres en main, et en tenant compte de la situation dont nous partons comme du paysage politique de l'Union.
S'agissant enfin de nos rapports avec l'Allemagne, je n'ignore pas l'obsession, qui constitue aussi une ligne de communication - et l'expression d'une opposition -, selon laquelle ils se seraient dégradés. À l'issue du Conseil des ministres franco-allemand qui s'est tenu le 22 janvier dernier, nous avons publié une déclaration commune prévoyant soixante-quinze actions concrètes que le Secrétariat général pour la coopération franco-allemande est chargé de mettre en oeuvre. Il a d'ailleurs commencé de définir, en lien avec les ministres concernés, les conditions de leur application. Sur tous les sujets à propos desquels on nous expliquait qu'il était difficile d'avancer, qu'il s'agisse de la supervision bancaire, de l'union bancaire ou du budget européen, nous sommes parvenus à des compromis qui ont permis à l'Europe de progresser sur la bonne voie. Que nous ne soyons pas d'accord sur tout est consubstantiel aux relations franco-allemandes. Il en a toujours été ainsi. Mieux vaut dire aux Allemands ce que nous pensons, en respectant ce qu'ils pensent, pour qu'une certaine franchise préside à nos compromis, plutôt que chercher à devancer systématiquement leurs désirs sans nous demander quand nous exprimerons les nôtres. La relation franco-allemande est plus forte lorsque chacun se place à son point de vue, en disant ce qu'il a à dire ; les compromis sont plus solides lorsque la franchise n'en est pas absente. Ils ont été possibles parce que la préoccupation européenne de la France et de l'Allemagne, par-delà leurs divergences, reste, au coeur de l'Europe, un moteur qui fonctionne - et qui continuera de le faire en dépit des commentaires que l'on peut entendre ici ou là.
(Interventions des parlementaires)
Je partage, Monsieur le Président, certaines de vos observations, mais suis en désaccord sur d'autres.
Premièrement, votre remarque sur la flexibilité est erronée. Je vous renvoie au point 109 des conclusions du Conseil européen : «Une flexibilité spécifique et aussi grande que possible sera mise en oeuvre afin de respecter l'article 323 du TFUE et de permettre à l'Union de remplir ses obligations. Ce point fera partie du mandat sur la base duquel la présidence fera progresser les discussions avec le Parlement européen conformément au point 11.» M. Cameron n'a donc pas fait disparaître cette clause des conclusions. Je suis très attaché à l'honnêteté et à la qualité de nos échanges, par-delà nos appartenances politiques. Nous exerçons des responsabilités publiques et devons la vérité à ceux qui nous écoutent.
Cette clause de flexibilité ne figurait pas, avant le sommet, dans les conclusions du Conseil européen : c'est le président de la République qui a demandé à l'y introduire au cours de la dernière séance de discussion, après un échange avec le président du Parlement, Martin Schulz. On peut, bien sûr, débattre, voire exiger du nouveau gouvernement des résultats que l'on n'attendait pas du précédent, mais il convient de fournir des informations justes et précises.
Deuxièmement, vous estimez, Monsieur le Président, que le budget aurait dû être plus élevé et que le compromis est désastreux. Sur ce point, le président de la République vous a déjà répondu lors de son discours devant le Parlement européen : vous ne pouvez pas nous demander, alors que nous sommes minoritaires en Europe, de faire la politique que refusent les gouvernements conservateurs, avec le soutien du Parti populaire européen (PPE) auquel vous appartenez ; c'est non pas nous, mais eux, qui ont souhaité la diminution du budget européen. Je demande, là aussi, de l'honnêteté politique et de la transparence.
On ne peut pas présenter les choses comme vous l'avez fait : sous prétexte que le gouvernement de la France a changé, nous serions redevables d'une politique que vous n'avez, vous-même, pas voulu mettre en oeuvre, comme en atteste la lettre signée par le précédent président de la République. Cette argumentation a ses limites : vous avez, le président du PPE, M. Daul, et vous-même, avec les responsables de la CDU, toute latitude pour expliquer à Mme Merkel et aux autres dirigeants européens que le budget européen ne vous convient pas et que vous soutenez la position française. Nous sommes bien évidemment désireux de rassembler le plus grand nombre possible de parlementaires européens de toutes sensibilités autour de notre position.
Troisièmement, je vous rappelle, Monsieur le Président, que le Conseil européen de novembre 2011 a décidé - sans susciter beaucoup de protestations - de faire des coupes drastiques dans les crédits de paiement nécessaires au financement des politiques de l'Union. Si tel n'avait pas été le cas, nous n'aurions pas été contraints de trouver en urgence, au moment du budget rectificatif n°5, 9 milliards d'euros pour financer le programme Erasmus et certains volets de la politique de cohésion. Nous voulons éviter ce cas de figure à l'avenir : l'Union européenne doit pouvoir mobiliser ses crédits de paiement. Voilà pourquoi nous réclamons la flexibilité. Nous comptons d'ailleurs vous aider, Monsieur le Président, à l'obtenir !
Lorsque l'Europe et ses politiques sont en jeu, il convient de dépasser les clivages traditionnels, au nom de l'intérêt général. C'est ce que le gouvernement français s'efforcera de faire.
(Interventions des parlementaires)
Afin d'éviter toute confusion, je reviens sur un point de l'intervention du président Lamassoure : il n'est pas exact que la France a obtenu un chèque à l'instar du Danemark. Nous avons demandé non pas un chèque - nous n'en voulons pas -, mais une première modification de la décision relative au système des ressources propres. Nous commençons à remettre en cause la pratique des chèques, à travers le plafonnement de notre contribution à leur financement.
En revanche, vous avez tout à fait raison sur un point, Monsieur le Président : les pays les plus pauvres de l'Union européenne contribuent au financement du chèque des pays les plus riches. Si nous avons demandé au Conseil européen, avec l'Italie, de plafonner notre propre contribution à ce financement, c'est non pas pour obtenir nous-mêmes un chèque, mais pour corriger cette injustice. C'est un point très important.
La remarque de M. Piron sur l'articulation entre les intérêts nationaux et ceux de l'Union européenne est très juste. La France a adopté, dans cette négociation, la démarche la plus européenne : avant de nous préoccuper de nos intérêts nationaux, nous avons abordé des sujets européens majeurs, en particulier la nécessité que l'Union se dote de ressources propres. Nous sommes presque les seuls à l'avoir demandé au sein du Conseil européen, certain de nos partenaires, y compris historiques, n'y étant pas favorables.
Si nous voulons que l'Union mène des politiques ambitieuses et porteuses de croissance, son budget ne peut plus dépendre de la seule contribution des États fondée sur le revenu national brut (RNB). En effet, comme en atteste la lettre que je vous ai lue, les États membres engagés dans des politiques d'austérité raisonnent ainsi : ils refusent d'allouer à la Commission européenne les moyens qu'elle demande au motif qu'ils ne seraient pas en mesure de respecter, s'ils le faisaient, les engagements budgétaires qu'ils ont eux-mêmes pris devant la même Commission dans le cadre du semestre européen. Ils transposent ainsi l'austérité au niveau du budget de l'Union. Si nous voulons casser cette logique, il convient de diminuer la contribution fondée sur le RNB et de lui substituer des recettes dynamiques, c'est-à-dire des ressources propres. Telle est notre démarche.
De même, nous avons tout fait - le président de la République avait plaidé en ce sens lors de sa visite d'État en Pologne - pour que les politiques de l'Union ne soient pas opposées les unes aux autres. Nous ne voulions pas sauver la PAC au détriment de la politique de cohésion. En outre, nous avons accepté, dans le cadre de la PAC, la convergence des aides par hectare, dont les montants varient sensiblement d'un pays à l'autre.
Compte tenu de nos positions, nous n'avons guère apprécié l'attitude des États membres les plus conservateurs et les plus eurosceptiques, qui ont tenté de réduire la négociation à une discussion sur des coupes budgétaires et des chèques.
S'agissant de l'euro, je n'ai jamais déclaré qu'il était trop fort. Il importe avant tout qu'il soit stable. Devant le Parlement européen, le président de la République a estimé que nous devions réfléchir à une politique de change. Le niveau de l'euro dépend de la politique monétaire menée, en toute indépendance, par la Banque centrale européenne. Mais les traités prévoient que le Conseil européen puisse également en débattre. Je ne souhaite pas, à ce stade, en dire davantage.
Pour répondre à M. Léonard, je rappelle que le Parlement européen est souverain et fera part de ses choix comme il l'entend, dans le cadre du dialogue qui s'engagera sur la base des travaux du Conseil européen. Nous sommes tout à fait conscients du rôle important qu'il peut jouer, à plus forte raison depuis l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne. Nous respectons ses prérogatives et n'avons pas à lui suggérer - encore moins à lui dicter - telle ou telle conduite. Du reste, les parlementaires européens ne l'accepteraient pas. Je ne souhaite pas compliquer encore la prise de décision au sein de l'Union !
Je ne suis pas loin de partager l'avis de M. Lequiller sur le moteur franco-allemand. Nos différences sont, en effet, importantes. Mais nous devons nous garder d'entretenir les clivages, de telle sorte qu'ils ne nuisent pas à la construction européenne. De grands Européens, de toutes tendances politiques, ont su s'élever au-dessus des contingences, bien qu'ils ne fussent pas toujours d'accord sur les politiques que devait mener l'Union.
La stratégie de l'opposition - je le regrette - consiste à répéter que le moteur franco-allemand ne fonctionne plus. Elle n'est pas de nature à aider l'Union européenne. Mme Merkel doit être très ennuyée des commentaires approximatifs de la presse qui l'associent aux eurosceptiques et à M. Cameron, alors qu'elle est en réalité très européenne. En outre, la coopération franco-allemande a également joué son rôle dans cette négociation : les Allemands ont fait en sorte, avec nous, que les Britanniques «restent à bord», sans pour autant leur faire de concessions excessives. C'est bien le président de la République et Mme Merkel qui sont allés voir M. Cameron pour négocier avec lui un compromis qui préserve l'intégrité et l'unité de l'Union européenne. Les commentaires sur la disparition du couple franco-allemand relèvent soit d'une erreur de perception, soit d'un défaut d'analyse, soit d'une volonté de nuire, soit des trois à la fois.
Nous sommes loin d'être d'accord sur tout avec l'Allemagne. L'observation des relations franco-allemandes sur les cinquante dernières années le montre. Les rapports entre le général de Gaulle et le chancelier Adenauer étaient très compliqués : ils se sont opposés sur la question du lien transatlantique jusqu'à la veille de la signature du traité de l'Élysée. L'harmonie apparente entre Valéry Giscard d'Estaing et Helmut Schmidt était trompeuse : ils avaient décidé de ne parler que des sujets sur lesquels ils étaient tombés d'accord. Même les relations entre François Mitterrand et Helmut Kohl - en dépit de l'image très symbolique des deux dirigeants se tenant par la main à Douaumont - n'étaient pas aussi simples qu'on le disait. L'idée d'une «idylle» franco-allemande est illusoire : le débat est permanent. L'essentiel est que nous soyons capables de construire un compromis sur les sujets qui, initialement, nous divisent. Cela a toujours été le cas au cours des derniers mois.
Les fonds européens destinés aux collectivités territoriales restent stables, autour de 14 milliards d'euros. Les régions en transition continueront à recevoir des financements significatifs et bénéficieront de quelques avantages supplémentaires : aucune d'entre elles ne recevra un montant inférieur à celui qu'elle aurait reçu si elle avait été une région plus développée ; elles pourront émarger au fonds destiné à lutter contre le chômage des jeunes ; les taux de cofinancement de la PAC augmenteront pour ces régions.
Le budget consacré à la recherche et à l'innovation - qui inclut les crédits du programme Erasmus - a augmenté de 40 %. Il convient d'attendre les textes législatifs élaborés par le Parlement européen pour connaître la répartition de cette enveloppe entre les différentes lignes.
Les crédits du Mécanisme pour l'interconnexion en Europe ont été portés de 8 à 20 milliards d'euros, dont 13 sont destinés aux transports. Nous présenterons la ligne à grande vitesse Lyon-Turin comme projet prioritaire susceptible d'être financé dans ce cadre et nous examinerons la possibilité de proposer également le canal Seine-Nord Europe.
S'agissant du PEAD, je tiens à la disposition de M. Mariani et de M. Bertrand la déclaration commune de la France et de l'Allemagne de fin 2011, dans laquelle elles annonçaient leur décision de mettre fin à ce programme. Au dernier Conseil européen, le point de départ de la négociation était donc non pas 3,5 milliards d'euros, mais un montant nul.
Je peux comprendre les inquiétudes exprimées, pour des raisons politiques, par M. Borloo ou M. Daul, sur la réalité du plan de croissance de 120 milliards d'euros. Je souhaiterais revenir devant votre commission pour faire un point détaillé sur la question, si possible en présence de M. Borloo. Le plan n'est bien sûr pas remis en cause. D'abord, 55 des 120 milliards d'euros proviennent, je le rappelle, du déblocage de fonds structurels non affectés et non dépensés dans le cadre du dernier budget pluriannuel. Nous sommes en mesure de vous communiquer, région par région, la liste et le montant des projets français susceptibles d'être financés par ces fonds. Ensuite, le capital de la Banque européenne d'investissement a été, comme prévu, augmenté de 10 milliards d'euros afin qu'elle puisse accorder 60 milliards d'euros de prêts supplémentaires. Nous savons quels dossiers français sont éligibles à ces prêts. Enfin, il en va de même pour les project bonds.
En ce qui concerne la négociation de l'accord avec la Chine, je transmettrai à votre commission un document écrit.
Quant au programme «Horizon 2020», il sera financé, dans le cadre du budget pluriannuel, à hauteur de 71 milliards d'euros, ce qui n'est pas négligeable.
Pour répondre à M. Leroy, le point 10 des conclusions du Conseil européen prévoit qu'au moins 20 % des dépenses de l'Union devront être consacrées à la lutte contre le changement climatique au cours des années 2014 à 2020. C'est une décision actée.
La clause de révision n'a, en revanche, pas été introduite dans les conclusions. Il appartient au Parlement européen d'en faire un élément de la négociation avec le Conseil.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 25 février 2013