Déclaration de M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, sur les relations franco-péruviennes, la situation au Mali et sur l'enlèvement de Français au Cameroun, à Lima le 21 février 2013.

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Circonstance : Déplacement en Amérique latine (Pérou, Colombie, Panama) du 21 au 24 février-conférence de presse conjointe avec le ministre péruvien des affaires étrangère, à Lima (Pérou) le 21 février 2013

Texte intégral

Monsieur le Ministre des relations extérieures,
Messieurs et Mesdames les Ambassadeurs,

Je veux d'abord vous remercier chaleureusement, Monsieur le Ministre, Chers Amis, pour cette très haute distinction que je reçois non pas pour moi-même mais comme un signe d'amitié profonde entre le Pérou et la France. C'est vrai que l'amitié entre le Pérou et la France est une amitié ancienne, et que, dans le coeur des Français, comme dans le coeur des Péruviens, nous sommes extrêmement proches, mais nous avons une phrase en français, je ne sais pas quelle est sa traduction en espagnol, qui vaut dans tous les pays, «il n'y a pas d'amour il n'y a que des preuves d'amour» et, au fond, ce que nous faisons aujourd'hui c'est une preuve d'amour.
Nous avons toutes les raisons d'être côte à côte, nous croyons les uns et les autres à la démocratie, à la justice, aux droits humains, nous savons qu'on ne peut rien faire s'il n'y a pas de croissance, mais qu'en même temps la croissance doit servir à réduire les inégalités. Nous avons été et nous sommes, sur les grands sujets, à l'unisson, nous l'avons vu encore ce matin dans notre conversation, Cher Collègue.
Bref, la France et le Pérou ont tout pour s'entendre. Les textes que nous avons signés montrent de nouveaux champs de coopération, mais, au-delà de ces textes, tout nous est ouvert. Nous travaillons et nous allons travailler de plus en plus ensemble dans tous les domaines que vous avez cités cher collègue : l'éducation, la culture, la science, le commerce, l'investissement, le transport, l'énergie, le tourisme, la sécurité. Et beaucoup d'autres champs encore. Tout nous est ouvert et nous souhaitons, nous la France, avancer côte à côte avec vous.
Le président Humala a rendu visite à notre pays et cette visite a été très utile. Il a eu l'extrême gentillesse d'inviter le président français François Hollande à lui rendre cette visite au Pérou et je puis vous annoncer de manière très officielle que le président français se rendra en visite au Pérou à une date qui devra être convenue d'un commun accord. Mais c'est un fait, vous aurez bientôt le président de la République française chez vous.
Notre partenariat, nous le concevons comme d'égal à égal, il ne s'agit pas que de relations commerciales, même si elles sont très utiles, mais il s'agit de donner le meilleur de nous même et en particulier, s'agissant de la France, de partager nos technologies.
Le Pérou a, depuis plusieurs années, accompli des performances remarquables. C'est un pays d'avenir, dans un continent d'avenir et la France veut être partout où se construit l'avenir.
Voila le sens de ma visite, Monsieur le Ministre, en vous remerciant beaucoup car je sais que vous aviez d'autres projets et que vous avez dû probablement les modifier pour m'accueillir. Comme vous êtes diplomate, vous dites que c'est avec plaisir, je sais que c'est vrai, car je dis cela à tout les diplomates professionnels qui sont ici : on peut être diplomate et dire la vérité.
Quant à cette magnifique distinction, je comprends que c'est l'ordre du soleil ? Je ne me prendrai pas pour le soleil, sinon je serais vite rappelé à l'ordre. Mais en revanche, dans le système planétaire, s'il y a une toute petite planète qui peut aider au développement des relations très chaleureuses entre le Pérou et la France, j'essayerai d'être cette toute petite planète.
Monsieur le Ministre, merci encore de la chaleur de votre accueil. Je suis sûr que ma visite au Pérou même si elle est brève, portera, grâce à vous, des fruits et, encore une fois, vous savez qu'entre le Pérou et la France c'est comme ça.
(...)
Nous allons, puisque c'est une conférence de presse, laisser à la presse poser les questions qu'elle souhaite. Je voudrais, après les propos qu'a tenus mon collègue et ami, les propos que j'ai tenus moi-même en recevant cette distinction, confirmer que, sur toutes les grandes questions internationales, le Pérou et la France sont côte à côte. Nous avons des identités de vue sur les grandes questions qui se posent ; cela n'a rien d'étonnant.
Quant à nos relations bilatérales, nous souhaitons qu'elles témoignent d'une nouvelle marche en avant, d'une nouvelle étape, et c'est tout à fait à notre portée, qu'il s'agisse du domaine éducatif, du domaine scientifique, du domaine économique du domaine de la sécurité.
Il y a de grands projets qui sont suivis par les entreprises françaises, dans les domaines des transports urbains, de l'énergie, de la santé, de l'assainissement, de la gestion de l'eau.
Il y a une décision qui a été prise, qui est très importante, c'est que notre Agence française de développement a décidé de s'implanter au Pérou alors qu'auparavant elle n'y était pas présente. Et, d'une façon générale, il y a une très, très, grande confiance et volonté des deux pays de travailler ensemble et d'aller de l'avant.
Je suis donc extrêmement confiant sur les perspectives qui sont là entre le Pérou et la France et on verra au cours des mois qui viennent, sans perdre de temps, à quel point cette nouvelle étape se réalise.

Q - La France voit elle le Pérou comme une destination sûre pour ses touristes ? Ce thème a été mis en doute par une autre ambassade, l'ambassade des États-Unis.
R - Non, j'ai compris votre question. Nous considérons que grâce aux destinations qui ont été prises, le Pérou est une destination où chacun peut se rendre. Je dirais même, vu la chaleur de l'accueil, où chacun doit se rendre.

Q - Sur le Mali : quelle est la situation et l'évaluation actuelle concernant l'opération dans le pays après la mort de deux soldats. Concernant les otages au Cameroun, la libération n'a pas eu lieu, le gouvernement français va t-il engager une opération militaire ?
R - Ce sont évidemment deux questions différentes.
Sur la situation au Mali, dont nous avons parlé avec mon collègue et ami, la France a du intervenir à la demande des autorités légitimes du Mali et conformément aux résolutions des Nations unies. Si nous n'étions pas intervenus aujourd'hui, le Mali tout entier serait devenu un État terroriste. Or quand on voit les ravages que causent les groupes terroristes en Afrique, et en dehors de l'Afrique, on peut imaginer ce que cela signifierait si un État tout entier était tombé sous la coupe des terroristes. Nous nous sommes fixés trois buts précis. Premièrement, stopper les groupes terroristes qui descendaient vers le sud du Mali, deuxièmement, reconquérir les villes, troisièmement, permettre le rétablissement de l'intégrité du Mali grâce au passage progressif de relais entre les troupes françaises et les troupes maliennes et africaines.
Le premier objectif, bloquer les terroristes dans leur descente vers le Sud, a été atteint. Le deuxième, consistant à reconquérir les villes, est réalisé, même s'il y a tel ou tel mouvement de harcèlement de groupes terroristes dans certaines villes. Le troisième objectif, qui vise à rétablir l'intégrité du Mali et passer le relais aux Africains et aux Maliens, prendra un peu plus de temps. L'opération va se transformer, d'ici quelque temps, en une opération de maintien de la paix sous la houlette de l'Organisation des Nations unies.
S'agissant de votre deuxième question il y a de cela quelques dizaines d'heures, une famille entière a été enlevée au nord du Cameroun, à la frontière avec le Nigeria. Cette famille est composée du père, de la mère, d'un frère et de quatre enfants. La plus petite a 5 ans. Vous imaginez la situation, l'émotion et l'horreur. Depuis l'enlèvement, beaucoup d'informations, souvent fausses, ont été données par les uns et les autres. Nous suivons la situation, le président de la République, le ministre de la défense et moi-même, en permanence. Pour avoir malheureusement une certaine expérience de tout cela, je sais que quand il y a prise d'otages, deux règles sont à respecter : la détermination et la discrétion. Je respecterai ces deux règles.

Q - Nous voyons des avancées importantes, rétablissements commerciaux avec le Pérou, dont les Péruviens se félicitent. Je voulais vous demander si vous allez inclure à ces accords commerciaux nos micro-entrepreneurs péruviens, comme les entrepreneurs de Gamarra, qui constituent un groupe de personnes émergentes qui contribuent au développement du pays ? Et aussi allez-vous inclure des programmes sociaux, car ici, au Pérou, nous avons besoin de l'appui dans les divers programmes sociaux, car il y a beaucoup de besoins du peuple péruvien pour résoudre leurs problèmes socio économiques ?
R - Merci beaucoup de votre question. Je ne connais pas en détail la situation de ceux que vous citez. Donc, je ne voudrais pas dire de choses inexactes, mais notre intention est de développer, bien sûr, le commerce et la présence réciproques en particulier sur les petites et moyennes entreprises. Ce n'est pas facile parce que les grandes entreprises ont des moyens plus forts que les petites et les moyennes, mais je pense que notre état d'esprit et l'état d'esprit de nos amis péruviens est que le développement économique serve à la population, et parmi cette population, il y a les petits entrepreneurs.
(...)
En félicitant la réponse qui a été apportée par mon collègue, je veux souligner que, dans l'un des accords qui ont été signés tout à l'heure, il y a l'augmentation massive du programme de bourses et, au fond, c'est le même état d'esprit. Il s'agit, notamment vis-à-vis d'une population jeune et pauvre, de favoriser son développement. Il y a les bourses que vous appelez «Beca 18» et puis les bourses d'excellence qui permettent à des étudiants méritants et pauvres d'effectuer un master ou un doctorat en France. Et cela va augmenter de 100 % le nombre des étudiants péruviens en France qui, ensuite, reviendront dans leur pays, qui seront à la fois armés d'une formation qui va leur permettre de réussir, et qui seront les meilleurs ambassadeurs de l'amitié entre le Pérou et la France. Donc, au fond, qu'il s'agisse du commerce, qu'il s'agisse de l'éducation, il y a la même volonté de développement économique à finalité sociale.

Q - Vous avez parlé, il y a un moment, des otages au Cameroun, il y a eu des rumeurs de libération. Quelle est la situation des otages en ce moment ?
R - Les rumeurs ne sont pas fondées, malheureusement.

Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 25 février 2013