Déclaration de M. Thierry Repentin, ministre de la formation professionnelle et de l'apprentissage, sur les objectifs du gouvernement en matière de formation professionnelle et d'apprentissage, Paris le 25 janvier 2013.

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Circonstance : Séminaire des Direccte à Paris le 25 janvier 2013

Texte intégral


Permettez-moi tout d’abord, puisqu’il est encore temps de le faire, de vous présenter tous mes voeux pour 2013. Ces voeux s’adressent à vous personnellement, et au-delà à vos équipes.
Ces voeux sont des voeux de bonheur, santé et réussite. Je m’associerai tout à l’heure aux voeux de Michel SAPIN avec qui je travaille étroitement. Et puis, ne pouvant vous promettre une année plus légère en charge de travail, je préfère trinquer avec vous à ce grand rassemblement national plutôt que vous assommer d’un second discours !
Michel SAPIN vous a rappelé hier l’objectif fixé au Gouvernement par le Président de la République : inverser la courbe du chômage d’ici la fin de l’année 2013. Il a tracé devant vous l’ensemble des chantiers que vous aurez à gérer sur le plan du travail et de l’emploi pour atteindre cet objectif.
La formation professionnelle et l’apprentissage y contribueront également car ce cap est notre mission à tous.
La formation professionnelle est vous le savez un élément clef de la compétitivité hors coût de notre économie : parce qu’elle constitue un levier endogène – sur lequel nous avons pleinement la main – et parce que d’elle dépendent nos capacités d’anticipation et de préparation des compétences dont nous aurons besoin demain. C’est le premier lien avec l’emploi.
A ce titre, la formation professionnelle contribue à transmettre les savoir-faire d’une génération à l’autre mais aussi de préparer l’avenir et l’évolution des talents en tant que tels.
Il est un second lien entre formation professionnelle et emploi, c’est que plus on est formé, moins on est au chômage. La corrélation est vraie à tous les âges mais devient implacable quand il s’agit des jeunes. La qualification est donc un instrument d’émancipation de la personne qui accroit ses capacités de choix et ses marges de manoeuvre pour conduire son existence, de façon sécurisée. Or l’activité subie, la mobilité forcée ou le chômage de longue durée sont des composantes majeures, premières, de l’anxiété de notre société et du pessimisme de nos concitoyens. Les former, c’est leur redonner des atouts pour préparer l’avenir, le plus sereinement possible.
C’est cette double conviction qui fonde l’action que je poursuivrai, en m’appuyant sur vous, en 2013. Cette action s’organise autour de trois axes.
1. S’APPUYER SUR LE DIALOGUE SOCIAL POUR PROGRESSER DANS LA FORMATION DES JEUNES ET DES DEMANDEURS D’EMPLOI
La méthode de travail du Gouvernement est fondée sur la confiance dans le dialogue social. Dans le cadre de la feuille de route de la Grande Conférence Sociale, j’ai longuement consulté les partenaires sociaux, les Régions et les réseaux consulaires. En sont issus deux documents-cadre que j’ai transmis le 22 novembre dernier aux Préfets et Présidents de Région. Ils traitent d’une part de deux priorités essentielles dans la bataille de l’emploi : l’accès à la qualification des jeunes et la formation des demandeurs d’emploi.
Sur ces deux sujets, les marges de progrès sont importantes. Il faut tout à la fois augmenter le nombre de demandeurs d’emploi en formation – à peine 20 % d’entre eux ont accès à la formation – et réduire les délais d’entrée en formation. Ceci est moins une affaire de moyens financiers supplémentaires, que de coordination et d’organisation. Et c’est là que vous entrez en scène !
* L’objectif est désormais de conclure dans chaque territoire des « Pactes de réussite éducative et professionnelle des jeunes » ainsi que des « plans d’action pour la formation des demandeurs d’emploi ».
Ces documents stratégiques doivent permettre de mieux coordonner les acteurs, de fédérer les légitimités et d’articuler au mieux des initiatives qui parfois s’ignorent. Ils doivent, en tout état de cause, être toujours guidés par l’intérêt des destinataires de l’action publique, en l’occurrence : le jeune décrocheur, le demandeur d’emploi peu qualifié, le jeune en galère de rupture de contrat d’apprentissage en petits boulots par intérim, la personne en réorientation de sa vie professionnelle après un licenciement…
Aujourd’hui, d’après les informations dont je dispose, 10 (IDFrance, RAlpes, MPyrénées, PACA, Limousin, Centre, Hte Normandie, PCharente, Réunion, FComté) territoires régionaux se sont déjà effectivement mobilisés pour mettre en oeuvre ce Pacte et ce plan d’action.
Dans les autres, j’entends bien quelques réticences… Certains nous renvoient vers le Contrat de plan régional de développement des formations professionnelles (CPRDFP) qui inclurait déjà des orientations sur ces publics. C’est vrai, et il convient de capitaliser sur l’existant. Cependant j’attends du Pacte jeunes et du plan d’action formation des demandeurs d’emploi un caractère opérationnel beaucoup plus marqué que celui des CPRDFP.
D’autres se demandent pourquoi donc engager un nouveau processus alors que l’acte III de la décentralisation risque de modifier les règles du jeu dans un avenir proche… Il est vrai que cette loi va faire bouger les lignes en matière de pilotage de formation des demandeurs d’emploi et de la lutte contre le décrochage. Pour autant elle ne sera pas applicable avant début 2014. Et sur le front de l’emploi, c’est aujourd’hui que les Français souffrent, c’est maintenant qu’ils sont inquiets, c’est en ce moment qu’ils se demandent, face aux fermetures d’usines et aux plans sociaux, s’ils ne seront pas les prochains sur la liste... ou comment retrouver du travail quand tant d’autres perdent le leur ! La bataille pour l’emploi n’attend pas.
Je vous invite donc à prendre la main pour mener à bien ces plans d’action sur l’ensemble de nos territoires. Les DIRRECTE, en lien étroit avec le Conseil régional, disposent de la légitimité pour entraîner dans leur dynamique l’ensemble des partenaires : c’est la légitimité de l’Etat, garant de la solidarité et de l’équité, l’Etat responsable de la politique de l’emploi.
Je suivrai personnellement votre mobilisation, et je me rendrai moi-même à certaines réunions du CCREFP programmées en région.
Je vous demande de faire remonter à mon directeur de cabinet, les difficultés que vous rencontreriez pour mettre en place ces démarches.
* Coordonner et planifier est une chose. Former effectivement en est une autre. En particulier quand il s’agit de toucher les jeunes.
A ce sujet, je veux aborder avec vous une satisfaction… et une préoccupation.
L’objet de ma satisfaction est le développement de l’apprentissage : les contrats d’apprentissage sont stables (+1%) au 31 décembre 2012 et ce, malgré une année très difficile pour les entreprises.
Pour continuer de soutenir la participation du tissu économique à cet outil d’insertion durable dans l’emploi qu’est l’apprentissage, j’ai engagé le renouvellement des conventions de partenariat conclues en 2009 avec l’Assemblée permanente des chambres de commerce et d’industrie et des chambres des métiers ; ainsi qu’avec la fédération du BTP.
Au total ces conventions permettent le financement par l’Etat de 275 développeurs de l’apprentissage. Un objectif de 25 000 contrats est attaché à ces conventions.
Des objectifs quantitatifs et qualificatifs leur ont été assignés, et notamment :
• Prospection des branches et de secteurs jusqu’à présent peu engagés dans l’apprentissage ;
• Recherche de contrats pour les jeunes sans qualification au sein même des entreprises. Ces conventions sont en cours de finalisation. Elles vous seront adressées. Vous verrez que nous avons eu le souci d’organiser leur territorialisation pour que vous et les Conseils régionaux puissiez en adapter les objectifs avec les réseaux concernés.
Mon inquiétude porte sur la formation des jeunes en emplois d’avenir. L’existence d’un volet formation est à la fois la grande nouveauté de ces contrats aidés, leur vraie valeur ajoutée… et en même temps l’écueil qui risque de les perdre si nous n’y sommes pas attentifs.
J’entends bien que former un jeune très peu qualifié nécessite de l’énergie, du temps et de l’argent. Je sais aussi que définir dès la signature du contrat le parcours de formation dont le jeune et l’employeur auront besoin pour tirer le meilleur de leur coopération n’est pas facile. Mais je suis absolument convaincu de deux choses :
- Les missions locales et Cap Emploi ont les capacités et les compétences pour accompagner la définition de ce parcours, il faut s’appuyer sur ces réseaux ;
- Tout le monde a à y gagner : le jeune qui obtient en même temps un salaire, une expérience et une qualification ; la collectivité qui bénéficie de talents – certes non académiques ! – et qui rend ainsi des services d’intérêt général jusqu’alors non pourvus.
Encore faut-il que les services de l’Etat y soient très attentifs. Je souhaite même pour ma part que vous en soyez les moteurs, que vous mettiez cet objectif au coeur de vos démarches en direction des employeurs potentiels. Je compte sur vous.
* Troisième volet du dialogue social en faveur des jeunes et des demandeurs d’emploi : la négociation de la convention cadre entre l’Etat et les partenaires sociaux pour l’affectation des crédits du Fonds Paritaire de Sécurisation des Parcours Professionnels (FPSPP).
Le dialogue entre les partenaires sociaux et nos prédécesseurs avait été rompu, du fait des ponctions autoritaires que les Gouvernements de l’ancienne majorité avaient opérées sur le FPSPP (2 fois 300 M€).
Le Premier ministre s’est engagé lors de la Grande Conférence Sociale, à cesser ces ponctions, et à travailler à des objectifs communs d’intervention.
Le dialogue s’est engagé cet automne et il nous a permis de rapidement parvenir à un accord sur l’emploi des fonds du FPSPP. Cet accord sera officiellement signé mi-février.
Ainsi les partenaires sociaux ont décidé de porter le taux de contribution des OPCA au FPSPP de 10 à 13 %. Au total le fonds sera doté en 2013 de 892 M€.
Les fonds du FPSPP seront prioritairement dirigés vers des objectifs qui sont aussi ceux de l’Etat :
• Les publics fragiles : lutte contre l’illettrisme, jeunes sans qualification, …
• La formation des jeunes en emplois d’avenir ;
• La prévention des mutations économiques sur les territoires, en lien avec les Régions.
Ce sont donc des moyens supplémentaires qui viendront abonder l’action menée par les Régions et Pôle emploi en faveur de la formation des jeunes et des demandeurs d’emploi. Les appels à projet qui seront lancés vous permettront de soutenir des projets partenariaux dont vous pourriez prendre l’initiative.
2. PREPARER L’AVENIR PROFESSIONNEL DE CHACUN DE NOS CONCITOYENS
Au-delà des mesures qui auront un impact immédiat sur des catégories ciblées, nous avons engagé une action qui vise à améliorer sensiblement le fonctionnement de notre système de formation professionnelle et d’apprentissage pour tous ses usagers, y compris les jeunes en formation initiale ou encore les actifs en emploi.
Dans ce cadre deux chantiers majeurs ont été engagés :
* Tout d’abord la création du service public régional de la formation professionnelle
Il verra le jour dans le projet de loi de décentralisation. Celui-ci est en cours d’arbitrage mais pour la partie formation professionnelle et apprentissage, il devrait comprendre les points suivants :
Des droits et garanties fondamentales dans la loi avec la création du service public de la formation professionnelle tout au long de la vie
- Ce service public renforcera la visibilité de la formation professionnelle, donnera corps à son caractère d’obligation nationale depuis longtemps affirmé par le code du travail. Il permettra également d’offrir des garanties essentielles de non discrimination quels que soient son lieu de résidence, son handicap éventuel, d’accompagnement renforcé pour le public le plus en difficulté, d’adaptation aux besoins en compétences du territoire…
- S’agissant des territoires d’outre mer, cette nouvelle organisation permettra non seulement aux régions d’outre mer de mettre en place leur service public régional mais également de négocier avec leur homologue de métropole les conditions d’accueil et d’hébergement des personnes résidant outre mer et souhaitant suivre une formation en métropole. L’Etat, garant de la continuité territoriale, reste en charge des aides à la mobilité associées.
Le renforcement du service public de l’orientation tout au long de la vie.
- Il sera animé et coordonné par la Région, pour que chacun puisse choisir son parcours professionnel, élargir son champ des possibles, quels que soient son âge, son niveau de diplôme ou son secteur d’activité.
De nouveaux transferts de compétences avec la constitution d’un bloc de compétence sur le champ de la formation professionnelle et de l’apprentissage autour des Régions : publics spécifiques (travailleurs handicapés, détenus, DOM, étrangers), lutte contre l’illettrisme, gestion des fonds du FNDMA consacrés aux conventions d’objectifs et de moyens signées entre l’Etat et les régions. Elles fixeront également désormais les priorités de la carte des formations professionnelles initiales et se verront confier une mission de coordination sur les démarches de décrochage/raccrochage scolaire.
* Mais, il faut aller plus loin pour rendre le système plus accessible. C’est pourquoi je présenterai en juin au Conseil des ministres un projet de loi qui comprendra deux volets.
L’apprentissage et l’alternance : il s’agirait là d’abord d’accroître l’offre et d’améliorer les conditions de vie des apprentis.
Aujourd’hui une obligation de quota pèse sur les entreprises du secteur privé (4 % au dessus de 250 salariés) avec une pénalité (malus) si ce quota n’est pas atteint et une prime (bonus) s’il est dépassé. Si l’on veut augmenter le nombre de places il faudra aller plus loin et responsabiliser tous les acteurs de la chaîne de l’apprentissage pour permettre aux jeunes sans réseau social ni familial d’accéder effectivement à l’alternance.
Il faudra aussi travailler sur les conditions de logement et de transport des apprentis, souvent écartelés entre trois lieux de vie pas toujours dans la même vile : le domicile familial, le CFA et l’entreprise.
La formation professionnelle : je souhaite sur ce champ travailler à une amélioration du système sur trois points essentiels
- Le droit à la formation. Il s’agira là de traduire dans le code du travail les dispositions de l’accord interprofessionnel du 11 janvier sur le compte personnel, une fois que la négociation appelée par cet accord entre l’Etat, les Régions et les partenaires sociaux aura eu lieu. La question se posera d’étendre ce compte individuel à d’autres publics (indépendants), et de l’articuler avec le droit à la formation initiale différée.
La création de ce compte peut révolutionner l’accès à la formation, si l’on va véritablement au bout de l’idée qu’il porte : donner les moyens concrets aux individus d’exercer leur droit à la formation en pleine autonomie.
Nous inclurons la mention du compte dans la loi du printemps qui transcrira l’accord. Puis, nous retravaillerons à une rédaction plus élaborée de ce texte en juin.
- La qualité de la formation : aujourd’hui les conditions d’enregistrement d’un organisme de formation sont très peu exigeantes, et aucune garantie n’est donnée quant à la qualité des prestations. On compte près de 55 000 organismes de formation, dont 17 000 organismes dont la formation est l’activité principale. Cette grande nébuleuse donne à l’ensemble du système un caractère assez opaque, et conforte une image assez négative de la formation professionnelle.
Je souhaite poser des règles plus exigeantes sur ce point.
- Enfin, il nous faudra sans doute revoir les mécanismes du droit à la validation des acquis de l’expérience (VAE). La VAE a 10 ans. L’objectif de départ était 60 000 VAE complètes par an. En 2011, 30 000 personnes en ont bénéficié…
La VAE est un mécanisme valorisant pour les individus, qui facilite l’accès à la qualification, qui permet de centrer la formation sur les besoins effectifs des personnes, et donc évite le gaspillage des financements.
Mais des freins demeurent et ils sont très bien identifiés : manque d’information, défaut d’accompagnement des jeunes, difficultés à réunir les jurys,…
Là aussi il nous faut corriger ce qui ne marche pas.
Enfin 3ème axe : Améliorer la gestion d’ensemble du système
Le financement de la formation professionnelle et de l’apprentissage est très souvent décrié. Sa complexité, le nombre de financeurs et d’acteurs présents dans le champ alimentent les critiques et malheureusement effacent les résultats positifs que le système produit aussi.
La loi de 2009 a engagé un mouvement de restructuration et de rationalisation des OPCA, et les COM qui les lient à l’Etat ont apporté de la clarté dans l’utilisation des financements, mais il faut encore approfondir ce mouvement, comme le recommande la Cour des Comptes.
Je vais poursuivre ce travail de clarification en engageant une réforme de la taxe d’apprentissage comme je l’indiquais tout à l’heure. Il s’agira de revoir la structure de cette taxe, sa collecte et sa répartition. Trois principes guideront cette réforme :
- Faire en sorte que les financements de l’apprentissage aillent à l’apprentissage. 60 % - seulement ai-je envie de dire ! – de la taxe aujourd’hui finance réellement l’apprentissage.
- Rationaliser la collecte pour éviter les déperditions, il y a aujourd’hui plus de 140 organismes de collecte, qui souvent se concurrencent.
- Mettre du paritarisme dans tout cela pour construire une politique de l’alternance plus homogène.
C’est une réforme lourde, dont vous entendrez parler car les lobbys sont nombreux, mais elle est nécessaire.
En parallèle nous réviserons les aides à l’alternance : exonération de charges, crédit d’impôt, etc…. Une mission IGAS/IGF va démarrer sur ce point dans le cadre de la démarche de modernisation de l’action publique.
Là aussi, il faut rechercher l’efficience, cibler les aides pour qu’elles aient un vrai effet levier et donc éviter les effets d’aubaine.
Voilà Mesdames et Messieurs les directeurs ce que je voulais vous dire aujourd’hui pour que vous ayez ces objectifs en tête dans votre action et celle de vos équipes.
Vous le voyez le programme est chargé. Je recevrai dans quelques jours certains de vos représentants pour approfondir ces sujets.
Je souhaite des relations fluides entre nous. Mon cabinet est à votre écoute pour vous appuyer dans votre action.
Je sais pouvoir compter sur vous et vos équipes, notamment pour la préparation de la loi de juin.
Merci de votre collaboration.
Source http://www.sud-travail-affaires-sociales.org, le 27 février 2013