Texte intégral
Permettez-moi tout dabord, puisquil est encore temps de le faire, de vous présenter tous mes voeux pour 2013. Ces voeux sadressent à vous personnellement, et au-delà à vos équipes.
Ces voeux sont des voeux de bonheur, santé et réussite. Je massocierai tout à lheure aux voeux de Michel SAPIN avec qui je travaille étroitement. Et puis, ne pouvant vous promettre une année plus légère en charge de travail, je préfère trinquer avec vous à ce grand rassemblement national plutôt que vous assommer dun second discours !
Michel SAPIN vous a rappelé hier lobjectif fixé au Gouvernement par le Président de la République : inverser la courbe du chômage dici la fin de lannée 2013. Il a tracé devant vous lensemble des chantiers que vous aurez à gérer sur le plan du travail et de lemploi pour atteindre cet objectif.
La formation professionnelle et lapprentissage y contribueront également car ce cap est notre mission à tous.
La formation professionnelle est vous le savez un élément clef de la compétitivité hors coût de notre économie : parce quelle constitue un levier endogène sur lequel nous avons pleinement la main et parce que delle dépendent nos capacités danticipation et de préparation des compétences dont nous aurons besoin demain. Cest le premier lien avec lemploi.
A ce titre, la formation professionnelle contribue à transmettre les savoir-faire dune génération à lautre mais aussi de préparer lavenir et lévolution des talents en tant que tels.
Il est un second lien entre formation professionnelle et emploi, cest que plus on est formé, moins on est au chômage. La corrélation est vraie à tous les âges mais devient implacable quand il sagit des jeunes. La qualification est donc un instrument démancipation de la personne qui accroit ses capacités de choix et ses marges de manoeuvre pour conduire son existence, de façon sécurisée. Or lactivité subie, la mobilité forcée ou le chômage de longue durée sont des composantes majeures, premières, de lanxiété de notre société et du pessimisme de nos concitoyens. Les former, cest leur redonner des atouts pour préparer lavenir, le plus sereinement possible.
Cest cette double conviction qui fonde laction que je poursuivrai, en mappuyant sur vous, en 2013. Cette action sorganise autour de trois axes.
1. SAPPUYER SUR LE DIALOGUE SOCIAL POUR PROGRESSER DANS LA FORMATION DES JEUNES ET DES DEMANDEURS DEMPLOI
La méthode de travail du Gouvernement est fondée sur la confiance dans le dialogue social. Dans le cadre de la feuille de route de la Grande Conférence Sociale, jai longuement consulté les partenaires sociaux, les Régions et les réseaux consulaires. En sont issus deux documents-cadre que jai transmis le 22 novembre dernier aux Préfets et Présidents de Région. Ils traitent dune part de deux priorités essentielles dans la bataille de lemploi : laccès à la qualification des jeunes et la formation des demandeurs demploi.
Sur ces deux sujets, les marges de progrès sont importantes. Il faut tout à la fois augmenter le nombre de demandeurs demploi en formation à peine 20 % dentre eux ont accès à la formation et réduire les délais dentrée en formation. Ceci est moins une affaire de moyens financiers supplémentaires, que de coordination et dorganisation. Et cest là que vous entrez en scène !
* Lobjectif est désormais de conclure dans chaque territoire des « Pactes de réussite éducative et professionnelle des jeunes » ainsi que des « plans daction pour la formation des demandeurs demploi ».
Ces documents stratégiques doivent permettre de mieux coordonner les acteurs, de fédérer les légitimités et darticuler au mieux des initiatives qui parfois signorent. Ils doivent, en tout état de cause, être toujours guidés par lintérêt des destinataires de laction publique, en loccurrence : le jeune décrocheur, le demandeur demploi peu qualifié, le jeune en galère de rupture de contrat dapprentissage en petits boulots par intérim, la personne en réorientation de sa vie professionnelle après un licenciement
Aujourdhui, daprès les informations dont je dispose, 10 (IDFrance, RAlpes, MPyrénées, PACA, Limousin, Centre, Hte Normandie, PCharente, Réunion, FComté) territoires régionaux se sont déjà effectivement mobilisés pour mettre en oeuvre ce Pacte et ce plan daction.
Dans les autres, jentends bien quelques réticences Certains nous renvoient vers le Contrat de plan régional de développement des formations professionnelles (CPRDFP) qui inclurait déjà des orientations sur ces publics. Cest vrai, et il convient de capitaliser sur lexistant. Cependant jattends du Pacte jeunes et du plan daction formation des demandeurs demploi un caractère opérationnel beaucoup plus marqué que celui des CPRDFP.
Dautres se demandent pourquoi donc engager un nouveau processus alors que lacte III de la décentralisation risque de modifier les règles du jeu dans un avenir proche Il est vrai que cette loi va faire bouger les lignes en matière de pilotage de formation des demandeurs demploi et de la lutte contre le décrochage. Pour autant elle ne sera pas applicable avant début 2014. Et sur le front de lemploi, cest aujourdhui que les Français souffrent, cest maintenant quils sont inquiets, cest en ce moment quils se demandent, face aux fermetures dusines et aux plans sociaux, sils ne seront pas les prochains sur la liste... ou comment retrouver du travail quand tant dautres perdent le leur ! La bataille pour lemploi nattend pas.
Je vous invite donc à prendre la main pour mener à bien ces plans daction sur lensemble de nos territoires. Les DIRRECTE, en lien étroit avec le Conseil régional, disposent de la légitimité pour entraîner dans leur dynamique lensemble des partenaires : cest la légitimité de lEtat, garant de la solidarité et de léquité, lEtat responsable de la politique de lemploi.
Je suivrai personnellement votre mobilisation, et je me rendrai moi-même à certaines réunions du CCREFP programmées en région.
Je vous demande de faire remonter à mon directeur de cabinet, les difficultés que vous rencontreriez pour mettre en place ces démarches.
* Coordonner et planifier est une chose. Former effectivement en est une autre. En particulier quand il sagit de toucher les jeunes.
A ce sujet, je veux aborder avec vous une satisfaction et une préoccupation.
Lobjet de ma satisfaction est le développement de lapprentissage : les contrats dapprentissage sont stables (+1%) au 31 décembre 2012 et ce, malgré une année très difficile pour les entreprises.
Pour continuer de soutenir la participation du tissu économique à cet outil dinsertion durable dans lemploi quest lapprentissage, jai engagé le renouvellement des conventions de partenariat conclues en 2009 avec lAssemblée permanente des chambres de commerce et dindustrie et des chambres des métiers ; ainsi quavec la fédération du BTP.
Au total ces conventions permettent le financement par lEtat de 275 développeurs de lapprentissage. Un objectif de 25 000 contrats est attaché à ces conventions.
Des objectifs quantitatifs et qualificatifs leur ont été assignés, et notamment :
Prospection des branches et de secteurs jusquà présent peu engagés dans lapprentissage ;
Recherche de contrats pour les jeunes sans qualification au sein même des entreprises. Ces conventions sont en cours de finalisation. Elles vous seront adressées. Vous verrez que nous avons eu le souci dorganiser leur territorialisation pour que vous et les Conseils régionaux puissiez en adapter les objectifs avec les réseaux concernés.
Mon inquiétude porte sur la formation des jeunes en emplois davenir. Lexistence dun volet formation est à la fois la grande nouveauté de ces contrats aidés, leur vraie valeur ajoutée et en même temps lécueil qui risque de les perdre si nous ny sommes pas attentifs.
Jentends bien que former un jeune très peu qualifié nécessite de lénergie, du temps et de largent. Je sais aussi que définir dès la signature du contrat le parcours de formation dont le jeune et lemployeur auront besoin pour tirer le meilleur de leur coopération nest pas facile. Mais je suis absolument convaincu de deux choses :
- Les missions locales et Cap Emploi ont les capacités et les compétences pour accompagner la définition de ce parcours, il faut sappuyer sur ces réseaux ;
- Tout le monde a à y gagner : le jeune qui obtient en même temps un salaire, une expérience et une qualification ; la collectivité qui bénéficie de talents certes non académiques ! et qui rend ainsi des services dintérêt général jusqualors non pourvus.
Encore faut-il que les services de lEtat y soient très attentifs. Je souhaite même pour ma part que vous en soyez les moteurs, que vous mettiez cet objectif au coeur de vos démarches en direction des employeurs potentiels. Je compte sur vous.
* Troisième volet du dialogue social en faveur des jeunes et des demandeurs demploi : la négociation de la convention cadre entre lEtat et les partenaires sociaux pour laffectation des crédits du Fonds Paritaire de Sécurisation des Parcours Professionnels (FPSPP).
Le dialogue entre les partenaires sociaux et nos prédécesseurs avait été rompu, du fait des ponctions autoritaires que les Gouvernements de lancienne majorité avaient opérées sur le FPSPP (2 fois 300 M).
Le Premier ministre sest engagé lors de la Grande Conférence Sociale, à cesser ces ponctions, et à travailler à des objectifs communs dintervention.
Le dialogue sest engagé cet automne et il nous a permis de rapidement parvenir à un accord sur lemploi des fonds du FPSPP. Cet accord sera officiellement signé mi-février.
Ainsi les partenaires sociaux ont décidé de porter le taux de contribution des OPCA au FPSPP de 10 à 13 %. Au total le fonds sera doté en 2013 de 892 M.
Les fonds du FPSPP seront prioritairement dirigés vers des objectifs qui sont aussi ceux de lEtat :
Les publics fragiles : lutte contre lillettrisme, jeunes sans qualification,
La formation des jeunes en emplois davenir ;
La prévention des mutations économiques sur les territoires, en lien avec les Régions.
Ce sont donc des moyens supplémentaires qui viendront abonder laction menée par les Régions et Pôle emploi en faveur de la formation des jeunes et des demandeurs demploi. Les appels à projet qui seront lancés vous permettront de soutenir des projets partenariaux dont vous pourriez prendre linitiative.
2. PREPARER LAVENIR PROFESSIONNEL DE CHACUN DE NOS CONCITOYENS
Au-delà des mesures qui auront un impact immédiat sur des catégories ciblées, nous avons engagé une action qui vise à améliorer sensiblement le fonctionnement de notre système de formation professionnelle et dapprentissage pour tous ses usagers, y compris les jeunes en formation initiale ou encore les actifs en emploi.
Dans ce cadre deux chantiers majeurs ont été engagés :
* Tout dabord la création du service public régional de la formation professionnelle
Il verra le jour dans le projet de loi de décentralisation. Celui-ci est en cours darbitrage mais pour la partie formation professionnelle et apprentissage, il devrait comprendre les points suivants :
Des droits et garanties fondamentales dans la loi avec la création du service public de la formation professionnelle tout au long de la vie
- Ce service public renforcera la visibilité de la formation professionnelle, donnera corps à son caractère dobligation nationale depuis longtemps affirmé par le code du travail. Il permettra également doffrir des garanties essentielles de non discrimination quels que soient son lieu de résidence, son handicap éventuel, daccompagnement renforcé pour le public le plus en difficulté, dadaptation aux besoins en compétences du territoire
- Sagissant des territoires doutre mer, cette nouvelle organisation permettra non seulement aux régions doutre mer de mettre en place leur service public régional mais également de négocier avec leur homologue de métropole les conditions daccueil et dhébergement des personnes résidant outre mer et souhaitant suivre une formation en métropole. LEtat, garant de la continuité territoriale, reste en charge des aides à la mobilité associées.
Le renforcement du service public de lorientation tout au long de la vie.
- Il sera animé et coordonné par la Région, pour que chacun puisse choisir son parcours professionnel, élargir son champ des possibles, quels que soient son âge, son niveau de diplôme ou son secteur dactivité.
De nouveaux transferts de compétences avec la constitution dun bloc de compétence sur le champ de la formation professionnelle et de lapprentissage autour des Régions : publics spécifiques (travailleurs handicapés, détenus, DOM, étrangers), lutte contre lillettrisme, gestion des fonds du FNDMA consacrés aux conventions dobjectifs et de moyens signées entre lEtat et les régions. Elles fixeront également désormais les priorités de la carte des formations professionnelles initiales et se verront confier une mission de coordination sur les démarches de décrochage/raccrochage scolaire.
* Mais, il faut aller plus loin pour rendre le système plus accessible. Cest pourquoi je présenterai en juin au Conseil des ministres un projet de loi qui comprendra deux volets.
Lapprentissage et lalternance : il sagirait là dabord daccroître loffre et daméliorer les conditions de vie des apprentis.
Aujourdhui une obligation de quota pèse sur les entreprises du secteur privé (4 % au dessus de 250 salariés) avec une pénalité (malus) si ce quota nest pas atteint et une prime (bonus) sil est dépassé. Si lon veut augmenter le nombre de places il faudra aller plus loin et responsabiliser tous les acteurs de la chaîne de lapprentissage pour permettre aux jeunes sans réseau social ni familial daccéder effectivement à lalternance.
Il faudra aussi travailler sur les conditions de logement et de transport des apprentis, souvent écartelés entre trois lieux de vie pas toujours dans la même vile : le domicile familial, le CFA et lentreprise.
La formation professionnelle : je souhaite sur ce champ travailler à une amélioration du système sur trois points essentiels
- Le droit à la formation. Il sagira là de traduire dans le code du travail les dispositions de laccord interprofessionnel du 11 janvier sur le compte personnel, une fois que la négociation appelée par cet accord entre lEtat, les Régions et les partenaires sociaux aura eu lieu. La question se posera détendre ce compte individuel à dautres publics (indépendants), et de larticuler avec le droit à la formation initiale différée.
La création de ce compte peut révolutionner laccès à la formation, si lon va véritablement au bout de lidée quil porte : donner les moyens concrets aux individus dexercer leur droit à la formation en pleine autonomie.
Nous inclurons la mention du compte dans la loi du printemps qui transcrira laccord. Puis, nous retravaillerons à une rédaction plus élaborée de ce texte en juin.
- La qualité de la formation : aujourdhui les conditions denregistrement dun organisme de formation sont très peu exigeantes, et aucune garantie nest donnée quant à la qualité des prestations. On compte près de 55 000 organismes de formation, dont 17 000 organismes dont la formation est lactivité principale. Cette grande nébuleuse donne à lensemble du système un caractère assez opaque, et conforte une image assez négative de la formation professionnelle.
Je souhaite poser des règles plus exigeantes sur ce point.
- Enfin, il nous faudra sans doute revoir les mécanismes du droit à la validation des acquis de lexpérience (VAE). La VAE a 10 ans. Lobjectif de départ était 60 000 VAE complètes par an. En 2011, 30 000 personnes en ont bénéficié
La VAE est un mécanisme valorisant pour les individus, qui facilite laccès à la qualification, qui permet de centrer la formation sur les besoins effectifs des personnes, et donc évite le gaspillage des financements.
Mais des freins demeurent et ils sont très bien identifiés : manque dinformation, défaut daccompagnement des jeunes, difficultés à réunir les jurys,
Là aussi il nous faut corriger ce qui ne marche pas.
Enfin 3ème axe : Améliorer la gestion densemble du système
Le financement de la formation professionnelle et de lapprentissage est très souvent décrié. Sa complexité, le nombre de financeurs et dacteurs présents dans le champ alimentent les critiques et malheureusement effacent les résultats positifs que le système produit aussi.
La loi de 2009 a engagé un mouvement de restructuration et de rationalisation des OPCA, et les COM qui les lient à lEtat ont apporté de la clarté dans lutilisation des financements, mais il faut encore approfondir ce mouvement, comme le recommande la Cour des Comptes.
Je vais poursuivre ce travail de clarification en engageant une réforme de la taxe dapprentissage comme je lindiquais tout à lheure. Il sagira de revoir la structure de cette taxe, sa collecte et sa répartition. Trois principes guideront cette réforme :
- Faire en sorte que les financements de lapprentissage aillent à lapprentissage. 60 % - seulement ai-je envie de dire ! de la taxe aujourdhui finance réellement lapprentissage.
- Rationaliser la collecte pour éviter les déperditions, il y a aujourdhui plus de 140 organismes de collecte, qui souvent se concurrencent.
- Mettre du paritarisme dans tout cela pour construire une politique de lalternance plus homogène.
Cest une réforme lourde, dont vous entendrez parler car les lobbys sont nombreux, mais elle est nécessaire.
En parallèle nous réviserons les aides à lalternance : exonération de charges, crédit dimpôt, etc . Une mission IGAS/IGF va démarrer sur ce point dans le cadre de la démarche de modernisation de laction publique.
Là aussi, il faut rechercher lefficience, cibler les aides pour quelles aient un vrai effet levier et donc éviter les effets daubaine.
Voilà Mesdames et Messieurs les directeurs ce que je voulais vous dire aujourdhui pour que vous ayez ces objectifs en tête dans votre action et celle de vos équipes.
Vous le voyez le programme est chargé. Je recevrai dans quelques jours certains de vos représentants pour approfondir ces sujets.
Je souhaite des relations fluides entre nous. Mon cabinet est à votre écoute pour vous appuyer dans votre action.
Je sais pouvoir compter sur vous et vos équipes, notamment pour la préparation de la loi de juin.
Merci de votre collaboration.
Source http://www.sud-travail-affaires-sociales.org, le 27 février 2013