Déclaration de M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, sur les relations entre la France et l'Amérique latine, à Bogota le 25 février 2013.

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Circonstance : Déplacement en Amérique latine (Pérou, Colombie, Panama) du 21 au 24 février-discours à l'Université de l'Externado, à Bogota (Colombie) le 25 février 2013

Texte intégral

Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Monsieur le Recteur,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames, Messieurs,
Chers Étudiants de l'Université de l'Externado,

Je veux tout d'abord vous remercier chaleureusement de me recevoir dans cette université fameuse de l'Externado, que tant de liens attachent à la France. À l'occasion de mon voyage sur votre continent, qui m'a conduit successivement au Pérou, au Panama et en Colombie, je veux vous dire combien mon pays accorde d'importance à ses relations avec vous. Ce n'est pas par hasard que j'ai choisi de venir m'exprimer ici, en Colombie. Les liens entre l'Amérique latine et la France sont en effet ancrés dans l'histoire, nourris de valeurs partagées et d'aspirations communes et y a-t-il de meilleur lieu pour en parler que l'Université de l'Externado ?
Vous connaissez toutes et tous, cela vient d'être rappelé, le rôle majeur joué par les idées et les principes venus de France dans la lutte de toute une série de pays et notamment de la Colombie pour leur indépendance. À quelques centaines de mètres d'ici, la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen a été gravée dans la pierre de la «Maison des droits». Non loin, le nom du palais présidentiel - Casa de Nariño - rappelle qu'il est construit sur le lieu de naissance d'Antonio Nariño, lequel traduisit en espagnol cette déclaration pendant la Révolution française et permit sa diffusion sur tout le continent. Cette traduction valut d'ailleurs à votre héros national de longues années de prison, puis l'exil, et une décennie plus tard, Miranda, le premier des Libertadores, débarquait à Vela de Coro avec une presse destinée à reproduire la déclaration française traduite quelques années plus tôt à Bogota. Et chacun, dont moi-même, connaît et apprécie la passion de la Colombie pour le droit et l'influence du droit civil et du droit constitutionnel français sur le droit colombien.
Si j'évoque, même rapidement, ces épisodes et ces faits, c'est parce qu'ils sont fondateurs de votre histoire moderne et parce qu'ils sont fondateurs aussi de notre relation si particulière, marquée par un même attachement à la liberté et à la laïcité et à une même confiance dans le progrès. L'héritage commun des Lumières, on a cité Rousseau et Voltaire, a inspiré le mouvement d'émancipation qui a soulevé, à l'aube du XIXe siècle, toute cette région et dont nous avons célébré récemment le deux-centième anniversaire.
Mesdames et Messieurs, Chers Amis, nous avons des références communes, et grâce à ces références, nos pays ont vécu depuis longtemps au rythme de leurs échanges humains. L'océan Atlantique n'a jamais constitué pour les voyageurs une barrière infranchissable, ni pour les écrivains, les penseurs et les créateurs, qui depuis plus de deux siècles ont tissé entre nous les mailles d'une amitié solide. Il suffit par exemple de lire Mario Vargas Llosa lorsqu'il évoque ses années de jeunesse à Paris où il se découvrit écrivain latino, aux côtés d'une génération exceptionnelle - Julio Cortazar, Alejo Carpentier, Carlos Fuentes, personnalités éminentes auxquelles je veux rendre hommage.
Et à ce sujet je veux évoquer un souvenir personnel. Lors des cérémonies qui marquèrent l'investiture de François Mitterrand en mai 1981, qui fut le premier président français de gauche élu au suffrage universel. Et lorsqu'il fut élu, son premier souhait fut qu'un grand écrivain fût présent à ses côtés. Sa présence témoignait de la passion de la France pour la littérature. Mais le choix ne fut pas fait au hasard, c'était celui de la littérature latino-américaine et de son amitié pour les écrivains, mais aussi de cet héritage, de cette proximité entre nos deux nations. C'était Gabriel Garcia Marquez. Et aux côtés de François Mitterrand et de Gabriel Garcia Marquez, il y avait le vénézuélien Miguel Otero mais il y avait aussi, et ceci est lourd de signification, les veuves de Salvador Allende et de Pablo Neruda. Je me rappelle très bien ces moments, j'étais tout jeune, c'était mon premier poste de ministre.
La présence de ces deux femmes rappelait aussi qu'aux heures les plus tragiques de l'histoire, de nombreux proscrits d'Amérique latine ont pu trouver en France refuge, soutien et amitié, c'est vrai pour l'Argentine, pour l'Uruguay, pour le Guatemala... Cela fait partie de notre histoire commune. Ces proscrits ont fait souche : leurs enfants, franco-latino-américains, contribuent aujourd'hui à la richesse de la société française. Nous en comptons au moins deux comme députés français, sur les bancs de notre Assemblée nationale (M. Sergio Coronado (franco-chilien) et M. Eduardo Rihan-Cypel (franco-brésilien).).
Je veux ajouter qu'à côté de cette histoire commune qui nous rassemble, il y aussi - ce qui est moins connu et pourtant éclatant d'évidence - une géographie que nous partageons. La France est aussi latino-américaine, par ses collectivités dans les Antilles et en Guyane, dont nous voulons que, de plus en plus, elles puissent s'intégrer dans leur région, en Amérique centrale et en Amérique latine. La France est en effet le seul État européen à posséder une frontière terrestre commune avec des pays sud-américains - et pas n'importe quelle frontière : 520 kilomètres avec le Suriname, et ce qui est peu connu 720 kilomètres avec le Brésil !
Cette histoire et cette géographie qui nous rapprochent sont un immense atout pour construire ensemble l'avenir vers lequel je veux maintenant me tourner. Au cours de la dernière décennie, une nouvelle Amérique latine a pris son essor. En paix avec la démocratie et avec lui-même, fort de sa jeunesse, de sa créativité et de son ouverture au monde, votre continent s'affirme comme un pôle majeur du XXIe siècle. Je dis que l'avenir du monde se construit et se construira en grande partie ici, en Amérique latine. Et la France, évidemment, veut être là où se construit l'avenir.
Débarrassés des rigueurs excessives de ce qu'on a appelé les politiques d'ajustement structurel, plus attentifs qu'avant aux aspirations des peuples à la justice et au progrès social, vos pays connaissent depuis quelques années une croissance et un développement spectaculaires. C'est le cas notamment des trois pays où je me suis rendu cette semaine, Pérou, Panama et Colombie, qui bénéficient de taux de croissance à rendre l'Europe jalouse. Je veux saluer particulièrement les réalisations en Colombie, qui s'est engagée d'une manière décidée sur le chemin des réformes, du respect des droits de l'homme et c'est essentiel.
Ces avancées ont souvent été portées par une nouvelle génération de dirigeants bouleversant des modes de gouvernement plus traditionnels. Ils veillent à rendre cette croissance, cette fois-ci, inclusive afin que le progrès économique bénéficie à toute la société, notamment les peuples autochtones dont la situation a été si longtemps négligée. Bien sûr, nous le savons tous, beaucoup de progrès restent encore à accomplir sur le chemin du développement partagé et équitable, mais ainsi se construit dans un cadre démocratique une sorte de modèle nouveau de société, dont nous observons l'évolution avec d'autant plus d'intérêt que cela peut donner souvent l'exemple au monde.
Sur la scène internationale, l'Amérique latine s'affirme également. Ce mouvement, contrairement à ce que l'on pense, n'est pas à proprement parler nouveau, je rappellerai : sur les 50 signataires de la Charte des Nations unies en 1945, 20 étaient latino-américains et caribéens. Mais aujourd'hui, l'Amérique latine est bien devenue un continent de l'émergence, elle pèse d'un poids croissant sur la scène mondiale. Trois pays de la région - le Brésil, le Mexique et l'Argentine - participent au G20. Et - j'ai pu le constater en rencontrant les trois présidents des pays que j'ai visités - chaque pays, quelle que soit sa taille, s'intéresse désormais aux affaires du monde et se sent pleinement membre, et d'une certaine façon coresponsable, de la communauté internationale.
La voix de l'Amérique latine porte en particulier sur les enjeux globaux, qu'il s'agisse du développement durable, qu'il s'agisse des questions liées au dérèglement climatique, qu'il s'agisse de la gouvernance mondiale ou de la lutte indispensable contre le trafic de drogue et contre la corruption. Vos pays figurent également parmi les plus engagés sur les questions de droits de l'homme. La France, comme le disait le grand Georges Clemenceau en novembre 1918, «sera toujours le soldat de l'idéal». Nous partageons ce socle commun qu'est l'affirmation de l'universalité des droits de l'homme. C'est pourquoi nous nous sentons si proches, entre Latino-Américains, Européens et Français.
De l'ONU à l'OMC, de l'OCDE au G20, la voix de l'Amérique latine est forte, je l'ai constaté avec ma collègue, ministre des relations extérieures lorsque pendant deux ans la Colombie a siégé au Conseil de sécurité des Nations unies. Elle n'est pas toujours univoque : vous n'êtes pas toujours d'accord entre vous. Il y a aussi, dans certains cas, des débats entre vous et nous. Mais quoi qu'il en soit, et je tiens à l'affirmer ici, la France regarde avec beaucoup de confiance l'émergence de l'Amérique latine et son affirmation sur tous les plans qu'il s'agisse de politique, d'économie, de culture. Nous souhaitons être partenaires avec l'ensemble des États d'Amérique laine, d'égal à égal, alors que dans de nombreux domaines nous devons affronter les mêmes problèmes et relever les mêmes défis. Nous souhaitons travailler avec vous à la construction d'un monde plus sûr, plus juste et plus solidaire, non pas bipolaire ou unipolaire comme le monde l'a été avant-hier ou hier, ou éclaté comme aujourd'hui, mais un monde multipolaire, comme nous le souhaitons pour demain, où chaque pôle apportera sa contribution à la régulation internationale, à l'équilibre et à la paix.
Si je suis aujourd'hui parmi vous, c'est pour porter ce message simple : oui, l'Amérique latine constitue une priorité pour notre politique étrangère. Oui, nous souhaitons nous engager sur le long terme dans une relation de grande confiance avec vous.
Au terme de mon déplacement dans votre région et des échanges que j'ai pu avoir avec vos chefs d'État, vos ministres, dirigeants politiques, représentants de la société civile, chefs d'entreprise, universitaires, intellectuels et, bien sûr, avec les Français des Amériques, j'ai la conviction que oui, à notre portée, il existe une attente réciproque. Comment définir cette approche ? Je dirais que notre nouvelle relation, entre Amérique latine et Europe, Amérique latine et France, doit être à la fois continentale et partenariale.
Continentale, ceci parce que nous devons embrasser la diversité de l'Amérique latine, ensemble de plus de 30 pays aujourd'hui réunis dans une même communauté, mais dont les trajectoires, les préoccupations et les intérêts demeurent encore souvent divers - pluralité de points de vue dont nous avons, nous-mêmes, d'ailleurs aussi l'expérience en Europe. La France, au sien de l'Amérique laine, ne hiérarchise pas ses amitiés. Nous souhaitons dialoguer avec les pays qui le souhaitent, depuis le Brésil et le Mexique jusqu'au plus modeste des États, et coopérer avec tous ceux qui partagent nos valeurs, peu importe la taille de leur population ou le chiffre de leur PIB. La France ne considère pas, en somme, qu'il y aurait de «petits pays» en Amérique latine, et encore moins pour les regarder de haut.
Dans cet esprit, nous avons récemment retrouvé le chemin de plusieurs capitales latino-américaines qui n'avaient reçu que peu de visites politiques françaises au cours des dernières décennies, dans les Andes et en Amérique centrale, dans le Cône Sud et les Caraïbes. Le gouvernement auquel j'appartiens fait aujourd'hui le choix d'une présence assidue en Amérique latine.
Notre démarche est continentale, elle se veut aussi partenariale. Face aux défis de la mondialisation, l'Europe et l'Amérique latine partagent beaucoup. Tous mes interlocuteurs, sans exception, m'ont répété, ces derniers jours, que notre convergence d'intérêts constitue une nouvelle donne pour l'avenir. Je souhaite que nous puissions nous appuyer sur ces aspirations et préoccupations communes afin de travailler sur plusieurs plans : sur le plan politique, sur le plan économique et sur le plan culturel et éducatif : le renforcement de notre dialogue politique, la promotion de modèles de développement durables et inclusifs, le développement de nos échanges économiques, l'intensification de nos échanges humains.
Sur le plan politique, le renforcement de notre dialogue est en très bonne voie. Comme je l'ai dit, après des années où nous n'avons pas été assez présents, nous avons déjà commencé de renforcer nos contacts. Au cours de ces seuls neuf derniers mois, le président Hollande et le Premier ministre Ayrault se sont rendus en Amérique latine. Le président du Sénat français a assisté à l'investiture du président nouvellement élu pour le Mexique, M. Peña Nieto, avant de se rendre plus récemment à Cuba. Les ministres français de la défense, de la justice, du commerce extérieur, de l'outre-mer, du développement et de l'économie solidaire se sont rendus au Brésil, en Équateur, en République dominicaine, au Venezuela.
Depuis maintenant 9 mois, le président français a reçu de très nombreux chefs d'État latino-américains à Paris. Il se rendra dans cette région notamment l'an prochain, à l'occasion du cinquantième anniversaire du fameux voyage que fit en 1964 le général de Gaulle.
Mon déplacement en Amérique latine participe de cette nouvelle dynamique. Il ne s'agit pas à proprement parler d'un «retour» de la France en Amérique latine - elle ne l'a jamais quittée depuis deux siècles -, mais de l'expression d'une volonté politique de partenariat nouveau et de présence nouvelle et forte.
Notre dialogue politique pourra être prolongé au sein des organisations régionales. Nous siégeons déjà ensemble dans plusieurs d'entre elles - l'OEA, la CEPALC, l'AEC ou le SICA, pour ne citer que quelques uns de ces acronymes derrière lequel se cachent des institutions actives. Nous y travaillons avec vous à des projets en matière de défense des droits de l'homme, d'action contre les maladies infectieuses, de réduction des inégalités, de prévention des risques naturels ou de promotion du tourisme durable. Les collectivités françaises des Amériques, intéressées par les résultats concrets de ces travaux, sont candidates à plusieurs de ces organisations. Nous devons accentuer encore notre présence et coordination.
Notre coopération sera centrée sur les enjeux globaux. Le monde dans lequel nous vivons connaît de nombreuses crises régionales et doit faire face à des défis qui nous concernent tous. Face à eux, les schémas d'hier, notamment ceux qui tendaient à opposer le Sud au Nord, sont très largement dépassés. Les problèmes climatiques sont évidemment planétaires. L'instabilité économique ou financière est une menace globale. Je devrais aussi parler du terrorisme et du trafic de drogue, qui sont partout où ils sévissent des calamités ravageuses - sur votre sol, sur le nôtre où en Afrique. Nous, Français, nous y sommes confrontés, comme vous le savez, actuellement au Mali.
Face à ces enjeux, la France, comme vous, porte un message de solidarité, de justice et de responsabilité. Notre fondons notre démarche sur le droit international, nous nous efforçons d'agir pour une meilleure régulation, nous sommes engagés pour le développement et défendons partout la démocratie et les droits de l'homme : Nous devons nous retrouver, Latino-Américains, Colombiens, Européens, Français, sur l'ensemble de ces orientations.
J'y insiste : face aux enjeux que j'ai évoqués, notre monde est éclaté et peine à apporter les réponses collectives qui seraient nécessaires. Le Conseil de sécurité de l'ONU, dont la France est l'un des cinq membres permanents, a pu agir - bravo ! - pour le Mali, mais face au drame syrien, avec malheureusement près de 100.000 morts, il est malheureusement impuissant. Les négociations climatiques n'avancent pas à la vitesse que les enjeux requièrent. Le fonctionnement de l'OMC est grippé. La France, comme la Colombie, souhaite que les institutions multilatérales puissent jouer pleinement leur rôle.
Parce qu'il existe entre nous une proximité politique forte, l'Europe, dont au premier rang la France, et l'Amérique latine, dont la Colombie, doivent être à l'avant-garde de ce travail en commun afin de proposer les mécanismes de régulation et de gouvernance qui permettront de répondre à ces périls et à ces défis. Les pays d'Amérique latine sont dans l'ensemble très attachés au système des Nations unies, que vous contribuez à gérer - en témoigne votre participation aux opérations de maintien de la paix.
La promotion des droits de l'homme est également un sujet sur lequel la France et les démocraties d'Amérique latine sont attendues. Nous avons une parole commune à porter sur la scène internationale pour promouvoir l'universalité de ces principes. Hier, l'Argentine et la France ont porté, ensemble, la convention sur les personnes disparues. Aujourd'hui, l'Amérique latine pourrait soutenir la mobilisation de la France en vue de l'abolition universelle de la peine de mort. Et puisque depuis de trop longues années, la Colombie doit faire face à la violence avec la question des FARC. Je veux, sans ingérence, mais de la façon la plus précise, saluer au nom du gouvernement français la démarche que le président Juan Manuel Santos a engagée en faveur de la paix. La France est une puissance de paix et la France soutient officiellement votre démarche et souhaite qu'elle aboutisse rapidement pour le bien de tous les Colombiens.
Nous avons également beaucoup à faire sur le plan économique. L'Europe connaît des difficultés aujourd'hui, mais elle est la première puissance économique mondiale et la France, seule, occupe la cinquième place. Nous, Européens, disposons pour nous redresser de nombreux atouts - recherche, technologies, innovation, infrastructures, entreprises mondiales - pour n'en citer que quelques uns de ces atouts.
S'agissant de nos relations, l'Europe est le premier partenaire de l'Amérique latine en matière d'investissements. La France est depuis 2010, ce qui ne se sait pas assez, en flux, le premier investisseur européen dans cette région. Nos grandes entreprises sont presque toutes présentes, souvent depuis le début du XXe siècle. En association avec leurs homologues latino-américaines, les fameuses multilatinas, elles ont contribué à construire un grand nombre de vos ports, de vos aéroports, de vos réseaux téléphoniques, d'adduction d'eau, de transport urbain ou de production d'électricité. Elles fournissent avions ou technologies avancées. Vous achetez chaque jour des produits alimentaires, des médicaments, des cosmétiques qu'elles produisent, dans des magasins qui appartiennent parfois à des entreprises françaises de grande distribution. Nos entreprises ont aussi pour habitude d'assumer leur responsabilité sociale et de participer à la diversification nécessaire de vos économies, à travers des transferts de technologie et de savoir-faire que nous proposons et assumons. Ici même, en Colombie, et j'en ai rencontré plusieurs il y a quelques heures, plus de 100 entreprises françaises sont présentes, 30 des 40 plus grandes entreprises françaises, et les perspectives économiques sont prometteuses.
Cette situation positive est un socle pour aller encore plus loin, notamment dans le sens du développement responsable. La France est à vos côtés pour promouvoir une croissance verte et solidaire, à travers notamment notre agence spécialisée en la matière, que nous appelons l'Agence française de développement. Elle finance des projets publics et des entreprises privées qui répondent à cet objectif de développement durable souvent dans le cadre de tours de table qui associent également vos banques de développement nationales et régionales. L'Agence française de développement intervenait déjà dans les Caraïbes, en Colombie et au Brésil. Elle va étendre désormais son champ d'intervention à de nouveaux pays latino-américains.
Et pourtant, Mesdames et Messieurs, Chers Amis, à côté de ces investissements, nos échanges commerciaux sur le plan économique restent trop faibles. La France est présente - très bien ! - sur ce qu'on appelle les grands contrats, notamment dans les domaines de la défense et des infrastructures, et j'espère qu'elle le sera en Colombie dans le futur. Mais notre part de commerce courant n'est pas à la hauteur de notre relation politique et économique. C'est une faiblesse que nous devons réduire. Le réseau des chambres de commerce et d'industrie dans d'autres institutions, dont l'Institut des Amériques, qui associe la soixantaine d'universités et de grandes écoles françaises qui travaillent sur et avec votre région, tous ceux-là et bien d'autres encore peuvent participer à cet effort.
De même, ce qui est plus nouveau, nous souhaitons que l'Amérique latine soit davantage présente par ses investissements en Europe, notamment en France. Après tout, c'est la marque d'un continent économique mature, les investissements doivent se réaliser dans les deux sens.
Le dernier axe de cette nouvelle approche que je propose, c'est de promouvoir les échanges humains et de compétences entre l'Amérique latine et la France.
Après les États-Unis et l'Espagne, la France est le troisième pays d'accueil des étudiants latino-américains hors de ce continent. Chaque année, plus de 1.500 jeunes Colombiennes et Colombiens partent étudier en France. C'est en France qu'ont été formés certains des esprits latino-américains les plus brillants - et je citerai, j'espère qu'il n'en rougira pas, le recteur Henao ici présent, juriste, défenseur des droits de l'homme, pédagogue et parfait francophone. C'est grâce à des exemples tels que le vôtre, Cher Ami, que la France a été récemment sélectionnée par le Brésil et le Pérou pour former plusieurs milliers des futurs médecins, ingénieurs et professeurs latino-américains. Et je crois que, lorsque des Colombiennes ou Colombiens, viennent faire des études en France, ils ne le regrettent pas, de même que j'ai pu constater que des Français venus faire leurs études ici choisissent de rester par goût ou par des choix familiaux.
De plus en plus de Français s'installent en Amérique latine : dans votre région, la taille de la communauté française a crû de plus de 15 % au cours des dernières années. Pour la Colombie, sont installés désormais près de 5.000 Français. Beaucoup de ces Français des Amériques travaillent pour des entreprises françaises ; ils sont également nombreux à être venus étudier dans vos universités. Celles-ci - à commencer par l'Externado - comptent parmi les meilleurs établissements d'enseignement supérieur au monde. Les étudiants français qui sont venus passer quelques mois ou quelques années en Colombie, ne me démentiront pas.
L'adaptation à cette réalité nouvelle du formidable réseau de coopération que nous ont laissé nos deux siècles d'échanges humains et culturels constitue pour la France un enjeu essentiel : sur votre continent, 275 alliances françaises sont présentes (dont 17 ici en Colombie) où sont formés plus de 160.000 étudiants, avec 37 lycées français, sans oublier les nombreux et valeureux instituts de recherche. Ce réseau français n'a pas d'équivalent. Il déploie des projets innovants en matière d'enseignement ouvert et à distance ou de formations numériques. Il doit rester fort, il doit continuer à porter la langue et la culture française qui a tant contribué au développement de l'Amérique latine. Francophonie, francophilie, la Colombie et l'Amérique latine savent que le français n'est pas seulement une langue mais aussi une culture, un ensemble de valeurs, et c'est parce que nous nous retrouvons dans ces valeurs que nous aimons tant pratiquer la même langue.
Cet outil culturel est aussi la base arrière principale de nos coopérations scientifiques et universitaires, portées par nos principales institutions d'enseignement supérieur. Dans ce contexte, des programmes originaux tels que «Sciences sans frontières», avec le Brésil, ou «Becas Dieciocho», avec le Pérou, sont particulièrement prometteurs : nous, la France, ne verrions que des avantages à ce qu'ils soient développés par d'autres pays, peut-être demain, la Colombie. Nos laboratoires de recherche conjoints méritent également d'être encouragés : ils servent de référence mondiale dans le champ des mathématiques et de l'informatique appliquée, de l'astrophysique, des sciences des matériaux et du climat, de la biologie marine ou de la santé, et encore dans beaucoup d'autres champs de la connaissance. Nous participons ainsi, ensemble, au développement de cette société de la connaissance sur laquelle sera fondée l'essentiel du développement mondial au cours des décennies qui viennent.

Mesdames et Messieurs, Chers Amis,
Je veux terminer par quelques mots.
Nous sommes dans une région, dans un pays où l'or revêt historiquement une importance particulière, il suffit pour s'en rendre compte de visiter le magnifique Musée «del Oro». Eh bien, je considère que l'on peut parler d'un véritable triangle d'or de la relation entre l'Amérique latine et la France, dont un côté s'appelle la politique et la diplomatie, un autre l'économie et le troisième l'éducation et la culture. Nous voulons et pouvons renforcer chacun des trois côtés de ce triangle d'or.
Ce que je suis venu vous dire aujourd'hui, au nom de la France, est finalement simple : nous avons la ferme volonté d'être pour vous et avec vous un partenaire de premier plan, dans la fidélité aux principes sur lesquels se fonde notre amitié commune.
Spontanément, les Français aiment l'Amérique latine et spontanément, les peuples d'Amérique latine, dont les Colombiens, aiment la France.
Nous n'oublions pas par exemple que, comme le chantait Carlos Gardel, ce poète que la France a prêté à l'Argentine : «Siempre se vuelve al primer amor» - «On revient toujours à son premier amour». Or notre premier amour nous porte, nous les Français vers l'Amérique latine et je pense l'Amérique latine vers la France.
Je le redis en terminant : nous savons qu'ici, en Amérique latine, se construit une grande partie de l'avenir du monde et nous voulons être à vos côtés pour construire cet avenir.
Vive la Colombie ! Vive l'Amérique latine ! Et vive l'amitié entre la Colombie et la France !

Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 février 2013