Déclaration de M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, sur les relations entre la France et la Colombie, à Bogota le 24 février 2013.

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Circonstance : Déplacement en Amérique latine (Pérou, Colombie, Panama)du 21 au 24 février 2013-rencontre avec la communauté française à Bogota (Colombie) le 24 février 2013

Texte intégral

Monsieur l'Ambassadeur,
Madame la Présidente de l'Alliance française,
Monsieur le Député,
Mesdames et Messieurs, Chers Amis,
Je voulais absolument à l'occasion de ce trop court séjour en Amérique latine, à la fois me rendre en Colombie, vous voir quelques instants et échanger avec vous.
Les spécialistes de l'École des chartes nous indiquent qu'il y a peu de visites de ministres des affaires étrangères en Amérique latine, la dernière remonte néanmoins à 2008 pour la Colombie. Au Pérou, c'était plus lointain et à Panama, on m'a parlé de Ferdinand de Lesseps. Or, il y a toutes les raisons que la France et la Colombie soient extrêmement proches, non seulement avec García Márquez, mais aussi tellement de choses nous rapprochent : à commencer par la langue, par les grands principes du droit et par toute une série de convictions que nous partageons. Donc, c'est une très bonne chose que nous puissions nous voir ce soir. Je suis ici depuis deux jours après quelques heures passées à Carthagène.
Et puis, je viens de rencontrer le président Santos qui a été obligé d'interrompre son week-end pour me recevoir, comme quoi le fait d'être président de la République ne présente pas que des avantages. Et demain, j'aurai l'occasion de m'exprimer devant une grande université et ensuite je repartirai pour Paris.
Ce que j'ai ressenti au cours de ce court séjour c'est qu'au fond la Colombie et la France ont toutes les raisons d'être extrêmement proches. Il y a entre elles une espèce de triangle d'or de la coopération sur les plans politique, économique, éducatif et culturel.
Sur le plan politique, je discutais avec le président Santos, sur quasiment tous les grands sujets qui mobilisent la planète. La Colombie et la France, en tout cas ce gouvernement et la France, ont des positions voisines sinon identiques. Il n'y a, je crois, que sur la question de la Palestine que nous avons eu, pour des raisons que chacun connaît, des positions différentes mais sinon sur tout le reste y compris dans notre engagement au Mali ou dans la position prise sur la Syrie ou d'une manière générale sur le multilatéralisme, sur l'attachement au droit, nous sommes vraiment complètement en phase.
Et nous sommes aussi en phase, je tiens à le dire et je le dirai demain lorsque je m'exprimerai publiquement devant la presse, pour soutenir le président Santos et son gouvernement dans la recherche de la paix pour trouver enfin une solution à ce terrible conflit avec les FARC. Chaque pays, bien sûr, est libre d'agir comme il l'entend, mais nous pensons qu'après de trop nombreuses années, le temps est venu de trouver une solution pacifique.
Donc coopération sur le plan politique et aussi coopération sur le plan économique : il y a plus de 100 entreprises françaises qui sont implantées en Colombie et sont très actives. Nos investissements ici augmentent. J'ai demandé au président colombien que la réciprocité commence à être appliquée car il y a aussi des fonds ici qui pourraient être disponibles pour des investissements en France.
Il y a de grands contrats qui sont passés, d'autres qui sont en perspective. Il y a le commerce courant qui se développe. Il y a beaucoup d'occasions de travailler ensemble pour créer de l'emploi en France, pour créer de l'emploi ici et je veux remercier beaucoup les responsables d'entreprises. Certains m'accompagnent, d'autres sont ici à demeure pour travailler dans cette direction.
Et puis, sur le plan éducatif et culturel, Madame la Présidente, on me disait qu'il y a en Colombie 17 Alliances françaises extrêmement dynamiques. Il y a quelques heures, je visitais l'Alliance française de Carthagène. Ici, nous sommes dans le vaisseau amiral, magnifique, c'est une grande réussite. C'est un travail extraordinaire, de même que ce qui est fait à travers nos établissements d'enseignement, en particulier le Lycée.
Nous avons le projet de développer encore le Lycée, mais il faut vraiment que nous soyons convaincants. Il y a une question de terrain, vous connaissez certainement cela. Mais nous serons heureux si le Lycée, avec ses 1.940 élèves, son excellent niveau, ses listes d'attente, peut vraiment s'étendre. C'est du très bon travail.
Nous avons en France beaucoup de jeunes Colombiens présents, plus de 1.600 je crois. C'est un des pays avec lesquels les échanges sont les plus denses. Il y a beaucoup de raisons à cela. Bien sûr, il y a la tradition littéraire, la francophonie - francophilie ambiante - et aussi la tradition scientifique. Je salue, ils sont là parmi vous, à la fois Mme et M. Joliot-Curie et Mme Charpak qui nous rappellent que la France compte de grands scientifiques, des prix Nobel.
Coopération politique, amitié et même plus sur le plan économique, travail en commun sur le plan culturel, sur le plan scientifique avec un pays, la Colombie, qui maintenant a dépassé - évidemment si je disais cela en Argentine ce serait mal vu - l'Argentine sur le plan économique et qui, malgré les difficultés intérieures auxquelles j'ai fait allusion, arrive à des taux de croissance chaque année de 5 % et plus, ce qui nous rend jaloux en Europe.
Et donc nous avons décidé, avec le président de la République et le Premier ministre, de porter l'accent sur l'Amérique latine. Tout simplement parce que, ici, se construit une partie de l'avenir du monde et que la France doit être présente partout où se construit l'avenir.
Alors l'avenir cela ne se construit pas dans l'abstrait. Cela se construit jour après jour grâce à des femmes et des hommes comme vous qui, par choix ou par les hasards de la vie, ont décidé de vivre ici.
Donc, Monsieur l'Ambassadeur, ne soyez pas affecté par ce que je vais vous dire, mais toutes ces personnes sont des ambassadeurs. Alors bon, il y en a un en titre et qui fait très bien son travail, remarquablement même. Mais c'est vrai, vous êtes tout simplement les porte-parole de la France. Je n'ai pas à porter de jugement moral, mais quand vous vous exprimez, quand vous prenez une initiative, quand vous adoptez un comportement, c'est la France qu'à travers vous on juge. Et nous avons la chance d'avoir ici en Colombie, comme dans beaucoup de pays du monde, des Français actifs, des doubles nationaux aussi, qui, aux côtés de nos amis Colombiens, montrent à quel point la France est une puissance d'influence, une puissance qui compte.
J'ai exercé dans ma trop longue carrière politique beaucoup de fonctions. C'est la première fois que je suis à la tête du Quai d'Orsay mais je mesure vraiment à quel point la France, qui n'est pas la plus grande nation du monde, a une influence particulière qui est issue de sources diverses. C'est un mélange, avec d'un côté notre siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unies - nous ne sommes que 5 pays dans ce cas là - et notre capacité militaire. Ce que nous avons fait au Mali pour sauver le peuple malien du terrorisme, aucun autre pays ne pouvait le faire. Notre rayonnement économique, notre rayonnement culturel et scientifique et puis notre histoire et nos principes qui font que lorsqu'on dit «liberté, égalité, fraternité», on dit, «c'est la France» et c'est la France grâce à vous. Donc, ce n'est pas à vous de me remercier d'être ici, c'est à moi de vous remercier de ce que vous faites pour notre pays.
Vive la Colombie ! Vive la France ! Et vive l'amitié entre la Colombie et la France !
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 février 2013