Déclaration de M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, sur les relations franco-colombiennes, l'enlèvement de Français au Cameroun et sur l'intervention militaire française au Mali, à Bogota le 25 février 2013.

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Circonstance : Déplacement en Amérique latine (Pérou, Colombie, Panama) du 21 au 24 février-point de presse conjoint avec la ministre colombienne des affaires étrangères, Mme Maria Angela Holguin, à Bogota (Colombie) le 25 février 2013

Texte intégral

Je vais remercier d'abord mon amie et collègue la ministre des affaires étrangères de Colombie pour la grande gentillesse de son accueil. Je veux remercier aussi le président Santos qui a eu la délicatesse de me recevoir, un dimanche en fin d'après-midi, et j'ai beaucoup apprécié les attentions des autorités colombiennes tout au long de mon séjour.
Comme Maria Angela vient de le dire, il s'agit de la troisième et dernière étape de ma visite en Amérique Latine. Je suis allé au Pérou, au Panama puis un peu plus longtemps en Colombie. Cette visite en Amérique latine a été très positive.
Nous avons décidé cette visite parce que nous voulons faire de l'Amérique latine un partenaire privilégié de la France, et c'est vrai en particulier de la Colombie.
Nous avons depuis longtemps des relations très proches avec la Colombie qui tiennent à l'histoire et à la communauté de nos valeurs, nous avons d'excellentes relations sur le plan politique, diplomatique, nous avons beaucoup de jeunes Colombiens qui viennent en France et de jeunes Français qui viennent en Colombie et nous avons une présence économique qui se développe fortement dans toute cette partie de l'Amérique latine qui connaît des taux de croissance très favorables.
Avant de répondre à vos questions, je voudrais aborder un sujet en particulier, ce que j'ai déjà fait tout à l'heure lorsque j'ai prononcé ma conférence devant les étudiants et les professeurs de l'Université. La Colombie depuis maintenant très et trop longtemps souffre des questions liées aux FARC. Je tiens à dire au nom de la France que nous apprécions hautement l'initiative qui a été prise par le président Santos d'engager un dialogue afin de mettre fin, si c'est possible, à ce grave conflit. Nous soutenons les efforts de la Colombie et nous souhaitons, nous qui sommes une puissance de paix, qu'une solution soit trouvée le plus vite possible pour que tous les Colombiens puissent vivre en paix.

Q - Quel pourrait être votre rôle par la suite, sur le thème précis de la construction de la paix et de la fin du conflit ? Et une deuxième question : sur le thème des drogues. Allez-vous participer, une fois connu le rapport de l'Organisation des États américains, à la mise en oeuvre notamment de la proposition du président Santos, allez-vous faire partie de cette proposition ?
R - Sur la question de la recherche de la paix et du dialogue qui a été engagé avec les FARC, il ne m'appartient pas bien sûr de m'ingérer dans les affaires intérieures de la Colombie. De plus, nous ne sommes pas directement partie prenante dans ce dialogue mais je tiens à apporter mon soutien total et officiel à cette initiative qui est menée par les parties. C'est la façon, nous l'espérons, la plus efficace qui a été trouvée pour que la Colombie connaisse enfin la fin de ces troubles et de ces difficultés.
Quant au trafic de drogue, c'est un problème malheureusement d'une très grande ampleur qui ne concerne pas seulement un pays ou une région mais l'ensemble du monde. Nous le voyons actuellement au Sahel, au Mali où ce sont des groupes terroristes et narcoterroristes qui se situent dans le nord du Mali et qui ont voulu prendre possession de l'ensemble du Mali. Et il en est de même dans d'autres pays d'Afrique. Le trafic de drogue est donc un mal absolu et tous les pays démocratiques doivent lutter contre lui et s'unir pour lutter contre ces trafics. Nous en avons discuté avec Maria Angela et nous sommes tombés d'accord pour unir nos efforts sur le plan international et notamment dans les contacts que nous avons avec l'Afrique, continent que nous connaissons très bien, pour faire reculer ce fléau.

Q - Aujourd'hui, le groupe Boko Haram revendique la prise des sept otages français au Cameroun et menace de les tuer si vous ne libérez pas ceux qu'ils appellent «les otages en votre pouvoir». Quelle est la position de votre gouvernement à ce sujet ?
R - Le Premier ministre français s'est exprimé sur ce sujet. Les images qui ont été montrées sont des images terriblement choquantes, elles confirment la cruauté sans limite des preneurs d'otage. Nous devons effectuer les vérifications nécessaires lorsque ce type d'images est publié. Mon seul commentaire sera de vous dire à la fois le choc terrible que constituent ces images, la cruauté manifeste des preneurs d'otages et la détermination du gouvernement français à faire le maximum pour obtenir leur libération.
Je voudrais ajouter qu'il faut toujours avoir à l'esprit que les Français qui ont été pris en otages par ce groupe terroriste sont au nombre de sept, trois adultes, un papa, une maman, leur frère et quatre enfants dont le plus petit a l'âge de cinq ans. Vous êtes journalistes et comme tous les citoyens du monde vous pouvez imaginer ce que cela signifie, de prendre en otages des innocents dont des enfants, dont le plus jeune a 5 ans.

Q - Quelle est la position de la France vis-à-vis de l'accord de libre-échange avec la Colombie et en général l'Union européenne. Pour revenir au Sahel, je voudrais savoir si l'intervention française va encore se renforcer après tous ces événements qui ont eu lieu ou vous avez un délai ?
R - Sur la première question, l'accord de libre-échange, les relations avec l'Europe, avec la France, nous y sommes favorables. Le Parlement européen a déjà donné son approbation, et désormais cela va être soumis aux parlements nationaux. Mais en ce qui concerne la France, il n'y aura pas de difficulté.
Vous m'interrogez aussi sur la question du Mali, vous savez les conditions dans lesquelles la France a dû intervenir pour éviter que des groupes terroristes ne s'emparent de la totalité du Mali et prennent en otage les millions de Maliens. Nous nous étions fixés trois buts : le premier but, c'était d'arrêter la progression des terroristes vers le sud, ce but est atteint. Le deuxième objectif, c'était de reconquérir les villes et c'est également un objectif qui a été atteint. Le troisième objectif c'est de permettre au Mali de recouvrer son intégrité et de faire en sorte que les troupes africaines et les troupes maliennes puissent assurer cette intégrité. Nous sommes dans cette troisième phase et les troupes françaises avec d'autres, notamment les troupes tchadiennes, sont en train de livrer des combats durs vis-à-vis des groupes terroristes.
Je remercie beaucoup les pays - nous avons cité tout à l'heure le Pérou, le Panama et la Colombie - qui ont compris parfaitement quel était le sens de l'intervention française en application du droit international. Nous n'avons pas, bien sûr, vocation à rester éternellement au Mali mais nous voulons, c'est notre devoir de pays démocratique et libre, aider à ce que les groupes terroristes ne prennent pas le contrôle du pays, prenant du même coup en otage la population et lui appliquant des méthodes d'une cruauté indigne.

Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 février 2013