Texte intégral
Si vous le voulez bien, je vais me concentrer sur le Mali et le Sahel. J'aborderai l'autre thème inscrit à l'ordre du jour de cette réunion, les nouveaux enjeux du développement, en répondant à vos questions.
J'étais à Bamako et à Mopti lundi et mardi dans le cadre de la reprise de l'action de l'Agence française de développement (AFD) au plan opérationnel. Elle n'avait jamais cessé totalement son activité, puisque le personnel malien était resté sur place, à la différence du personnel expatrié, parti pour des raisons de sécurité. Le nouveau directeur a pris ses fonctions lundi et un directeur adjoint est en cours de recrutement. L'AFD va désormais ré-analyser son portefeuille d'actions, composé d'une trentaine de projets. À titre d'exemple, je me suis rendu à Bamako sur le site d'une station de pompage qui va permettre d'approvisionner 100.000 personnes supplémentaires en eau potable. Les travaux avaient été interrompus par les événements de mars 2012, qui avaient conduit le précédent gouvernement à cesser l'aide publique au développement au Mali.
Je rappelle qu'il y a aujourd'hui trente minutes d'électricité par jour à Kidal et trois heures à Tombouctou. Quant aux succursales des banques par l'intermédiaire desquelles les fonctionnaires étaient payés, elles ont été pour la plupart pillées et la station d'électricité de Tombouctou a été en partie saccagée. Il faudra rétablir à très court terme de nombreuses infrastructures et de nombreux services publics de base.
Ce que l'on sait faire, pour le moment, c'est l'humanitaire. Or, même s'il existe un risque humanitaire dans l'extrême Nord du Mali, où les marchés sont arrêtés et la frontière avec l'Algérie coupée, ce qui pourrait conduire à une situation critique sur le plan alimentaire, il n'y a par ailleurs pas de situation humanitaire critique selon les ONG humanitaires et le programme des Nations unies pour l'alimentation. La communauté internationale s'est mobilisée et la réponse est là. On m'a confirmé au Burkina Faso, où je me suis rendu fin janvier avec la commissaire européenne en charge de l'aide humanitaire, qu'il y avait des stocks disponibles, notamment pour les médicaments.
Ce que l'on sait faire aussi, ce sont les grands projets de développement qui auront un impact dans dix-huit mois ou deux ans. Ils sont utiles, mais ils ne contribueront pas à résoudre ce problème immédiat qu'est la stabilisation du Mali du point de vue du développement. La stabilisation passe d'abord par l'intégrité du territoire et par le dialogue politique, mais aussi par des politiques permettant de relancer l'appareil d'État, les collectivités locales et les services de base - éducation, santé, eau, assainissement, électricité ou encore téléphonie mobile. Il faut absolument réussir à gagner la bataille des trois ou six premiers mois sans quoi les grands projets de développement risquent de ne jamais voir le jour. Les réfugiés ne reviendront au Mali, par exemple, que s'ils s'estiment en sécurité, mais aussi s'ils sont en mesure de retrouver une activité, de faire vivre de nouveau leur cheptel ou de scolariser leurs enfants. Il y a un continuum entre le sécuritaire et le développement pur. Il faut qu'il y ait de l'eau, de l'électricité, un système bancaire en état de marche et une saison agricole qui se passe bien si les conditions climatiques le permettent. Pour cela, les agriculteurs doivent être chez eux dès avril pour travailler la terre.
Je constate qu'il est beaucoup question de l'aide budgétaire, dont les montants sont importants, puisque l'Union européenne a évoqué 250 millions d'euros, le Japon 100 millions et la Banque mondiale plusieurs dizaines de millions d'euros. Le total ne sera donc pas ridicule, mais cette aide arrivera au plus tôt en mai-juin et au plus tard en août-septembre, ce qui est un peu tard pour répondre aux enjeux que j'évoquais. Il faut assurer le fameux «R» dans URD - urgence, réhabilitation, développement.
Cela nécessite la mobilisation de tous autour de l'enjeu des trois ou six premiers mois, ce qui suppose une liste de priorités et ensuite une division du travail. La liste des priorités est bien sûr définie avec les autorités maliennes, à savoir le ministre des affaires humanitaires, celui des affaires étrangères et de la coopération internationale et celui de l'économie et des finances. Elle sera ensuite validée au niveau européen le 26 février prochain à Bruxelles. Le financement sera principalement assuré par des facilités de l'Union européenne. Comme Mme Georgieva a dû vous le dire hier, au cours de son audition, vingt millions d'euros seront dédiés à ces interventions de réhabilitation qui ne relèvent ni de l'humanitaire ni du développement. Nous sommes en train de lister et de chiffrer ces projets. La station électrique à Tombouctou nécessite, par exemple, un certain nombre de litres de fioul par jour qui devront être transportés par la route ou sur le fleuve.
Nous avons pris d'autres initiatives, notamment la remise en marche de l'AFD sur le terrain, que j'évoquais, et le dégel des 150 millions d'euros suspendus à la mise en oeuvre de la feuille de route. Leur décaissement a repris progressivement avec des conditions très claires : création de la commission de réconciliation, lancement du processus électoral, puis tenue des élections. La question a été abordée au plan européen avec les différences habituelles en matière d'aide budgétaire et de conditionnalité : les uns souhaitaient la reprise immédiate de toutes les aides, quand d'autres préféraient attendre la tenue des élections. Comme je l'avais proposé, il a finalement été décidé qu'une moitié serait accordée avant les élections et le reste après.
Qui ciblera-t-on ? Il existe un large consensus en faveur de l'aide transitant par les collectivités locales, parce que cette solution semble plus proche des populations et meilleure en matière de gouvernance, mais aussi parce qu'elle paraît aussi correspondre à la logique du dialogue entre les différentes communautés maliennes, lequel passera certainement par des formes de décentralisation effective. Le 19 mars prochain, à Lyon, nous réunirons toutes les collectivités locales françaises engagées dans des coopérations décentralisées avec le Mali afin de voir comment reprendre l'aide d'une manière coordonnée. Nous travaillerons ensuite sur la question des aides budgétaires sectorielles décentralisées, mécanisme innovant que seuls les Suisses utilisent pour le moment au Mali. Il s'agira de renforcer les capacités de l'État déconcentré ou décentralisé en évitant une logique de substitution dont on perçoit encore les conséquences en Haïti. Nous travaillons aussi sur des fonds fiduciaires fléchés vers les collectivités locales et les services de base dont elles assurent la gestion.
Se pose aussi la question de la transparence et du contrôle, essentiels pour garantir la légitimité de l'aide. Certaines agences par lesquelles l'aide au Mali pourrait transiter n'ont pas des standards de gouvernance permettant de leur faire confiance les yeux fermés. Les donateurs doivent donc exiger un certain nombre de réformes. Il faudrait aussi réfléchir à des formes de contrôle citoyen pour assurer la transparence des projets pour les populations sensées en bénéficier. La Banque mondiale y est tout à fait disposée et je ne vois pas d'opposition de la part des autres parties prenantes.
Parmi les grandes initiatives que nous avons prises, on peut citer l'organisation d'une conférence internationale à Bruxelles mi-mai, sous la coprésidence de la France et de l'Union européenne, afin de mobiliser l'ensemble de la communauté internationale, mais aussi la réunion des collectivités locales qui se tiendra le 19 mars à Lyon, puis la rencontre qui aura lieu avec la diaspora fin mars en Ile de France. C'est un enjeu important du fait des 120.000 Maliens ou Franco-Maliens présents sur notre territoire et des flux financiers qui sont transférés, pour des montants supérieurs à ceux de l'aide publique au développement. Même s'ils n'ont pas forcément vocation à financer le développement, ils peuvent y contribuer s'il existe des systèmes d'incitation efficaces. Tels sont les trois principaux piliers : l'international, le local et les diasporas.
Pour conclure, je rappelle que c'est dans les trois à six mois que nous gagnerons la bataille en réussissant le «R» de Réhabilitation. Si l'on échoue, toutes les belles projections que l'on pourra faire ne serviront guère en réalité.
(Interventions des parlementaires)
Concernant la taxe sur les transactions financières, lorsque nous sommes entrés en responsabilité, 100 % de son montant devait être affecté à autre chose qu'au développement, en l'espèce à la réduction des déficits. Nous avons créé un branchement pour affecter en moyenne 10 % du montant sur le triennum au développement, pour moitié en faveur de l'environnement, pour moitié de la santé. Le projet de loi de finances pour 2013 prévoit pour cette année que la moitié de la recette affectée à l'environnement sera sur l'eau au travers de la facilité de la Banque africaine de développement mais que la recette affectée à la santé le serait - le président devrait en faire l'annonce le 1er mars - dans un cadre non multilatéral.
J'ajouterai par ailleurs qu'une taxe européenne sur les transactions financières va voir le jour, que la Commission a publié son étude et qu'elle rapporterait 35 milliards d'euros de recettes aux 12 États qui l'appliqueraient. Si l'on parvient à en affecter 10 %, soit 3,5 milliards d'euros, au développement, nous obtiendrions un quasi-doublement du fond européen de développement (FED). Une négociation déterminante va donc s'ouvrir pour qu'une partie de la taxe 10 %, 15 %, 20 % - soit affectée au développement. La France a un rôle de leadership dans ce dossier et il faut le reconnaître au-delà des considérations partisanes.
Concernant l'opposition bilatéral/multilatéral, je ne serai pas aussi tranché que vous l'êtes. C'est beaucoup plus facile de poser des conditions lorsqu'on est la Banque mondiale que lorsqu'on est la France. Le rapport de forces financier est plus réel et le rapport de forces politique est plus fort. C'est un des éléments qui plaide pour le multilatéral.
Concernant le FED, la France a fait le choix de ne pas demander la diminution de ses montants, fixés par l'accord sur le cadre financier pluriannuel 2014-2020 à 27 milliards d'euros sur la période, car la décision relative à l'arbitrage entre bi et multi ne se prend pas seul. Or, si la France demande une diminution du FED pour augmenter son aide bilatérale, elle négocie donc une baisse de sa contribution et ouvre la voie à la remise en question du financement du FED par les autres États sans avoir la garantie que les montants retirés au FED seront affectés au développement. Il y a donc un vrai risque politique à s'engager dans cette voie. Cela ne veut pas dire que je ne partage pas un certain nombre de critiques sur l'aide multilatérale - je suis parfois le premier à être exaspéré par certaines pratiques - mais l'alternative me semble complexe et risquée.
Concernant le modèle de développement, je partage ce qui a été dit sur l'agriculture et je compléterai le propos sur l'énergie. La dépendance à l'égard des énergies fossiles au Mali est incroyable. 25 mille litres de carburants sont nécessaires pour réapprovisionner les centrales électriques pour Tombouctou, Gao, Kidal devront être acheminées depuis d'autres pays de la région (nord si on arrive à négocier avec l'Algérie, Mauritanie ou sud). On imagine l'empreinte écologique de l'énergie produite à partir de ce schéma. Il faut donc développer des alternatives à moyen terme. Nous avons sur ce secteur un vaste chantier.
C'est pourquoi nous avons modifié le cadre sectoriel de l'AFD dont l'enjeu est un mixage AFD/FED qui permet d'allier prêts et dons, prêts car l'énergie vendue par l'opérateur constitue une recette permettant de rembourser, dons car l'exploitation de l'énergie solaire est plus chère. Ce couplage répond tout à fait nos exigences en termes de bonne gouvernance et d'efficacité. Je ne vois pas pourquoi ce qu'on a réussi au Burkina Faso on ne parviendrait pas à le réussir dans la durée au Mali.
Concernant le secteur minier, c'est un enjeu et la France a été le premier État à soutenir l'initiative de M. Diop sur la transparence des contrats. Sur l'agriculture, le débat aura lieu avec la population civile sur le cadre sectoriel de l'AFD. La concertation a commencé en janvier pour aboutir à une nouvelle doctrine en mars en faveur du développement agricole de l'Afrique subsaharienne. Je partage beaucoup de ce qui a été dit. L'Agence nationale est un bel outil mais encore faut-il qu'on l'utilise à ce pourquoi il a été conçu ! Si c'est fléché AFD, il n'y a pas de substitution mais une conversation franche doit s'engager. Je préfère que cela passe par la Banque mondiale. Il n'y a pas d'opposition entre bilatéral et multilatéral et je ne fais que travailler sur l'harmonisation et la complémentarité entre les deux.
Voilà ce que je voulais dire. L'objectif est bel et bien de gagner la paix et cela se joue dans les trois à six mois sur le plan politique et sur le plan du développement. C'est une grande responsabilité que nous avons collectivement de réussir ce défi.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 4 mars 2013
J'étais à Bamako et à Mopti lundi et mardi dans le cadre de la reprise de l'action de l'Agence française de développement (AFD) au plan opérationnel. Elle n'avait jamais cessé totalement son activité, puisque le personnel malien était resté sur place, à la différence du personnel expatrié, parti pour des raisons de sécurité. Le nouveau directeur a pris ses fonctions lundi et un directeur adjoint est en cours de recrutement. L'AFD va désormais ré-analyser son portefeuille d'actions, composé d'une trentaine de projets. À titre d'exemple, je me suis rendu à Bamako sur le site d'une station de pompage qui va permettre d'approvisionner 100.000 personnes supplémentaires en eau potable. Les travaux avaient été interrompus par les événements de mars 2012, qui avaient conduit le précédent gouvernement à cesser l'aide publique au développement au Mali.
Je rappelle qu'il y a aujourd'hui trente minutes d'électricité par jour à Kidal et trois heures à Tombouctou. Quant aux succursales des banques par l'intermédiaire desquelles les fonctionnaires étaient payés, elles ont été pour la plupart pillées et la station d'électricité de Tombouctou a été en partie saccagée. Il faudra rétablir à très court terme de nombreuses infrastructures et de nombreux services publics de base.
Ce que l'on sait faire, pour le moment, c'est l'humanitaire. Or, même s'il existe un risque humanitaire dans l'extrême Nord du Mali, où les marchés sont arrêtés et la frontière avec l'Algérie coupée, ce qui pourrait conduire à une situation critique sur le plan alimentaire, il n'y a par ailleurs pas de situation humanitaire critique selon les ONG humanitaires et le programme des Nations unies pour l'alimentation. La communauté internationale s'est mobilisée et la réponse est là. On m'a confirmé au Burkina Faso, où je me suis rendu fin janvier avec la commissaire européenne en charge de l'aide humanitaire, qu'il y avait des stocks disponibles, notamment pour les médicaments.
Ce que l'on sait faire aussi, ce sont les grands projets de développement qui auront un impact dans dix-huit mois ou deux ans. Ils sont utiles, mais ils ne contribueront pas à résoudre ce problème immédiat qu'est la stabilisation du Mali du point de vue du développement. La stabilisation passe d'abord par l'intégrité du territoire et par le dialogue politique, mais aussi par des politiques permettant de relancer l'appareil d'État, les collectivités locales et les services de base - éducation, santé, eau, assainissement, électricité ou encore téléphonie mobile. Il faut absolument réussir à gagner la bataille des trois ou six premiers mois sans quoi les grands projets de développement risquent de ne jamais voir le jour. Les réfugiés ne reviendront au Mali, par exemple, que s'ils s'estiment en sécurité, mais aussi s'ils sont en mesure de retrouver une activité, de faire vivre de nouveau leur cheptel ou de scolariser leurs enfants. Il y a un continuum entre le sécuritaire et le développement pur. Il faut qu'il y ait de l'eau, de l'électricité, un système bancaire en état de marche et une saison agricole qui se passe bien si les conditions climatiques le permettent. Pour cela, les agriculteurs doivent être chez eux dès avril pour travailler la terre.
Je constate qu'il est beaucoup question de l'aide budgétaire, dont les montants sont importants, puisque l'Union européenne a évoqué 250 millions d'euros, le Japon 100 millions et la Banque mondiale plusieurs dizaines de millions d'euros. Le total ne sera donc pas ridicule, mais cette aide arrivera au plus tôt en mai-juin et au plus tard en août-septembre, ce qui est un peu tard pour répondre aux enjeux que j'évoquais. Il faut assurer le fameux «R» dans URD - urgence, réhabilitation, développement.
Cela nécessite la mobilisation de tous autour de l'enjeu des trois ou six premiers mois, ce qui suppose une liste de priorités et ensuite une division du travail. La liste des priorités est bien sûr définie avec les autorités maliennes, à savoir le ministre des affaires humanitaires, celui des affaires étrangères et de la coopération internationale et celui de l'économie et des finances. Elle sera ensuite validée au niveau européen le 26 février prochain à Bruxelles. Le financement sera principalement assuré par des facilités de l'Union européenne. Comme Mme Georgieva a dû vous le dire hier, au cours de son audition, vingt millions d'euros seront dédiés à ces interventions de réhabilitation qui ne relèvent ni de l'humanitaire ni du développement. Nous sommes en train de lister et de chiffrer ces projets. La station électrique à Tombouctou nécessite, par exemple, un certain nombre de litres de fioul par jour qui devront être transportés par la route ou sur le fleuve.
Nous avons pris d'autres initiatives, notamment la remise en marche de l'AFD sur le terrain, que j'évoquais, et le dégel des 150 millions d'euros suspendus à la mise en oeuvre de la feuille de route. Leur décaissement a repris progressivement avec des conditions très claires : création de la commission de réconciliation, lancement du processus électoral, puis tenue des élections. La question a été abordée au plan européen avec les différences habituelles en matière d'aide budgétaire et de conditionnalité : les uns souhaitaient la reprise immédiate de toutes les aides, quand d'autres préféraient attendre la tenue des élections. Comme je l'avais proposé, il a finalement été décidé qu'une moitié serait accordée avant les élections et le reste après.
Qui ciblera-t-on ? Il existe un large consensus en faveur de l'aide transitant par les collectivités locales, parce que cette solution semble plus proche des populations et meilleure en matière de gouvernance, mais aussi parce qu'elle paraît aussi correspondre à la logique du dialogue entre les différentes communautés maliennes, lequel passera certainement par des formes de décentralisation effective. Le 19 mars prochain, à Lyon, nous réunirons toutes les collectivités locales françaises engagées dans des coopérations décentralisées avec le Mali afin de voir comment reprendre l'aide d'une manière coordonnée. Nous travaillerons ensuite sur la question des aides budgétaires sectorielles décentralisées, mécanisme innovant que seuls les Suisses utilisent pour le moment au Mali. Il s'agira de renforcer les capacités de l'État déconcentré ou décentralisé en évitant une logique de substitution dont on perçoit encore les conséquences en Haïti. Nous travaillons aussi sur des fonds fiduciaires fléchés vers les collectivités locales et les services de base dont elles assurent la gestion.
Se pose aussi la question de la transparence et du contrôle, essentiels pour garantir la légitimité de l'aide. Certaines agences par lesquelles l'aide au Mali pourrait transiter n'ont pas des standards de gouvernance permettant de leur faire confiance les yeux fermés. Les donateurs doivent donc exiger un certain nombre de réformes. Il faudrait aussi réfléchir à des formes de contrôle citoyen pour assurer la transparence des projets pour les populations sensées en bénéficier. La Banque mondiale y est tout à fait disposée et je ne vois pas d'opposition de la part des autres parties prenantes.
Parmi les grandes initiatives que nous avons prises, on peut citer l'organisation d'une conférence internationale à Bruxelles mi-mai, sous la coprésidence de la France et de l'Union européenne, afin de mobiliser l'ensemble de la communauté internationale, mais aussi la réunion des collectivités locales qui se tiendra le 19 mars à Lyon, puis la rencontre qui aura lieu avec la diaspora fin mars en Ile de France. C'est un enjeu important du fait des 120.000 Maliens ou Franco-Maliens présents sur notre territoire et des flux financiers qui sont transférés, pour des montants supérieurs à ceux de l'aide publique au développement. Même s'ils n'ont pas forcément vocation à financer le développement, ils peuvent y contribuer s'il existe des systèmes d'incitation efficaces. Tels sont les trois principaux piliers : l'international, le local et les diasporas.
Pour conclure, je rappelle que c'est dans les trois à six mois que nous gagnerons la bataille en réussissant le «R» de Réhabilitation. Si l'on échoue, toutes les belles projections que l'on pourra faire ne serviront guère en réalité.
(Interventions des parlementaires)
Concernant la taxe sur les transactions financières, lorsque nous sommes entrés en responsabilité, 100 % de son montant devait être affecté à autre chose qu'au développement, en l'espèce à la réduction des déficits. Nous avons créé un branchement pour affecter en moyenne 10 % du montant sur le triennum au développement, pour moitié en faveur de l'environnement, pour moitié de la santé. Le projet de loi de finances pour 2013 prévoit pour cette année que la moitié de la recette affectée à l'environnement sera sur l'eau au travers de la facilité de la Banque africaine de développement mais que la recette affectée à la santé le serait - le président devrait en faire l'annonce le 1er mars - dans un cadre non multilatéral.
J'ajouterai par ailleurs qu'une taxe européenne sur les transactions financières va voir le jour, que la Commission a publié son étude et qu'elle rapporterait 35 milliards d'euros de recettes aux 12 États qui l'appliqueraient. Si l'on parvient à en affecter 10 %, soit 3,5 milliards d'euros, au développement, nous obtiendrions un quasi-doublement du fond européen de développement (FED). Une négociation déterminante va donc s'ouvrir pour qu'une partie de la taxe 10 %, 15 %, 20 % - soit affectée au développement. La France a un rôle de leadership dans ce dossier et il faut le reconnaître au-delà des considérations partisanes.
Concernant l'opposition bilatéral/multilatéral, je ne serai pas aussi tranché que vous l'êtes. C'est beaucoup plus facile de poser des conditions lorsqu'on est la Banque mondiale que lorsqu'on est la France. Le rapport de forces financier est plus réel et le rapport de forces politique est plus fort. C'est un des éléments qui plaide pour le multilatéral.
Concernant le FED, la France a fait le choix de ne pas demander la diminution de ses montants, fixés par l'accord sur le cadre financier pluriannuel 2014-2020 à 27 milliards d'euros sur la période, car la décision relative à l'arbitrage entre bi et multi ne se prend pas seul. Or, si la France demande une diminution du FED pour augmenter son aide bilatérale, elle négocie donc une baisse de sa contribution et ouvre la voie à la remise en question du financement du FED par les autres États sans avoir la garantie que les montants retirés au FED seront affectés au développement. Il y a donc un vrai risque politique à s'engager dans cette voie. Cela ne veut pas dire que je ne partage pas un certain nombre de critiques sur l'aide multilatérale - je suis parfois le premier à être exaspéré par certaines pratiques - mais l'alternative me semble complexe et risquée.
Concernant le modèle de développement, je partage ce qui a été dit sur l'agriculture et je compléterai le propos sur l'énergie. La dépendance à l'égard des énergies fossiles au Mali est incroyable. 25 mille litres de carburants sont nécessaires pour réapprovisionner les centrales électriques pour Tombouctou, Gao, Kidal devront être acheminées depuis d'autres pays de la région (nord si on arrive à négocier avec l'Algérie, Mauritanie ou sud). On imagine l'empreinte écologique de l'énergie produite à partir de ce schéma. Il faut donc développer des alternatives à moyen terme. Nous avons sur ce secteur un vaste chantier.
C'est pourquoi nous avons modifié le cadre sectoriel de l'AFD dont l'enjeu est un mixage AFD/FED qui permet d'allier prêts et dons, prêts car l'énergie vendue par l'opérateur constitue une recette permettant de rembourser, dons car l'exploitation de l'énergie solaire est plus chère. Ce couplage répond tout à fait nos exigences en termes de bonne gouvernance et d'efficacité. Je ne vois pas pourquoi ce qu'on a réussi au Burkina Faso on ne parviendrait pas à le réussir dans la durée au Mali.
Concernant le secteur minier, c'est un enjeu et la France a été le premier État à soutenir l'initiative de M. Diop sur la transparence des contrats. Sur l'agriculture, le débat aura lieu avec la population civile sur le cadre sectoriel de l'AFD. La concertation a commencé en janvier pour aboutir à une nouvelle doctrine en mars en faveur du développement agricole de l'Afrique subsaharienne. Je partage beaucoup de ce qui a été dit. L'Agence nationale est un bel outil mais encore faut-il qu'on l'utilise à ce pourquoi il a été conçu ! Si c'est fléché AFD, il n'y a pas de substitution mais une conversation franche doit s'engager. Je préfère que cela passe par la Banque mondiale. Il n'y a pas d'opposition entre bilatéral et multilatéral et je ne fais que travailler sur l'harmonisation et la complémentarité entre les deux.
Voilà ce que je voulais dire. L'objectif est bel et bien de gagner la paix et cela se joue dans les trois à six mois sur le plan politique et sur le plan du développement. C'est une grande responsabilité que nous avons collectivement de réussir ce défi.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 4 mars 2013