Interview de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement à France 2 le 1er mars 2013, sur la mobilisation pour le 8 mars les droits des femmes et l'égalité professionnelle.

Prononcé le 1er mars 2013

Intervenant(s) : 

Média : France 2

Texte intégral


ROLAND SICARD
Avant de parler du droit des femmes, on va revenir sur l’actualité et d’abord cette information, à prendre au conditionnel, Abou ZAYD (le chef, l’un des chefs d’Al Qaïda au Nord Mali) aurait été tué par l’armée française, est-ce que vous confirmez cette information ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
C’est à prendre au conditionnel en effet ! Nous n’avons pas de confirmation officielle et en tout état de cause, vous savez, nos forces sont engagées dans des opérations qui sont extrêmement dures sur le terrain, qui sont sur des combats sans merci et, donc, tout compte, y compris l’information. Je crois qu’il faut être extrêmement prudent avec celle que l’on a, celle que l’on répercute…
ROLAND SICARD
Mais quand vous dites que c’est à prendre…
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Pour l’instant, ce n’est pas confirmé.
ROLAND SICARD
Quand vous dites que c‘est à prendre au conditionnel, ça veut dire que c’est possible, vous ne l’excluez pas ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ça veut dire qu’il n’y a, ni confirmation, ni infirmation, et que sur des sujets aussi graves que ceux-là il vaut mieux attendre une confirmation officielle qui viendra évidemment des autorités dès que l’aurons, dès que nous aurons vérifié la réalité des faits.
ROLAND SICARD
Alors, sur un sujet d’actualité tout à fait différent, les taxis ont remporté une victoire, ils pourront continuer à transporter des malades avec l’accord de la Sécurité Sociale. L’opposition parle de capitulation du gouvernement, qu’est-ce que vous répondez ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Je crois que l’opposition doit s’ennuyer en fait, parce qu’il y a bien des sujets sur lesquels on aimerait entendre sa voix : l’emploi, la croissance, les déficits, mais… Bon ! Alors revenons…
ROLAND SICARD
Ils vous critiquent là-dessus aussi, hein ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Revenons à la question. Oui ! Ils critiquent sans doute, mais ils n’ont pas beaucoup de propositions. Mais revenons à la question des taxis, ce que le gouvernement a annoncé en effet hier c’est sa volonté de réformer un système dans lequel il y avait une concurrence extrêmement floue, sans règle précise, entre d’une part des taxis et, d’autre part, ce qu’on appelle des véhicules de tourisme avec chauffeur qui utilisaient parfois des éléments d’identification qui pouvaient introduire le doute et, donc, le gouvernement compte réformer le système pour qu’il soit très clair, qu’il y a 2 types de véhicules possibles et qu’ils ne se fassent pas une concurrence déloyale. Quant au transport de patients, puisque c’était l’un des sujets qui était en question, comme vous le savez nous avons décidé – en ayant entendu les craintes exprimées par les taxis – d’interrompre, de geler les expérimentations d’appels d’offres auprès d’autres types de profession (les ambulanciers, etc.) que nous avions la volonté de lancer, mais cette discussion va être reprise dans le cadre de la stratégie nationale de santé. La seule chose qui compte pour nous aujourd’hui, c’est l’intérêt du patient et c’est qu’il puisse être transporté dans les meilleures conditions possibles.
ROLAND SICARD
Même si ça coûte cher avec les taxis ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais nous veillerons donc à ce que ça ne coûte pas cher ! Puisque c’est aussi sur le patient que ce coût retombe - sur le patient d’une part, sur la Sécurité Sociale de l’autre – et donc, comme vous le savez, le gouvernement est engagé dans un effort conséquent pour réduire les déficits publics, donc la responsabilité budgétaire nous imposera de faire en sorte que ça ne coûte pas trop cher, mais en même temps c’est la santé des Français dont on est en train de parler, donc nous traiterons cela sérieusement dans le cadre de la stratégie nationale de santé.
ROLAND SICARD
Autre sujet d’actualité, cette loi d’amnistie dans le cadre des conflits sociaux, le MEDEF crie au scandale en disant que ça va inciter à la violence, qu’est-ce que vous répondez à ça ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ce qu’on peut répondre c’est qu’on a été confrontés ces dernières années à plusieurs situations dans lesquels les salariés et les syndicats à leur côté ont du manifester une crainte, une inquiétude qui n’était pas de l’ordre du caprice, qui était véritable, notamment au moment de plans sociaux importants dans lesquels ils n’avaient pas été informés, pas été consultés et donc à ce moment-là, c’est vrai, que l’action syndicale a pu passer par des formes de tags sur les murs ou autres dégradations et donc les condamnations, qui ont pu être prononcées, elles ont été rares. Mais en tout cas, le fait même que la loi permette de prononcer « dégradations » était en question. Le gouvernement, à ce sujet, a toujours dit qu’il fallait respecter un équilibre entre la légalité républicaine – dont évidemment toutes ces actions doivent s’inscrire dans le respect de la loi – et, en même temps, le droit syndical - on doit pouvoir laisser les syndicats s’exprimer dans ces moments graves – et, donc, la loi d’amnistie qui a fini par être adoptée hier est une loi qui permet de mettre fin à un certain nombre de choses considérées comme injustes qui se sont déroulées ces dernières années.
ROLAND SICARD
Alors sur le droit des femmes, la semaine prochaine il y aura LA JOURNEE DE LA FEMME, est-ce que ce n’est pas devenu un peu une sorte de routine ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Il ne faut plus qu’elle soit…
ROLAND SICARD
Qu’on oublie très vite, finalement ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui ! Oui, je suis d’accord avec vous, c’est aussi mon constat. Pendant des années le 8 mars ça été un peu une journée de célébration, d’incantation, et ça ne sera pas le cas cette année parce que je crois que depuis 8 mois maintenant les droits des femmes sont redevenus une priorité des politiques publiques et donc le 8 mars, cette année, ce sera une journée d’action et de mobilisation. Nous avons décidé de réunir en particulier des…
ROLAND SICARD
C’est ce qu’on tous les ans ! Franchement.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui ! Mais vous allez voir en quoi action et mobilisation. D’abord le slogan cette année, enfin s’il faut parler de slogan, le mot d’ordre cette année du 8 mars ce sera « LE 8 MARS C’EST TOUTE L’ANNEE, L’EGALITE ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES C’EST TOUTE L’ANNEE » et, donc, nous réunirons des centaines d’acteurs (que ce soit des pouvoirs publics, collectivités locales, associations, entreprises, mouvements de jeunesse, etc.) qui, chacun, vont s’engager à prendre une initiative phare pour les 365 jours à venir, du 8 mars 2013 au 8 mars 2014…
ROLAND SICARD
Il y aura une action tous les jours de l’année ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Il y a aura une action tous les jours de l’année, une action à chaque fois d’importance, ce sera par exemple une entreprise qui s’engagera à aider une petite entreprise à faire l’égalité professionnelle en son sein, ça sera un théâtre qui lira des textes de femmes toute la journée pour démontrer qu’il existe aussi des femmes qui écrivent, des femmes créatrices, des femmes à la tête de compagnies artistiques… Bon ! Et donc des initiatives très différentes qui émailleront l’année 2013 – 2014 (du 8 mars au 8 mars) et qui permettront d’envoyer le signal que l’égalité en fait on n’y pense pas une fois dans l’année, on y pense tous les jours. Les inégalités sont encore trop nombreuses dans le monde du travail, malheureusement, mais aussi dans les pensions de retraite, dans les responsabilités politiques, professionnelles, dans la façon dont les hommes et les femmes prennent en charge les responsabilités parentales aussi, familiales… j‘étais encore hier avec des familles monoparentales, il y a un vrai sujet, 9 familles monoparentales sur 10 ont à leur tête une femme, très souvent précarisée. Donc, vous voyez qu’il y a beaucoup de sujets sur les droits des femmes et l’égalité à gérer, il faut au moins 365 jours pour ça.
ROLAND SICARD
Et est-ce qu’il ne faut pas lutter très tôt, dès l’école, contre les stéréotypes ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Si ! Absolument, je dirais même que c’est ce qui caractérise au fond mon action aujourd’hui au Ministère des Droits des femmes. Je dis souvent qu’on est dans une troisième génération de droits des femmes : on a eu une première génération où on a éliminé de la loi les discriminations faites aux femmes, pas le droit de vote, pas le droit d’ouvrir un compte sans autorisation du mari, etc. ; une deuxième génération, dans les années 70 – 80, où on a donné aux femmes des droits spécifiques liés à leur condition de femmes, contraception et IVG ; et cette troisième génération, dans laquelle on est aujourd’hui, c’est celle qui prend conscience que si on veut vraiment en finir avec les inégalités il faut agir sur les mentalités et agir sur les mentalités c’est agir en réalité sur la racine des inégalités, tout ce qui est clichés, stéréotypes, représentations…
ROLAND SICARD
Comment vous faites ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Qui nous conditionnent.
ROLAND SICARD
Comment vous faites, concrètement ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Eh bien agir sur les mentalités c’est, dès le plus jeune âge, apprendre l’égalité aux filles et aux garçons, à l’école par exemple un apprentissage à l’égalité sera introduit à la fin de la Maternelle jusqu’à la fin du Primaire…
ROLAND SICARD
On parle d’un ABC, c’est quoi exactement ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
C’est ça ! Ça s’appelle l’ABC DE L’EGALITE, c’est un module d’apprentissage ludique, adapté à chaque âge bien entendu, dans lequel on fait en sorte d’ouvrir aux petites filles et aux petits garçons un champ des possibles aussi large pour l’une que pour l’autre. Aujourd’hui ce n’est pas le cas dans nos sociétés, on a tendance à cantonner les filles dans certains secteurs, les garçons dans d’autres, et c’est dommageable pour les deux au fond.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 5 mars 2013