Déclaration de Mme Hélène Conway-Mouret, ministre des Français de l'étranger, sur le projet de loi relatif à la représentation des Français établis hors de France, au Sénat le 12 mars 2013.

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Circonstance : Présentation devant la commission des lois du Sénat du projet de loi relatif à la représentation des Français établis hors de France, le 12 mars 2013

Texte intégral

Monsieur le Président,
Monsieur le Rapporteur,
Mes chers collègues,
Je suis heureuse de vous présenter aujourd’hui ce projet de loi relatif à la représentation des Français établis hors de France car il marquera une étape importante pour la communauté française dans son lien avec la Nation.
C’est par la loi du 7 juin 1982 relative au Conseil supérieur des Français de l’étranger que fut consacrée, pour la première fois, la représentation politique des Français établis hors de France avec l’élection au suffrage universel direct des délégués au CSFE et l’élection de Sénateurs par ces seuls délégués élus.
En 1982, 460 000 Français étaient inscrits au registre des Français établis hors de France pour une population expatriée estimée à un million. Ils sont aujourd’hui 1 611 000 inscrits pour probablement plus de 2 500 000 expatriés.
Le présent projet de loi a pour objet de moderniser la représentation politique de nos compatriotes dont les évolutions démographiques, économiques et sociologiques, intervenues depuis 30 ans, n’ont pas été prises en compte.
Par ailleurs, en juin dernier, l’élection des députés des Français de l’étranger a modifié en partie le rôle que jouaient pour une part jusqu’à lors les conseillers à l’AFE.
Enfin, ainsi que cela a pu être souligné par la commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, il est souhaitable de revoir la composition du collège électoral des 12 Sénateurs qui représentent les Français établis hors de France.
Une profonde réforme de l’exercice de la démocratie pour nos compatriotes résidant à l’étranger était dès lors indispensable.
La réforme institutionnelle que je porte repose sur un constat.
Le découpage artificiel des circonscriptions actuelles de l’AFE entraîne des écarts démographiques et géographiques considérables (1 conseiller pour 3000 inscrits en Andorre contre 1 pour 19 000 inscrits au Benelux).
87 pays n’ont pas de conseiller de l’Assemblée des Français de l’étranger résidant sur place.
Cette représentation est partielle et donc partiale, et a pour conséquence un manque de visibilité et de proximité des élus avec les communautés qu’ils représentent. Cela explique en partie un taux de participation en constante diminution dans le temps.
L’Assemblée des Français de l’étranger reste méconnue malgré son changement de nom et de fonctionnement en 2004. Elle n’arrive, pas sous sa forme actuelle, à participer au débat national et faire valoir son expertise. Des élus, conscients de la nécessité d’avoir une visibilité au niveau national, ont d’ailleurs créé un groupe dédié à la communication. Preuve que le constat était partagé.
Enfin le collège électoral pour les 12 Sénateurs représentant les Français établis hors de France est toujours limité à 155 grands électeurs.
Partant de ce constat, le gouvernement a d’abord examiné les projets et propositions de réforme de l’Assemblée des Français de l’étranger élaborées ces dernières années. Ces propositions ont été écartées pour des raisons juridiques et de constitutionnalité. Le gouvernement a été rejoint sur cette analyse par les services juridiques des assemblées, sollicitées par des parlementaires des Français de l’étranger.
En septembre dernier, la commission des lois et règlements de l’AFE a émis un avis, adopté à l’unanimité. Elle a défini trois principes qui ont été retenus comme base de départ pour l’élaboration de ce projet de loi : une meilleure représentativité de l’Assemblée des Français de l’étranger, un développement de la démocratie de proximité, un élargissement du collège électoral des Sénateurs.
1. Une meilleure représentation.
Le gouvernement propose l’élection de conseillers consulaires élus au suffrage universel direct dans le cadre de circonscriptions consulaires. Nous sommes partis de l’existant. Nous proposons de créer des conseils consulaires auprès de chaque ambassade ou poste consulaire puisque c’est là où la communauté française est présente et l’activité consulaire réelle. Ce n’est donc plus un découpage artificiel.
Ces conseillers formeront des conseils consulaires pour remplacer les actuels comités. Ces conseils seront formés de 1 à 9 conseillers en fonction du nombre d’inscrits au Registre des Français de l’étranger de l’année en cours.
Les conseils consulaires à un élu ont été limités à chaque fois que cela était possible. Nous les avons maintenus dans des circonscriptions particulières où il est important que la communauté française ait un représentant, notamment pour que les sujets tels que l’attribution des bourses scolaires ou l’aide sociale, soient traités au plus près des besoins.
Cela concerne une vingtaine de circonscriptions qui ne peuvent être rattachées pour des raisons géographiques (île et archipel isolé ex : Vanuatu), géopolitiques (Chypre et Turquie), ou autres population et activité consulaire trop importante (Bolivie et Paraguay).
Mais la grande majorité des conseils consulaires auront entre 3 et 5 élus.
Enfin, 3 circonscriptions comptent 9 élus. Il s’agit des endroits où la communauté française est la plus importante : Genève, Bruxelles et Londres.
Nous passerons ainsi de 52 à 132 circonscriptions et de 155 à 444 conseillers.
2. Le principe de proximité
C’est le principe central qui a guidé l’élaboration de ce projet de loi. C’est en effet au niveau local que se prennent les décisions les plus importantes concernant les Français de l’étranger.
Lieux d’information et de participation des citoyens à la prise de décision, les conseils consulaires participeront par exemple à la mise en place de politiques publiques en matière d’enseignement, d’aides sociales, mais aussi de toutes politiques relatives au travail, à l’emploi et la formation professionnelle, à la sécurité. Ils pourraient également se saisir de tout autre sujet d’ordre économique, fiscal, éducatif ou culturel qui intéresse les Français de l’étranger. Ils assureront un lien entre nos concitoyens tant avec les autorités administratives françaises que locales.
Des personnalités qualifiées et des experts seront invités à y participer. Ces conseils consulaires ont une réelle légitimité puisqu’ils sont composés de membres élus au suffrage universel direct.
3. Une valeur ajoutée
Afin de ne pas perdre la valeur ajoutée que représente l’expertise et le conseil que peuvent apporter les conseillers auprès du parlement et du gouvernement français, 81 conseillers issus des conseillers consulaires assureront le lien avec la France en venant siéger à Paris, dans ce que sera la nouvelle instance. Il n’y aura pas de mandat spécifique de conseiller AFE.
Ces conseillers seront élus par leurs pairs dont ils ne seront que la simple émanation sur la base d’un conseiller pour 20 000 inscrits dans le cadre d’une zone géographique cohérente, reprenant ainsi le quotient électoral moyen correspondant aux élections cantonales. Ces zones géographiques ne constituent pas de circonscriptions pour un mandat. Elles ne constituent pas une circonscription électorale.
Nous ne serions favorables à l’augmentation du nombre des conseillers qu’à condition que la règle de proportionnalité soit strictement respectée ainsi que le conseil constitutionnel ne cesse de le répéter de scrutin en scrutin.
La nouvelle assemblée sera une assemblée d’expertise et de conseil qui se saisira en complémentarité des députés de questions globales et transversales qui intéressent les Français de l’étranger. Son autonomie sera renforcée puisqu’elle élira enfin son président.
4. Le collège électoral sénatorial est élargi
Il est composé de l’ensemble des conseillers consulaires auxquels s’ajoutent les 11 Députés et, le cas échéant, pour 19 circonscriptions où cela se justifie démographiquement, 65 délégués supplémentaires, élus sur les mêmes listes que les conseillers consulaires.
Le collège électoral sénatorial est ainsi porté à 520 grands électeurs.
Ce projet s’inscrit dans la démarche globale de modernisation de la vie publique. Il place l’exercice de la démocratie au plan local au plus près des citoyens. Ce texte permet d’assurer à nos compatriotes une expression démocratique se rapprochant de ce qui existe sur le territoire national.
Cette réforme se fera à coût constant, sans aucune dépense supplémentaire.
Un mot pour conclure sur le deuxième projet de loi qui vous est soumis. Il vise à proroger d’un an le mandat des conseillers membres de l’AFE qui aurait du être renouvelé en juin prochain.
Au nom de l’intérêt général, et compte-tenu de l’abrogation de la loi de 1982, les élections qui auront lieu en juin 2014 au plus tard permettront ainsi d’élire l’intégralité des conseillers et des délégués consulaires.
Je me tiens à votre disposition si vous avez des questions.
Source http://www.helene-conway.com, le 14 mars 2013