Interview de M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif, à "France Info" le 7 mars 2013, sur l'engagement du gouvernement pour la sauvegarde des emplois industriels.

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Média : France Info

Texte intégral

RAPHAËLLE DUCHEMIN
Vous l’avez entendu, l’économie française continue de détruire des emplois, 10,6% de chômeurs, si on compte évidemment les territoires d’Outre-mer, au quatrième trimestre 2012. Franchement, est-ce que, inverser la courbe du chômage, aujourd’hui, il n’y a pas que le gouvernement qui y croit ?
ARNAUD MONTEBOURG
Vous savez que ça fait 5 ans que le chômage ne cesse d’augmenter dans notre pays, croissance zéro pendant 5 ans à l’époque SARKOZY, et nous avons des chiffres, de notre croissance, au dernier trimestre de l’année passée, 2012, qui sont meilleurs que ceux de l’Allemagne, on est à -0,3, les Allemands c’est -0,6, donc c’est l’Europe…
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Mais c’est toujours négatif.
ARNAUD MONTEBOURG
Et la zone euro qui s’enfonce. C’est une des raisons pour lesquelles le gouvernement se bat, avec la Commission européenne, pour que des mesures de croissance soient prises. Bien sûr que nous y croyons, d’ailleurs je suis à la tête d’un ministère de combat, où tous les jours nous luttons pour préserver nos outils industriels. C’est une bataille, au cas par cas, sur le terrain, dans les départements, partout en France, mais c’est une bataille utile, et je dois vous dire que nous le faisons avec des commissaires au Redressement productif, des préfets, des élus, des syndicats, des patrons, pour défendre notre tissu industriel, et il résiste. Nous avons aussi des bonnes nouvelles. Cet après-midi je vais dans l’Eure, c’est la deuxième bonne nouvelle dans ce département, on a sauvé M-REAL, une papeterie qui devait fermer, cet après-midi nous aurons la constatation que nous avons sauvé une entreprise très importante de la sous-traitance automobile, SILINX (phon). C’est un département qui pouvait tout perdre…
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Il y a aussi des entreprises qui sont en difficulté, je pense évidemment à GOODYEAR, puisque vous parlez du secteur automobile.
ARNAUD MONTEBOURG
Bien sûr, mais bien sûr. D’abord, il y a des entreprises sur lesquelles nous cherchons des repreneurs, et nous mobilisons notre réseau mondial avec l’Agence Française d’Investissements Internationaux, c’est le cas dans PETROPLUS, c’est le cas dans GOODYEAR, mais il n’y a pas que deux dossiers en France.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Non, mais ces dossiers-là, ils comptent sur vous.
ARNAUD MONTEBOURG
Mais ils ont raison.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Ils disent, il y a eu des promesses faites pendant la campagne électorale.
ARNAUD MONTEBOURG
Si nous n’avions pas été là, il y a longtemps que ça aurait fermé, d’ailleurs. Donc, nous le faisons. Je vais vous dire, nous ne pouvons pas gagner tous les combats, mais je dois vous dire aussi que nous nous battons comme des bêtes, voilà, ça c’est ce que je peux dire, et d’ailleurs les syndicats, et les partenaires sur le terrain, le savent. Nous ne pourrons pas gagner tous les dossiers, mais je dois vous dire que c’est intéressant pour la France de préserver ses outils industriels, car même si des salariés doivent faire certains sacrifices, des dirigeants également, des banquiers qui doivent à un moment donné des créances, l’essentiel pour nous c’est que nous gardions nos savoir-faire sur le territoire national.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Vous dites, GOODYEAR, PETROPLUS. PETROPLUS, il y a une offre conjointe, qui a été faite pour la raffinerie, même si ça fonctionne il y aura évidemment des salariés sur le carreau. Le porte-parole demande au gouvernement, donc à vous, de mettre en place les moyens d’éviter des licenciements, est-ce que vous le pouvez, des mesures par exemple de chômage partiel ?
ARNAUD MONTEBOURG
Nous avons besoin d’un repreneur. C’est un site, puisque vous parlez d’une raffinerie, à très grand risque industriel, puisque c’est un site Seveso haut, comme on dit, donc nous avons besoin de quelqu’un qui sache faire fonctionner une raffinerie, qui a du pétrole, de l’argent, et qui a un projet industriel capable, dans cette raffinerie qui perd 50 millions d’euros par an, de la rendre rentable en investissant, donc c’est ça que nous cherchons. Et nous cherchons même, nous avons même proposé d’accompagner ces repreneurs, sur le plan financier, donc…
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Et l’offre conjointe aujourd’hui, elle convient ou pas ?
ARNAUD MONTEBOURG
Pour l’instant ils travaillent. Pourquoi ? C’est un dossier très difficile et très complexe, acheminer du pétrole – je rappelle qu’un super tanker c’est un demi-milliard, par super tanker, de dollar – donc, vous voyez qu’il faut quand même des capacités financières pour acheminer à Petit-Couronne du pétrole à faire raffiner sur le sol français. Donc, ce travail-là, a lieu, nous avons construit une stratégie avec les salariés, ils le savent, laissons travailler nos repreneurs, en tout cas nous sommes à la disposition de ces repreneurs pour réussir.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Puisqu’on parle du secteur automobile, Arnaud MONTEBOURG, qu’est-ce que vous pensez de l’accord qui a été signé hier chez RENAULT ? C’est un bon accord ?
ARNAUD MONTEBOURG
C’est un accord qui aura une portée considérable s’il est signé par le troisième syndicat qui a annoncé sa signature, sous réserve pour l’instant, la CFDT, qui concerne 65% des salariés représentés par les trois organisations syndicales, CGC, CFDT, FO, donc c’est un accord d’une portée importante, qui matérialise le retour de RENAULT en France, c'est-à-dire le retour et la relocalisation d’activités…
RAPHAËLLE DUCHEMIN
C’est une garantie de pérennité…
ARNAUD MONTEBOURG
C’est l’accord.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Ce n’est pas reculer pour mieux sauter ?
ARNAUD MONTEBOURG
C’est l’accord. L’accord, c’est un échange de concessions réciproques, en contrepartie d’efforts des salariés, sur le temps de travail, sur le gel des salaires pour 2013, il y a la relocalisation de façon importante d’activités d’assemblage sur le sol national. Je rappelle qu’aujourd’hui RENAULT construire à peine plus de 500 000 véhicules par an en France, l’accord dit nous allons monter à 710 000, et apporter, pour la première fois – c’est un événement considérable pour l’automobile française – des partenaires de RENAULT vont venir construire en France, c'est-à-dire que la base industrielle France est attractive, elle relocalise les activités qui ont lieu ailleurs, dans le reste du monde. Et en plus, l’objectif fixé par cet accord, c’est un objectif, ce n’est pas un engagement pour le coup, c’est de passer de 710 000 à 820 000 en 2016. Donc ça veut dire que RENAULT revient en France, et pour moi, je vais vous dire, c’est un accord d’une portée considérable, il met en musique finalement ma politique de relocalisations sur le sol français.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Ces accords de compétitivité, comme on les appelle, les accords aussi de flexisécurité, ils ne font pas forcément l’unanimité, y compris dans les rangs du Parti socialiste, on a vu la manifestation avant-hier, on a vu y compris des socialistes dans cette manifestation. Si vous, ancien député socialiste, vous aviez toujours été sur les bancs de l’Assemblée nationale, est-ce que vous n’auriez pas été dans la manifestation ?
ARNAUD MONTEBOURG
Ecoutez, cet accord, d’abord c’est le produit d’un accord entre des partenaires sociaux, donc il faut le respecter comme tel. Ça veut dire qu’il y a eu un accord, ils ont échangé des droits réciproques et des possibilités réciproques.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Oui, mais le Arnaud MONTEBOURG qu’on a entendu pendant la campagne des primaires…
ARNAUD MONTEBOURG
Je vous dis qu’il y a un accord, il n’y en avait pas avant.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Celui qui est de l’aile gauche.
ARNAUD MONTEBOURG
Non, mais ça c’est votre vision, mais il n’y en avait pas d’accord avant. Vous savez pourquoi ? Parce que c’était des accords sauvages, qui se signaient dans n’importe quelles conditions, et là il y a un cadre, il y a un cadre où premièrement on partage le diagnostic. Deuxièmement, il faut qu’il y ait une majorité de salariés qui soient d’accord. Troisièmement, il faut qu’il y ait un équilibre des concessions, donc c’est des accords équilibrés. Et quatrièmement, il faut un retour à meilleure fortune pour les salariés qui auront fait des sacrifices, si l’entreprise redémarre. Donc c’est un cadre complètement nouveau, qui n’existait pas avant. Donc, on ne peut pas dire, parce qu’on était contre avant, on ne peut pas être pour aujourd’hui, parce que ça n’existait pas et ça ne se posait pas dans ces termes-là. J’ajoute que cet accord national de sécurisation de l’emploi il a des contreparties, importantes, des droits nouveaux pour les salariés. Moins de précarité pour les salariés, notamment toutes ces femmes qui travaillent pendant 24 heures, qu’on jette le soir quand elles travaillent une journée, il y a des protections supplémentaires, donc les syndicats ont négocié des droits nouveaux pour les salariés. Des droits à la complémentaire santé, pour des centaines de milliers de salariés, supplémentaires, ce sont des droits supplémentaires.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Arnaud MONTEBOURG, vous allez présenter aujourd’hui un plan, avec Michel SAPIN, pour parler de la filière auto, vous voulez encourager le véhicule écologique. Vous avez quel type de plan pour l’encourager ?
ARNAUD MONTEBOURG
Alors d’abord, non, nous faisons le bilan du plan que j’ai eu l’honneur, avec Michel SAPIN, de présenter au mois de juillet dernier, qui est le plan de la mutation de l’automobile française, car il ne faut pas rester sur son fauteuil à attendre, quand le marché baisse de 20%, il faut que les constructeurs, et y compris les automobilistes, voient finalement l’usage de l’automobile muter. Donc nous défendons le véhicule écologique populaire, accessible. Donc, nous soutenons par des bonus très importants, les véhicules hybrides, et les véhicules électriques. Qui sont les deux leaders ? Hybrides et électriques, PEUGEOT, RENAULT, en Europe, et RENAULT dans le monde.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Donc c’est un soutien direct à l’économie française ?
ARNAUD MONTEBOURG
Je dois vous dire que nous avons constaté depuis à peu près 8 mois, que ce plan est en cours depuis le mois de juillet, une augmentation des véhicules électriques de 116%.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Donc ça va créer des emplois en France ?
ARNAUD MONTEBOURG
Evidemment, puisque le véhicule qui va sortir des usines RENAULT, qui est la ZOE, est un véhicule électrique extraordinaire, d’ailleurs que j’ai moi-même, que j’ai expérimenté, je peux le dire, est un véhicule qui est produit à Flins. De la même manière que les véhicules hybrides, et l’un des leaders mondiaux du véhicule hybride c’est PEUGEOT, c’est +111%. Donc nous voyons que nous progressons, la mutation est en cours, et c’est l’esprit dans lequel le gouvernement travaille, à faire muter, y compris sur des caps technologiques. Je reviens du Salon international de Genève, où j’étais sur le stand PSA, eux-mêmes ont inventé la technologie du 2 litres, là ils en sont finalement à la technologie du moteur hydraulique et thermique à air comprimé, vous êtes à 2,9 litres, c'est-à-dire que finalement nos constructeurs sont en train d’être sur le podium technologique, à l’avant-garde du monde.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 8 mars 2013