Texte intégral
Je vous prie de m'excuser car je serai contraint de vous quitter avant dix-huit heures puisque je m'envole pour New York pour participer aux premières négociations sur les objectifs de développement durable (ODD) et sur la révision des OMD.
Je vous remercie de m'avoir invité à m'exprimer devant une commission au sein de laquelle je suis intervenu lors de la mandature précédente en tant que parlementaire européen pour évoquer notamment les questions de règlementations financières et bancaires.
Je suis extrêmement attaché à l'inscription de notre politique nationale de développement dans le contexte européen, deux tiers de nos dons - il en va différemment des prêts - passant par le FED et donc l'Union européenne. Lors des débats parlementaires, nombre de députés ou de sénateurs considèrent souvent que c'est l'aide bilatérale qui compte mais je ne suis pas de cet avis car il est nécessaire de travailler ensemble, l'Union européenne constituant un gage d'efficacité. À nous de nous montrer influents à Bruxelles plutôt que de dissocier, en la matière, les drapeaux français et européen !
Je me permets de ne pas faire la même lecture que vous du budget européen. Vous avez pris comme référence la proposition de la Commission mais, dans la négociation finale, c'est celle de M. Van Rompuy qui compte et, en ce qui concerne la politique de développement et le FED, elle a été respectée à l'euro près. Le risque existait, cependant, que la politique de développement européenne constitue un peu la variable d'ajustement du budget et que ses 27 milliards d'euros servent en partie à compléter tel ou tel budget mais, je le répète, cela n'a pas été le cas et l'on peut s'en féliciter puisque ce budget garantit une stabilité d'intervention en capacités réelles et en volume, dans le contexte donné d'une négociation budgétaire donnée à un moment donné, même s'il peut être remis en cause comme nous l'avons vu avec l'actuel vote du Parlement européen, lequel n'est d'ailleurs pas définitif. En tant que ministre délégué chargé du développement, je suis donc plutôt satisfait des résultats obtenus s'agissant du FED.
La situation au Mali constitue un cas d'école et illustre notre capacité à travailler ensemble, en Européens et en «franco-européens». Comme j'ai eu l'occasion de le dire en réponse à une question qui m'a été posée dans l'hémicycle, Laurent Fabius et moi-même avons voulu inscrire notre stratégie de développement au Mali et, plus largement, au Sahel, dans le cadre européen. Ainsi avons-nous souhaité que la grande conférence internationale que nous allons organiser à la mi-mai, à Bruxelles, soit coprésidée par la France et par l'Union européenne - par MM. Hollande et Barroso - alors que nous aurions pu faire en sorte qu'elle soit organisée à Paris et présidée par le seul chef de l'État.
Sur le terrain, une division du travail intelligente régit notre action avec nos partenaires européens et l'Union européenne. Ensemble, nous avons dressé une liste de priorités visant à «gagner les six mois», délai qui nous sépare des élections. Il s'agit de trouver une position intermédiaire entre l'humanitaire pour lequel, assurent les ONG, est aujourd'hui relativement sous contrôle, à l'exception de quelques poches à l'extrême nord du Mali, et le développement de grands projets dont les résultats sont effectifs après plusieurs années. Le problème, en l'occurrence, est de savoir comment il est possible de rétablir la distribution d'eau et la fourniture d'électricité à Tombouctou ou de traverser le fleuve Niger qui, à ce jour, ne peut pas l'être sur mille kilomètres, ce qui soulève un certain nombre de difficultés en termes de flux économiques et de possibilité, pour les personnes déplacées, de rentrer chez elles.
Nous nous sommes donc mis d'accord avec l'ensemble de nos partenaires sur cette liste et nous nous sommes partagés le travail à accomplir. Par exemple, la France finance les travaux visant à rétablir l'électricité et l'eau courante à Tombouctou et à Gao tandis que la Commission européenne finance le retour des personnes déplacées et réfugiées ainsi que l'achat de semences permettant de préparer la saison agricole qui, au Mali, commence aux mois d'avril et de mai. J'ai beaucoup plaidé pour une telle approche. Les ONG, avec raison, assurent qu'elles savent oeuvrer dans les domaines de l'humanitaire et du développement mais pas dans celui de la réhabilitation. Or, nous sommes parvenus à ce jour à mettre en place des financements, à être opérationnels et à agir de façon coordonnée même si, toutes choses égales par ailleurs, nous sommes tributaires de la situation macro-sécuritaire, du dialogue politique et de bien d'autres paramètres. À nous de réussir cet exercice dans la durée ! C'est d'ailleurs pour cela qu'au Mali, comme dans 45 autres pays, nous promouvons la «programmation conjointe» visant à coordonner l'Union européenne en tant que telle et les États membres, notamment les plus importants, afin qu'ils agissent de manière complémentaire. Plusieurs réunions qui ont eu lieu cet automne à Bruxelles ont permis de relancer cette programmation, laquelle s'inscrit dans le nouveau programme du FED pour les sept prochaines années.
Après le budget, les financements innovants constituent peut-être la grande bataille à mener. Dans le cadre de la coopération renforcée, onze États de l'Union européenne négocient l'instauration d'une TTF - taux, assiette, affectation. Comme le président de la République l'a rappelé lors de la clôture des Assises du développement et de la solidarité internationale le 1er mars, la France souhaite qu'une part significative en soit affectée au développement. À l'origine, la TTF devant financer les biens publics mondiaux et la lutte contre le sida, contre la pauvreté ou le changement climatique, il serait assez paradoxal, alors que nous nous apprêtons à la mettre en place, qu'aucun euro ne soit affecté aux pays du sud ! D'un autre côté, nous savons ce que sont les contraintes budgétaires et combien il serait difficile de dire aux gouvernements espagnol, portugais ou grec - qui participent à la coopération renforcée - qu'ils n'en verront pas le premier centime. Il importe donc de trouver un compromis mais une part significative de la taxe n'en devra pas moins être affectée au développement et aux biens publics mondiaux. Parce que la position française, en la matière, est minoritaire, je me dois de prendre mon bâton de pèlerin afin de convaincre mes homologues et l'ensemble des ministres des finances des onze pays avec lesquels nous travaillons.
La semaine dernière, à l'issue du dialogue entre la Commission, le Conseil et le Parlement européens, la position française visant à reporter la date de renégociation des APE en 2015 voire 2016 n'a pas été retenue. Elle aura donc lieu en 2014 même si nous continuons de penser qu'il aurait été préférable de la repousser et de négocier les conditions dans un sens plus favorables aux pays ACP.
En revanche, la question de la transparence a évolué très positivement. Ainsi la directive «comptabilité» rendra-t-elle obligatoire un reporting pays par pays et projet par projet. Dans les secteurs extractif et forestier, les grandes entreprises européennes devront ainsi faire état, projet par projet et pays par pays, des flux financiers qui les lient aux États dans lesquels elles interviennent. Il s'agit là d'une mesure essentielle pour lutter contre la corruption et renforcer la capacité des États du sud à collecter des recettes fiscales indispensables afin de mener, par exemple, les politiques de santé ou d'éducation. J'ajoute que les États-Unis ont voté une mesure comparable dans le cadre de la loi Dodd-Frank qui s'appliquera également en 2014 même si, et c'est tout à notre honneur, nous allons plus loin.
Au-delà de ce «standard» européen et américain, il faut maintenant convaincre les Australiens et les Japonais de faire la même chose dans le cadre du G20 et du G8 qui aura lieu au mois de juin sous la présidence britannique. Nous travaillons donc pour faire en sorte que cette transparence devienne la règle et non l'exception.
En outre, depuis une quinzaine de jours, un accord est intervenu sur le plan européen visant à favoriser la transparence totale des flux financiers dans le secteur bancaire, comme les ONG le demandaient d'ailleurs depuis longtemps. Toutes les banques européennes devront dire, pays par pays, quels sont les profits réalisés, quel est leur chiffre d'affaires, quelle est leur masse salariale, quels sont les impôts payés. Ce progrès très important est hélas passé à peu près inaperçu. Grâce, très largement, à l'Union européenne, le principe de transparence régit donc une grande partie de l'économie - industries extractives, secteurs forestier et bancaire - et de nos relations avec les pays du sud.
Nous souhaitons aller encore plus loin dans le cadre du G8 en nous interrogeant sur les secteurs de la construction, des ports ou des télécommunications. Au mois de mai, quinze jours ou trois semaines avant qu'il ne s'ouvre, nous organiserons une réunion dans le Nord-Pas-de-Calais avec les Britanniques afin de formuler un certain nombre de propositions concrètes en ce sens.
L'une de mes priorités, conformément à l'un des axes majeurs de l'agenda international, est de faire converger le développement et le développement soutenable. Ce n'est d'ailleurs pas là une originalité française puisque tous les pays européens y travaillent. Selon le rapport de la Banque mondiale publié avant le sommet de Doha sur le climat, une augmentation de la température de quatre degrés entraînerait mécaniquement un plus grand nombre de décès d'enfants de moins de cinq ans et tous les résultats qui ont été obtenus pendant la dernière décennie dans la lutte contre la mortalité infantile seraient ainsi anéantis par un changement climatique aggravant la sécheresse et l'insécurité alimentaire.
Nous avons donc pris un certain nombre d'initiatives «franco-françaises» en réorientant la politique énergétique et d'investissements agricoles de l'Agence française de développement (AFD). Sur un plan européen, nous travaillons à ce que, dans la prochaine programmation du FED, outre les 20 % que vous avez évoqués, madame la présidente, qui sont dédiés à la santé et au domaine social, 20 % des crédits de développement - sur les 27 milliards de budget - soient affectés à des projets contribuant à lutter contre le changement climatique ou à en atténuer les effets. Avec l'Allemagne, nous avons également pris des initiatives visant à rassembler l'ensemble des États et à convaincre la Commission, même si elle est assez volontaire sur ce sujet, de manière à ce que les délégués de l'Union européenne dans le monde entier travaillent en ce sens.
Enfin, nous aurons l'occasion de rediscuter de notre politique nationale de développement à l'automne prochain lorsque nous déposerons le premier projet de loi de développement et de solidarité internationale de toute l'histoire de la République, comme François Hollande l'a annoncé voilà quelques jours.
(Interventions des parlementaires)
Je vous remercie de ces questions. Je vous invite, Monsieur Hammadi, à me communiquer les éléments dont vous disposez concernant l'Office de radio télévision du Mali. La réhabilitation des studios, dont la plupart a été saccagée, et les problèmes liés aux réseaux de télécommunication font partie des priorités d'action des «six mois» et constituent l'un des piliers de notre stratégie partagée et coordonnée avec l'ensemble des acteurs.
Outre la grande conférence franco-européenne du 15 mai, à Bruxelles, et notre action avec l'ensemble de la communauté internationale, les collectivités territoriales et les diasporas maliennes constituent deux autres fers de lance de notre politique. Ainsi organiserons-nous à Montreuil, le 10 avril, une réunion dédiée aux versants politique et économique de cette crise. Comment les migrants et les 120.000 franco-maliens peuvent-ils contribuer encore davantage au développement économique et à la reconstruction du Mali, étant entendu que les enjeux sont nombreux ? Les flux financiers sont plus importants que l'aide publique mais sont-ils bien répartis géographiquement ? Quelles en sont les conditions ? Ce sont là autant de sujets qui pourront être abordés.
Les collectivités territoriales, quant à elles, constituent évidemment l'un des éléments centraux de notre action. Le 19 mars, j'ouvrirai une réunion, que Laurent Fabius clôturera, visant à mobiliser les cent collectivités françaises qui travaillent avec leurs homologues maliennes - ce qui représente environ une collectivité sur six au Mali - dans le cadre des coopérations décentralisées. Nous sommes donc à même d'agir dans la quasi-totalité de ce pays, en tenant compte naturellement des enjeux de sécurité inhérents à sa situation. M. le ministre des affaires étrangères et moi-même ferons à cette occasion un certain nombre d'annonces.
Parallèlement, nous voulons que l'ensemble de l'aide internationale passe en partie et davantage qu'auparavant par des canaux locaux. Non seulement il s'agit là d'un gage d'efficacité et de proximité vis-à-vis des populations mais cette forme de décentralisation plus structurée, plus forte et plus affirmée nous semble contribuer à la solution politique du conflit, qui appartient certes d'abord aux Maliens.
Avec l'ensemble de nos partenaires, nous réfléchissons de surcroît à des aides budgétaires sectorielles décentralisées. Il existe en effet deux grands types d'aides publiques : l'aide sur des projets - réalisation d'une route, d'un pont, d'une centrale, d'une station de pompage etc. - et l'aide budgétaire - tant d'argent est attribué au ministère de l'éducation, de la santé ou de l'aménagement du territoire pour réaliser tel ou tel projet. Nous souhaitons donc que ce dernier type d'aide soit décentralisé de façon à ce qu'elle soit mise en oeuvre au Mali directement et avec cohérence par les collectivités locales.
Nous approfondirons ce questionnement le 19 mars mais, également, dans les semaines et les mois à venir, cette aide budgétaire étant d'abord européenne - la Commission a déjà annoncé le déblocage de 250 millions, somme qui pourrait être revue à la hausse si des besoins n'étaient pas satisfaits -, une partie pouvant aussi passer par les collectivités locales.
La question de la conditionnalité de l'aide au respect des droits de l'Homme, des droits humains et, donc, du droit des femmes, particulièrement sujets à caution dans certains pays, est évidemment complexe. À titre personnel, je n'y suis pas hostile mais j'ai posé directement la question aux représentants des ONG et de la société civile des États concernés, lesquels ont tous répondu par la négative, jugeant que cela serait contre-productif. Annuler l'aide reviendrait en effet à céder la place à d'autres, à accroître la déstructuration et, en un sens, à imposer une double peine. Ce n'est pas parce que tel gouvernement ne respecte pas les droits de l'Homme que les enfants qui sont scolarisés grâce à l'aide internationale ne doivent plus l'être. Nous devons donc trouver un équilibre subtil entre le silence, qui n'est conforme ni à nos valeurs, ni à nos intérêts, ni à l'intérêt des personnes concernées, et la conditionnalité.
Nous avons réfléchi à cette question en France, dans le cadre des Assises du développement, mais aussi sur un plan européen. Au mois de mai dernier, quelques jours avant le changement de gouvernement, l'Union européenne, et donc la France, se sont mises d'accord sur une grille de lecture commune permettant de dire ensemble, comme nous l'avons fait pour le Mali : «Nous arrêtons de verser des aides si la démocratie n'est pas respectée ; nous la reprenons parce que tel ou tel acte politique va dans le bon sens.» Cette réflexion étant permanente et non encore aboutie, je souhaite que l'on continue à avancer, un certain nombre d'actions menées ces derniers mois nous permettant d'affirmer que cela sera possible.
S'agissant des 0,7 %, la situation varie selon les pays. Dans son dernier PLF, la France a stabilisé son effort budgétaire grâce à l'affectation d'une partie de la taxe française sur les transactions financières au développement. D'autres États sont parvenus à l'augmenter, dont le Royaume-Uni qui, malgré un contexte budgétaire identique au nôtre, accomplit un effort conséquent. Un consensus existe à ce propos au sein de la société britannique, lequel n'est rompu ni par les travaillistes, ni par les conservateurs. La société est très mobilisée, de même que les grandes ONG.
Les Espagnols, quant à eux, ont réduit ce poste budgétaire de 80 % et les Hollandais de 25 %, les Canadiens ayant également pris des mesures assez drastiques.
Compte tenu de l'enveloppe globale du budget européen et du fait que le scénario Van Rompuy a été retenu, le FED n'est pas mal loti et ses capacités d'intervention ont été maintenues.
L'enjeu principal concerne la TTF. L'étude de la Commission européenne parue au mois de janvier montre que si l'on adopte le taux proposé par cette dernière il y a deux ans - il était un peu supérieur au taux français actuel - ainsi qu'une assiette large intégrant les produits dérivés, il est possible de dégager 35 milliards de recettes dans l'ensemble des pays concernés par la coopération renforcée. Nous verrons ce qu'il en sera finalement en fonction des choix qui seront opérés, des flux et des risques de délocalisations même si la proposition de la Commission est assez consistante sur ce point. Cependant, si 10 % ou 20 % de ce montant sont affectés au développement, les sommes n'en seront pas moins considérables en y ajoutant celles du FED, lesquelles s'élèvent à quasiment quatre milliards chaque année. Telle est la bataille qu'il convient donc de mener plutôt que d'envisager d'augmenter de quelques millions les 27 milliards de budget de l'aide européenne au développement.
Avec l'APD, la cohérence des politiques menées constitue un sujet majeur de notre politique de développement. Les flux financiers de l'APD et ceux qui proviennent des pays du sud en passant par des «juridictions non coopératives» montrent que ceux-ci sont dix fois plus importants que ceux-là. S'il n'est pas question de réduire l'APD, la bataille doit donc porter principalement sur la cohérence des politiques. Si tel n'est pas le cas, nous donnerons de l'argent à des États qui en possèdent mais qui, in fine, en seront privés en raison de l'évasion et de l'optimisation fiscales. D'où l'importance des directives sur la transparence que j'ai déjà évoquées pour les secteurs extractif, forestier et bancaire. J'espère que nous pourrons aller plus loin dans le cadre du prochain G8.
La politique de cohérence a également été au coeur des Assises du développement. Cette grande concertation, dont il n'y avait pas eu d'équivalent depuis quinze ans, comprenait en effet cinq chantiers dont l'un consacré à cette politique. Nous nous apprêtons, de plus, à réunir un comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) - qui, lui, n'avait pas été réuni depuis quatre ans - afin d'analyser les politiques agricole, commerciale, financière ou halieutique au regard des objectifs de développement de telle manière que la France évite de défendre A au cours de telle négociation et B pendant telle autre. Des incohérences sont cependant toujours possibles puisque les négociations internationales ou européennes fonctionnent aussi en silos. Je veillerai quant à moi à ce que des enjeux très importants figurent à l'ordre du jour de ce CICID, notamment en matière de pêche.
S'agissant des agro-carburants, des problèmes de sécurité alimentaire et, plus globalement, des investissements agricoles, nous sommes en train de réviser la doctrine de l'AFD. Après trois mois de consultations auprès des pays du sud concernés, celle-ci doit être adoptée au cours du conseil d'administration qui aura lieu dans quelques jours. Je formulerai des annonces lorsque les derniers arbitrages auront été finalisés et que le document sera voté.
Quoi qu'il en soit, je tiens absolument à ce que des projets financés par l'APD, par exemple en matière de développement d'agro-carburants, ne contribuent pas à la déforestation - et peu importe que ce soit ou non à des fins exportatrices. Nous serions en effet en contradiction si, d'une part, notre diplomatie travaillait à la lutte contre le changement climatique en prenant des initiatives financées par le contribuable français contre la déforestation et, d'autre part, si nous prêtions de l'argent à des opérateurs qui contribueraient à l'accroître. Cela fait partie des points que je souhaite écrire noir sur blanc dans la nouvelle doctrine d'investissement agricole de l'AFD.
S'agissant de la TTF, le gouvernement allemand est divisé, les Autrichiens se montrent plutôt hostiles, les Belges y sont favorables, l'Italie, l'Espagne, le Portugal, la Slovénie et les autres pays n'ayant pas pris position publiquement. J'ai rencontré l'ensemble des ministres concernés et, à mon sens, l'idée d'une affectation partielle peut passer même si cela reste compliqué. Qui qu'il en soit, en l'état, nous sommes minoritaires.
Dans le cadre de la politique européenne de voisinage (PEV), nous sommes notamment favorables à un engagement plus soutenu en direction des pays du sud de la Méditerranée par rapport à ceux de l'est - il s'agit là d'une tradition française qui suscite d'ailleurs des débats récurrents avec d'autres États européens. Notre politique en Tunisie et au Maroc est cependant bloquée puisque notre puissance d'engagement y est maximale eu égard au «risque pays» tel que défini dans les ratios bancaires de l'AFD. Nous étudions la manière de faire évoluer cette situation car la consolidation des avancées démocratiques constitue l'une de nos priorités, avec toutes les réserves qu'il convient parfois d'émettre quand les droits de l'Homme sont en jeu.
Les priorités du FED, quant à elles, doivent concerner selon nous les pays fragiles dont, évidemment, ceux de la zone sahélienne. Nous faisons en sorte que les crédits de ce dernier, pour les sept prochaines années, soient reconduits voire augmentés.
(Interventions des parlementaires)
Je vous remercie.
Les Irlandais se sont en effet montrés très volontaires. Ils ont d'ailleurs organisé la réunion d'un Conseil européen informel de deux jours avec les ministres du développement, à Dublin, ce qui n'était pas arrivé depuis un certain nombre d'années. Nous ne pouvons que les remercier pour leur engagement.
La question du Mali a également été mise à l'ordre du jour par la présidence irlandaise, laquelle a aussi fait en sorte que le problème de la coordination européenne que j'ai évoqué soit discuté dans ce type de réunion.
Enfin, on aurait pu penser que les Irlandais se seraient montrés réticents s'agissant de la récente négociation bancaire, qui est d'ailleurs en voie d'aboutissement. Or, cela n'a absolument pas été le cas. Au contraire, ils ont favorisé un accord assez ambitieux sur la transparence et sur les bonus entre le Parlement et le Conseil.
En l'occurrence, je ne peux qu'avoir un avis positif sur la présidence irlandaise même si je suis moins sûr qu'elle ait suffisamment fait avancer la question de l'harmonisation fiscale en Europe... mais c'est un autre sujet !
Le président de la République a annoncé que la France était prête à accueillir la conférence sur le climat à Paris en 2015, laquelle sera portée par les ministères de l'écologie et des affaires étrangères. Normalement, après l'échec relatif du sommet de Copenhague, ce nouveau rendez-vous devrait déboucher sur un accord international afin de définir le régime climatique de 2020 à 2030. Je suis quant à moi particulièrement mobilisé pour essayer de faire en sorte que l'on commence à écrire les conditions d'un succès à Paris sachant que, comme je l'ai dit hier devant la commission du développement durable de l'Assemblée nationale, le principe de réalité nous impose de penser que l'accord à venir ne sera pas à la hauteur des enjeux. À nous de faire mentir ce principe ! Je préfère en effet que l'on progresse réellement plutôt que de placer la barre si haute que personne ne se rend compte des avancées éventuellement réalisées.
L'Europe revendique la mise en place d'un accord international légalement contraignant. Cependant, même sous la seconde présidence d'Obama, les États-Unis assurent qu'aucune majorité ne peut être dégagée pour le signer. Les Chinois et les Brésiliens, quant à eux, s'y refusent, arguant de leur souveraineté nationale. Je ne vois donc pas comment il est possible de faire bouger les lignes à la fois aux États-Unis, en Chine et au Brésil. Nous devrons inventer un agenda qui nous permettra d'aller beaucoup plus loin que ce qui est réalisé aujourd'hui - faute de quoi, nous serions dans le renoncement - tout en faisant en sorte qu'il soit réaliste. Si nous en restons aux modes de fonctionnement passés, il n'y a guère de raisons pour que nous réussissions là où les autres ont échoué.
Nous commençons donc à travailler sur cette question fondamentale. Pour la traiter, nous disposons de trois années devant nous ainsi que d'une véritable diplomatie, ce qui n'était plus le cas depuis longtemps : nous sommes présents à peu près partout dans le monde, notre parole a du poids, nous dialoguons avec les sociétés civiles, les gouvernements et les entreprises, donc, nous pouvons aller au-delà de ce que les présidences précédentes pouvaient faire. Maintenant, il convient de mobiliser, mobiliser et mobiliser encore ! Pour ce faire, nous avons besoin de vous, parlementaires, car vous pouvez contribuer, avec vos homologues, à faire bouger les lignes. Nous savons que les positions mexicaine, brésilienne, indonésienne ou de l'Afrique du sud évoluent en fonction des rapports de force interne et des pressions. Chacun doit prendre sa part afin que le succès soit au rendez-vous.
La politique du développement inclut évidemment le problème climatique. L'objectif de l'AFD est de faire en sorte que 50 % de ses projets aient un «co-bénéfice climat» - le premier bénéfice étant évidemment celui du développement - permettant de lutter contre le changement climatique ou de s'y adapter. Cette année, nous ne sommes pas loin de l'atteindre. Progressivement, nous souhaitons qu'une grande partie - pourquoi pas la totalité ? - de nos investissements dans les pays du sud intègrent la question climatique.
L'AFD, dorénavant, formulera certes un avis financier - l'Agence est une banque qui décide de financer ou non tel ou tel projet - mais, aussi, un avis «développement durable» qui l'un et l'autre seront soumis au conseil d'administration, expérimentalement dès le prochain conseil et systématiquement à partir du mois d'octobre, de manière à ce que l'ensemble des projets passe au crible financier et extra-financier. Nous sommes en train de faire de l'AFD un outil modèle.
Concernant les réfugiés climatiques, nous n'avons pas à ce jour d'autre action que préventive afin que ces derniers soient le moins nombreux possible, étant entendu que l'immense majorité d'entre eux ne viendra pas chez nous, les migrations s'effectuant «sud-sud». Lorsque nous travaillons à éviter la montée des eaux à Saint-Louis du Sénégal ou en Asie du sud-est, nous contribuons à prévenir les flux de réfugiés même si, je le répète, nous ne menons pas d'actions spécifiques.
Cette année, une moitié de la part de la TTF française affectée au développement est consacrée à l'accès à l'eau potable au Sahel et l'autre moitié à la santé. Cette dernière sera reconduite l'année prochaine, à laquelle s'ajoutera une partie fonds vert pour le climat. Nous pouvons être fiers d'avoir taxé les transactions financières et que l'argent ainsi collecté ait permis de financer l'accès à l'eau potable pour plus d'enfants, de femmes et d'hommes, ce qui contribue d'ailleurs à améliorer les droits humains et les droits des femmes en particulier puisque ce sont souvent elles qui, en Afrique, sont chargées d'aller chercher l'eau dans les puits.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 mars 2013
Je vous remercie de m'avoir invité à m'exprimer devant une commission au sein de laquelle je suis intervenu lors de la mandature précédente en tant que parlementaire européen pour évoquer notamment les questions de règlementations financières et bancaires.
Je suis extrêmement attaché à l'inscription de notre politique nationale de développement dans le contexte européen, deux tiers de nos dons - il en va différemment des prêts - passant par le FED et donc l'Union européenne. Lors des débats parlementaires, nombre de députés ou de sénateurs considèrent souvent que c'est l'aide bilatérale qui compte mais je ne suis pas de cet avis car il est nécessaire de travailler ensemble, l'Union européenne constituant un gage d'efficacité. À nous de nous montrer influents à Bruxelles plutôt que de dissocier, en la matière, les drapeaux français et européen !
Je me permets de ne pas faire la même lecture que vous du budget européen. Vous avez pris comme référence la proposition de la Commission mais, dans la négociation finale, c'est celle de M. Van Rompuy qui compte et, en ce qui concerne la politique de développement et le FED, elle a été respectée à l'euro près. Le risque existait, cependant, que la politique de développement européenne constitue un peu la variable d'ajustement du budget et que ses 27 milliards d'euros servent en partie à compléter tel ou tel budget mais, je le répète, cela n'a pas été le cas et l'on peut s'en féliciter puisque ce budget garantit une stabilité d'intervention en capacités réelles et en volume, dans le contexte donné d'une négociation budgétaire donnée à un moment donné, même s'il peut être remis en cause comme nous l'avons vu avec l'actuel vote du Parlement européen, lequel n'est d'ailleurs pas définitif. En tant que ministre délégué chargé du développement, je suis donc plutôt satisfait des résultats obtenus s'agissant du FED.
La situation au Mali constitue un cas d'école et illustre notre capacité à travailler ensemble, en Européens et en «franco-européens». Comme j'ai eu l'occasion de le dire en réponse à une question qui m'a été posée dans l'hémicycle, Laurent Fabius et moi-même avons voulu inscrire notre stratégie de développement au Mali et, plus largement, au Sahel, dans le cadre européen. Ainsi avons-nous souhaité que la grande conférence internationale que nous allons organiser à la mi-mai, à Bruxelles, soit coprésidée par la France et par l'Union européenne - par MM. Hollande et Barroso - alors que nous aurions pu faire en sorte qu'elle soit organisée à Paris et présidée par le seul chef de l'État.
Sur le terrain, une division du travail intelligente régit notre action avec nos partenaires européens et l'Union européenne. Ensemble, nous avons dressé une liste de priorités visant à «gagner les six mois», délai qui nous sépare des élections. Il s'agit de trouver une position intermédiaire entre l'humanitaire pour lequel, assurent les ONG, est aujourd'hui relativement sous contrôle, à l'exception de quelques poches à l'extrême nord du Mali, et le développement de grands projets dont les résultats sont effectifs après plusieurs années. Le problème, en l'occurrence, est de savoir comment il est possible de rétablir la distribution d'eau et la fourniture d'électricité à Tombouctou ou de traverser le fleuve Niger qui, à ce jour, ne peut pas l'être sur mille kilomètres, ce qui soulève un certain nombre de difficultés en termes de flux économiques et de possibilité, pour les personnes déplacées, de rentrer chez elles.
Nous nous sommes donc mis d'accord avec l'ensemble de nos partenaires sur cette liste et nous nous sommes partagés le travail à accomplir. Par exemple, la France finance les travaux visant à rétablir l'électricité et l'eau courante à Tombouctou et à Gao tandis que la Commission européenne finance le retour des personnes déplacées et réfugiées ainsi que l'achat de semences permettant de préparer la saison agricole qui, au Mali, commence aux mois d'avril et de mai. J'ai beaucoup plaidé pour une telle approche. Les ONG, avec raison, assurent qu'elles savent oeuvrer dans les domaines de l'humanitaire et du développement mais pas dans celui de la réhabilitation. Or, nous sommes parvenus à ce jour à mettre en place des financements, à être opérationnels et à agir de façon coordonnée même si, toutes choses égales par ailleurs, nous sommes tributaires de la situation macro-sécuritaire, du dialogue politique et de bien d'autres paramètres. À nous de réussir cet exercice dans la durée ! C'est d'ailleurs pour cela qu'au Mali, comme dans 45 autres pays, nous promouvons la «programmation conjointe» visant à coordonner l'Union européenne en tant que telle et les États membres, notamment les plus importants, afin qu'ils agissent de manière complémentaire. Plusieurs réunions qui ont eu lieu cet automne à Bruxelles ont permis de relancer cette programmation, laquelle s'inscrit dans le nouveau programme du FED pour les sept prochaines années.
Après le budget, les financements innovants constituent peut-être la grande bataille à mener. Dans le cadre de la coopération renforcée, onze États de l'Union européenne négocient l'instauration d'une TTF - taux, assiette, affectation. Comme le président de la République l'a rappelé lors de la clôture des Assises du développement et de la solidarité internationale le 1er mars, la France souhaite qu'une part significative en soit affectée au développement. À l'origine, la TTF devant financer les biens publics mondiaux et la lutte contre le sida, contre la pauvreté ou le changement climatique, il serait assez paradoxal, alors que nous nous apprêtons à la mettre en place, qu'aucun euro ne soit affecté aux pays du sud ! D'un autre côté, nous savons ce que sont les contraintes budgétaires et combien il serait difficile de dire aux gouvernements espagnol, portugais ou grec - qui participent à la coopération renforcée - qu'ils n'en verront pas le premier centime. Il importe donc de trouver un compromis mais une part significative de la taxe n'en devra pas moins être affectée au développement et aux biens publics mondiaux. Parce que la position française, en la matière, est minoritaire, je me dois de prendre mon bâton de pèlerin afin de convaincre mes homologues et l'ensemble des ministres des finances des onze pays avec lesquels nous travaillons.
La semaine dernière, à l'issue du dialogue entre la Commission, le Conseil et le Parlement européens, la position française visant à reporter la date de renégociation des APE en 2015 voire 2016 n'a pas été retenue. Elle aura donc lieu en 2014 même si nous continuons de penser qu'il aurait été préférable de la repousser et de négocier les conditions dans un sens plus favorables aux pays ACP.
En revanche, la question de la transparence a évolué très positivement. Ainsi la directive «comptabilité» rendra-t-elle obligatoire un reporting pays par pays et projet par projet. Dans les secteurs extractif et forestier, les grandes entreprises européennes devront ainsi faire état, projet par projet et pays par pays, des flux financiers qui les lient aux États dans lesquels elles interviennent. Il s'agit là d'une mesure essentielle pour lutter contre la corruption et renforcer la capacité des États du sud à collecter des recettes fiscales indispensables afin de mener, par exemple, les politiques de santé ou d'éducation. J'ajoute que les États-Unis ont voté une mesure comparable dans le cadre de la loi Dodd-Frank qui s'appliquera également en 2014 même si, et c'est tout à notre honneur, nous allons plus loin.
Au-delà de ce «standard» européen et américain, il faut maintenant convaincre les Australiens et les Japonais de faire la même chose dans le cadre du G20 et du G8 qui aura lieu au mois de juin sous la présidence britannique. Nous travaillons donc pour faire en sorte que cette transparence devienne la règle et non l'exception.
En outre, depuis une quinzaine de jours, un accord est intervenu sur le plan européen visant à favoriser la transparence totale des flux financiers dans le secteur bancaire, comme les ONG le demandaient d'ailleurs depuis longtemps. Toutes les banques européennes devront dire, pays par pays, quels sont les profits réalisés, quel est leur chiffre d'affaires, quelle est leur masse salariale, quels sont les impôts payés. Ce progrès très important est hélas passé à peu près inaperçu. Grâce, très largement, à l'Union européenne, le principe de transparence régit donc une grande partie de l'économie - industries extractives, secteurs forestier et bancaire - et de nos relations avec les pays du sud.
Nous souhaitons aller encore plus loin dans le cadre du G8 en nous interrogeant sur les secteurs de la construction, des ports ou des télécommunications. Au mois de mai, quinze jours ou trois semaines avant qu'il ne s'ouvre, nous organiserons une réunion dans le Nord-Pas-de-Calais avec les Britanniques afin de formuler un certain nombre de propositions concrètes en ce sens.
L'une de mes priorités, conformément à l'un des axes majeurs de l'agenda international, est de faire converger le développement et le développement soutenable. Ce n'est d'ailleurs pas là une originalité française puisque tous les pays européens y travaillent. Selon le rapport de la Banque mondiale publié avant le sommet de Doha sur le climat, une augmentation de la température de quatre degrés entraînerait mécaniquement un plus grand nombre de décès d'enfants de moins de cinq ans et tous les résultats qui ont été obtenus pendant la dernière décennie dans la lutte contre la mortalité infantile seraient ainsi anéantis par un changement climatique aggravant la sécheresse et l'insécurité alimentaire.
Nous avons donc pris un certain nombre d'initiatives «franco-françaises» en réorientant la politique énergétique et d'investissements agricoles de l'Agence française de développement (AFD). Sur un plan européen, nous travaillons à ce que, dans la prochaine programmation du FED, outre les 20 % que vous avez évoqués, madame la présidente, qui sont dédiés à la santé et au domaine social, 20 % des crédits de développement - sur les 27 milliards de budget - soient affectés à des projets contribuant à lutter contre le changement climatique ou à en atténuer les effets. Avec l'Allemagne, nous avons également pris des initiatives visant à rassembler l'ensemble des États et à convaincre la Commission, même si elle est assez volontaire sur ce sujet, de manière à ce que les délégués de l'Union européenne dans le monde entier travaillent en ce sens.
Enfin, nous aurons l'occasion de rediscuter de notre politique nationale de développement à l'automne prochain lorsque nous déposerons le premier projet de loi de développement et de solidarité internationale de toute l'histoire de la République, comme François Hollande l'a annoncé voilà quelques jours.
(Interventions des parlementaires)
Je vous remercie de ces questions. Je vous invite, Monsieur Hammadi, à me communiquer les éléments dont vous disposez concernant l'Office de radio télévision du Mali. La réhabilitation des studios, dont la plupart a été saccagée, et les problèmes liés aux réseaux de télécommunication font partie des priorités d'action des «six mois» et constituent l'un des piliers de notre stratégie partagée et coordonnée avec l'ensemble des acteurs.
Outre la grande conférence franco-européenne du 15 mai, à Bruxelles, et notre action avec l'ensemble de la communauté internationale, les collectivités territoriales et les diasporas maliennes constituent deux autres fers de lance de notre politique. Ainsi organiserons-nous à Montreuil, le 10 avril, une réunion dédiée aux versants politique et économique de cette crise. Comment les migrants et les 120.000 franco-maliens peuvent-ils contribuer encore davantage au développement économique et à la reconstruction du Mali, étant entendu que les enjeux sont nombreux ? Les flux financiers sont plus importants que l'aide publique mais sont-ils bien répartis géographiquement ? Quelles en sont les conditions ? Ce sont là autant de sujets qui pourront être abordés.
Les collectivités territoriales, quant à elles, constituent évidemment l'un des éléments centraux de notre action. Le 19 mars, j'ouvrirai une réunion, que Laurent Fabius clôturera, visant à mobiliser les cent collectivités françaises qui travaillent avec leurs homologues maliennes - ce qui représente environ une collectivité sur six au Mali - dans le cadre des coopérations décentralisées. Nous sommes donc à même d'agir dans la quasi-totalité de ce pays, en tenant compte naturellement des enjeux de sécurité inhérents à sa situation. M. le ministre des affaires étrangères et moi-même ferons à cette occasion un certain nombre d'annonces.
Parallèlement, nous voulons que l'ensemble de l'aide internationale passe en partie et davantage qu'auparavant par des canaux locaux. Non seulement il s'agit là d'un gage d'efficacité et de proximité vis-à-vis des populations mais cette forme de décentralisation plus structurée, plus forte et plus affirmée nous semble contribuer à la solution politique du conflit, qui appartient certes d'abord aux Maliens.
Avec l'ensemble de nos partenaires, nous réfléchissons de surcroît à des aides budgétaires sectorielles décentralisées. Il existe en effet deux grands types d'aides publiques : l'aide sur des projets - réalisation d'une route, d'un pont, d'une centrale, d'une station de pompage etc. - et l'aide budgétaire - tant d'argent est attribué au ministère de l'éducation, de la santé ou de l'aménagement du territoire pour réaliser tel ou tel projet. Nous souhaitons donc que ce dernier type d'aide soit décentralisé de façon à ce qu'elle soit mise en oeuvre au Mali directement et avec cohérence par les collectivités locales.
Nous approfondirons ce questionnement le 19 mars mais, également, dans les semaines et les mois à venir, cette aide budgétaire étant d'abord européenne - la Commission a déjà annoncé le déblocage de 250 millions, somme qui pourrait être revue à la hausse si des besoins n'étaient pas satisfaits -, une partie pouvant aussi passer par les collectivités locales.
La question de la conditionnalité de l'aide au respect des droits de l'Homme, des droits humains et, donc, du droit des femmes, particulièrement sujets à caution dans certains pays, est évidemment complexe. À titre personnel, je n'y suis pas hostile mais j'ai posé directement la question aux représentants des ONG et de la société civile des États concernés, lesquels ont tous répondu par la négative, jugeant que cela serait contre-productif. Annuler l'aide reviendrait en effet à céder la place à d'autres, à accroître la déstructuration et, en un sens, à imposer une double peine. Ce n'est pas parce que tel gouvernement ne respecte pas les droits de l'Homme que les enfants qui sont scolarisés grâce à l'aide internationale ne doivent plus l'être. Nous devons donc trouver un équilibre subtil entre le silence, qui n'est conforme ni à nos valeurs, ni à nos intérêts, ni à l'intérêt des personnes concernées, et la conditionnalité.
Nous avons réfléchi à cette question en France, dans le cadre des Assises du développement, mais aussi sur un plan européen. Au mois de mai dernier, quelques jours avant le changement de gouvernement, l'Union européenne, et donc la France, se sont mises d'accord sur une grille de lecture commune permettant de dire ensemble, comme nous l'avons fait pour le Mali : «Nous arrêtons de verser des aides si la démocratie n'est pas respectée ; nous la reprenons parce que tel ou tel acte politique va dans le bon sens.» Cette réflexion étant permanente et non encore aboutie, je souhaite que l'on continue à avancer, un certain nombre d'actions menées ces derniers mois nous permettant d'affirmer que cela sera possible.
S'agissant des 0,7 %, la situation varie selon les pays. Dans son dernier PLF, la France a stabilisé son effort budgétaire grâce à l'affectation d'une partie de la taxe française sur les transactions financières au développement. D'autres États sont parvenus à l'augmenter, dont le Royaume-Uni qui, malgré un contexte budgétaire identique au nôtre, accomplit un effort conséquent. Un consensus existe à ce propos au sein de la société britannique, lequel n'est rompu ni par les travaillistes, ni par les conservateurs. La société est très mobilisée, de même que les grandes ONG.
Les Espagnols, quant à eux, ont réduit ce poste budgétaire de 80 % et les Hollandais de 25 %, les Canadiens ayant également pris des mesures assez drastiques.
Compte tenu de l'enveloppe globale du budget européen et du fait que le scénario Van Rompuy a été retenu, le FED n'est pas mal loti et ses capacités d'intervention ont été maintenues.
L'enjeu principal concerne la TTF. L'étude de la Commission européenne parue au mois de janvier montre que si l'on adopte le taux proposé par cette dernière il y a deux ans - il était un peu supérieur au taux français actuel - ainsi qu'une assiette large intégrant les produits dérivés, il est possible de dégager 35 milliards de recettes dans l'ensemble des pays concernés par la coopération renforcée. Nous verrons ce qu'il en sera finalement en fonction des choix qui seront opérés, des flux et des risques de délocalisations même si la proposition de la Commission est assez consistante sur ce point. Cependant, si 10 % ou 20 % de ce montant sont affectés au développement, les sommes n'en seront pas moins considérables en y ajoutant celles du FED, lesquelles s'élèvent à quasiment quatre milliards chaque année. Telle est la bataille qu'il convient donc de mener plutôt que d'envisager d'augmenter de quelques millions les 27 milliards de budget de l'aide européenne au développement.
Avec l'APD, la cohérence des politiques menées constitue un sujet majeur de notre politique de développement. Les flux financiers de l'APD et ceux qui proviennent des pays du sud en passant par des «juridictions non coopératives» montrent que ceux-ci sont dix fois plus importants que ceux-là. S'il n'est pas question de réduire l'APD, la bataille doit donc porter principalement sur la cohérence des politiques. Si tel n'est pas le cas, nous donnerons de l'argent à des États qui en possèdent mais qui, in fine, en seront privés en raison de l'évasion et de l'optimisation fiscales. D'où l'importance des directives sur la transparence que j'ai déjà évoquées pour les secteurs extractif, forestier et bancaire. J'espère que nous pourrons aller plus loin dans le cadre du prochain G8.
La politique de cohérence a également été au coeur des Assises du développement. Cette grande concertation, dont il n'y avait pas eu d'équivalent depuis quinze ans, comprenait en effet cinq chantiers dont l'un consacré à cette politique. Nous nous apprêtons, de plus, à réunir un comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) - qui, lui, n'avait pas été réuni depuis quatre ans - afin d'analyser les politiques agricole, commerciale, financière ou halieutique au regard des objectifs de développement de telle manière que la France évite de défendre A au cours de telle négociation et B pendant telle autre. Des incohérences sont cependant toujours possibles puisque les négociations internationales ou européennes fonctionnent aussi en silos. Je veillerai quant à moi à ce que des enjeux très importants figurent à l'ordre du jour de ce CICID, notamment en matière de pêche.
S'agissant des agro-carburants, des problèmes de sécurité alimentaire et, plus globalement, des investissements agricoles, nous sommes en train de réviser la doctrine de l'AFD. Après trois mois de consultations auprès des pays du sud concernés, celle-ci doit être adoptée au cours du conseil d'administration qui aura lieu dans quelques jours. Je formulerai des annonces lorsque les derniers arbitrages auront été finalisés et que le document sera voté.
Quoi qu'il en soit, je tiens absolument à ce que des projets financés par l'APD, par exemple en matière de développement d'agro-carburants, ne contribuent pas à la déforestation - et peu importe que ce soit ou non à des fins exportatrices. Nous serions en effet en contradiction si, d'une part, notre diplomatie travaillait à la lutte contre le changement climatique en prenant des initiatives financées par le contribuable français contre la déforestation et, d'autre part, si nous prêtions de l'argent à des opérateurs qui contribueraient à l'accroître. Cela fait partie des points que je souhaite écrire noir sur blanc dans la nouvelle doctrine d'investissement agricole de l'AFD.
S'agissant de la TTF, le gouvernement allemand est divisé, les Autrichiens se montrent plutôt hostiles, les Belges y sont favorables, l'Italie, l'Espagne, le Portugal, la Slovénie et les autres pays n'ayant pas pris position publiquement. J'ai rencontré l'ensemble des ministres concernés et, à mon sens, l'idée d'une affectation partielle peut passer même si cela reste compliqué. Qui qu'il en soit, en l'état, nous sommes minoritaires.
Dans le cadre de la politique européenne de voisinage (PEV), nous sommes notamment favorables à un engagement plus soutenu en direction des pays du sud de la Méditerranée par rapport à ceux de l'est - il s'agit là d'une tradition française qui suscite d'ailleurs des débats récurrents avec d'autres États européens. Notre politique en Tunisie et au Maroc est cependant bloquée puisque notre puissance d'engagement y est maximale eu égard au «risque pays» tel que défini dans les ratios bancaires de l'AFD. Nous étudions la manière de faire évoluer cette situation car la consolidation des avancées démocratiques constitue l'une de nos priorités, avec toutes les réserves qu'il convient parfois d'émettre quand les droits de l'Homme sont en jeu.
Les priorités du FED, quant à elles, doivent concerner selon nous les pays fragiles dont, évidemment, ceux de la zone sahélienne. Nous faisons en sorte que les crédits de ce dernier, pour les sept prochaines années, soient reconduits voire augmentés.
(Interventions des parlementaires)
Je vous remercie.
Les Irlandais se sont en effet montrés très volontaires. Ils ont d'ailleurs organisé la réunion d'un Conseil européen informel de deux jours avec les ministres du développement, à Dublin, ce qui n'était pas arrivé depuis un certain nombre d'années. Nous ne pouvons que les remercier pour leur engagement.
La question du Mali a également été mise à l'ordre du jour par la présidence irlandaise, laquelle a aussi fait en sorte que le problème de la coordination européenne que j'ai évoqué soit discuté dans ce type de réunion.
Enfin, on aurait pu penser que les Irlandais se seraient montrés réticents s'agissant de la récente négociation bancaire, qui est d'ailleurs en voie d'aboutissement. Or, cela n'a absolument pas été le cas. Au contraire, ils ont favorisé un accord assez ambitieux sur la transparence et sur les bonus entre le Parlement et le Conseil.
En l'occurrence, je ne peux qu'avoir un avis positif sur la présidence irlandaise même si je suis moins sûr qu'elle ait suffisamment fait avancer la question de l'harmonisation fiscale en Europe... mais c'est un autre sujet !
Le président de la République a annoncé que la France était prête à accueillir la conférence sur le climat à Paris en 2015, laquelle sera portée par les ministères de l'écologie et des affaires étrangères. Normalement, après l'échec relatif du sommet de Copenhague, ce nouveau rendez-vous devrait déboucher sur un accord international afin de définir le régime climatique de 2020 à 2030. Je suis quant à moi particulièrement mobilisé pour essayer de faire en sorte que l'on commence à écrire les conditions d'un succès à Paris sachant que, comme je l'ai dit hier devant la commission du développement durable de l'Assemblée nationale, le principe de réalité nous impose de penser que l'accord à venir ne sera pas à la hauteur des enjeux. À nous de faire mentir ce principe ! Je préfère en effet que l'on progresse réellement plutôt que de placer la barre si haute que personne ne se rend compte des avancées éventuellement réalisées.
L'Europe revendique la mise en place d'un accord international légalement contraignant. Cependant, même sous la seconde présidence d'Obama, les États-Unis assurent qu'aucune majorité ne peut être dégagée pour le signer. Les Chinois et les Brésiliens, quant à eux, s'y refusent, arguant de leur souveraineté nationale. Je ne vois donc pas comment il est possible de faire bouger les lignes à la fois aux États-Unis, en Chine et au Brésil. Nous devrons inventer un agenda qui nous permettra d'aller beaucoup plus loin que ce qui est réalisé aujourd'hui - faute de quoi, nous serions dans le renoncement - tout en faisant en sorte qu'il soit réaliste. Si nous en restons aux modes de fonctionnement passés, il n'y a guère de raisons pour que nous réussissions là où les autres ont échoué.
Nous commençons donc à travailler sur cette question fondamentale. Pour la traiter, nous disposons de trois années devant nous ainsi que d'une véritable diplomatie, ce qui n'était plus le cas depuis longtemps : nous sommes présents à peu près partout dans le monde, notre parole a du poids, nous dialoguons avec les sociétés civiles, les gouvernements et les entreprises, donc, nous pouvons aller au-delà de ce que les présidences précédentes pouvaient faire. Maintenant, il convient de mobiliser, mobiliser et mobiliser encore ! Pour ce faire, nous avons besoin de vous, parlementaires, car vous pouvez contribuer, avec vos homologues, à faire bouger les lignes. Nous savons que les positions mexicaine, brésilienne, indonésienne ou de l'Afrique du sud évoluent en fonction des rapports de force interne et des pressions. Chacun doit prendre sa part afin que le succès soit au rendez-vous.
La politique du développement inclut évidemment le problème climatique. L'objectif de l'AFD est de faire en sorte que 50 % de ses projets aient un «co-bénéfice climat» - le premier bénéfice étant évidemment celui du développement - permettant de lutter contre le changement climatique ou de s'y adapter. Cette année, nous ne sommes pas loin de l'atteindre. Progressivement, nous souhaitons qu'une grande partie - pourquoi pas la totalité ? - de nos investissements dans les pays du sud intègrent la question climatique.
L'AFD, dorénavant, formulera certes un avis financier - l'Agence est une banque qui décide de financer ou non tel ou tel projet - mais, aussi, un avis «développement durable» qui l'un et l'autre seront soumis au conseil d'administration, expérimentalement dès le prochain conseil et systématiquement à partir du mois d'octobre, de manière à ce que l'ensemble des projets passe au crible financier et extra-financier. Nous sommes en train de faire de l'AFD un outil modèle.
Concernant les réfugiés climatiques, nous n'avons pas à ce jour d'autre action que préventive afin que ces derniers soient le moins nombreux possible, étant entendu que l'immense majorité d'entre eux ne viendra pas chez nous, les migrations s'effectuant «sud-sud». Lorsque nous travaillons à éviter la montée des eaux à Saint-Louis du Sénégal ou en Asie du sud-est, nous contribuons à prévenir les flux de réfugiés même si, je le répète, nous ne menons pas d'actions spécifiques.
Cette année, une moitié de la part de la TTF française affectée au développement est consacrée à l'accès à l'eau potable au Sahel et l'autre moitié à la santé. Cette dernière sera reconduite l'année prochaine, à laquelle s'ajoutera une partie fonds vert pour le climat. Nous pouvons être fiers d'avoir taxé les transactions financières et que l'argent ainsi collecté ait permis de financer l'accès à l'eau potable pour plus d'enfants, de femmes et d'hommes, ce qui contribue d'ailleurs à améliorer les droits humains et les droits des femmes en particulier puisque ce sont souvent elles qui, en Afrique, sont chargées d'aller chercher l'eau dans les puits.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 mars 2013