Déclaration de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement, sur la défense des droits des femmes et la lutte contre les violences faites aux femmes, Paris le 20 mars 2013.

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Circonstance : 1er Forum mondial des femmes francophones à Paris le 20 mars 2013

Texte intégral

Mesdames les ministres,
Monsieur le secrétaire général de la Francophonie,
Madame la directrice exécutive d'ONU Femmes,
Madame la directrice générale de l'UNESCO,
Monsieur le Président de la Fondation Agir contre l'exclusion,
Mesdames et Messieurs,
En tant que ministre des droits des femmes, je suis particulièrement heureuse d'intervenir devant le Forum mondial des femmes francophones annoncé par le Président de la République au sommet de la Francophonie à Kinshasa en octobre dernier.
Vous le savez, le Président de la République a souhaité que les droits des femmes deviennent une priorité de l'action de la France au niveau national mais aussi sur la scène internationale.
Au plan national, cette volonté a été consacrée par la constitution d'un Gouvernement strictement paritaire - pour la toute première fois de l'histoire de la République française - et par le rétablissement d'un ministère des droits des femmes de plein exercice qui avait disparu depuis 26 ans et que j'ai l'honneur et la responsabilité de conduire.
Cette priorité politique s'est traduite par l'adoption d'un vaste plan d'action pour la réalisation d'une troisième génération des droits des femmes : après la génération des droits civiques, reconnus à la Libération, puis des droits économiques et sociaux des années 70 et 80, cette nouvelle génération doit être celle de l'égalité réelle.
Nous changeons de rythme et de méthode sur ces sujets pour dessiner une troisième génération des droits des femmes. Après les droits politiques, conquis à la Libération. Après les droits sociaux et sanitaires, que les femmes ont chèrement conquis dans les années 1970 et au début des années 1980, nous voulons nous attaquer à l'ensemble des forces qui dans la société véhiculent encore des inégalités. Ces droits de troisième génération sont ceux de l'égalité réelle : l'égale rémunération, l'égale répartition des temps de vie, le droit égal à se projeter dans l'avenir.
Depuis dix mois déjà, des réformes ont été mises en œuvre à un rythme accéléré dans plusieurs domaines clés du combat pour l'égalité: la lutte contre les violences faites aux femmes, contre les stéréotypes de genre, pour l'apprentissage de l'égalité et ce, dès le plus jeune âge à l'école, pour l'égalité au travail ou encore l'accès des femmes à la contraception, notamment des mineures, et à l'IVG.
Au-delà des champs déjà investis, une nouvelle étape sera franchie prochainement avec un projet de loi-cadre pour les droits des femmes qui sera présenté au Parlement au Printemps.
Ce texte de loi permettra de prolonger l'action du Gouvernement s'agissant notamment de mieux protéger les femmes contre les violences, contre la précarité – notamment des femmes seules – une plus grande protection des femmes issues de l'immigration ou encore une meilleure articulation des temps de vie.
La francophonie est une communauté de valeurs et de projet. Aborder ensemble la question des droits des femmes est à cet égard une évidence, un incontournable et un ferment puissant pour que nos liens soient durables.
Depuis plusieurs mois, qui a au cœur la défense des droits des femmes entend nécessairement l'écho de plusieurs évènements de dimension planétaire – en Russie, en Inde, dans les pays arabes, aux Etats-Unis – qui ont fait du combat pour les droits des femmes la tête de pont du combat pour les droits humains tout entiers.
Les printemps arabes ont été un détonateur de ce mouvement d'émancipation de dimension mondiale. Dans les manifestations et sur les blogs, les femmes ont incarné l'aspiration à la démocratie. Elles entreront dans l'Histoire comme la coalition inédite d'une aspiration forte des jeunes à la modernité et d'un mouvement de femmes, organisé selon des réseaux informels et qui ont pris souvent beaucoup de risques. J'ai reçu des femmes journalistes et blogueuses engagées dans la transition de leur pays. Elles viennent du Bahreïn, d'Egypte, de Jordanie, du Maroc, des Territoires Palestiniens, de Tunisie et du Yémen et ont toutes pour point commun d'avoir choisi la plume pour raconter la transformation de leur société et pour lutter contre tous les intégrismes. Je tiens à saluer ici le courage et le rôle de ces femmes, qui nous oblige.
A l'occasion de la réunion sur l'égalité de l'Union pour la Méditerranée que nous organisons à Paris au début du mois juillet, nous aurons l'occasion d'explorer les modalités d'un renforcement des liens entre les sociétés civiles de part et d'autres de la méditerranée sur ces questions.
Nous devons être amplifier ce mouvement planétaire pour les droits humains. Je souhaite que nous développions en partage une véritable diplomatie pour les droits des femmes, dont je voudrais ici vous tracer les grandes lignes.
Une diplomatie des droits des femmes, c'est d'abord une vigilance partagée. J'entends que dans les enceintes multilatérales, les engagements de Pékin sont régulièrement remis en cause. A la commission du statut des femmes, les conclusions qui ont été adoptées ne reprennent aucune référence aux droits sexuels et reproductifs. Je le regrette. En matière de droits des femmes, chaque fois que nous cessons d'avancer, nous reculons.
Vous le savez, la France s'est aussi fortement engagée lors de la récente la 57ème session de la Commission de la condition de la femme qui vient de s'achever à New York en faveur d'une reconnaissance explicite du droit des femmes à disposer de leur corps, la négation de ce droit étant souvent la première expression des violences exercées à leur encontre.
De fait, les droits reproductifs figurent explicitement pour la toute première fois dans les conclusions agrées par la Commission tout comme, conformément aux engagements de Pékin, « le droit des femmes d'être maîtresses de leur sexualité et de prendre librement et de manière responsable des décisions dans ce domaine, y compris leur santé en matière de sexualité et de procréation, sans aucune contrainte, discrimination ou violence ».
Cet excellent résultat doit évidemment beaucoup à l'engagement d'ONU Femmes et de sa directrice, Michelle Bachelet que j'ai eu le plaisir de revoir à New York et dont je salue la détermination au moment où elle vient d'annoncer sa démission.
La question des droits sexuels et reproductifs demeure une question incontournable. Je n'ignore pas les résistances que suscite la reconnaissance de ces droits y compris dans l'espace francophone.
Les droits sexuels et reproductifs seront en effet l'un des enjeux des prochaines échéances internationales : le 20ème anniversaire de la conférence du Caire sur la population et développement (2014) et de la conférence internationale des femmes de Pékin (2015) mais aussi l'actualisation des Objectifs du Millénaire du développement en 2015.
Je souhaite que nous parvenions à un engagement collectif de la Francophonie sur ce point. Il est en effet capital de rester mobilisés et de mobiliser, par-delà les Etats.
Une diplomatie des droits des femmes doit s'engager à défendre la liberté et l'autonomie des femmes tout au long de leur vie. Où qu'elles soient. Cette diplomatie défend leur droit à naître les égales des hommes. Cette diplomatie défend le droit des petites filles à accéder à l'école, à l'éducation, au savoir et à pouvoir choisir librement leur orientation. Cette diplomatie défend leur droit de se marier avec qui elles le souhaitent. Cette diplomatie défend leur droit à disposer librement de leur corps. Cette diplomatie défend leur droit à travailler. A s'exprimer. A marcher librement dans les rues. A chanter. A vivre dignement.
Une diplomatie des droits des femmes ce sont aussi des initiatives communes et des projets partagés. Je voudrais à cet égard insister sur une dimension, qui a été elle aussi au cœur de la nos travaux aux Nations Unies : le droit des femmes à être protégées contre les violences est universel. Les violences faites aux femmes sont la violation des droits fondamentaux de la personne humaine la plus répandue sur la planète. Chez les femmes entre 15 et 44 ans, elles causent plus de décès et de handicaps que le cancer, le paludisme, les accidents de la circulation et les guerres réunis. On estime à 650 000 le nombre de femmes à travers le monde qui font l'objet d'un trafic chaque année. Dans 80% des cas, il s'agit d'une traite pour exploitation sexuelle. Enfin, environ 100 à 140 millions de filles et de femmes dans le monde ont subi des mutilations génitales.
Je tiens à saluer le courage des femmes maliennes, centrafricaines ou congolaises qui sont souvent les premières victimes des conflits et des violences.
Je sais que dans de nombreux pays, dont certains sont parmi nous aujourd'hui, la protection des femmes contre les violences sexuelles se renforce. Il s'agit de mettre fin à des règles que la tradition ou la coutume a longtemps justifié mais qui n'assurent pas aux femmes une protection digne d'un Etat de droit. Il s'agit de garantir un droit humain élémentaire. Le droit à l'intégrité corporelle et à la dignité.
La mobilisation de tous a en effet permis l'adoption par consensus, contrairement à la session précédente, de conclusions ambitieuses aux Nations Unies il y a quelques jours. Nous nous sommes entendus pour condamner de manière unanime les violences faites aux femmes et aux filles sous toutes leurs formes et listant des engagements précis et concrets pour la prévention, la protection et la répression de ces violences.
Sur ce sujet, nous pouvons faire davantage. Nous devons faire davantage. Les droits humains sont les plus clairs et les plus évidents qui soient. Au sein du Conseil de l'Europe, nous l'avons fait dans le cadre de la convention d'Istanbul que la France ratifiera cette année. Son article 36 prévoit que les Etats signataires prennent les mesures législatives nécessaires pour protéger les femmes pénalement contre le viol. Il définit ce qu'est le consentement et par conséquent ce qu'il n'est pas. Un élément qui nous semble essentiel est que ces dispositions s'appliquent également à des actes commis contre les anciens ou actuels conjoints ou partenaires.
Je voudrais appeler chacun des pays ici présent, au nom de notre communauté de valeur, à ratifier ce texte qui leur est ouvert. La France procédera à cette ratification dès cette année.
L'égalité des droits est un principe supérieur. Un principe universel, protégé par les plus hautes normes du droit international. Ce principe traduit une vision de l'humanité. Il exprime la volonté de la société de reconnaitre à chacun la même valeur.
Et pourtant, beaucoup de lois nationales accordent encore des droits différents aux femmes et aux hommes. Les filles n'ont pas les mêmes droits que les fils. Les épouses n'ont pas les mêmes droits que les époux. Les sœurs n'ont pas les mêmes droits que les frères.
Tous nos pays sont en situation de faire des progrès vers davantage d'égalité. Le combat pour les droits des femmes n'a pas de frontières car il s'attaque à un phénomène qui a su composer avec toutes les cultures et que la civilisation et le progrès ne suffisent pas à éradiquer : l'inégalité entre les femmes et les hommes. Ce combat est universel et les droits qu'il définit le sont aussi. La tentation du relativisme culturel est insupportable sur ces questions.
Nous préparons actuellement les mesures législatives nécessaires pour que les femmes ne soient plus jamais victimes en France d'une loi de leur pays qui traite différemment les femmes des hommes.
Nous avons besoin de la mobilisation de tous, Etats, Organisations internationales et l'ensemble de la société civile dont vous êtes issus, est plus que jamais nécessaire. La communauté de valeurs que nous formons dans le cadre de la francophonie est un espace de progrès pour cette diplomatie des droits des femmes.
Je sais l'engagement de longue date de la Francophonie au soutien des droits de l'Homme et des droits des femmes qui en font partie intégrante. Les membres de la francophonie ont notamment adopté en 2000 la Déclaration de Luxembourg qui affirme le droit fondamental des femmes à participer à la vie politique et sociale, d'avoir accès à l'éducation, à la formation, au marché de l'emploi et de contribuer au développement économique et durable des nations. La Francophonie a aussi condamné, sans ambiguïté, toutes les formes de violences et de discriminations à l'égard des femmes.
L'OIF vient enfin d'adopter, à New York, le tout premier plan d'action francophone sur les violences faites aux femmes et aux filles qui met en œuvre concrètement aujourd'hui la Déclaration francophone sur les violences faites aux femmes de mars 2010. Ce tout premier plan d'action marque une nouvelle étape de l'engagement politique de la Francophonie qui compte 120 millions de femmes et alors qu'elles seront quelque 350 millions en 2050.
J'ai eu l'occasion de souligner aux Nations Unies, ma conviction que la Francophonie a un rôle leader à jouer dans les enceintes multilatérales et doit être à l'avant-garde du combat pour l'égalité. Aujourd'hui nous prenons date. Nous lançons un mouvement. Nous fixons une feuille de route.
Permettez moi pour conclure de formuler le vœux que, puisque nous avons une si belle langue en partage, nous ne cessions plus de conjuguer ensemble les droits de l'homme au féminin.
Je vous remercie.Source http://femmes.gouv.fr, le 25 mars 2013