Déclaration de M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre, sur la politique de l'emploi, à Pantin le 25 mars 2013.

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Circonstance : Visite à l'agence Pôle emploi de Pantin (Seine-Saint-Denis) le 25 mars 2013

Texte intégral

Monsieur le ministre, cher Michel Sapin,
madame la députée,
madame la sénatrice,
monsieur le président, cher Stéphane du Conseil général,
monsieur le maire,
mesdames et messieurs les élus,
messieurs les préfets,
monsieur le préfet de Région,
monsieur le préfet de la Seine-Saint-Denis,
monsieur le directeur général de Pôle emploi,
madame la directrice de l'agence de Pôle emploi,
mesdames et messieurs les agents de Pôle emploi,
mesdames, messieurs,
Mon message est celui du gouvernement, il est très clair, c'est celui de la bataille pour l'emploi et la bataille pour l'emploi, c'est tous les jours qu'il faut la mener. On n'a jamais tout essayé, on n'aura jamais tout essayé pour faire reculer le chômage, et, donc, ce qui est le plus grand danger en quelque sorte c'est la résignation, c'est l'attentisme, dans cette bataille. Nous devons être mobilisés à chaque instant, les Français l'attendent - et ils ont raison - et ils ne pourraient pas comprendre que, face à la crise, la crise la plus grave que nous connaissons depuis des décennies, nous ne mettions pas tout en oeuvre pour redresser notre économie mais aussi faire reculer le chômage.
Ici nous sommes dans une agence Pôle emploi, des personnes arrivent, sont reçues, elles sont face à des difficultés, parfois brutalement on a perdu un emploi, on ne sait pas si on va être indemnisé et comment, parfois on ne sait pas si on pourra faire face aux obligations familiales, parfois on se demande si on a encore une possibilité de s'en sortir. La politique de mon gouvernement n'a qu'un seul but : redonner de la confiance, redonner de l'espoir et faire à nouveau de la France un pays qui produit, un pays qui innove, qui exporte et qui crée des emplois.
Je sais combien ici, en Seine-Saint-Denis, la réalité et la dureté du chômage envahissent trop de foyers et trop d'esprits. Je ne vais donc pas vous donner des chiffres, vous les connaissez, acteurs de terrain, mieux que moi encore. Avant de venir devant vous, j'ai ce vécu trois moments particulièrement importants, qui sont révélateurs d'un état esprit et que je veux saluer et surtout encourager.
La première rencontre c'est avec ce jeune homme de 21 ans, Rayan Badi, qui exerce un Emploi d'avenir à l'office public d'HLM de Pantin. J'ai vu, j'ai entendu, nous avons entendu sa fierté – il l'a dit – d'être en CDI pour la première fois de sa vie avec un salaire et, surtout, la volonté et la perspective de se projeter dans l'avenir.
Après, nous avons rencontré Monsieur Delaby. Monsieur Delaby est chef d'entreprise à Mitry-Mory. Ce que j'ai retenu c'est d'abord sa passion pour son métier, pour son entreprise, un attachement à l'innovation, à la qualité du travail produit, mais aussi à la conviction que la transmission du savoir-faire passe par le dialogue entre les salariés, les jeunes et les moins jeunes ;
Et puis de l'échange, enfin, que je viens d'avoir avec vous monsieur le directeur général de Pôle emploi, mais aussi les équipes de Pôle emploi. Je voudrais vous saluer vous personnellement monsieur le directeur général pour votre implication sincère et passionnée pour donner à Pôle emploi toute la force qu'on attend de ce service public et donner aussi à ces agents, à ces conseillers, toutes les possibilités d'agir dans les meilleures conditions au service des demandeurs d'emploi, en mettant en place – et nous avons eu là la présentation très concrète avec ceux qui en ont la charge – la nouvelle offre de service. Ce que je retiens - et c'était très clairement dit par les agents que j'ai rencontrés - c'est de tout faire pour accueillir au mieux, accompagner au mieux, être au plus près possible des demandeurs d'emploi, et en particulier ceux qui en ont le plus besoin.
C'est pourquoi, après avoir entendu ces témoignages qui nous montrent le chemin, je vous invite toutes et tous, tous ceux qui ont un rôle à jouer, à une mobilisation de tous les instants. Car il n'y a pas un instant à perdre quand l'emploi est en jeu – et je ne dis pas cela parce que c'est une figure de style. Pour ceux qui sont frappés par le chômage, chaque jour est une épreuve et notre pays ne se redressera que si nous sommes capables de faire appel à toutes les compétences.
Alors j'évoque les Emplois d'avenir à travers l'exemple que j'ai cité il y a quelques instants. Je voudrais saluer les collectivités locales, ici particulièrement le Conseil général de la Seine-Saint-Denis, mais aussi les mairies, les offices publics d'HLM, les établissements hospitaliers, tous les établissements publics, le mouvement associatif, parce que, sans l'engagement de chacun - les collectivités locales en particulier - cette chance qui est donnée à des jeunes de trouver un emploi ne sera pas atteinte.
Le gouvernement a dégagé les moyens de financer 150.000 Emplois d'avenir. Déjà les chiffres sont accélération, à la fin du mois de mars ce sont 15.000 jeunes qui seront en Emploi d'avenir - Emploi d'avenir professeurs compris - c'est-à-dire la préparation des concours et dans des conditions, je dirais, favorables pour réussir. Ce mouvement est donc en marche, il nous appartient de l'amplifier. Quand l'Etat apporte 75 % du financement du financement de ces emplois, il n'est pas possible, il n'y a pas de raison de ne pas s'engager fermement pour l'insertion professionnelle de ces jeunes, donc je tiens à remercier les employeurs, les collectivités locales, les établissements publics, ceux qui j'ai cités, le monde associatif, le monde mutualiste, le monde de l'économie sociale et solidaire, parce que je sais l'effort qui est le leur pour aller recruter un jeune, recruter un jeune et aussi l'accompagner par le tutorat, l'accompagner par la formation, pour que ce parcours soit un vrai parcours de réussite.
J'invite donc toutes les collectivités qui n'ont pas encore suffisamment répondu à l'appel à recruter des jeunes en Emploi d'avenir en leur sein, mais aussi à faire encore davantage en direction du monde associatif, à l'instar de ce que fait le Conseil général de la Seine-Saint-Denis. Monsieur le président du Conseil général, je tiens à saluer la décision qui a été la vôtre et de votre assemblée d'apporter un concours particulier pour les associations pour financer les 25 % restant. C'est un geste énorme, c'est un encouragement énorme pour agir, c'est un investissement supplémentaire et je tenais à le saluer. Vous avez évoqué le principe d'égalité républicaine, l'égalité entre les citoyens mais l'égalité aussi entre les territoires. J'ai annoncé, à l'occasion du nouveau Grand Paris pour les transports, que nous étions à la veille d'un changement très important et que je souhaite en effet concrétiser à l'occasion du vote de la loi de décentralisation. C'est de faire en sorte que la péréquation ne soit pas simplement un affichage mais une réalité - et tout particulièrement en Ile-de-France – car il n'est pas juste qu'il y ait autant d'inégalités entre les citoyens mais aussi entre les collectivités, les seules qui font beaucoup en faveur de l'insertion sociale, insertion dans tous les parcours -c'est ce que vous faites au département de Seine-Saint-Denis. Il n'est pas juste que vous ne disposiez pas des moyens nécessaires, un département les plus pauvres de France. Je m'engage, je me réengage ici devant vous, je ferai tout pour convaincre le Parlement pour que ces dispositions, qui sont dans le projet de loi, soient votées et surtout vite mises en application. Vous l'attendez ! C'est parfaitement légitime.
Je voudrais aussi saluer le travail, au-delà de Pôle emploi, de tous vos partenaires. Les missions locales d'abord, ce sont elles qui accueillent les jeunes pour les Emplois d'avenir tout particulièrement, ou tous les autres dispositifs, aux côté des services de l'Etat ; Et puis aussi de Cap emploi, mais aussi des Maisons de l'emploi, tous les services qui sont mobilisés, parce que quand on a une situation, notamment à Pôle emploi, il y a des dimensions qui ne sont pas que professionnelles - elles peuvent avoir d'autres aspects. Et, là, il faut mobiliser tous les acteurs publics, tous ceux qui vont pouvoir redonner une chance. Je compte donc sur votre engagement, en tout cas, en venant ici dans cette agence, je mesure qu'il est très fort. Mais comme vous, mesdames et messieurs, je n'accepte pas que les talents et l'énergie des jeunes, comme ici en Seine-Saint-Denis, comme dans toute la France, ne soit pas davantage utilisés – alors que ces jeunes ont tant de capacités. Ils n'attendent pas qu'on, je dirais, fasse à leur place. Ils attendent simplement qu'on leur tende la main, qu'on donne le coup de pouce nécessaire pour qu'ils prennent toute leur chance. Alors, n'hésitez pas, faites confiance aux jeunes, proposez-leur ce que le gouvernement a mis en place.
Je l'ai dit devant les députés mercredi à l'Assemblée nationale, il faut vaincre en quelque sorte la peur. La peur que certains cultivent, parce que la peur c'est la paralysie, c'est l'incapacité à agir, c'est l'incapacité à décider, donc nous n'avons pas le droit d'être frileux quand c'est l'avenir des jeunes qui est en jeu, c'est-à-dire l'avenir de notre pays.
Alors autre dispositif mis en place, les Contrats de génération, c'est très récent, c'est un engagement majeur du président de la République – vous vous souvenez très bien que c'est une des premières propositions qu'il a faites durant toute sa campagne - c'est aujourd'hui une réalité. Les partenaires sociaux ont signé un accord unanime, patronat et syndicats. Ensuite la loi a été votée, le décret a été publié et un dispositif d'appui conseil est mis en place. J'invite donc les entreprises à se saisir de cet outil, de s'en saisir vite. C'est à la fois l'intérêt des jeunes pour l'emploi, des seniors pour l'emploi, mais c'est aussi l'intérêt des entreprise. L'aide associée au Contrat de génération représente l'équivalent de 23 % du salaire brut d'un jeune au niveau du SMIC et en la combinant avec le crédit d'impôt compétitivité emploi - qui est encore trop méconnu par les entreprises – et ainsi que les allégements des cotisations sociales. L'embauche d'un jeune en CDI dans le cadre d'un Contrat de génération est aidée à hauteur de 60 % du salaire brut pour les petites et moyennes entreprises. 600.000 salariés vont partir à la retraite chaque année dans la période qui s'ouvre. Je le dis à tous les chefs d'entreprise : "n'attendez pas pour les remplacer, ne laissez pas la mémoire de votre entreprise, une expérience, un savoir disparaître. Embauchez dès à présent des jeunes grâce au Contrat de génération et organisez la transmission des savoirs". L'expérience, que nous avons vue ce matin, est particulièrement concluante.
La bataille de l'emploi c'est aussi l'ensemble de la politique que nous mettons en oeuvre, la politique pour la compétitivité, la politique pour le dialogue sociale. Je l'ai dit la compétitivité des entreprises, c'est-à-dire la performance, l'efficacité et la qualité de ce que l'on produit, c'est la clé de l'emploi. Et après avoir reçu le Rapport Gallois - que j'avais commandé à Louis Gallois le 11 juillet de l'année dernière - le gouvernement a adopté un pacte (le Pacte national pour la compétitivité, la Croissance et l'Emploi) le 6 novembre, 35 engagements, dont le crédit d'impôt compétitivité emploi, mais beaucoup d'autres, il faut faire connaître chaque mesure. Et donc messieurs les préfets, je sais pouvoir compter sur vous pour expliquer, les Chambres consulaires, les Chambres du commerce et d'industrie, des métiers, de l'agriculture, mais aussi tous les autres, tous ceux élus qui peuvent dire : "Le pacte est fait pour redresser notre économie, il faut le mettre oeuvre". Donc, au mois d'avril, dans quelques jours, je réunirai l'ensemble des membres du gouvernement pour faire un premier bilan de la mise en oeuvre de ces 35 mesures et notamment du crédit d'impôt compétitivité emploi.
Le redressement de notre économie ne se fera pas non plus, il faut en être convaincu, sans dialogue social. C'est un engagement du président de la République, il a donné lieu à la grande Conférence sociale en juillet dernier qui a fixé une feuille de route, les Contrats de génération sont issus de cette méthode. L'accord qui a été signé, il n'y a pas très longtemps, le 11 janvier (un accord majoritaire) va se traduire dans quelques jours, début avril, en projet de loi qui viendra concrétiser cet accord sur la sécurisation de l'emploi. Cet accord est donc aujourd'hui le projet de loi pour permettre que chacun y trouve son compte : les entreprises, qui ont besoin de la souplesse nécessaire pour se réorganiser, anticiper les mutations, anticiper y compris la gestion prévisionnelle de l'emploi ; et puis les salariés, qui veulent plus de garantie dans leur parcours professionnel, de nouveaux droits. C'est pour cela que le gouvernement incite le Parlement à le transcrire dans la loi, parce que c'est un plus pour le monde du travail, c'est un plus aussi pour la réussite de notre économie.
Ce sont de nouveaux droits qui concernent tous les salariés au plan individuel et au plan collectif ; ce sont tous les outils qui vont contribuer à lutter contre la précarité, je pense aux droits rechargeables à l'assurance chômage, les sur-cotisations sur les contrats courts, ça sera dans la loi. Ce sont - et dans la convention entre les partenaires sociaux, la convention Unedic – ce sont tous les éléments permettant de favoriser l‘emploi, l'amélioration du chômage partiel, le maintien de l'emploi par des accords majoritaires, parce qu'en France, quand il y a une difficulté dans une entreprise, je dirais la mauvaise pratique, presque automatique, c'est : "on licencie". Là il s'agit de faire autrement avec la mise en place de nouvelles procédures qui sécurisent le droit applicable.
Dans la bataille pour l'emploi, ce projet de loi est un atout décisif et fondateur aussi d'un nouveau modèle, ce que j'appelle "le nouveau modèle français". Nous sommes en train de le construire, parce qu'au-delà des chiffres globaux du chômage, l'accompagnement individuel des demandeurs d'emploi – je l'ai évoqué après avoir rendu compte de cette réunion avec les représentants de cette agence – l'accompagnement individuel des demandeurs d'emploi doit faire l'objet de toute notre attention. C'est le sens de ce que vous êtes en train de mettre en oeuvre : la nouvelle offre de service de Pôle emploi. C'est aussi l'enjeu de la réorientation de la formation professionnelle vers ceux qui en ont le plus besoin, à commencer par les demandeurs d'emploi. Michel Sapin engagera en ce sens une concertation avec les partenaires sociaux en vue d'une négociation.
Dès le mois de juillet 2012 - j'en reviens à Pôle emploi - nous avons décidé de doter Pôle emploi de 2.000 emplois supplémentaires en CDI, je dis bien en CDI, parce que, quand on s'occupe de demandeurs d'emploi, si on est soi-même dans un emploi qui n'est pas garanti, cela ne vous met pas dans la meilleure situation psychologique pour faire un bon travail. Donc les 2.000 emplois qui ont été créés l'année dernière ce sont des emplois en CDI pour faire face à la situation que le gouvernement a trouvée. Aujourd'hui, afin que la nouvelle offre de service de Pôle emploi et les dispositifs ambitieux que nous déployons produisent pleinement leurs effets, il faut encore renforcer les moyens de Pôle emploi, c'est pourquoi le gouvernement a décidé la création de 2.000 nouveaux emplois à contrat à durée indéterminée à Pôle emploi. C'est l'annonce que je fais ce matin. Je souhaite la mise en oeuvre rapide de cette décision afin que les nouveaux conseillers soient au travail au plus tard dès la prochaine rentrée de septembre, au service des demandeurs d'emploi mais aussi des entreprises. Je sais l'implication des agents, leur sens de l'intérêt général, mais aussi leur charge de travail - et c'est souvent vers eux qu'on se tourne quand on a une difficulté, et je connais la pression qui est sur eux, je suis conscient de cela - et je voudrais, mesdames et messieurs les agents de Pôle emploi vous exprimez le soutien et la confiance du gouvernement pour la tâche difficile qui est la vôtre. C'est pour cela que le gouvernement a pris cette décision, ces créations de postes seront financées par un effort très important que fera l'Etat sur son propre budget et qui sera l'effort partagé principalement par l'Etat avec Pôle emploi.
Je connais aussi les revendications des associations de chômeurs, Michel Sapin les a reçues récemment. Un nouveau rendez-vous est d'ailleurs fixé avant la deuxième Conférence sociale qui se réunira l'été prochain. Toute notre politique vise à répondre aux situations de précarité, si dures, qu'elles dénoncent - et à juste titre, ce que je comprends très bien – elles se sont traduites d'ailleurs récemment par des actes terribles qui nous ont profondément touchés et qui doivent évidemment nous interpeller. Elles ne peuvent pas nous laisser indifférents, ce ne sont pas que des situations individuelles, elles révèlent quelque chose, un malaise. C'est pour cela que la mobilisation générale du pays, le refus de la résignation est essentiel, et le gouvernement se donne le moyen de cet engagement et de cette détermination et, donc, c'est à cette mobilisation - en quelque sorte à ce sursaut - que je suis venu appeler tout le monde aujourd'hui.
Je repars renforcé de cette visite par les nombreux témoignages que j'ai entendus. Ils nous invitent à l'action, ils nous invitent à la ténacité. Ce sont aussi des témoignages qui donnent confiance et espoir. Alors, à ceux qui sont en première ligne sur le terrain, j'adresse encore une fois un message de reconnaissance en vous souhaitant bon courage.
Source http://www.gouvernement.fr, le 26 mars 2013