Déclaration de Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion, sur la pauvreté des enfants et l'exclusion sociale, Paris le 26 mars 2013.

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Circonstance : 10ème rencontre des collectivités amies des enfants/Unicef à Paris le 26 mars 2013

Texte intégral


La pauvreté des enfants nous est particulièrement insupportable. Les discours de stigmatisation et de dénonciation des personnes démunies, dont on nous a rebattu les oreilles ces dernières années, révèlent toute leur absurdité dès lors que l’on a affaire à des enfants. Et l’évidence surgit alors : on ne choisit pas la pauvreté, on la subit.
La pauvreté des enfants nous est particulièrement insupportable.
Et pourtant, un enfant sur cinq est pauvre dans notre pays. La France est un pays bousculé dans la mondialisation, mais un pays qui reste une grande puissance mondiale, la 5ème du monde… et pourtant, elle compte deux millions d’enfants pauvres !
La France, cette Nation fondée sur les valeurs de la République, a donc une obligation morale d’agir pour ces enfants, pour faire en sorte que tous puissent prétendre à des conditions d’existence dignes.
Cette obligation morale est celle qui m’a guidée dans la mise en place du « Plan Pluriannuel de Lutte Contre la Pauvreté » dont j’ai la charge.
Je retrouve aujourd’hui des visages connus. Certains d’entre vous, (notamment au titre de l’Unicef), ont participé activement à la « Conférence Nationale de Lutte Contre la Pauvreté » qui a présidé à l’élaboration de ce plan pluriannuel.
L’Unicef a écrit une contribution de grande qualité dans le cadre de l’atelier « familles vulnérables, enfance et réussite éducative » de la conférence nationale.
Déjà pendant la campagne présidentielle, l’Unicef avait rédigé un « manifeste pour l’enfance » ; un manifeste dont je partage la plupart des orientations.
Puis en juin 2012, c’est un rapport sur la pauvreté des enfants que l’Unicef publie, un rapport qui met en évidence les privations auxquelles sont confrontés certains enfants. Un rapport qui a provoqué un choc dans la société française ! A chaque fois que l’Unicef peut interpeller les pouvoirs publics, mobiliser les acteurs politiques en faveur des enfants, elle le fait.
Qu’il me soit permis de saluer ici cet engagement sans faille, cet engagement déterminé, de l’Unicef pour les enfants de France et du monde entier. Un engagement qui prend toujours une forme constructive sans rien abandonner de sa vigueur.
Lutter contre la pauvreté, et particulièrement celle des enfants est une priorité de ce gouvernement. La situation budgétaire est très tendue, et il nous faut redresser nos comptes publics. Mais ce redressement ne se fera pas sur le dos de ceux qui souffrent, de ceux qui n’ont déjà presque rien. François Hollande a promis un projet de justice et c’est celui que nous mettons en œuvre quand nous décidons d’augmenter le RSA de 10%, d’élargir l’accès à la CMU-C, de multiplier les places d’hébergement. La solidarité est au cœur de notre action.
La Lutte contre la pauvreté appelle des réponses coordonnées.
Je suis la Ministre en charge de la lutte contre la pauvreté, et je sais pertinemment qu’il ne s’agit pas là d’une mission qui pourrait se traiter « à part », de manière indépendante des autres politiques publiques.
Pour ce qui concerne les enfants, nous devons agir dans les domaines de l’éducation, de la politique familiale, de la santé, du logement, de la justice… La mobilisation de onze Ministres dans la mise en œuvre du Plan de Lutte contre la Pauvreté répond à cette exigence. Tout comme la création prochaine d’une instance dédiée à l’enfance au sein du Commissariat général à la stratégie et à la prospective.
Pour la santé des enfants, un plan spécifique sera intégré dans la prochaine loi de santé publique. Nous allons améliorer l’accès aux soins dentaires, ophtalmologiques et ORL pour les enfants les plus pauvres, notamment par le biais de la médecine scolaire. Celle-ci sera par ailleurs renforcée pour assurer l’identification précoce des troubles du langage, des troubles sensoriels, ou de ceux liés au handicap.
La santé des enfants passe aussi par une bonne alimentation.
Nous veillerons à ce qu’aucun enfant ne soit privé du service de cantine scolaire. Pour cela, nous collaborerons avec les Maires et impliquerons les responsables d’établissements dans le premier degré, et nous mobiliserons les fonds sociaux en faveur des enfants de familles démunies dans le second degré.
De plus en plus la pauvreté s’hérite, elle se transmet de génération en génération. Il nous faut donc agir très tôt auprès des familles. Car si la pauvreté s’hérite alors elle doit se prévenir.
Pour ces familles, nous allons introduire davantage de justice dans la politique familiale. Un débat a suivi le rapport du Président de la Cour des Comptes quant à la fiscalisation des allocations familiales. Il est toujours utile de débattre mais il est clair que la Cour des Comptes ne fixe pas la politique du Gouvernement.
Du côté du Gouvernement : c’est à Bertrand Fragonard, Président du Haut Conseil de la Famille, que nous avons demandé de remettre très prochainement des propositions de réforme des prestations familiales et des autres dispositifs dédiés aux familles. Sur la base de ces propositions, le gouvernement proposera sa réforme avec pour objectif de mieux aider les familles vulnérables, celles qui sont plus souvent pauvres que les autres, notamment les familles monoparentales et les familles nombreuses, dans l’intérêt des enfants.
Nous savons que l’éducation, la formation, puis l’emploi, restent les meilleurs remparts contre la pauvreté.
L’inscription à l’école dès deux ans sera facilitée. Tout le monde s’accorde sur les effets très bénéfiques de la scolarisation précoce sur l’éveil de l’enfant et la réduction des inégalités.
Cette mesure sera coordonnée avec le vaste projet de Refondation de l’école porté par Vincent Peillon. Un projet qui prévoit de renforcer les établissements qui en ont le plus besoin ; d’affecter plus d’enseignants aux petits niveaux pour que tous les enfants maîtrisent les savoirs élémentaires comme la lecture ; ou encore de revoir le rythme scolaire pour mieux tenir compte de l’intérêt des enfants.
Sans les collectivités territoriales, l’action de l’Etat (notamment dans le domaine de la lutte contre la pauvreté), resterait une action limitée, une action qui ne pourrait se déployer efficacement. Partout où ma mission m’emmène, je suis impressionnée par l’énergie produite au niveau des collaborateurs, des parlementaires et des élus sur le terrain.
Vous l’avez parfaitement illustré ; votre initiative de créer un réseau de « villes amies des enfants » est une très belle manière de mettre en avant le travail formidable réalisé par certaines municipalités, de mettre en avant leur capacité d’innovation et d’expérimentation.
Car si les collectivités territoriales sont parfois le relais de l’Etat, l’Etat a, à l’inverse, tout intérêt à s’inspirer de ce qui se fait de plus audacieux dans les territoires.
Paris est une ville incroyable, une ville magnifique, une ville qui incarne si bien le génie français. Mais, vous l’avez peut-être entendu, ma capitale à moi… c’est Marseille. Et je crois savoir que Marseille ne fait pas partie des « villes amies des enfants ». Je le regrette et j’espère avoir bientôt l’occasion d’y remédier.
Toutes les villes de France ont vocation à être « amies de l’enfant ». Cette attention à l’enfant, à l’enfant démuni, les honore. Cette attention, elle est la traduction de notre idéal républicain, cet idéal qui nous rassemble, qui nous protège, qui nous élève. Cet idéal qui fait l’identité et la fierté de notre Nation. Cet idéal qui ne vibre que lorsqu’il est quotidiennement entretenu par l’engagement de chaque représentant politique, de chaque bénévole associatif, de chaque citoyen.
C’est ce que vous faites ; continuons ensemble.
Je vous remercie.
Source http://www.social-sante.gouv.fr, le 3 avril 2013