Texte intégral
BRUCE TOUSSAINT
Vous êtes porte-parole du gouvernement et ministre des Droits des femmes. Dans les yeux, Najat VALLAUD-BELKACEM, François HOLLANDE et Jean-Marc AYRAULT étaient-ils au courant ? Savaient-ils que Jérôme CAHUZAC possédait un compte à létranger ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ni François HOLLANDE, ni Jean-Marc AYRAULT nétaient au courant bien entendu. Ni François HOLLANDE, ni Jean-Marc AYRAULT nont à être comptables du mensonge dans lequel sest isolé un homme, parce que cest bien de cela quil sagit au fond. Cest un homme qui a menti, ce nest pas une institution, ce nest pas un parti, ce nest pas un gouvernement et donc, il faut savoir mesure garder. C'est évidemment très grave ce qui sest passé, je ne dis pas le contraire et nous sommes tous accablés par une forme à la fois de tristesse et de trahison que lon ressent même personnellement parce que chacun dentre nous a été amené à interroger individuellement Jérôme CAHUZAC qui nous a répondu quil nétait au courant de rien, quil navait jamais rien fait.
BRUCE TOUSSAINT
Vous-même personnellement vous avez parlé avec lui ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Moi-même personnellement, je peux vous le dire, alors il y avait pour moi, jentends aujourd'hui quon parle de naïveté etc, mais la réalité cest quoi ? La réalité cest que nous avions dun côté les allégations de Médiapart et dun autre côté les dénégations de Jérôme CAHUZAC.
BRUCE TOUSSAINT
Alors vous nous dites : on ne savait pas. Cest à la fois rassurant et inquiétant. Comment Médiapart peut-il être mieux informé que le gouvernement, que le président de la République ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Parce que Médiapart sest mis en chasse dune certaine façon. Vous aurez remarqué lessentiel, cest-à-dire que le gouvernement, ce qui na pas toujours été la pratique dailleurs en vigueur, pour le coup a totalement respecté et lindépendance, la liberté de la presse en ne cherchant jamais à violer par exemple le secret des sources du journal en question et lindépendance de la justice en ne portant jamais aucun commentaire sur le fonctionnement de la justice. Et même dès lors quune information judiciaire a été ouverte, le président de la République et le Premier ministre ont pris acte du fait que Jérôme CAHUZAC ne pouvait pas rester au gouvernement. Je crois quen termes de comportement pour le coup, le Président et le Premier ministre ont parfaitement réagi.
BRUCE TOUSSAINT
Les critiques pleuvent, à droite, à gauche aussi. Alors vous avez entendu ce qua dit Jean-François COPE qui sera dailleurs linvité de Jean-Pierre ELKABBACH tout à lheure à 8h20 : ça signe définitivement la fin de la gauche morale et donneuse de leçons. Comment restaurer la confiance après une affaire pareille ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Vous savez dabord moi jappelle chacun à la responsabilité et à ne pas sabimer dans la récupération. Encore une fois, nul nest à labri davoir un menteur dans sa propre famille et la question qui se pose cest la responsabilité individuelle de lhomme, de ce quil a fait, de ce quil savait avoir fait tout en le niant. Ca ne peut pas être une responsabilité collective de la part dun gouvernement qui par ailleurs est engagé, je le dis à nouveau, regardez les mesures, les réformes adoptées totalement dans lexemplarité de la vie publique
BRUCE TOUSSAINT
Mais ça revient
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
qui certes avait un menteur en son sein. Nous le reconnaissons mais il ny a pas de responsabilités collectives, il ny a que des responsabilités individuelles en la matière.
BRUCE TOUSSAINT
Cest ce que disait Caroline ROUX juste avant que vous nentriez dans ce studio, dans son « Edito politique » : le gouvernement nest pas coupable mais responsable. Vous assumez cette responsabilité aujourd'hui ? Vous vous sentez responsable de ce qui sest passé ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
La responsabilité qui est celle du gouvernement, mais on en avait conscience bien avant que néclate cette affaire, cest celle de redorer le blason de la politique pour faire en sorte de mettre fin à ce fossé qui sest creusé entre les citoyens et leurs personnels politiques.
BRUCE TOUSSAINT
Quel échec alors Najat VALLAUD-BELKACEM
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Non, non
BRUCE TOUSSAINT
Cette affaire . Si, un échec terrible sur cette question précise.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
De ce point de vue-là, ce qui restera cest tout ce que nous avons fait pour garantir davantage lindépendance à la justice ; je vous renvoie à la réforme constitutionnelle que nous allons adopter sur le Conseil supérieur de la magistrature. De ce point de vue-là cest tout ce que nous faisons pour garantir la lutte contre les conflits dintérêt, de ce point de vue-là, je le redis à nouveau et contrairement à une pratique qui était en vigueur jusquà il ny a pas longtemps, nous navons jamais porté ou cherché à porter atteinte à la liberté de la presse et à sa liberté dinvestigation. Donc il y a eu beaucoup de choses qui ont été réalisées, dautres qui sont en voie de lêtre sur lexemplarité de la vie publique je vous renvoie à la réforme portant sur le non-cumul des mandats par exemple. Il y a eu une faille, cest évident, un homme seul, isolé
BRUCE TOUSSAINT
Et le plus affecté aujourd'hui, le plus touché c'est le président de la République. Cest lui qui a parlé de République irréprochable.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais le président de la République vous savez, pour lavoir eu dans les quelques minutes qui ont suivi linformation hier, sa colère nétait pas feinte. Le président de la République ne se reconnait aucunement dans les agissements de Jérôme CAHUZAC, le président de la République nétait aucunement informé de ces agissements, de lexistence de ces comptes
BRUCE TOUSSAINT
Il était extrêmement en colère hier ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Il était extrêmement en colère et il avait des raisons, il sest senti en effet à juste titre, totalement bafoué, trahi et plus encore que sa confiance personnelle, je crois quil a bien compris comme nous tous, que cétait un modèle qui était écorné par les agissements de Jérôme CAHUZAC. Et cest la raison pour laquelle nous lui en voulons beaucoup.
BRUCE TOUSSAINT
Mais a-t-il eu aussi un sentiment de responsabilité ? La colère daccord on limagine, mais aussi une forme de responsabilité.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais, responsabilité de quoi ?
BRUCE TOUSSAINT
De ne pas savoir
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Je vous pose la question : la responsabilité de quoi ?
BRUCE TOUSSAINT
Eh bien davoir cru ce ministre
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
De navoir pas été derrière ce Jérôme CAHUZAC lorsque dans les années 2000 il ouvrait un compte ? Mais enfin à partir du moment où un homme, un ministre
BRUCE TOUSSAINT
aujourdhui Najat VALLAUD-BELKACEM
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, mais à partir du moment où un homme, un ministre vous dit, comme vous lavez dit vous-même « les yeux dans les yeux » quil na jamais possédé de compte, il la fait dailleurs y compris devant la représentation nationale
BRUCE TOUSSAINT
Eh bien on sait maintenant que ça ne suffit pas ! On sait maintenant que ça ne suffit pas, que lorsquon est président de la République il faut peut-être aussi demander dautres éléments, dautres informations. Essayer de ne pas simplement faire confiance à la parole dun homme, laffaire CAHUZAC nous le prouve aujourd'hui.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais les éléments pour le coup étaient en cours dobtention et c'est bien pour la raison précise quune information judiciaire a été ouverte que Jérôme CAHUZAC a dû quitter le gouvernement. Donc le président de la République a bel et bien tiré toutes les conséquences nécessaires de lévolution de laffaire à partir du moment où des éléments tangibles commençaient à apparaitre dans le dossier. Dailleurs je rappelle, pardonnez-moi Bruce TOUSSAINT mais, à tous ceux qui donnent des leçons de morale aujourdhui y compris dans lopposition, je rappelle quand même quil y avait une certaine unanimité à lépoque pour délivrer un certificat de probité à Jérôme CAHUZAC. Donc si naïveté il y a eu, si erreur il y a eu, alors elle est collective.
BRUCE TOUSSAINT
C'est pour ça que le choc est si important. Un dernier mot
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui mais moi je nous invite vraiment à éviter toute récupération, toute instrumentalisation. Je crois que la situation dans le pays est suffisamment grave aujourd'hui
BRUCE TOUSSAINT
Najat VALLAUD-BELKACEM
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
pour éviter ça.
BRUCE TOUSSAINT
Najat VALLAUD-BELKACEM, est-ce que le président, est-ce que vous-même vous regrettez de ne pas avoir demandé à Jérôme CAHUZAC de quitter plus tôt le gouvernement ? Au fond ça aurait peut-être évité ce si grand traumatisme.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais demander à Jérôme CAHUZAC de quitter plus tôt le gouvernement ça aurait été juger lhomme à la place de la justice ; ça aurait été trancher dans le vif sans avoir déléments tangibles, sans avoir déléments de preuve. Mais vous vous rendez compte dans quel monde nous vivrions sur le moindre soupçon, sur la moindre rumeur, lhonneur dun homme qui serait ainsi piétiné en place publique ? Non ! Aujourdhui nous respectons la justice.
BRUCE TOUSSAINT
Et pour vous Najat VALLAUD-BELKACEM, à titre personnel, vous qui représentez une génération, une nouvelle génération, quest-ce que ça vous inspire cette affaire ? Est-ce que vous vous dites : plus jamais ça ce matin
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais je vous lai dit, moi je suis profondément affectée, vraiment, moi je suis profondément affectée parce que
BRUCE TOUSSAINT
Cest une des pires journées de votre engagement politique ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Pff il y en aura sans doute dautres sur dautres thèmes, mais en tout cas cest une journée difficile parce que je ressens bien et je comprends les auditeurs qui nous écoutent en ce moment même, quau fond derrière laventure personnelle dun homme et encore une fois c'est une aventure personnelle, individuelle, isolée, il y a évidemment limage dune vie politique qui en ressort profondément écornée, quand pourtant, vous voyez, je pense à ces 36.000 maires de communes qui sont en train de se lever à cette heure-ci pour prendre leurs responsabilités en mains, qui ne demandent pas particulièrement de reconnaissance pour cela, je pense à tous ceux qui aujourdhui considèrent que la politique cest une responsabilité, cest prendre sa part dans la démocratie. Et je veux dire aux jeunes qui nous écoutent en particulier, que ça doit être ça la vie politique. Il ne faut pas croire que politique signifie nécessairement mensonges, duplicité, ou recherche de privilèges. Ca nest pas cela.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 5 avril 2013