Texte intégral
Cette visite a marqué l'importance que nous attachons aux relations franco-chinoises, à la fois, vous le savez, parce que ces relations sont anciennes - la France, on le rappelle souvent, a été le premier pays, le premier grand pays d'occident, sous le général de Gaulle à reconnaître la République populaire de Chine -, mais aussi parce que, au travers des années, une coopération étroite s'est développée et parce que nous partageons, sur beaucoup de points, des approches communes.
Nous sommes deux puissances membres permanents du Conseil de sécurité, attachées à l'indépendance, au développement et à la paix. Nous avons, certes, sur certains dossiers, des analyses qui peuvent être différentes mais, sur beaucoup de points nous sommes d'accord notamment sur cette idée d'un monde multipolaire c'est-à-dire qui ne serait pas dominé par un seul pays ni même par deux mais avec un équilibre.
Tout cela nous rapproche et la France, traditionnellement, accorde beaucoup d'importance au développement et aux pays émergents. Tout cela fait que la partie chinoise a accepté que la visite d'État de François Hollande soit la première d'un chef d'État occidental.
De notre côté, l'amitié franco-chinoise est, pour nous, une priorité de notre politique extérieure. Parce que la Chine est un immense pays, parce qu'il y a une tradition de partenariat, parce que, là encore, il y a une indépendance, parce que nous avons beaucoup de choses à construire ensemble à travers le monde. Les Chinois sont très présents, de plus en plus présents dans les grandes questions internationales. Ils sont maintenant très présents en Afrique. Nous allons, nous, Français, nous proposer pour accueillir la grande conférence sur le climat en 2015. Et nous avons besoin aussi de travailler avec les Chinois pour préparer tout cela.
Cette visite d'État a été préparée et il y aura trois éléments principaux.
Le premier élément tourne autour du partenariat stratégique, pour faire en sorte que, sur toutes les grandes questions, les deux nations se concertent, et cela passe par toute une série d'échanges. D'ailleurs, j'ai remis au président Xi Jinping, de la part du président François Hollande, une lettre qui, parmi d'autres éléments, l'invite à se rendre en France prochainement.
Deuxièmement : relations bilatérales. Sur le plan économique, c'est très important, nous avons actuellement un déséquilibre commercial avec la Chine qui est trop important. Il faut le rééquilibrer par le haut, si je puis dire. D'où ce que nous avons à faire en matière d'aéronautique, en matière de nucléaire civil, et puis dans de nouveaux domaines, en matière de développement durable, d'agro-alimentaire, de santé, de services financiers, il y a beaucoup de choses à faire ensemble. Ça, c'est le partenariat économique.
Et puis, le rapprochement avec les sociétés civiles. Nous avons 35.000 étudiants chinois en France et 6.000 étudiants français. Il y a aussi les échanges intellectuels de toute sorte, les échanges de touristes. Et, de ce point de vue-là, l'année 2014 va être extrêmement riche puisque c'est le 50ème anniversaire de la reconnaissance de la Chine par la France. À cette occasion, il y aura beaucoup d'événements, que ce soit en Chine ou en France, qui vont être organisés pour célébrer comme il se doit ce grand anniversaire.
C'est donc vraiment une visite chaleureuse, vous tous qui suivez cela, vous savez que la question d'atmosphère est importante. Moi-même qui ai l'habitude de voyager en Chine, je pense que les Chinois font tout pour que cette visite d'État du président français se passe le mieux possible et que, du même coup, comme une conséquence, la visite que j'effectue ici pendant ces deux jours se passe extrêmement bien.
Je connaissais déjà le conseiller d'État puisqu'auparavant il était ministre des affaires étrangères. J'avais rencontré le Premier ministre actuel mais pas encore le nouveau président de la République - ce que j'ai fait cet après-midi - et puis le nouveau ministre des affaires étrangères, ancien ambassadeur au Japon, avec lequel je me suis entretenu longuement et nous avons dîné ensemble. Voilà en quelques mots l'état de la visite.
Q - Avez-vous parlé de la Corée du Nord ?
R - Oui, nous avons parlé de la Corée du Nord avec le ministre des affaires étrangères et je l'ai interrogé pour connaître son analyse et les raisons, selon lui, de l'attitude de la Corée du Nord et que pouvait faire la Chine et la communauté internationale.
Le sentiment que j'ai eu, c'est que les Chinois souhaitaient faire baisser au maximum la pression. Ce n'est pas facile parce que l'on peut s'interroger sur les raisons pour lesquelles la Corée du Nord adopte une attitude très vindicative. Je lui ai dit aussi que nous étions disposés, nous, Français - même si nous sommes loin géographiquement, mais nous sommes membres permanents du Conseil de sécurité -, à nous associer à une initiative, notamment de la Chine. Par ailleurs, bien sûr, la Chine a sans doute des moyens d'action que nous n'avons pas.
Mais nous avons également évoqué cela hier à Londres où je me trouvais hier avec mes collègues du G8. Nous en avons parlé avec les Japonais, les Américains, les Russes et d'autres qui étaient présents. On sent une inquiétude réelle et, en même temps, une certaine incompréhension parce que c'est une provocation. Mais il y a des provocations qui parfois tournent mal et donc, notre effort, aux uns et aux autres, tend à faire baisser la pression, j'espère que nous y arriverons.
Q - Quelle est l'analyse de votre collègue chinois ? Il va falloir qu'il sauve la face d'une façon ou d'une autre...
R - Il n'est pas entré dans les détails. Il a réaffirmé, bien sûr, sa volonté de faire en sorte qu'il y ait une réduction de la pression. Il a évoqué la situation générale dans la région. Il a aussi évoqué les États-Unis, je crois que John Kerry sera ici demain. Et puis, même s'il n'a pas insisté là-dessus, je pense que les Chinois disposent de moyens. Ils aident, notamment d'un point de vue économique, les pays en difficulté qui sont autour d'eux. Mais nous ne sommes pas allés plus loin dans la spécification «missiles», «pas missiles», etc.
Q - Craignent-ils que la bombe atomique coréenne puisse tomber en Chine, par exemple ?
R - Nous n'avons pas abordé cette hypothèse-là.
Q - Mais si on devait aggraver les sanctions comme cela a été évoqué ces dernières 24 heures, quelle serait notre position à nous, Français ?
R - Ce n'est pas la première fois que la question se pose parce que, malheureusement, la Corée du Nord est coutumière du fait. Nous sommes pour une saisine du Conseil de sécurité et pour des sanctions.
Q - ...aggravées...
R - Oui, si cela peut être efficace.
Q - On peut encore les aggraver ?
R - Oui. Il faut dire que, pour le moment, les choses n'ont pas été d'une grande efficacité parce que, finalement c'est la population qui en souffre plus que le régime. Mais on ne peut pas rester non plus, du point de vue de la légalité internationale, sans rien faire.
Q - Quelle est votre propre analyse sur les motifs de ce durcissement ?
R - Les deux analyses principales que j'entends ou que vous entendez, qui ne sont peut-être pas exhaustives, sont les suivantes :
Première analyse : des motifs internes. Il s'agit d'un dirigeant nouveau qui veut affirmer son autorité quelques jours avant l'anniversaire du fondateur de la Corée du Nord. Et donc, c'est dans un bellicisme affirmé qu'il pense pouvoir renforcer son influence. C'est la première explication qui est couramment donnée.
La deuxième explication, c'est de dire : la Corée de Nord va faire monter la tension pour qu'ensuite la baisse de la tension puisse être négociée, entre autres choses.
Je ne sais pas quelle est l'explication, celle-là ou peut-être une troisième. Il y a des choses qui sont convergentes. Cela peut être un faisceau.
En tout cas, nous sommes totalement hostiles à ce qui fait monter la tension dans cette région.
Q - Oui, mais les Américains s'engouffrent dans la brèche. Les Chinois vous ont-ils dit : on fait le maximum ? Que font-ils ? Que disent-ils ?
R - Quand vous dites «ils», c'est qui ?
Q - Les Chinois.
R - Nous avons évoqué cela, ils ne m'ont pas donné de détails précis. Mais je pense qu'ils sont très sincèrement désireux que la pression retombe, ce qui nécessite évidemment un changement d'attitude de la part du dictateur actuel.
Q - Les Chinois vous ont-ils également interrogé sur le Mali ?
R - Je l'ai abordé avec le ministre des affaires étrangères, aussi avec le conseiller d'État. Tout d'abord, j'ai remercié la Chine parce que son attitude au Conseil de sécurité vis-à-vis du Mali a été d'une très grande collaboration. Ensuite, j'ai expliqué, parce que je crois que c'est toujours utile de l'expliquer, les conditions dans lesquelles la France a été amenée à mener son action. Il s'agit de lutter contre le terrorisme et, au moment où des groupes terroristes identifiées allaient renverser le gouvernement malien et, donc, être en situation non seulement de martyriser la population mais aussi d'avoir un effet d'entraînement terroriste sur l'ensemble de la région, la communauté internationale et le gouvernement malien légitime nous ont demandé d'agir, ce que nous avons fait, ensuite, avec les autres pays africains.
Mais ce n'est pas une affaire française, c'est une affaire pour la communauté internationale. J'ai donc expliqué et réexpliqué ce qui allait maintenant être proposé aux Nations unies, c'est-à-dire une opération de maintien de la paix avec les troupes africaines, l'appui des Français, la marche vers le dialogue et la réconciliation, les élections nécessaires et puis le développement économique. Mais, je dois dire que mes interlocuteurs chinois comprennent tout à fait cela et le soutiennent.
J'ai insisté auprès d'eux sur le fait que ce qui s'est passé au Mali peut, si on ne prend pas garde au développement du terrorisme, se passer ailleurs et, de même coup, miner le développement.
Q - Les déséquilibres commerciaux trop forts, il est difficile de décréter qu'on arrête cela tout de suite. Qu'est-ce qui peut se passer vraiment ?
R - Qu'est-ce qu'on peut faire ? La formulation, c'est d'essayer de rééquilibrer les choses par le haut. C'est-à-dire plutôt que de fermer les frontières les uns des autres - ce qui n'aurait pas de sens -, il s'agit de trouver des occasions de travailler ensemble, de coopération, soit de commerces courants ou d'investissements.
Déjà un mouvement d'investissements croisés - mais qui, pour le moment, était déséquilibré dans un sens - doit être développé pour qu'il y ait davantage d'investissements chinois en France.
Il y a, d'autre part, des terrains traditionnels de travail en commun sur lesquels il faut insister. On pense essentiellement à l'énergie nucléaire civile et à l'aéronautique, et ceci sera abordé évidemment dans la visite du président français.
Et puis il y a des domaines nouveaux et qui, en tout cas, vont être développés de façon forte. On peut penser à tout le secteur du développement durable - puisque c'est un secteur où les Français sont excellents et où les Chinois ont des besoins importants -, le secteur de la santé, le secteur de l'agroalimentaire où il y a des choses à faire même si ce n'est pas toujours facile - c'est une question de droit de douane -, les questions des services financiers, et puis le tourisme qui peut donner des résultats considérables, puisque nous avons actuellement, je crois, 1.100.000 de touristes, mais nous pourrions faire beaucoup plus.
Et nous espérons qu'à l'occasion de l'année 2014, qui va donner un grand coup de projecteur - grâce à l'anniversaire - à l'amitié, des initiatives vont être prises pour accélérer cela. Le président chinois ayant dit : le pays de Maupassant, le pays de Victor Hugo, le pays de Balzac. C'est d'ailleurs une constante chez les dirigeants chinois qui connaissent toujours très bien la littérature, sans même parler du succès de librairie qu'est «L'ancien régime et la révolution» de Tocqueville qui a paraît-il été vendue à plus d'un million d'exemplaires.
Q - Qu'en est-il du voyage en France de Xi Jinping ? Pourrait-il se dérouler au moment du 50ème anniversaire de la reconnaissance de la Chine par la France ?
R - C'est à déterminer.
Q - Concernant les accords commerciaux à l'occasion de la visite de M. Hollande, des accords seront signés. Pouvez-vous nous dire, sans entrer dans les détails dans quels secteurs ?
R - Je ne vais pas déflorer toute chose, du travail reste à faire. C'est une visite qui s'annonce prometteuse.
Q - Pour revenir au tourisme, de nombreux articles sont sortis récemment dans la presse chinoise pour parler des attaques de touristes chinois en France. Les autorités chinoises vous en ont-elles parlé ?
R - Non mais c'est un thème que nous allons aborder notamment à Shanghai. Les Chinois aiment beaucoup la France. J'ai eu un déjeuner avec un certain nombre d'entre eux auxquels j'ai demandé ce que représentait la France pour eux. Visiblement, il y a une cote d'amour. Ce que nous avions connu il y a quelques années, au moment où il y avait les Jeux olympiques, on ne l'entend plus. C'est un état d'esprit tout à fait différent à présent. Il y a une appétence incontestable des Chinois pour la France, simplement nous avons en particulier des choses à régler, et on a commencé de le faire, pour que les visas soient beaucoup plus faciles à obtenir. J'ai donc pris avec Manuel Valls une instruction commune pour qu'il y ait des types de visas qui soient délivrés beaucoup plus facilement et pour beaucoup plus longtemps. Il y a une organisation matérielle à améliorer.
Il est vrai que l'on a vu des reportages rapportant telle ou telle agression, ce qui peut d'ailleurs arriver dans n'importe quelle ville. Ce qui a dû avoir des répercussions négatives dans la perception de la France par les Chinois. Il faut donc montrer que la France, que ce soit à Paris ou en province, n'est pas moins sûre que d'autres villes. . Il y a un travail à faire aussi sur ce plan-là.
Q - Parlent-ils encore de la crise de l'euro ?
Il y a un an, lorsque vous étiez venu, on ne parlait que de cela !
R - C'est aujourd'hui différent. Ils parlent de l'Europe, des difficultés de l'Europe dont il faut sortir mais pas spécifiquement de la crise de l'euro.
Q - Pour eux c'est fini ?
R - Je ne sais pas mais vous avez raison, on entend beaucoup moins parler de ce sujet qu'il y a un an. Ce n'est pas la même tonalité.
Q - On parle des difficultés de l'Europe, pour eux, quelles sont-elles ? Ont-ils des remarques, voire des conseils ?
R - Dans les conversations que j'ai eues, nous n'avons pas parlé de cela en détail. C'est certainement lié au fait que le temps était compté et aussi lié à mes interlocuteurs. Pour autant, avec les personnalités que j'ai rencontrées, l'idée qui prévaut, c'est plutôt le souhait d'un monde multipolaire. Et si on veut plusieurs pôles, l'un d'entre eux, c'est l'Europe. Cela ne peut pas être simplement un ou deux pays qui dominent le monde. Nous avons donc besoin d'une Europe forte. Les Chinois nous disent qu'il savent qu'il y a des difficultés en Europe, qu'ils sont complètement décidés à apporter leur soutien, et c'est vrai lorsque l'on regarde le concret. Aussi, ils demandent ce que nous allons faire pour essayer de renforcer l'Europe mais nous ne sommes pas plus entrés dans les détails.
Q - Avez-vous parlé des déficits ?
R - Non. Mais cette visite est très rapide.
Q - Concernant le voyage du président Hollande lui-même, où en est-on ?
R - Les choses ont été examinées très précisément. Vous verrez lorsque le président français viendra.
Q - Avez-vous trouvé que c'était un peu court ?
R - Cette visite était dense.
Q - Et sur la Syrie, les Chinois pourraient vous aider ? Puisque vous allez proposer de les aider sur la Corée du Nord.
R - On a parlé de la Syrie pour constater deux choses. D'abord, la situation est effrayante puisque vous avez près de 100.000 morts avec une extension du conflit dans les pays voisins. Puis il y a le sentiment - j'ai fait cette analyse sans être contredit - que si rien n'est fait en Syrie, nous allons vers une radicalisation des deux côtés avec évidemment des conséquences redoutables. Ce qui signifierait l'explosion de la Syrie avec les conséquences du développement du terrorisme et de l'extrémisme. C'est le premier point, sur lequel nous sommes absolument d'accord, nous étions déjà d'accord au G8 de Londres, pour faire ce diagnostic avec aussi bien les Américains, les Britanniques que les Russes.
Deuxième point, il faut une solution politique, maintenant elle est très difficile à tracer. Vous savez - c'est quelque chose qui avait été dit mais qui n'a pas été tellement remarqué lors du voyage de M. François Hollande à Moscou - nous avons longuement abordé ces sujets avec le président Poutine. Il faudrait des parties qui représentent, d'un côté, le régime, et de l'autre, l'opposition ou alors une personnalité mutuellement acceptable qui pourrait aider à mener cette période de transition. C'est une idée intéressante. Pour le moment, nous n'arrivons pas à la faire déboucher mais nous la gardons parce qu'il faudra bien, si l'on veut une solution politique, que les gens discutent et qu'ils soient d'accord. Il ne peut en être autrement. Donc sur cette idée, les Français sont certainement partants et j'ai le sentiment qu'à coup sûr les Russes aussi et peut-être les Chinois. Mais s'ils sont un peu en retrait par rapport au problème lui-même, parce qu'ils sont plus loin géographiquement, ils pourraient néanmoins être tout à fait ouverts.
Q - Et la question de l'armement, de l'opposition ?
R - Nous n'avons pas abordé cette question.
Q - Est-ce que l'implication maintenant d'Al-Qaïda directement dans ce conflit change un peu la donne pour nous Français ?
R - Nous avons une position claire. Le fait que le groupe Al-Nosra se revendique comme une branche d'Al-Qaïda entraîne des conséquences, y compris sur un plan juridique, puisque vous savez qu'il y a une position générale de la communauté internationale, notamment du Conseil de Sécurité, à l'égard d'Al-Qaïda. Dès lors qu'un groupe est une filiale d'Al-Qaïda, nous considérons qu'il tombe sous le même régime juridique de condamnation et de sanctions que la maison-mère. Il y a et il va y avoir, sans doute des discussions sur ce point. En tout cas pour nous, il n'est pas question de près ou de loin, de coopérer avec un groupe qui se revendique expressément comme de la mouvance d'Al-Qaïda.
Q - Oui mais on coopère avec la résistance syrienne « dont ils font partie ».
R - Ils ne font pas partie de la coalition et pour nous, ce n'est pas possible qu'ils fassent partie de la coalition, au sens Coalition nationale syrienne. Simplement, cela doit nous faire réfléchir car moins nous trouverons et nous proposerons tous ensemble une solution politique, plus ces extrémismes-là risquent de se développer.
Q - Avez-vous le sentiment que ce qui s'est passé lors de l'opération libyenne en 2011, où la Chine s'est trouvée très en dehors finalement des activités, l'amène aujourd'hui à être plus conciliante, plus à l'écoute, peut-être plus préparée à l'idée d'une opération commune avec...
R - Non, ce serait honnêtement tirer la réalité dans un sens. Je ne dis pas que ce n'est pas le cas, mais je n'ai pas entendu cela. Donc cela ne serait pas objectif de ma part que d'orienter nos conversations dans ce sens-là.
Q - Une autre question relative à l'Europe : est-ce qu'ils vous ont parlé de la question de Chypre ?
R - Non.
Q - Pour revenir vers la France, le président Hollande a dit qu'il fallait éradiquer les paradis fiscaux en Europe et dans le monde. C'est un sujet que les dirigeants chinois peuvent aborder ?
R - Nous n'en avons pas parlé, mais je pense qu'il n'y a pas de raison pour qu'il y ait une hostilité de leur part. C'est une nécessité si l'on veut réguler l'activité économique, indépendamment de l'aspect moral.
Q - L'Union européenne vient de présenter un nouveau système de protection de ses intérêts économiques auprès de pays avec un protectionnisme un peu agressif dont la Chine pourrait faire partie. Est-ce que vous avez parlé de cette nouvelle forme de la protection économique de l'Europe ?
R - Non. Mais il va y avoir des conversations approfondies dans le cadre de la visite d'État du président Hollande.
Q - On peut penser que la relation est tranquille, avant l'arrivée du président Hollande ?
R - Je n'utiliserais pas seulement ce terme. Elle est très bonne.
Q - M. Hollande a parfois été un peu critique par rapport à la Chine.
R - Écoutez, moi j'entends ce qui se dit de part et d'autre. Notre relation bilatérale est très bonne. Je connais ce pays depuis longtemps, donc cela permet de faire des comparaisons. Je trouve que là nous sommes dans une très bonne position pour vraiment marquer un partenariat exceptionnel. J'ai senti que c'était la volonté des dirigeants chinois, sinon ils n'auraient pas préparé cette visite et ils ne m'auraient pas reçu comme cela. Et c'est incontestablement la volonté de la France.
Q - Pourquoi (cet/ cette) - Inaudible - ?
R - Il y a une disponibilité des Chinois à avancer sur tous ces sujets. Parce que c'est du concret et parce que je n'ai pas entendu dans les échanges d'irritants majeurs. Il fut un temps, il y en avait beaucoup. Nous avons cette volonté d'avancer dans le resserrement des liens. Vous le sentez l'atmosphère change. Quand nous avions eu les Jeux olympiques à Pékin l'atmosphère était tout à fait différente. Je sens maintenant une nouvelle équipe qui a la volonté de travailler de manière très proche avec la France et je sais que l'exécutif français veut travailler très étroitement avec la Chine.
Q - Tout à l'heure j'ai lu un article de 1996 dans Libération. Quand Li Peng était reçu à Paris vous étiez dans l'opposition et vous disiez que vous critiquiez son accueil qui s'était fait en grande pompe et qu'à l'époque vous disiez aussi qu'il ne fallait pas garder son drapeau dans la poche, même pour des raisons économiques. Et là on voit que le ton a vraiment changé.
R -Vous faites peut-être allusion aux droits de l'homme, j'imagine. Nous sommes attachés aux droits de l'homme, tout le monde le sait. La France est attachée aux droits de l'homme. Ceux qui me suivent depuis longtemps le savent. Simplement, il faut dire les choses que l'on a à dire et les dire d'une façon efficace et pas nécessairement provocante. Parce que si vous les dites d'une manière provocante, par rapport à un grand pays comme celui-ci, vous n'obtenez rien du tout. Donc, quand vous voulez bâtir une relation amicale, vous pouvez faire passer un certain nombre de messages qui peuvent être efficaces. Voilà, la philosophie, le mot est peut-être un peu grand, que je me suis bâtie pour essayer de faire avancer les choses.
Q - C'est un peu ce que faisait M. Chirac ?
R Écoutez je ne vais pas faire des comparaisons aussi augustes. En tout cas je pense que c'est la bonne manière d'avancer.
Q - Il était question des droits de l'homme aujourd'hui ?
R - On aborde toujours ces questions-là bien sûr.
Q - Sur des cas précis ?
R - On aborde toujours ces questions-là de façon efficace, aussi efficace que possible.
Q - Comment avez-vous trouvé Xi Jinping ? Comme ça, je veux dire comme personnage, comme interlocuteur ?
R - Très à l'aise, très au courant des dossiers, très désireux d'avoir une bonne relation avec la France et avec le président français.
Q - Il est plutôt chaleureux, plutôt sympathique ?
R - Oui.
Q - Il est allé en France.
R - Oui c'est ce que me disait l'ambassadeur. J'espère qu'il y retournera.
Q - Il est allé en Normandie, à Rouen. Quand il était gouverneur.
R - Vous voyez. Et en plus, Tianjin où sont fabriqués les Airbus est jumelé avec l'agglomération de Rouen.
Q - C'était le précédent Premier ministre.
R - Oui mais l'usine est restée.
Q - Mais pourquoi ne pas donner les dates 25-26 avril qu'on évoque tous, mais elle n'apparait jamais cette date ?
R - Nous respectons l'usage diplomatique.
Q - Est-il exact que le président passera en tout et pour tout exactement 37 heures en Chine ?
R - Je ne le sais pas. J'ai dit à quelqu'un qui posait sa question de manière encore plus pointue que ce serait un voyage très dense. Ce sera une très bonne visite. Merci à vous.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 16 avril 2013
Nous sommes deux puissances membres permanents du Conseil de sécurité, attachées à l'indépendance, au développement et à la paix. Nous avons, certes, sur certains dossiers, des analyses qui peuvent être différentes mais, sur beaucoup de points nous sommes d'accord notamment sur cette idée d'un monde multipolaire c'est-à-dire qui ne serait pas dominé par un seul pays ni même par deux mais avec un équilibre.
Tout cela nous rapproche et la France, traditionnellement, accorde beaucoup d'importance au développement et aux pays émergents. Tout cela fait que la partie chinoise a accepté que la visite d'État de François Hollande soit la première d'un chef d'État occidental.
De notre côté, l'amitié franco-chinoise est, pour nous, une priorité de notre politique extérieure. Parce que la Chine est un immense pays, parce qu'il y a une tradition de partenariat, parce que, là encore, il y a une indépendance, parce que nous avons beaucoup de choses à construire ensemble à travers le monde. Les Chinois sont très présents, de plus en plus présents dans les grandes questions internationales. Ils sont maintenant très présents en Afrique. Nous allons, nous, Français, nous proposer pour accueillir la grande conférence sur le climat en 2015. Et nous avons besoin aussi de travailler avec les Chinois pour préparer tout cela.
Cette visite d'État a été préparée et il y aura trois éléments principaux.
Le premier élément tourne autour du partenariat stratégique, pour faire en sorte que, sur toutes les grandes questions, les deux nations se concertent, et cela passe par toute une série d'échanges. D'ailleurs, j'ai remis au président Xi Jinping, de la part du président François Hollande, une lettre qui, parmi d'autres éléments, l'invite à se rendre en France prochainement.
Deuxièmement : relations bilatérales. Sur le plan économique, c'est très important, nous avons actuellement un déséquilibre commercial avec la Chine qui est trop important. Il faut le rééquilibrer par le haut, si je puis dire. D'où ce que nous avons à faire en matière d'aéronautique, en matière de nucléaire civil, et puis dans de nouveaux domaines, en matière de développement durable, d'agro-alimentaire, de santé, de services financiers, il y a beaucoup de choses à faire ensemble. Ça, c'est le partenariat économique.
Et puis, le rapprochement avec les sociétés civiles. Nous avons 35.000 étudiants chinois en France et 6.000 étudiants français. Il y a aussi les échanges intellectuels de toute sorte, les échanges de touristes. Et, de ce point de vue-là, l'année 2014 va être extrêmement riche puisque c'est le 50ème anniversaire de la reconnaissance de la Chine par la France. À cette occasion, il y aura beaucoup d'événements, que ce soit en Chine ou en France, qui vont être organisés pour célébrer comme il se doit ce grand anniversaire.
C'est donc vraiment une visite chaleureuse, vous tous qui suivez cela, vous savez que la question d'atmosphère est importante. Moi-même qui ai l'habitude de voyager en Chine, je pense que les Chinois font tout pour que cette visite d'État du président français se passe le mieux possible et que, du même coup, comme une conséquence, la visite que j'effectue ici pendant ces deux jours se passe extrêmement bien.
Je connaissais déjà le conseiller d'État puisqu'auparavant il était ministre des affaires étrangères. J'avais rencontré le Premier ministre actuel mais pas encore le nouveau président de la République - ce que j'ai fait cet après-midi - et puis le nouveau ministre des affaires étrangères, ancien ambassadeur au Japon, avec lequel je me suis entretenu longuement et nous avons dîné ensemble. Voilà en quelques mots l'état de la visite.
Q - Avez-vous parlé de la Corée du Nord ?
R - Oui, nous avons parlé de la Corée du Nord avec le ministre des affaires étrangères et je l'ai interrogé pour connaître son analyse et les raisons, selon lui, de l'attitude de la Corée du Nord et que pouvait faire la Chine et la communauté internationale.
Le sentiment que j'ai eu, c'est que les Chinois souhaitaient faire baisser au maximum la pression. Ce n'est pas facile parce que l'on peut s'interroger sur les raisons pour lesquelles la Corée du Nord adopte une attitude très vindicative. Je lui ai dit aussi que nous étions disposés, nous, Français - même si nous sommes loin géographiquement, mais nous sommes membres permanents du Conseil de sécurité -, à nous associer à une initiative, notamment de la Chine. Par ailleurs, bien sûr, la Chine a sans doute des moyens d'action que nous n'avons pas.
Mais nous avons également évoqué cela hier à Londres où je me trouvais hier avec mes collègues du G8. Nous en avons parlé avec les Japonais, les Américains, les Russes et d'autres qui étaient présents. On sent une inquiétude réelle et, en même temps, une certaine incompréhension parce que c'est une provocation. Mais il y a des provocations qui parfois tournent mal et donc, notre effort, aux uns et aux autres, tend à faire baisser la pression, j'espère que nous y arriverons.
Q - Quelle est l'analyse de votre collègue chinois ? Il va falloir qu'il sauve la face d'une façon ou d'une autre...
R - Il n'est pas entré dans les détails. Il a réaffirmé, bien sûr, sa volonté de faire en sorte qu'il y ait une réduction de la pression. Il a évoqué la situation générale dans la région. Il a aussi évoqué les États-Unis, je crois que John Kerry sera ici demain. Et puis, même s'il n'a pas insisté là-dessus, je pense que les Chinois disposent de moyens. Ils aident, notamment d'un point de vue économique, les pays en difficulté qui sont autour d'eux. Mais nous ne sommes pas allés plus loin dans la spécification «missiles», «pas missiles», etc.
Q - Craignent-ils que la bombe atomique coréenne puisse tomber en Chine, par exemple ?
R - Nous n'avons pas abordé cette hypothèse-là.
Q - Mais si on devait aggraver les sanctions comme cela a été évoqué ces dernières 24 heures, quelle serait notre position à nous, Français ?
R - Ce n'est pas la première fois que la question se pose parce que, malheureusement, la Corée du Nord est coutumière du fait. Nous sommes pour une saisine du Conseil de sécurité et pour des sanctions.
Q - ...aggravées...
R - Oui, si cela peut être efficace.
Q - On peut encore les aggraver ?
R - Oui. Il faut dire que, pour le moment, les choses n'ont pas été d'une grande efficacité parce que, finalement c'est la population qui en souffre plus que le régime. Mais on ne peut pas rester non plus, du point de vue de la légalité internationale, sans rien faire.
Q - Quelle est votre propre analyse sur les motifs de ce durcissement ?
R - Les deux analyses principales que j'entends ou que vous entendez, qui ne sont peut-être pas exhaustives, sont les suivantes :
Première analyse : des motifs internes. Il s'agit d'un dirigeant nouveau qui veut affirmer son autorité quelques jours avant l'anniversaire du fondateur de la Corée du Nord. Et donc, c'est dans un bellicisme affirmé qu'il pense pouvoir renforcer son influence. C'est la première explication qui est couramment donnée.
La deuxième explication, c'est de dire : la Corée de Nord va faire monter la tension pour qu'ensuite la baisse de la tension puisse être négociée, entre autres choses.
Je ne sais pas quelle est l'explication, celle-là ou peut-être une troisième. Il y a des choses qui sont convergentes. Cela peut être un faisceau.
En tout cas, nous sommes totalement hostiles à ce qui fait monter la tension dans cette région.
Q - Oui, mais les Américains s'engouffrent dans la brèche. Les Chinois vous ont-ils dit : on fait le maximum ? Que font-ils ? Que disent-ils ?
R - Quand vous dites «ils», c'est qui ?
Q - Les Chinois.
R - Nous avons évoqué cela, ils ne m'ont pas donné de détails précis. Mais je pense qu'ils sont très sincèrement désireux que la pression retombe, ce qui nécessite évidemment un changement d'attitude de la part du dictateur actuel.
Q - Les Chinois vous ont-ils également interrogé sur le Mali ?
R - Je l'ai abordé avec le ministre des affaires étrangères, aussi avec le conseiller d'État. Tout d'abord, j'ai remercié la Chine parce que son attitude au Conseil de sécurité vis-à-vis du Mali a été d'une très grande collaboration. Ensuite, j'ai expliqué, parce que je crois que c'est toujours utile de l'expliquer, les conditions dans lesquelles la France a été amenée à mener son action. Il s'agit de lutter contre le terrorisme et, au moment où des groupes terroristes identifiées allaient renverser le gouvernement malien et, donc, être en situation non seulement de martyriser la population mais aussi d'avoir un effet d'entraînement terroriste sur l'ensemble de la région, la communauté internationale et le gouvernement malien légitime nous ont demandé d'agir, ce que nous avons fait, ensuite, avec les autres pays africains.
Mais ce n'est pas une affaire française, c'est une affaire pour la communauté internationale. J'ai donc expliqué et réexpliqué ce qui allait maintenant être proposé aux Nations unies, c'est-à-dire une opération de maintien de la paix avec les troupes africaines, l'appui des Français, la marche vers le dialogue et la réconciliation, les élections nécessaires et puis le développement économique. Mais, je dois dire que mes interlocuteurs chinois comprennent tout à fait cela et le soutiennent.
J'ai insisté auprès d'eux sur le fait que ce qui s'est passé au Mali peut, si on ne prend pas garde au développement du terrorisme, se passer ailleurs et, de même coup, miner le développement.
Q - Les déséquilibres commerciaux trop forts, il est difficile de décréter qu'on arrête cela tout de suite. Qu'est-ce qui peut se passer vraiment ?
R - Qu'est-ce qu'on peut faire ? La formulation, c'est d'essayer de rééquilibrer les choses par le haut. C'est-à-dire plutôt que de fermer les frontières les uns des autres - ce qui n'aurait pas de sens -, il s'agit de trouver des occasions de travailler ensemble, de coopération, soit de commerces courants ou d'investissements.
Déjà un mouvement d'investissements croisés - mais qui, pour le moment, était déséquilibré dans un sens - doit être développé pour qu'il y ait davantage d'investissements chinois en France.
Il y a, d'autre part, des terrains traditionnels de travail en commun sur lesquels il faut insister. On pense essentiellement à l'énergie nucléaire civile et à l'aéronautique, et ceci sera abordé évidemment dans la visite du président français.
Et puis il y a des domaines nouveaux et qui, en tout cas, vont être développés de façon forte. On peut penser à tout le secteur du développement durable - puisque c'est un secteur où les Français sont excellents et où les Chinois ont des besoins importants -, le secteur de la santé, le secteur de l'agroalimentaire où il y a des choses à faire même si ce n'est pas toujours facile - c'est une question de droit de douane -, les questions des services financiers, et puis le tourisme qui peut donner des résultats considérables, puisque nous avons actuellement, je crois, 1.100.000 de touristes, mais nous pourrions faire beaucoup plus.
Et nous espérons qu'à l'occasion de l'année 2014, qui va donner un grand coup de projecteur - grâce à l'anniversaire - à l'amitié, des initiatives vont être prises pour accélérer cela. Le président chinois ayant dit : le pays de Maupassant, le pays de Victor Hugo, le pays de Balzac. C'est d'ailleurs une constante chez les dirigeants chinois qui connaissent toujours très bien la littérature, sans même parler du succès de librairie qu'est «L'ancien régime et la révolution» de Tocqueville qui a paraît-il été vendue à plus d'un million d'exemplaires.
Q - Qu'en est-il du voyage en France de Xi Jinping ? Pourrait-il se dérouler au moment du 50ème anniversaire de la reconnaissance de la Chine par la France ?
R - C'est à déterminer.
Q - Concernant les accords commerciaux à l'occasion de la visite de M. Hollande, des accords seront signés. Pouvez-vous nous dire, sans entrer dans les détails dans quels secteurs ?
R - Je ne vais pas déflorer toute chose, du travail reste à faire. C'est une visite qui s'annonce prometteuse.
Q - Pour revenir au tourisme, de nombreux articles sont sortis récemment dans la presse chinoise pour parler des attaques de touristes chinois en France. Les autorités chinoises vous en ont-elles parlé ?
R - Non mais c'est un thème que nous allons aborder notamment à Shanghai. Les Chinois aiment beaucoup la France. J'ai eu un déjeuner avec un certain nombre d'entre eux auxquels j'ai demandé ce que représentait la France pour eux. Visiblement, il y a une cote d'amour. Ce que nous avions connu il y a quelques années, au moment où il y avait les Jeux olympiques, on ne l'entend plus. C'est un état d'esprit tout à fait différent à présent. Il y a une appétence incontestable des Chinois pour la France, simplement nous avons en particulier des choses à régler, et on a commencé de le faire, pour que les visas soient beaucoup plus faciles à obtenir. J'ai donc pris avec Manuel Valls une instruction commune pour qu'il y ait des types de visas qui soient délivrés beaucoup plus facilement et pour beaucoup plus longtemps. Il y a une organisation matérielle à améliorer.
Il est vrai que l'on a vu des reportages rapportant telle ou telle agression, ce qui peut d'ailleurs arriver dans n'importe quelle ville. Ce qui a dû avoir des répercussions négatives dans la perception de la France par les Chinois. Il faut donc montrer que la France, que ce soit à Paris ou en province, n'est pas moins sûre que d'autres villes. . Il y a un travail à faire aussi sur ce plan-là.
Q - Parlent-ils encore de la crise de l'euro ?
Il y a un an, lorsque vous étiez venu, on ne parlait que de cela !
R - C'est aujourd'hui différent. Ils parlent de l'Europe, des difficultés de l'Europe dont il faut sortir mais pas spécifiquement de la crise de l'euro.
Q - Pour eux c'est fini ?
R - Je ne sais pas mais vous avez raison, on entend beaucoup moins parler de ce sujet qu'il y a un an. Ce n'est pas la même tonalité.
Q - On parle des difficultés de l'Europe, pour eux, quelles sont-elles ? Ont-ils des remarques, voire des conseils ?
R - Dans les conversations que j'ai eues, nous n'avons pas parlé de cela en détail. C'est certainement lié au fait que le temps était compté et aussi lié à mes interlocuteurs. Pour autant, avec les personnalités que j'ai rencontrées, l'idée qui prévaut, c'est plutôt le souhait d'un monde multipolaire. Et si on veut plusieurs pôles, l'un d'entre eux, c'est l'Europe. Cela ne peut pas être simplement un ou deux pays qui dominent le monde. Nous avons donc besoin d'une Europe forte. Les Chinois nous disent qu'il savent qu'il y a des difficultés en Europe, qu'ils sont complètement décidés à apporter leur soutien, et c'est vrai lorsque l'on regarde le concret. Aussi, ils demandent ce que nous allons faire pour essayer de renforcer l'Europe mais nous ne sommes pas plus entrés dans les détails.
Q - Avez-vous parlé des déficits ?
R - Non. Mais cette visite est très rapide.
Q - Concernant le voyage du président Hollande lui-même, où en est-on ?
R - Les choses ont été examinées très précisément. Vous verrez lorsque le président français viendra.
Q - Avez-vous trouvé que c'était un peu court ?
R - Cette visite était dense.
Q - Et sur la Syrie, les Chinois pourraient vous aider ? Puisque vous allez proposer de les aider sur la Corée du Nord.
R - On a parlé de la Syrie pour constater deux choses. D'abord, la situation est effrayante puisque vous avez près de 100.000 morts avec une extension du conflit dans les pays voisins. Puis il y a le sentiment - j'ai fait cette analyse sans être contredit - que si rien n'est fait en Syrie, nous allons vers une radicalisation des deux côtés avec évidemment des conséquences redoutables. Ce qui signifierait l'explosion de la Syrie avec les conséquences du développement du terrorisme et de l'extrémisme. C'est le premier point, sur lequel nous sommes absolument d'accord, nous étions déjà d'accord au G8 de Londres, pour faire ce diagnostic avec aussi bien les Américains, les Britanniques que les Russes.
Deuxième point, il faut une solution politique, maintenant elle est très difficile à tracer. Vous savez - c'est quelque chose qui avait été dit mais qui n'a pas été tellement remarqué lors du voyage de M. François Hollande à Moscou - nous avons longuement abordé ces sujets avec le président Poutine. Il faudrait des parties qui représentent, d'un côté, le régime, et de l'autre, l'opposition ou alors une personnalité mutuellement acceptable qui pourrait aider à mener cette période de transition. C'est une idée intéressante. Pour le moment, nous n'arrivons pas à la faire déboucher mais nous la gardons parce qu'il faudra bien, si l'on veut une solution politique, que les gens discutent et qu'ils soient d'accord. Il ne peut en être autrement. Donc sur cette idée, les Français sont certainement partants et j'ai le sentiment qu'à coup sûr les Russes aussi et peut-être les Chinois. Mais s'ils sont un peu en retrait par rapport au problème lui-même, parce qu'ils sont plus loin géographiquement, ils pourraient néanmoins être tout à fait ouverts.
Q - Et la question de l'armement, de l'opposition ?
R - Nous n'avons pas abordé cette question.
Q - Est-ce que l'implication maintenant d'Al-Qaïda directement dans ce conflit change un peu la donne pour nous Français ?
R - Nous avons une position claire. Le fait que le groupe Al-Nosra se revendique comme une branche d'Al-Qaïda entraîne des conséquences, y compris sur un plan juridique, puisque vous savez qu'il y a une position générale de la communauté internationale, notamment du Conseil de Sécurité, à l'égard d'Al-Qaïda. Dès lors qu'un groupe est une filiale d'Al-Qaïda, nous considérons qu'il tombe sous le même régime juridique de condamnation et de sanctions que la maison-mère. Il y a et il va y avoir, sans doute des discussions sur ce point. En tout cas pour nous, il n'est pas question de près ou de loin, de coopérer avec un groupe qui se revendique expressément comme de la mouvance d'Al-Qaïda.
Q - Oui mais on coopère avec la résistance syrienne « dont ils font partie ».
R - Ils ne font pas partie de la coalition et pour nous, ce n'est pas possible qu'ils fassent partie de la coalition, au sens Coalition nationale syrienne. Simplement, cela doit nous faire réfléchir car moins nous trouverons et nous proposerons tous ensemble une solution politique, plus ces extrémismes-là risquent de se développer.
Q - Avez-vous le sentiment que ce qui s'est passé lors de l'opération libyenne en 2011, où la Chine s'est trouvée très en dehors finalement des activités, l'amène aujourd'hui à être plus conciliante, plus à l'écoute, peut-être plus préparée à l'idée d'une opération commune avec...
R - Non, ce serait honnêtement tirer la réalité dans un sens. Je ne dis pas que ce n'est pas le cas, mais je n'ai pas entendu cela. Donc cela ne serait pas objectif de ma part que d'orienter nos conversations dans ce sens-là.
Q - Une autre question relative à l'Europe : est-ce qu'ils vous ont parlé de la question de Chypre ?
R - Non.
Q - Pour revenir vers la France, le président Hollande a dit qu'il fallait éradiquer les paradis fiscaux en Europe et dans le monde. C'est un sujet que les dirigeants chinois peuvent aborder ?
R - Nous n'en avons pas parlé, mais je pense qu'il n'y a pas de raison pour qu'il y ait une hostilité de leur part. C'est une nécessité si l'on veut réguler l'activité économique, indépendamment de l'aspect moral.
Q - L'Union européenne vient de présenter un nouveau système de protection de ses intérêts économiques auprès de pays avec un protectionnisme un peu agressif dont la Chine pourrait faire partie. Est-ce que vous avez parlé de cette nouvelle forme de la protection économique de l'Europe ?
R - Non. Mais il va y avoir des conversations approfondies dans le cadre de la visite d'État du président Hollande.
Q - On peut penser que la relation est tranquille, avant l'arrivée du président Hollande ?
R - Je n'utiliserais pas seulement ce terme. Elle est très bonne.
Q - M. Hollande a parfois été un peu critique par rapport à la Chine.
R - Écoutez, moi j'entends ce qui se dit de part et d'autre. Notre relation bilatérale est très bonne. Je connais ce pays depuis longtemps, donc cela permet de faire des comparaisons. Je trouve que là nous sommes dans une très bonne position pour vraiment marquer un partenariat exceptionnel. J'ai senti que c'était la volonté des dirigeants chinois, sinon ils n'auraient pas préparé cette visite et ils ne m'auraient pas reçu comme cela. Et c'est incontestablement la volonté de la France.
Q - Pourquoi (cet/ cette) - Inaudible - ?
R - Il y a une disponibilité des Chinois à avancer sur tous ces sujets. Parce que c'est du concret et parce que je n'ai pas entendu dans les échanges d'irritants majeurs. Il fut un temps, il y en avait beaucoup. Nous avons cette volonté d'avancer dans le resserrement des liens. Vous le sentez l'atmosphère change. Quand nous avions eu les Jeux olympiques à Pékin l'atmosphère était tout à fait différente. Je sens maintenant une nouvelle équipe qui a la volonté de travailler de manière très proche avec la France et je sais que l'exécutif français veut travailler très étroitement avec la Chine.
Q - Tout à l'heure j'ai lu un article de 1996 dans Libération. Quand Li Peng était reçu à Paris vous étiez dans l'opposition et vous disiez que vous critiquiez son accueil qui s'était fait en grande pompe et qu'à l'époque vous disiez aussi qu'il ne fallait pas garder son drapeau dans la poche, même pour des raisons économiques. Et là on voit que le ton a vraiment changé.
R -Vous faites peut-être allusion aux droits de l'homme, j'imagine. Nous sommes attachés aux droits de l'homme, tout le monde le sait. La France est attachée aux droits de l'homme. Ceux qui me suivent depuis longtemps le savent. Simplement, il faut dire les choses que l'on a à dire et les dire d'une façon efficace et pas nécessairement provocante. Parce que si vous les dites d'une manière provocante, par rapport à un grand pays comme celui-ci, vous n'obtenez rien du tout. Donc, quand vous voulez bâtir une relation amicale, vous pouvez faire passer un certain nombre de messages qui peuvent être efficaces. Voilà, la philosophie, le mot est peut-être un peu grand, que je me suis bâtie pour essayer de faire avancer les choses.
Q - C'est un peu ce que faisait M. Chirac ?
R Écoutez je ne vais pas faire des comparaisons aussi augustes. En tout cas je pense que c'est la bonne manière d'avancer.
Q - Il était question des droits de l'homme aujourd'hui ?
R - On aborde toujours ces questions-là bien sûr.
Q - Sur des cas précis ?
R - On aborde toujours ces questions-là de façon efficace, aussi efficace que possible.
Q - Comment avez-vous trouvé Xi Jinping ? Comme ça, je veux dire comme personnage, comme interlocuteur ?
R - Très à l'aise, très au courant des dossiers, très désireux d'avoir une bonne relation avec la France et avec le président français.
Q - Il est plutôt chaleureux, plutôt sympathique ?
R - Oui.
Q - Il est allé en France.
R - Oui c'est ce que me disait l'ambassadeur. J'espère qu'il y retournera.
Q - Il est allé en Normandie, à Rouen. Quand il était gouverneur.
R - Vous voyez. Et en plus, Tianjin où sont fabriqués les Airbus est jumelé avec l'agglomération de Rouen.
Q - C'était le précédent Premier ministre.
R - Oui mais l'usine est restée.
Q - Mais pourquoi ne pas donner les dates 25-26 avril qu'on évoque tous, mais elle n'apparait jamais cette date ?
R - Nous respectons l'usage diplomatique.
Q - Est-il exact que le président passera en tout et pour tout exactement 37 heures en Chine ?
R - Je ne le sais pas. J'ai dit à quelqu'un qui posait sa question de manière encore plus pointue que ce serait un voyage très dense. Ce sera une très bonne visite. Merci à vous.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 16 avril 2013